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ouîn, pendant que le vizir occupait Taroudant, et quand celui-ci vint enfin pour l'attaquer, il lui tua beaucoup de monde et le força à reprendre le chemin de Maroc avec les débris de son armée. En l'an 660 (1261-2), comme il persistait toujours dans sa révolte, El-Morteda envoya dans le Sous une autre armée almohade sous la conduite de Mohammed-Ibn-Ali-Azelmat; mais, ce général y essuya une défaite et perdit la vie. Le vizir AbouZeid-Ibn-Igguît reçut alors d'El-Morteda l'ordre de marcher contre l'insurgé. Pendant quelque temps, les deux partis éprouvèrent alternativement les vicissitudes de la guerre; mais, enfin, le vizir s'éloigna sans avoir rien accompli.

Ibn-Yedder acquit alors une grande influence dans le Sous; il prit à son service les Arabes Chebanat et Doui-Hassan et soumit les tribus guezouliennes, ainsi que les Lamta, les Zegguen, les Lakhès, tribus lamtiennes, et les Sanhaga. Les contributions qu'il perçut dans ses nouvelles conquêtes lui fournirent le moyen d'enrôler des soldats et d'organiser un corps de milice composé, dit-on, de mille cavaliers. Dans ses nombreuses rencontres avec les Guezoula, il remporta presque toujours la victoire, grâce à l'appui des Doui-Hassan.

En l'an 665 (1266-7), Abou-Debbous ayant pris possession de Maroc et rétabli l'ordre dans l'empire, entreprit une expédition contre le Sous. En quittant sa capitale, il envoya Yahya-IbnOuanoudîn en avant, afin de lever des troupes parmi les tribus, et, après avoir pris la route de la montagne, il passa par Tamskrout et déboucha dans la plaine du Sous. Arrivé en face du pays des Beni-Badas, tribu d'Ibn-Yedder, il établit son camp à deux lieues de Tiounîouîn. De là, il marcha sur Tizekht et, en traversant Taroudant, il put voir les traces des ravages que le rebelle Ꭹ avait commis. Parvenu à Tîzekht, il campa dans le voisinage de la place et rassembla une foule de gens des diverses tribus afin d'en faire le siége. Au bout de quelques jours, le gouverneur, Hamdîn, cousin d'lbn - Yedder, se vit réduit presqu'à la dernière extrêmité et fit avertir secrètement Ali-IbnZegdan, chef mérinide au service d'Abou-Debbous, qu'il était disposé à rentrer dans l'obéissance. Le sultan, ayant eu con

naissance de cette proposition, consentit à lui faire grâce, moyennant la remise de la forteresse; mais déjà ses troupes avaient envahi la montagne et pénétré dans la place. Hamdîn se réfugia dans la tente d'Ibn-Zegdan où il fut retenu prisonnier par l'ordre du sultan. Après cette victoire, Abou-Debbous installa un de ses parents dans le château, en qualité de gouverneur, et marcha contre Ibn-Yedder. Ce chef soutint un siége de plusieurs jours; mais, à l'aspect des catapultes mises en batterie, il reconnut l'inutilité d'une résistance plus longue et demanda à faire acte d'obeisssance. Le sultan reçut sa soumission, leva le siége et rentra dans sa capitale.

En l'an 668 (1269-70), quand les Mérinides prirent possession de Maroc, Ali-Ibn-Yedder s'empara du gouvernement de Sous et soumit Taroudant, Ifri et toutes les autres villes et places fortes de cette contrée. La sévérité qu'il déploya alors contre les Arabes nomades les mécontenta à un tel point qu'ils marchèrent contre lui, l'an 668, et lui livrèrent une bataille qui se termina par sa mort et la défaite de son armée.

Son' neveu et successeur, Ali, fils d'Abd-er-Rahman-Ibn-elHacen-Ibn-Yedder, mourut quelque temps après, et le comman→ dement passa à son frère Ali.

