Images de page
PDF
ePub

NOTICE DES BENI-IRNIAN, TRIBU SOEUR DE CELLE DES

MAGHRAOUA.

Nous avons dit que la tribu des Irnian est sœur de celle des Maghraoua et des Beni-Ifren; elles descendent du même aïeul, Islîten, et remontent leur origine à Djana, personnage dont il ə déjà été question. On trouve des Irnian répandus, en grand nombre, dans toutes les localités habitées par les Zenata; mais la majeure partie de la tribu occupe le bassin du Molouïa, dans le Maghreb-el-Acsa, depuis Sidjilmessa jusqu'à Guerçif. Dans cette dernière localité, ils eurent pour voisins les Miknaça. Etablis dans de nombreuses bourgades (cosour) qu'ils élevèrent sur le bord du Molouïa, ils étendirent leurs ramifications par toute cette région. On y remarque surtout les Beni-Outat, habitants de la montagne qui domine le Molouïa du côté du Sud et qui se prolonge, de là, jusqu'à Téza et Fez. Les bourgades dont nous venons de parler s'appellent, pour cette raison, Cosour

Outat.

Les Irnîan s'étaient autrefois distingués par leur bravoure et par leur puissance. Dans le quatrième siècle de l'hégire, ElHakem -el-Mostancer et ensuite El-Mansour-Ibn-Abi-Amer en firent venir un grand nombre en Espagne avec les autres Zenata qu'ils attiraient dans ce pays. Les Irnian formèrent bientôt la portion la plus brave et la plus redoutable de la milice andalousienne. La partie de la tribu qui resta en Afrique vécut en bonne intelligence et dans une union étroite avec les Miknaça, peuple qui commandait alors dans le Maghreb-el-Acsa et dont elle partagea le même esprit de corps. Plus tard, les Irnian s'attacherent aux Maghraoua, qui étaient parvenus au commandement dans ce même pays. Lors de la conquête du Maghreb par les Almoravides, tous les Irnîan qui possédaient des moyens de

1 Page 186 de ce volume.

* Dans le texte arabe, il faut supprimer le mot Ibn

transport se retirèrent dans le Désert; ils s'y jetèrent encore lors du triomphe des Almohades, et, chaque fois, ils se mêlèrent aux Mérinides nomades et se tinrent avec cette population zenatienne sur les frontières du Tell maghrebin. Les Beni-Outat et quelques autres familles de la même origine, trop faibles pour s'adonner à la vie nomade, durent rester dans leur pays et subir la nécessité de payer l'impôt et de fournir des contributions au nouveau gouvernement. Les Mérinides étant entrés dans le Maghreb, admirent la tribu des Irnian au partage des provinces conquises, et lui concédèrent la ville d'El-Mamora et celle d'ElBeled-et Taîib, dans la plaine de Salé. Ils lui laissèrent aussi son ancien territoire sur le Molouïa, région où elle s'était d'abord bravement défendue contr'eux. Dans la suite, les Irnîan se montrèrent partisans actifs de la dynastie mérinide, les Beni-Abd-elHack; et, en retour de leurs bons services, ils eurent la satis-faction de voir leurs chefs portés au vizirat par cette famille, chargés du commandement de ses armées, désignés pour remplir des missions importantes et admis dans l'intimité du souverain.

Sous le règne du sultan Abou-Yacoub et sous celui de son fils, Abou-Saîd, un des personnages les plus marquants de la tribu des Irnian fut Ibrahim-Ibn-Eïça. A plusieurs reprises, le gouvernement mérinide fit choix de ce chef pour remplir les fonctions de vizir; le sultan Abou-Saîd l'avait placé en cette qualité auprès de son fils Abou-Ali, puis il l'avait attaché, comme vizir, à sa propre administration. Le sultan Abou-'lHacen, fils d'Abou - Saîd, admit les fils d'Ibrahîm - Ibn - Eïça aux emplois les plus élevés. Plus tard que l'an 730, il subjugua le Sous et confia le gouvernement de cette province à Masoud, fils d'Ibrahîm. Ensuite, il y nomma Hassoun-IbnIbrahîm, frère de Masoud, et, en l'an 748 (1347-8), après la

