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y trouva une prison, mais Abou-'l-Fadl obtint du chef hintatien le gouvernement de Maroc, ainsi que nous aurons à le raconter plus tard. Une mésintelligence étant alors survenue entre Amer et le vizir, celui-ci rassembla les Mérinides et les autres troupes, afin de combattre son adversaire; mais, à peine eut-il quitté la ville de Fez, qu'Amer se jeta dans la montagne des Hintata, son lieu de retraite ordinaire, et y emmena les deux princes. Il mit alors Abd-el-Moumen en liberté et s'en fit un drapeau dans l'espoir d'attirer les Mérinides de son côté, car il croyait qu'ils étaient mécontents de voir leurs souverains exclus des affaires par des vizirs et qu'ils verraient avec plaisir ce prince monter sur le trône. Son espoir fut trompé : les Mérinides se tinrent à l'écart, sachant qu'Abd-el-Moumen n'était qu'un instrument entre ses mains. La paix se fit enfin, et chacun des deux chefs conserva une moitié de l'empire comme auparavant. Omar rentra dans son gouvernement et Amer reprit le commandement qu'il avait exercé à Maroc et dans les provinces qui en dépendent.

Quand Abd-el-Azîz, fils du sultan Abou-'l-Hacen, ôta la vie à [son vizir] Omar-Ibn-Abd-Allah, [son neveu] Abou-'l-Fadl, fils du sultan Abou-Salem, conçut la pensée de faire subir le même sort à son vizir Amer-Ibn-Mohammed. Celui-ci, averti du danger, partit avec ses femmes et atteignit sa maison dans la montagne des Hintata. Abou-'l-Fadl fit alors mourir son parent, Abd-elMoumen, que l'on retenait prisonnier à Maroc. Amer fut tellement indigné de ce forfait qu'il envoya une ambassade au sultan Abd-el-Azîz. Cette mission eut pour résultat que ce monarque partit de Fez, l'an 769 (1367-8), à la tête de ses troupes, qu'il poursuivit Abou-'l-Fadl jusqu'à Tedla, le fit prisonnier et lui ôta la vie. Nous parlerons ailleurs de ces événements. Amer fut alors invité à se présenter à la cour; mais, craignant les intentions du sultan, il resta dans sa montagne. Abd-el-Azîz, étant rentré à Fez, forma la résolution de faire attaquer ce chef et nomma Ali-Ibn-Addjana, un ancien serviteur de sa famille, au gouvernement de Maroc, lui ordonnant de le bloquer dans la montagne. Amer et ses Hintata repoussèrent le général d'Abd-el-Azîz à la

suite d'un combat dans lequel il fit prisonnier plusieurs Mérinides et quelques clients du sultan. Cette défaite piqua le monarque au vif et le décida à marcher en personne contre ce chef réfractaire. Soutenu par les Mérinides et les contingents maghrebins, il tint son adversaire cerné pendant une année entière et, en 774 (1370), il parvint à disperser les bandes hintatiennes et à envahir la montagne. Amer fut conduit prisonnier devant le sultan qui le fit mettre aux fers et amener à la capitale. La même année, au commencement du mois de Choual, Abd-el-Azîz célébra la fête de la rupture du jeûne, et, après avoir fait venir Amer en sa présence, il lui reprocha sa conduite et donna l'ordre de le traîner à la place des exécutions. Amer y fut déchiré à coups de fouet jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir. Que Dieu lui fasse miséricorde!

Le sultan donna alors le commandement des Hintata, à Farès (fils d'Abd-el-Azîz et neveu d'Amer,) qui avait passé aux Mérinides un peu avant la mort de son oncle. Abou-Yahya, fils d'Amer, avait suivi le conseil de son père et fait sa soumission avant la prise de la montagne; aussi, obtint-il du vainqueur grâce entière et la permission d'entrer au service de l'empire. Farès mourut quelque temps après.