Abou-Ali, fils du sultan Abou-Said, ayant obtenu le gouvernement de Sidjilmessa, par suite d'une transaction avec son père, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Mérinides, établit son autorité dans cette ville et prit à sa solde tous les Arabes de la tribu de Makil. Encouragé, alors, par ses nouveaux alliés à entreprendre la conquête du Sous, et animé par l'espoir de saisir les trésors d'Ibn-Yedder, il partit de Sidjilmessa et força ce chef à se jeter dans les montagnes de Neguîça. Il soumit ensuite les villes du Sous, occupa Tansast, principale forteresse de son adversaire, enleva les trésors qui y étaient déposés et rentra dans sa capitale.

Plus tard, le sultan Abou-'l-Hacen s'empara du Sous et mit fin à la domination des Beni-Yedder. Il prit alors à son service Abd-er-Rahman, fils d'Ali, fils d'El-Hacen, fils de Yedder, qui était venu le trouver, et confia le gouvernement de cette pro¬

vince à un membre du corps des vizirs, nommé Masoud-IbnIbrahîm-Ibn-Eïça-el-Irnîani. Après la mort de ce fonctionnaire, son frère Hassoun reçut du sultan la place vacante. A la suite du désastre de Cairouan et de la mort de Hassoun, les troupes du gouvernement mérinide évacuèrent le Sous et donnèrent aux Arabes Beni-Hassan et Chebanat l'occasion d'envahir cette province et de lever des contributions chez les peuplades qui y faisaient leur séjour.

Abou-Einan, devenu maître du Maghreb par la mort de son père, chargea le vizir Farès-Ibn-Ouedrar d'une expédition dans le Sous. Cet officier se mit en marche l'an 756 (1355), et, après avoir soumis toute la province, il loua les services des bandes arabes et berbères, installa des garnisons dans les grandes villes et alla reprendre les fonctions de son office. Plus tard, le rappel de ces garnisons par le vizir priva le Sous de la protection du gouvernement et le laissa exposé [aux tentatives de chaque ambitieux].

Le Sous, pays très-étendu, est situé sous la même latitude que le Belad-el-Djerid et jouit du même climat que cette région datifère. Les contrées djeridiennes s'étendent, sans interruption, depuis l'Océan jusqu'au Nil d'Egypte, fleuve qui a sa source derrière l'équateur et qui coule vers le nord jusqu'à Alexandrie. Le Sous est situé au midi de l'Atlas et renferme une population nombreuse, des villages, des terres cultivées, des villes, des montagnes et des places fortes. Il est traversé par une rivière du même nom qui sort du vallon situé entre la montagne des Guélaoua et celle des Sekcîoua, et qui roule ses eaux jusqu'à la plaine, d'où elle se dirige vers l'occident pour se jeter dans l'Atlantique.” Les bords de cette rivière sont couverts d'une suite non interrompue de champs où l'on cultive les céréales et la canne à sucre. A l'endroit où elle entre dans la plaine s'élève la ville de Taroudant.

A deux journées au sud de l'embouchure du Sous, on arrive à celle du Massa. Dans cette localité se trouve le ribat de Massa, si célèbre par les visites qu'y font les gens pieux et par les pratiques de dévotion auxquelles ils s'y livrent. Le vulgaire pré

tend que c'est de là que le Fatemide attendu doit sortir un jour !.. A deux journées plus loin, vers le midi et sur le bord de la mer, se trouvent les cloitres (zouaïa) des Aulad-bou-Noman,. et, encore quelques journées plus loin, on arrive à l'embou chure d'Es - Saguia-t-el-Hamra (le conduit rouge), dernière limite [méridionale] des courses des Arabes Makil dans leurs cantonnements d'hiver.

C'est dans la montagne de Zekender, au sud du mont Guélaoui, que la rivière Sous prend sa source.

Les montagnes des Neguîça s'étendent au midi de l'Atlas jusqu'à ce qu'elles atteignent celles du Derâ. Le dernier pic de cette chaîne, du côté de l'orient s'appelle Djebel-Ibn-Hamîdi.

