Images de page
PDF
ePub

chassa ces troupes et proclama de nouveau, à Sidjilmessa, la souveraineté d'El-Morteda. Ce prince agréa les excuses et les conditions qu'El-Kitrani lui offrit et le laissa en possession de la ville, se réservant seulement l'autorité judiciaire. Il y envoya, en conséquence, Abou-Amr-Ibn-Haddjadj pour y remplir les fonctions de cadi et le fit accompagner par un membre de la famille royale qui devait habiter la citadelle. Celui-ci emmena avec lui quelques gardes commandés par un officier de la milice chrétienne. Ibn-Haddjadj trama alors la mort d'El-Kitrani et accomplit ce projet avec l'aide du capitaine chrétien ; il remit ensuite le commandement de la ville au prince royal qui y fit aussitôt reconnaître l'autorité d'El-Morteda.

Sur ces entrefaites, la puissance des Mérinides prit un grand accroissement. Ils allèrent même dresser leurs tentes dans le territoire de Maroc 1, quand El-Morteda fit marcher contre eux une armée almohade commandée par Yahya-Ibn-Ouanoudîn. A l'approche de ces troupes, Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, le chef mérinide, s'éloigna rapidement avec les siens; mais, arrivé sur le bord de l'Omm-Rebiâ, il fit volte face et entama le combat. Les Almohades, abandonnés sur le champ de bataille par leurs alliés, les Beni-Djaber, furent obligés d'opérer leur retraite. Cette rencontre eut lieu à Omm-er-Ridjlein. Ali-Ibn-Abi-Ali, cheikh des Kholt, passa aux Mérinides et les accompagna à leurs cantonne

ments.

Yacoub-Ibn-Djermoun, auquel El-Morteda avait donné le commandement des Sofyan, tua son neveu, Yacoub-Ibn-Kanoun 2, qui avait voulu lui disputer le pouvoir; mais, quelque temps. après, il tomba lui-même sous les coups de Masoud et Ali, frères de sa victime. Son fils Abd-er-Rahman reçut alors d'El-Morteda

Le texte porte Temsna; mais on va voir que les Mérinides, en se retirant, arrivèrent à l'Omm-Rebiâ. Ils s'étaient donc avancés au sud de celte rivière, bien au-delà de Temsna qui en est au nord. Nous verrons, dans leur histoire, qu'à cette époque ils étaient allés se montrer aux environs de Maroc.

2 Dans le t. I, p. 62, l'auteur appelle ce personnage Mohammed-Ibn

Kanoun.

le commandement de la tribu. Le nouveau chef, après avoir pris pour lieutenants Youçof-Ibn-Ouarzeg et Yacoub - Ibn-Alouan, s'abandonna aux plaisirs et finit par détrousser les voyageurs et passer aux Mérinides. El-Morteda le remplaça par Abou-ZemamObeid-Allah, fils de Djermoun; mais il reconnut bientôt l'incapacité de ce chef et lai substitua Masoud-Ibn-Kanoun'.

Aouadj-Ibn-Hilal, émir des Kholt, abandonna le parti des Beni-Merîn et revint faire sa soumission à El-Morteda. Admis alors au nombre des amis du khalife, il fixa son séjour à Maroc. Le bon accueil fait à Aouadj décida Abd-er-Rahman, fils de Yacoub-Ibn-Djermoun, à se rendre aussi à Maroc. El-Morteda s'empressa alors de faire arrêter à la fois Aouadj, Abd-er-Rahman et les deux lieutenants de celui-ci, et de les livrer à Ali-IbnAbi-Ali, [émir des Kholt,] qui leur, ôta la vie. Masoud-IbnKanoun conserva le commandement des Sofyan et Ismaïl-IbnYacoub-Ibn-Caitoun obtint celui des Beni-Djaber.