1 Le traducteur profite de cette occasion pour faire observer que, partout, dans son travail, il aurait dû écrire Messaoud à la place de Masoud, et Messaudi à la place de Masoudi. La fausse transcription de ce nom propre était malheureusement adoptée par les orientalistes de l'Europe depuis bien des années et ceux-ci l'avaient transmise à leurs

conquête de l'Ifrikia, il donna à Masoud lé commandement du Djerîd. Ce fut là que cet officier finit ses jours. A Mouça, le troisième frère, il accorda un place parmi ses vizirs et, lors des revers qui le forcèrent à se réfugier dans la montagne des Hintata, il n'eut plus d'autre ministre que lui. Le sultan Abou-Einan confia ensuite à Masoud les charges les plus importantes et l'établit gouverneur chez les Sedouîkich, dans la province de Constantine. Mohammed-es-Sobéïa, fils de Mouça, géra le vizirat jusqu'à la mort d'Abou-Einan. Cette famille éprouva ensuite l'inconstance de la fortune; mais, bientôt, Mohammed, fils d'EsSobéïa, devint vizir d'Abd-el-Halim, surnommé El-Hali, fils du sultan Abou-Ali. Cette nomination eut lieu en l'an 762 (1360-4), pendant que ce prince essayait de prendre la capitale de l'empire mérinide, tentative qui ne lui réussit pas, comme on le verra dans l'histoire des Beni-Merîn. Plus tard, Es-Sobéïa reprit sa position à la cour du sultan et rentra dans le corps des vizirs. Depuis lors, il a toujours occupé de hautes positions dans l'état, ayant administré les gouvernements de Sidjilmessa, de Maroc, de Téza, de Tedla et du pays des Ghomara. Il est encore en service actif.

HISTOIRE DES OUDJEDÎDJEN ET DES OUAGHMERT, TRIBUS

ZENATIENNES.

Nous avons mentionné que les Oudjedîdjen et les Ouaghmert font partie des tribus zenatiennes et qu'ils tirent leur origine d'Ourtenîd, fils de Djana. Nombreux et puissants dans les temps anciens, ils occupèrent diverses localités du pays des Zenata. La plupart des Oudjedîdjen habitaient Mindas, dans le Maghreb central, et avaient pour voisins les Beni-Ifren, du côté de l'Occi

élèves. Rien n'est cependant plus certain que la manière dont les Arabes prononcent ce nom : ils disent clairement et nettement Messaoud; d'ailleurs, en arabe, mim, fetha, sin se prononce mès, jamais mas, de même que la vraie prononciation d'aïn, domma waw ne saurait être dépeinte, même approximativement, que par les lettres dou. 1 Page 188 de ce volume.

dent, les Louata du Seressou, du côté du Midi, et les Matmata de l'Ouancherich, du côté de l'Orient.

