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cheikh des Beni-Djaber, ainsi qu'Ibn-Moslem, lieutenant de celuici, et les envoya à Maroc.

En 653 (1255), El-Morteda sortit de sa capitale avec l'intention de reprendre sur les Beni-Merîn la ville et la province de Fez. Parvenu à Beni-Behloul, il rencontra l'ennemi sous les ordres d'Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack, et la fortune s'étant déclarée contre les Almohades, il ramena à Maroc les débris de son armée. Depuis lors, il n'essaya plus d'inquiéter les Beni-Merîn [et borna ses efforts à la défense du territoire qui lui restait].

[Vers ce temps], El-Azéfi s'empara du gouvernement de Ceuta et Ibn-el-Amîr de celui de Tanger. Nous reparlerons ailleurs de ces événements.

En 655 (1257), El-Morteda envoya en Sous une armée almohade commandée par Abou-Mohammed-Ibn-Aznag; mais AliIbn-Yedder marcha contre elle, la mit en fuite et raffermit ainsi son autorité dans cette province. La même année, Abou-YahyaIbn-Abd-el-Hack s'empara de Sidjilmessa et en fit prisonnier le gouverneur, Abd-el-Hack-Ibn-Azkou. Il dut cette conquête à la trahison d'un serviteur d'Ibn-Azkou, appelé Mohammed et surnommé El-Kitrani parce que son père avait fait le commerce du goudron (kitran) aux environs de Salé. Cet homme, étant parvenu à devancer tous ses camarades dans la faveur de son maître, commença à écouter les suggestions de l'ambition et songea à usurper le commandement. Il gagua alors la bienveillance des Arabes makiliens par des témoignages de bonté et par des services qu'il leur rendit auprès du gouverneur, et réussit à s'assurer leur coopération au projet qu'il venait de former. Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack, auquel il avait secrètement promis de livrer la ville, à condition d'en être nommé le commandant, approcha alors avec ses bandes et envoya une députation auprès d'Ibn-Azkou sous prétexte de lui parler d'affaires. ElKitrani profita de cette occasion pour se saisir de son maître et le livrer à Abou-Yahya. Celui-ci emmena son prisonnier et le laissa ensuite partir pour Maroc; mais, avant de s'éloigner de Sidjilmessa, il y installa une garnison mérinide avec El-Kitrani pour gouverneur. Après la mort d'Abou-Yahya, El-Kitrani

chassa ces troupes et proclama de nouveau, à Sidjilmessa, la souveraineté d'El-Morteda. Ce prince agréa les excuses et les conditions qu'El-Kitrani lui offrit et le laissa en possession de la ville, se réservant seulement l'autorité judiciaire. Il y envoya, en conséquence, Abou-Amr-Ibn-Haddjadj pour y remplir les fonctions de cadi et le fit accompagner par un membre de la famille royale qui devait habiter la citadelle. Celui-ci emmena avec lui quelques gardes commandés par un officier de la milice chrétienne. Ibn-Haddjadj trama alors la mort d'El-Kitrani et accomplit ce projet avec l'aide du capitaine chrétien; il remit en suite le commandement de la ville au prince royal qui y fit aussitôt reconnaître l'autorité d'El-Morteda.

Sur ces entrefaites, la puissance des Mérinides prit un grand accroissement. Ils allèrent même dresser leurs tentes dans le territoire de Maroc, quand El-Morteda fit marcher contre eux une armée almohade commandée par Yahya-Ibn-Ouanoudîn. A l'approche de ces troupes, Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, le chef mérinide, s'éloigna rapidement avec les siens; mais, arrivé sur le bord de l'Omm-Rebiâ, il fit volte face et entama le combat. Les Almohades, abandonnés sur le champ de bataille par leurs alliés, les Beni-Djaber, furent obligés d'opérer leur retraite. Cette rencontre eut lieu à Omm-er-Ridjlein. Ali-Ibn-Abi-Ali, cheikh des Kholt, passa aux Mérinides et les accompagna à leurs cantonne

ments.

Yacoub-Ibn-Djermoun, auquel El-Morteda avait donné le commandement des Sofyan, tua son neveu, Yacoub-Ibn-Kanoun3, qui avait voulu lui disputer le pouvoir; mais, quelque temps après, il tomba lui-même sous les coups de Masoud et Ali, frères de sa victime. Son fils Abd-er-Rahman reçut alors d'El-Morteda

1 Le texte porte Temsna; mais on va voir que les Merinides, en se retirant, arrivèrent à l'Omm-Rebiâ. Ils s'étaient donc avancés au sud de cette rivière, bien au-delà de Temsna qui en est au nord. Nous verrons, dans leur histoire, qu'à cette époque ils étaient allés se montrer aux environs de Maroc.

2 Dans le t. 1, p. 62, l'auteur appelle ce personnage Mohammed-IbnKanoun.

le commandement de la tribu. Le nouveau chef, après avoir pris pour lieutenants Youçof-Ibn-Ouarzeg et Yacoub - Ibn-Alouan, s'abandonna aux plaisirs et finit par détrousser les voyageurs et passer aux Mérinides. El-Morteda le remplaça par Abou-ZemamObeid-Allah, fils de Djermoun; mais il reconnut bientôt l'incapacité de ce chef et lai substitua Masoud-Ibn-Kanoun1.