En l'an 660 (1261-2), lorsque Yahya-Ibn-Ouanoudîn rentra à Maroc, après la bataille d'Omm-er-Ridjlein, une armée almohade, sous les ordres de Mohammed-Ibn-Ali-Azelmat, pénétra dans le Sous, mais Ali-Ibn-Yedder marcha à la rencontre de ces troupes et les mit en fuite, après en avoir tué le commandant. Le vizir Abou-Zeid-Ibn-Iguît reçut alors d'El-Morteda la conduite de la guerre contre Ibn-Yedder et partit pour le Sous à la tête d'un corps des milices, dans lequel se trouvait un capitaine chrétien nommé Don Lop. Plusieurs combats se livrèrent et toujours au désavantage des Almohades dont la bravoure et la force numérique furent neutralisées par les lenteurs de Don Lop et par son insubordination. El-Morteda, auquel le vizir écrivit pour s'en plaindre, manda le chrétien à la cour et le fit guetter et assassiner3 en route par Abou-Zeid-Ibn-Yahya-el-Guedmïoui.

1 L'auteur ajoute ici son frère (akhihi); il aurait du écrire son neveu (ibn akhihi).

2 Peut-être Don Lopez.

3 Le sultan n'osait pas indisposer ses troupes chrétiennes en punissaut leur chef par la voie régulière il le fit donc assassiner.

En l'an 662 (1263-4), Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack parut devant Maroc à la tête de ses Mérinides. Pendant plusieurs jours, les Almohades leur livrèrent une suite de combats sous les murs de la ville, et, dans une de ces rencontres, Abd-Allah-Atadjoub', fils de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, perdit la vie. El-Morteda envoya à son père des compliments de condoléance et le disposa à faire la paix par la promesse d'un tribut qui lui serait envoyé tous les ans. Yacoub accepta l'offre et leva le siége.

REVOLTE D'ABOU-DEBBOUS,

PRISE DE MAROC ET MORT DE

MORTEDA.

Quand les Beni-Merîn se furent éloignés de Maroc, après la mort d'Atadjoub, le cîd Abou-'l-Ola, surnommé Abou-Debbous (l'homme à la masse d'armes), fils du cîd Abou-Abd-AllahMohammed, petit-fils du cîd Abou-Hafs et arrière-petit-fils d'Abd-el-Moumen, s'enfuit de la capitale, par suite des calomnies que l'on répandait à son sujet et auxquelles El-Morteda avait ajouté foi. Aussi, un général, qui, jusqu'alors, avait commandé les armées du khalifat, abandonna son souverain, et, s'étant fait accompagner de son cousin, le cîd Abou-MouçaAmran, fils d'Abd-Allah-Ibn-el-Khalifa, il courut se mettre sous la protection de Masoud-Ibn-Gueldacen, cheikh des Heskoura. S'étant ensuite rendu à Fez, il prit envers Yacoub-IbnAbd-el-Hack l'engagement de lui céder la moitié du territoire et des trésors de l'empire, pourvu que ce chef le soutint dans ses projets. Après avoir reçu de lui un subside de cinq mille dinars achrïa 3 et le don d'un équipage royal avec une lettre de recom

3

1 At-Adjoub, en berbère, signifie l'admirable.

Il faut, sans doute, lire fils d'Abd-Allah, fils d'Abou-Hafs, fils du khalife; c'est-à-dire d'Abd-el-Moumen.

3 Le dinar achria valait dix dinars ordinaires. L'auteur du Cartas dit qu'Abou-Debbous reçut de Yacoub trois mille cavaliers mérinides, vingt mille dinars, des tambours et des drapeaux.

mandation pour Ali-Ibn-Abi-Ali, émir des Kholt, il alla trouver ce chef arabe, obtint l'appui de ses guerriers et se rendit dans le pays des Heskoura. S'étant alors arrêté chez son ami MasoudIbn--Gueldacen, il rallia à sa cause les Heskoura et les Hezerdja. Il y reçut aussi un contingent envoyé par Azouz-Ibn-Ibourk, chef des Sanhadja établis aux environs d'Azemmor, lequel venait de répudier l'autorité d'El-Morteda pour se joindre au parti de Yacoub - Ibn-Abd-el-Hack. Plusieurs membres de la famille royale vinrent aussi se mettre à sa disposition, et leur exemple fut suivi par un grand nombre d'Almohades et une forte partie des milices et de la troupe chrétienne.

