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et s'occupait à rassembler les tribus maghraouiennes qui habitaient les rivages du Molouïa et du Za. En l'an 429 (1037-8), il reprit Fez et obligea son adversaire à lui abandonner la souveraineté du Maghreb et à rentrer dans Salé.

En l'an 430 (1038-9), il marcha au-devant d'El-Caïd-IbnHammad, seigneur d'El-Calâ, qui s'avançait contre lui à la tête d'une armée sanhadjienne1; mais, ayant découvert que les Zenata s'étaient laissés corrompre par les dons de ce prince, il vit la nécessité de conclure une paix en faisant sa soumission. Rentré à Fez, il mourut en 431 (1039-40). Tous ses états passèrent à son fils, Abou-'l-Attaf-Dounas, qui eut bientôt à combattre son cousin Hammad, fils de Moannecer-Ibn-el-Moëzz. Hammad, dont l'armée était très-nombreuse, se rendit maître de tout le pays ouvert et, à la suite de plusieurs combats, il força Dounas à se retrancher dans Fez. Ce fut alors que celui-ci fit creuser le fossé que l'on appelle encore Siadj-Hammad (l'enceinte de Hammad). Les assiégeants coupèrent l'aqueduc qui conduisait l'eau dans le quartier des Cairouanides et tinrent la ville étroitement bloquée jusqu'à la mort de leur chef, Hammad, en 435 (1043-4). Dounas conserva son empire et, pendant un long règne, il consacra tous. ses soins à l'embellissement de sa capitale. Il y construisit beaucoup d'édifices publies, des bains, des caravansérails et entoura les faubourgs d'une bonne muraille. Fez devint alors très-florissant et forma un grand centre commercial où les marchandises affluèrent de tous les côtés.

En l'an 451 (1059), aussitôt après la mort de Dounas, son fils, El-Fotouh, prit le commandement et s'établit dans le quartier des Andalous. Peu de temps après, il eut à soutenir une lutte contre son frère cadet, Adjîça, qui s'était fortifié dans le quartier des Cairouanides et dont la révolte avait jeté la division dans leur empire. Une suite de combats, où chaque parti remporta alternativement la victoire, eut lieu dans le local qui séparait les deux quartiers, local dont la position est encore indiquée par la

4 Voy. t. I, p. 46.

porte d'Et-Taba', qui forme l'entrée du quartier des Cairouanides. El-Fotouh fit construire dans son quartier la porte nommée Bab-el-Fotouh, et Adjîça en fit bâtir dans le sien une autre qui prit son nom et que l'on appelle maintenant Bab-Djiça; l'usage ayant amené la suppression de la première lettre du mot. Les choses continuèrent en cet état jusqu'à l'an 453 (1064), quand El-Fotouh réussit à surprendre son frère et à le tuer.

Bientôt après, les Lemtouna almoravides envahirent le Maghreb à l'improviste, et El-Fotouh, craignant les suites de cette invasion, s'éloigna de Fez. Bologguin-Ibn-Mohammed-Ibn-Hammad profita de cette circonstance et, en l'an 454 (1062), il fit une expédition en Maghreb, selon son habitude, pénétra dans Fez et emmena comme otages plusieurs notables de la ville. S'étant ainsi assuré l'obéissance des autres habitants, il s'en retourna dans sa forteresse, la Calâ- Beni-Hammad.

Moannecer, fils de Hammad-Ibn-Moannecer 2, succéda à ElFotouh et soutint une guerre contre les Almoravides. Vaincu par eux dans une grande bataille, l'an 455 (1063), il se réfugia chez les Sadîna et laissa tomber Fez au pouvoir de Youçof-Ibn-Tachefîn. Ce souverain y installa un de ses officiers, comme gouverneur et partit pour conquérir le pays des Ghomara. Moannecer profita de son éloignement pour reprendre la ville et en faire mourir le gouverneur et les autres Lemtouniens qui s'y trouvaient. Les uns périrent sur le bûcher; les autres sur la croix. Il marcha ensuite contre Mehdi-Ibn-Youçof-el-Gueznaï, seigneur de la ville des Miknaça (Mequinez), qui avait embrassé le parti des Almoravides et, l'ayant vaincu, il envoya sa tête au chambellan Soggout 3-el-Berghouati, gouverneur de Ceuta. A cette nouvelle, Yonçof-Ibn-Tachefin envoya une armée almoravide à Fez pour en faire le siége. Bientot la ville se trouva si étroitement bloquée

1 Variante: El-Acaba; peut-être En-Nacba.

2 Dans le texte arabe imprimé, on lit Mansour; il faut remplacer ce nom par Moannecer.

3 C'est à tort que le texte arabe porte Sokoun.

que les habitants ne purent plus recevoir des vivres du dehors et commencèrent à ressentir les effets de la disette. Moannecer prit enfin la résolution de vaincre et de mourir, et, ayant opéré une sortie contre l'ennemi, il succomba dans le conflit sans que l'on pût jamais découvrir son corps. Ceci eut lieu en l'an 460 (1067-8).

Les habitants de Fez proclamèrent alors son fils Temîm. Le règne de ce prince fut une suite de malheurs siége de la ville, révoltes, maladies et famine. Youçof-Ibn-Tachefin fut trop occupé dans le pays des Ghomara pour diriger tous ses efforts contre Fez; mais, en l'an 462 (1069-70), quand il eut enfin réduit cette région, il vint en personne y mettre le siége. Au bout de quelques jours, il emporta la place d'assaut et tua [dans les deux grandes mosquées seulement] 2 plus de trois mille Maghraouiens, Ifrenides, Miknaciens et Zenatiens avec leur chef, Temîm. Au lieu d'enterrer les cadavres séparément, on creusa plusieurs fosses où l'on en déposa un grand nombre à la fois. La partie des habitants qui échappa au massacre se réfugia dans Tlemcen. Youçof-Ibn-Tachefin fit alors abattre les murailles qui séparaient les deux quartiers de Fez et en forma une seule ville qu'il entoura d'une même enceinte. Ainsi finit l'empire que les Maghraoua avaient établi dans Fez.