La mort du sultan Abd-el-Azîz, événement qui eut lieu en 774 (1372), ralluma la guerre civile en Maghreb, et la province de Maroc passa sous la domination du sultan Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Ifelloucen-Ali et petit-fils du sultan Abou-Ali. A cette époque, Abou-Yahya, fils d'Amer, embrassa le parti de ce prince et obtint de lui le commandement des Hintata. Averti, quelque temps après, qu'on le soupçonnait d'avoir détourné, du vivant même de son père, plusieurs sommes provenant des impôts et que le sultan se disposait à lui faire rendre gorge, il se réfugia au milieu des tribus masmoudiennes de la province de Sous et y passa le reste de ses jours. Il mourut entre les années 780 (1378-9) et 790.

Les Guedmioua. Cette tribu prenait rang à la suite des Hintata et des Tînmelel. La montagne qu'elle habite est située

auprès de celle des Hintata. Dans le temps de la dynastie almohade, elle obéissait à la famille Sâd-Allah. Quand les Mérinides travaillèrent à subjuguer les peuples masmoudiens et à les soumettre aux impôts, Yahya, fils de Sad-Allah, leur offrit quelque résistance dans Taferga et Tîsekht, forteresses situées dans la montagne des Guedmîoua. Bien qu'il eut été abandonné par son collègue Abd-el-Kerîm-Ibn-Eïça et par la famille de ce chef, il continua, toute sa vie, à combattre les armées qu'on envoyait contre lui. Après sa mort, en l'an 694 (1294-5), les troupes du sultan Youçof-Ibn-Yacoub détruisirent ses châteaux et domptèrent sa tribu. Abd-el-Kerîm, qui était passé aux Mérinides sous le règne de Yacoub, père de Youçof, reçut alors de celui-ci le commandement de la tribu. Plus tard, quand on arrêta les émirs masmoudiens, Abd-el-Kerîm fut mis en prison avec les autres et il y était encore quand Ibn-el-Miliani, qui avait hérité de la haine de son oncle contre les Masmouda, ourdit une trame odieuse qui leur coûta la vie à tous : il forgea une lettre [ordonnant la mort des prisonniers] et l'envoya au prince Ali, fils du sultan et émir de Maroc. Abd-el-Kerîm fut une des victimes de cette machination, et, avec lui, moururent ses fils Eïça, Ali et Mansour et son neveu Abd-el-Azîz-Ibn-Mohammed. Ce forfait remplit le sultan de l'indignation la plus vive; mais Ibn-elMiliani échappa à sa vengeance en désertant l'armée qui assiégeait Tlemcen et en se réfugiant dans cette ville.

Sous le règne d'Abou-'l-Hacen et sous celui de son fils AbouEinan, le commandement des Guedmîoua fut exercé par Abd-elHack, fils de......, membre de la famille Sâd-Allah. Ce chef eut à soutenir une guerre contre Amer-Ibn-Mohammed, guerre amenée par les causes ordinaires qui mettent la discorde entre tribus voisines; savoir, la proximité de leurs territoires et le souvenir de leurs anciennes querelles. Quand Amer devint gouverneur de Maroc et commandant en chef des tribus masmoudiennes, il

1 Dans l'histoire des Mérinides, on trouvera un chapitre sur Ibn-elMiliani et son oncle.

• Il y a ici un blanc dans les manuscrits.

rompit la trève qu'il avait conclue avec Abd-el-Hack et l'accusa d'insubordination et de complicité avec [Abd-Allah]-es-Sekcîoui, brandon de révolte qui s'était toujours montré insoumis depuis les premiers temps de la dynastie mérinide. Il marcha contre lui, l'an 757 (1356), à la tête de son peuple et de la garnison que le sultan avait installée dans Maroc. Après qu'il eut emporté d'assaut le lieu où Abd-el-Hack s'était enfermé, il le fit mourir et contraignit les Guedmîoua à faire leur soumission.