A l'époque où Yala-Ibn-Mohammed l'ifrenide régnait [sur le Maghreb], ils eurent pour chef un homme de leur tribu nommé Einan. Sous la conduite de cet émir, ils firent pendant longtemps une guerre acharnée aux Louata du Seressou. Ces hostilités éclatèrent, dit-on, au sujet d'une femme appartenant à la tribu des Oudjedîdjen qui avait épousé un louation. Les femmes du camp où son mari la conduisit furent indignées de se voir préférer une étrangère, et, pleines de jalousie, elles insultaient à leur nouvelle voisine et lui reprochaient sa pauvreté. Piquée de leurs sarcasmes, elle écrivit à Einan en le priant de la venger. Le chef oudjedidjenite, outré de colère, se mit en campagne à la tête de tous ses parents zenatiens et de tous les voisins qu'il put rassembler. Les Beni-Ifren marchèrent avec lui sous la conduite de leur chef Yala; les Maghila, commandés par Kelmam-IbuHaïati, les accompagnèrent ainsi que les Matmata sous les ordres de Gharaba. Après une longue suite d'hostilités, les Oudjedîdjen enlevèrent le Seressou aux Louata et les chassèrent jusqu'à Kodia-t-el-Abed, sur l'extrême limite de cette région. Dans un des nombreux combats qui curent lieu entre les deux partis, Einan, chef des Oudjedîdjen, perdit la vie. Il fut tué à Molakou, localité du Seressou. Les vaincus se réfugièrent dans le Guérîguera, montagne située au Midi du Seressou et habitée par quelques tribus maghraouiennes. Alahem, cheikh de ces peuplades, avait été élevé par les soins de son prédécesseur, Omar, fils de Tamza. En langue berbère tamza signifie démon2. Voyant arriver les Louata, ce chef les fit attaquer perfidement par ses gens, en tua plusieurs et s'empara de leurs effets. Le reste de ces malheureux prit la fuite et se jeta dans les montagnes de Yaoud et de Derrag, où il continue à demeurer jusqu'à

1 Voy. t. 1, p. 235.

2 Tamza dans le dialecte berbère de l'Algérie signifie l'interstice entre les dents incisives. La signification qu'Ibn-Kha'doun assigne à co mot n'y est pas connue.

ce jour. Les Oudjedidjen occupèrent alors le territoire que leurs adversaires avaient possédé à Mindas et le gardèrent pour euxmêmes jusqu'à ce que les Beni-lloumi, d'un côté, leur en arrachèrent une partie, pendant que les Beni-Quemannou les attaquèrent d'un autre côté et s'emparèrent du reste. Les Beni-Abd el-Ouad et les Toudjîn enlevèrent le Seressou aux Beni-Quemannou et le conservent encore.

Les Ouaghmert, nommés actuellement Ghomert [et Ghomra]. sont frères des Oudjedîdjen; ayant, comme eux, pour aïeul, Ourtnid-Ibn-Djana. Ils formaient autrefois une très-grande tribu dont les nombreuses branches se fixèrent dans des localités diverses. La majeure partie de ce peuple occupait les montagnes qui s'étendent au midi du pays des Sanhadja, depuis El-Mechentel jusqu'à Ed-Doucen. Ils prirent une part si active à la révolte d'Abou-Yezîd, l'Homme à l'âne, qu'ils se firent châtier sévèrement par Ismaïl [-el-Mansour], aussitôt que ce prince cut vaincu son adversaire. Plus tard, les Sanhadja, commandés par Bologguîn, leur donnèrent encore une rude leçon.

Quand l'empire sanhadjien se partagea en deux royaumes dont le nouveau fut gouverné par Hammad et par ses descendants, les Ouaghmert servirent les Hammadites en partisans dévoués. Ibn-Abi-Djelli, l'un de leurs cheikhs qui avait joui de la faveur de Hammad, passa, toutefois, du côté de Badîs et reçut de ce prince un riche cadeau et des montures pour ceux de ses gens qui l'avaient suivi. Il obtint en même temps le gouvernement de la ville et de la province de Tobna. Les Arabes hilaliens ayant envahi l'Ifrikïa, enlevèrent aux Ouaghmert tout le pays ouvert et les forcèrent à se réfugier dans les montagnes qui s'élèvent au Midi d'El-Mecîla et du pays des Sanhadja. Obligés, dans ce lieu de séjour, à renoncer aux habitudes de la vie nomade, les Ouaghmert abandonnèrent leurs tentes pour s'établir à demeure fixe dans des villages. Les Douaouida, après avoir soumis les plaines et les dépendances du Zab, se firent concéder par le gouvernement tunisien tous les impôts que pourraient fournir les montagnes des Ghomert. De nos jours, le territoire de cette population zenatienne est inclus dans les posses

« PrécédentContinuer »