El-Morteda se méfiait de Masoud-Ibn-Kanoun, cheikh des Sofyan, et d'Ismail-Ibn-Caitoun, cheikh des Beni-Djaber, aussi les fit-il arrêter et emprisonner; puis, averti que la grande majorité de ces tribus venait d'embrasser la cause d'AbouDebbous, il ordonna la mort d'Ismail - Ibn - Caitoun. Le frère d'Ismail se mit aussitôt en révolte ouverte et alla se joindre à Abou-Debbous. Alouch, fils de Kanoun, craignant pour son frère Masoud le même sort d'Ibn-Caitoun, envoya des troupes à la poursuite des insurgés.

Abou-'l-Ola[-Abou-Debbous] marcha alors sur Maroc, et, parvenu à Aghmat, il y rencontra un corps de troupes préposé à la garde de cette localité et commandé par le vizir Abou-ZeidIbn-Iguît. Il s'ensuivit un combat qui coûta au vizir beaucoup de monde et l'obligea à se retirer avec les débris de son armée. Le vainqueur poussa en avant et arriva si près de Maroc qu'Alouch, fils de Kanoun 1, courut enfoncer sa lance dans la porte appelée Bab-es-Cherïâ. Les habitants assistaient en ce moment à la prière du vendredi, et El-Morteda, qui se trouvait alors dans la ville, pensait si peu à l'approche d'Abou-Debbous qu'il avait laissé les murailles de sa capitale sans gardes et sans défenseurs. On était alors au commencement de l'année 665 (octobre 1266). Abou-Debbous, s'étant dirigé vers la porte d'Aghmat, escalada

L'auteur a négligé de nous informer qu'Alouch venait de passer aux Mérinides.

le mur de ce côté et pénétra dans la ville avant que les habitants eussent connaissance de sa présence. Il marcha aussitôt vers la citadelle et y fit son entrée par le Bab-el-Toboul (porte des tambours).

El-Morteda s'enfuit avec ses vizirs, Abou-Zeid-Ibn-Yalou-elKoumi et Abou-Mouça-Ibn-Azouz-el-Hintati. Arrivé chez les Hintata et trouvant que ce peuple avait déjà envoyé sa soumission au vainqueur, il se tourna vers le pays des Guedmîoua et rencontra, en chemin, Ali-Ibn-Zegdan -el-Oungaçni qui avait abandonné [les Beni-Merîn] sa tribu pour venir se joindre à lui. Jusqu'alors Ibn-Zegdan ne lui avait jamais fait le moindre acte d'hommage. El-Morteda descendit chez ce chef et partit ensuite, avec lui et les siens, pour le pays des Guedmîoua. Entré sur leur territoire, il y trouva son vizir, Abou-Zeid-Abd-er-Rahman-IbnAbd-el-Kerîm; mais, ne pouvant obtenir du cheikh, Ibn-SâdAllah, la permission de s'arrêter chez son ancien serviteur, il partit pour le Chefchaoua. Dans cette localité, il trouva plusieurs bêtes de somme dont il fit cadeau à Ali-Ibn-Zegdan, et il écrivit à son vizir, Ibn-Ouanoudîn, qui était alors campé dans le Haha, lui ordonnant d'arriver au plus vite avec les troupes. Un ordre semblable fut porté à Ibn-Attouch dans son camp à Regraga. Ces deux officiers marchèrent aussitôt sur la capitale 2.

El-Morteda découvrit ensuite qu'Abou-Debbous cherchait à gagner Ibn-Zegdan, et il en fut tellement épouvanté qu'il courut se réfugier dans Azemmor, auprès de son gendre, le gouverneur Ibn-Attouch. A peine y fut-il arrivé, que cet homme perfide le fit arrêter et expédia un courrier avec cette nouvelle à AbouDebbous. Celui-ci ordonna à son vizir, le cid Abou-Mouça, d'écrire au prisonnier afin de savoir où il avait caché ses trésors. El-Morteda répondit qu'il n'avait rien mis en réserve, et, après avoir confirmé cette déclaration par un serment, il implora AbouDebbous de respecter les liens du sang et de lui laisser la vie.

1 Variantes: Zekdaz, Zegguedan, Zegueddan, etc.

Au lieu de se rendre à Maroc, Ibn -Attouch rentra dans Azemmor, siége de son gouvernement.

« PrécédentContinuer »