Les autres membres de la famille Såd-Allah se rendirent alors à Fez où ils continuèrent à demeurer jusqu'à l'époque où le sultan Abou-Salem traversa le Détroit pour s'emparer du trône. qu'avait occupé son frère Abou-Einan. Quand il débarqua chez les Ghomara, Youçof, fils de Sâd-Allah, gagna ses bonnes grâces par l'empressement avec lequel il courut le joindre. Ayant consolidé son autorité par la prise de la Ville-Neuve [de Fez], il récompensa le dévouement de Youçof en lui accordant le commandement des Guedmîoua.

La ville de Maroc reçut pour gouverneur Mohammed-Ibn-Abi'l-Ola, officier de la suite du sultan et membre d'une famille qui avait souvent commandé en Maghreb. Abou-Salem l'avait choisi pour remplir ce poste, pensant qu'il pouvait y rendre de grands services. Après la mort de ce prince, [le vizir] Omar-Ibn-AbdAllah usurpa toute l'autorité, et, voulant s'assurer l'appui d'Amer-[Ibn-Mohammed], il lui expédia le brevet de gouverneur des provinces marocaines. Amer descendit alors à Maroc et y fit mourir Youçof-Ibn-Sâd-Allah; il destitua, en même temps, IbnAbi-'l-Ola et, bientôt après, il lui ôta la vie1.

Par suite de ces événements, les Guedmîoua demeurèrent sans influence pendant quelque temps; mais plus tard, ils recouvrerent leur importance politique par la rentrée de la famille Sâd

Allah au commandement.

Notre auteur ajoute ici : et l'envoya rejoindre son père Abd-el-Hack (dans l'autre monde). Cette phrase est de trop et ne peut se rapporter ni à Youçof-Ibn-Sâd-Allah, ni à Ibn-Abi-'l-Ola dont le père se nommait Ibn-Abi-Talha.

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Les Ourika. Les Ourîka sont voisins des Hintata. Depuis longtemps ces deux peuples s'étaient fait une guerre dans laquelle le sang coulait à flots et chaque parti remportait alternativement la victoire. Beaucoup de monde avait péri dans ces conflits quand les Hintata, profitant, enfin, de la puissance dont ils venaient d'être investis comme tribu chargée du commandement, réussirent à vaincre leurs adversaires et à les faire entrer dans la masse [des peuples tributaires].

Les Sekcioua. Les Sekcioua forment la section la plus considérable de la tribu des Guenfica laquelle est la plus grande de celles dont se compose le peuple masmoudien. Les autres sections guenfîciennes épuisèrent leurs forces pour soutenir l'autorité de l'empire almohade et perdirent ainsi tous leurs guerriers, sort analogue à celui des peuples qui, avant eux, prêtèrent appui aux dynasties sorties de leur sein; mais les Sekcioua conservèrent toujours un haut rang parmi les populations almohades, tant par la force qu'ils tiraient de leur nombre, que par la domination qu'ils exerçaient sur les tribus voisines. Aimant les usages de la vie agreste, jamais ils n'adoptèrent les habitudes que le luxe avait introduites parmi les autres peuples almohades; jamais ils ne cédèrent, comme eux, aux séductions de l'aisance et aux douceurs de la mollesse.

La montagne qu'ils habitent forme la cime la plus élevée de l'Atlas et leur offre un asile que des châteaux forts, des rochers sourcilleux et des pics élancés rendent inviolable; elle touche à la voûte céleste et cache dans un voile de nuages sa tête couronnée d'étoiles. Ses flancs servent de retraite aux orages; ses oreilles entendent les discours qui se prononcent dans le ciel;

↑ L'auteur emploie ici le terme El-Ablek-el-Ferd (le gris, l'unique), nom du château fort dans lequel Samouel, fils d'Adía, se maintint contre le prince ghassanide, El-Hareth-Ibn-Abi-Chammer. Tous les musulmans ayant quelque instruction connaissent l'histoire du juif Samouel qui laissa égorger son fils plutôt que de violer sa parole et livrer le dépôt que le poète Emro-el-Caïs lui avait confié. Voy. l'Essai de M. C. de Perceval, t. 11. pp. 319, 323.

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