La rivière Noul prend sa source dans les montagnes des Neguiça et coule vers l'occident jusqu'à la mer. Elle passe au nord de la ville de Tagaost, grand entrepôt de marchandises et d'esclaves. On y tient, une fois par an et pendant un jour seulement, un marché auquel les négociants se rendent de tous côtés et qui continue à être très-renommé.

La ville d'Ifri est située au pied du Neguîça et à deux journées de Tagaost.

La province du Sous sert de lieu de parcours aux nomades de la tribu des Guezoula et de celle des Lamta. Ceux-ci se tiennent, du côté de l'Atlas et les Guezoula restent dans le voisinage des sables et du Désert. Quand les Makil se partagèrent ce pays, les Chebanat en obtinrent la partie qui touche à l'Atlas et formèrent une confédération avec les Lamta, pendant que les Doui-Hassan contractèrent une alliance avec les Guezoula. Tel est encore l'état où ils se trouvent aujourd'hui.

ORIGINE ET HISTOIRE DE LA DYNASTIE ALMOHADE FONDÉE EN IFRÎKÏA

PAR LES HAFSIDES.

Nous avons déjà dit que le Deren et les régions qui entourent cette chaîne de montagnes sont habités par plusieurs tribus mas

Voy. l'histoire des Fatemides dans les Appendices de ce volume et l'Introduction du t. 1, p. xXVII.

moudiennes, telles que les Hintata, les Tînmelel, les Hergha, les Guenfîça, les Sekcîoua, les Guedmîoua, les Hezerdja, les Ourika, les Hezmîra, les Regraga, les Haha, les Beni-Maghous, les Guélaoua et d'autres peuplades dont on ne saurait faire l'énumération. Avant, comme après la promulgation de l'islamisme, elles obéissaient à des chefs ou à des rois sortis de leur sein. Les Hintata, la plus nombreuse et la plus puissante des tribus masmoudiennes, furent les premiers à embrasser la cause du Mehdi, et ce fut par leurs efforts que s'établit l'autorité de cet imam et celle de son successeur, Abd-el-Moumen.

Hintat, l'aïeul des Hintata, s'appelait Inti en langue masmoudienne. Du temps de l'imam El-Mehdi, ce peuple eut pour chef Abou-Hafs-Omar, cheikh dont le nom, selon El-Beidec1, était Fazkat2, en langue masmoudienne. Les Hintata de nos jours. disent, cependant, que Fazkat était l'aïeul d'Abou-Hafs-Omar. Quoi qu'il en soit, Abou-Hafs gouverna sa tribu avec une autorité absolue; il en fut le premier qui prêta le serment de fidélité au Mehdi, et, par son exemple, il entraîna dans la même voie Youçof-Ibn-Ouanoudîn, Abou-Yahya-Ibn-Igguît, Ibn-Yaghmor et d'autres personnages marquants. Ce fut ainsi qu'il devint un des intimes du Mehdi et membre de la bande des dix premiers disciples. Il y prenait rang immédiatement après Abd-el-Moumen qui, du reste, n'avait sur lui aucun autre avantage; aussi, continua-t-il toujours à exercer sans contrôle le haut commandement des Masmouda. Les Almohades lui donnaient le titre du cheikh (vieillard, chef) de même qu'ils employaient les mots imam (chef spirituel et temporel) et khalifa (lieutenant) pour désigner respectivement le Mehdi et Abd-el-Moumen. Ces trois titres, consacrés ainsi aux personnages que nous venons de nommer, servirent à indiquer leur prééminence de rang.

Au rapport d'Ibn-Nakhil et d'autres [historiens] almohades, la généalogie d'Abou-Hafs remontait au khalife Omar-Ibn-elKhattab, parce qu'il était fils de Yahya, fils de Mohammed, fils

1 Cet auteur nous est inconnu.

2 Variante: Faska.

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