NOTICE DES BENI-KHAZROUN, FAMILLE MAGHRAOUIENNE QUI RÉGNA DANS SIDJILMESSA.

Khazroun, fils de Felfoul, fils de Khazer, était émir des Maghraoua et un des membres les plus influents de la famille Khazer, précisément à l'époque où les Sanhadja, sous la conduite de Bologguîn-Ibn-Zîri, enlevèrent le Maghreb central à sa tribu et la forcèrent à traverser le Molouïa pour se réfugier dans le Ma

En arabe pour (obtenir) l'une (ou l'autre) des deux délivrances. 2 Indication fournie par le Cartas, page 91 du texte arabe.

ghreb-el-Acsa. Nous avons déjà dit1 que les Khazer étaient partisans des Oméïades espagnols. El-Mansour-Ibn- Abi-Amer, devenu grand chambellan d'El-Mowaïed [Hicham II, dixième souverain oméïade d'Espagne], se borna, pendant la première période de son administration, à occuper un seul point du territoire de l'Afrique, et, après avoir établi dans Ceuta quelques fonctionnaires civils, plusieurs officiers supérieurs et une garnison prise dans les divers corps de l'armée, il laissa aux émirs zenatiens, chefs des Maghraoua, des Beni-Ifren et des Miknaça, le soin de gouverner le reste du pays et d'en défendre les frontières. Pour mériter les dons et les grâces que ce ministre était toujours prêt à leur accorder, les chefs africains s'efforcèrent à lui rendre d'utiles services.

Vers cette époque, Khazroun-Ibn-Felfoul marcha contre Sidjilmessa, ville qui obéissait à l'émir Abou-Mohammed-el-Motezzbillah, membre de la famille Midrar 2. Ce prince y avait établi son autorité, en l'an 352 (963), par l'assassinat de son frère, El-Montacer, lequel s'était emparé de la ville après le départ de Djouher, quand ce général emmena captif en Ifrîkïa3 l'émir midraride, Es-Chaker-lillah-Mohammed-Ibn-el-Feth. Ce fut en l'an 366 (976-7) que Khazroun- Ibn-Felfoul conduisit ses Maghraoua à la conquête de Sidjilmessa. El-Motezz sortit pour lui livrer bataille et essuya une défaite qui amena la prise de la ville et la chute de la dynastie kharedjite des Beni-Midrar. Le vainqueur fit proclamer, pour la première fois dans cette localité, la souveraineté des Oméïades et il donna l'ordre d'y célébrer la prière au nom de Hicham-el - Mowaïed. S'étant emparé des trésors d'El-Motezz et du dépôt d'armes que ce prince y avait formé, il écrivit au souverain espagnol l'annonce de cette victoire. La tête d'El-Motezz, qu'il envoya à Cordoue, fut exposée aux regards du public, devant la porte du palais. Ce fut au

1 Voy. page 228 de ce volume.

2 Voy. t. 1, p. 265.

3 Le texte arabe dit: en Maghreb.

bonheur constant d'Ibn-Ami-Amer que l'on attribua la prise de Sidjilmessa. Khazroun reçut de ce ministre le gouvernement de la ville conquise et des contrées' qui en dépendent; un diplôme émané du khalife oméïade vint confirmer ce choix et permettre à l'émir maghraouien d'y établir son autorité. Il conserva le pouvoir jusqu'à sa mort et eut pour successeur son fils Ouanoudîn.

En l'an 369 (979-80), Bologguîn, fils de Ziri-Ibn-Menad, commença la grande expédition qui le mena dans le Maghreb-elAcsa et il contraignit les Zenata à se réfugier sous les murs de Ceuta. Devenu ainsi maître de toutes les provinces du Maghreb [et de la ville de Sidjilmessa], il y établit des officiers pour gouverner en son nom. Il entreprit même le siége de Ceuta et, quand il eut renoncé à cette tentative, il tourna ses armes contre les Berghouata. Ayant ensuite appris que Ouanoudîn-Ibn-Khazroun avait envahi le territoire de Sidjilmessa, pris cette ville d'assaut, fait prisonnier le gouverneur [sanhadjien] et saisi tous les trẻsors et approvisionnements qu'on y avait déposés, il se dirigea de ce côté, l'an 373 (983-4); puis, il s'en éloigna et mourut en chemin. Ouanoudîn profita de son départ pour rentrer encore dans Sidjilmessa.

A la suite de ces événements, Zîri-Ibn-Atïa, petit-fils d'AbdAllah-Ibn-Khazer, soumit le Maghreb et obtint du khalife Hicham le gouvernement de Fez. Quelque temps après, il se révolta contre l'autorité d'El-Mansour et mit ce ministre dans la nécessité de faire passer en Afrique son fils Abd-el-Mélek [-el-Modaffer], à la tête d'une armée. Débarqué en l'an 388 (998), El-Modaffer enleva le Maghreb aux Beni-Khazer, occupa Fez et envoya des officiers dans toutes les provinces, afin d'y prélever l'impôt (kharadj) et de mettre les frontières à l'abri d'insulte. Hamîd-IbnYesel, qui avait quitté les Fatemides pour se joindre aux

1 Dans le texte arabe, il faut placer un alif avant l'âïn d'amaliha. 2 Dans le texte arabe, il faut lire, avec les manuscrits, bi-ahd (par un diplóme) à la place de bad.

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