Aouadj-Ibn-Hilal, émir des Kholt, abandonna le parti des Beni-Merîn et revint faire sa soumission à El-Morteda. Admis alors au nombre des amis du khalife, il fixa son séjour à Maroc. Le bon accueil fait à Aouadj décida Abd-er-Rahman, fils de Yacoub-Ibn-Djermoun, à se rendre aussi à Maroc. El-Morteda s'empressa alors de faire arrêter à la fois Aouadj, Abd-er-Rahman et les deux lieutenants de celui-ci, et de les livrer à Ali-IbnAbi-Ali, [émir des Kholt,] qui leur ôta la vie. Masoud-IbnKanoun conserva le commandement des Sofyan et Ismaïl-IbnYacoub-Ibn-Caitoun obtint celui des Beni-Djaber.

En l'an 660 (1261-2), lorsque Yahya-Ibn-Ouanoudîn rentra à Maroc, après la bataille d'Omm-er-Ridjlein, une armée almohade, sous les ordres de Mohammed-Ibn-Ali-Azelmat, pénétra dans le Sous; mais Ali-Ibn-Yedder marcha à la rencontre de ces troupes et les mit en fuite, après en avoir tué le commandant. Le vizir Abou-Zeid-Ibn-Iguît reçut alors d'El-Morteda la couduite de la guerre contre Ibn-Yedder et partit pour le Sous à la tête d'un corps des milices, dans lequel se trouvait un capitaine chrétien nommé Don Lop. Plusieurs combats se livrèrent et toujours au désavantage des Almohades dont la bravoure et la force numérique furent neutralisées par les lenteurs de Don Lop et par son insubordination. El-Morteda, auquel le vizir écrivit pour s'en plaindre, manda le chrétien à la cour et le fit guetter et assassiner 3 en route par Abou-Zeid-Ibn-Yahya-el-Guedmïoui.

1 L'auteur ajoute ici son frère (akhihi); il aurait du écrire son neveu (ibn akhihi).

Peut-être Don Lopez.

3 Le sultan n'osait pas indisposer ses troupes chrétiennes en punissaut leur chef par la voie régulière : il le fit donc assassiner.

En l'an 662 (1263-4), Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack parut devant Maroc à la tête de ses Mérinides. Pendant plusieurs jours, les Almohades leur livrèrent une suite de combats sous les murs de la ville, et, dans une de ces rencontres, Abd-Allah-Atadjoub', fils de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, perdit la vie. El-Morteda envoya à son père des compliments de condoléance et le disposa à faire la paix par la promesse d'un tribut qui lui serait envoyé tous les ans. Yacoub accepta l'offre et leva le siége.

RÉVOLTE D'ABOU-DEBBOUS.

PRISE DE MAROC ET MORT DE

MORTEDA.

Quand les Beni-Merîn se furent éloignés de Maroc, après la mort d'Atadjoub, le cîd Abou-'l-Ola, surnommé Abou-Debbous (l'homme à la masse d'armes), fils du cîd Abou-Abd-AllahMohammed, petit-fils du cîd Abou-Hafs et arrière-petit-fils d'Abd-el-Moumen, s'enfuit de la capitale, par suite des calomnies que l'on répandait à son sujet et auxquelles El-Mortedal avait ajouté foi. Aussi, un général, qui, jusqu'alors, avait commandé les armées du khalifat, abandonna son souverain, et, s'étant fait accompagner de son cousin, le cîd Abou-MouçaAmran, fils d'Abd-Allah-Ibn-el-Khalifa, il courut se mettre sous la protection de Masoud-Ibn-Gueldacen, cheikh des Heskoura. S'étant ensuite rendu à Fez, il prit envers Yacoub-IbnAbd-el-Hack l'engagement de lui céder la moitié du territoire et des trésors de l'empire, pourvu que ce chef le soutînt dans ses projets. Après avoir reçu de lui un subside de cinq mille dinars achrïa et le don d'un équipage royal avec une lettre de recom

1 At-Adjoub, en berbère, signifie l'admirable.

Il faut, sans doute, lire fils d'Abd-Allah, fils d'Abou-Hafs, fils du khalife; c'est-à-dire d'Abd-el-Moumen.

3 Le dinar achrïa valait dix dinars ordinaires. — L'auteur du Cartas dit qu'Abou-Debbous reçut de Yacoub trois mille cavaliers mérinides, vingt mille dinars, des tambours et des drapeaux.

mandation pour Ali-Ibn-Abi-Ali, émir des Kholt, il alla trouver ce chef arabe, obtint l'appui de ses guerriers et se rendit dans le pays des Heskoura. S'étant alors arrêté chez son ami MasoudIbn--Gueldacen, il rallia à sa cause les Heskoura et les Hezerdja. Il y reçut aussi un contingent envoyé par Azouz-Ibn-Ibourk, chef des Sanhadja établis aux environs d'Azemmor, lequel venait de répudier l'autorité d'El-Morteda pour se joindre au parti de Yacoub - Ibn-Abd-el-Hack. Plusieurs membres de la famille royale vinrent aussi se mettre à sa disposition, et leur exemple fut suivi par un grand nombre d'Almohades et une forte partie des milices et de la troupe chrétienne.

El-Morteda se méfiait de Masoud-Ibn-Kanoun, cheikh des Sofyan, et d'Ismail-Ibn-Caitoun, cheikh des Beni-Djaber, aussi les fit-il arrêter et emprisonner; puis, averti que la grande majorité de ces tribus venait d'embrasser la cause d'AbouDebbous, il ordonna la mort d'Ismail - Ibn - Caitoun. Le frère d'Ismail se mit aussitôt en révolte ouverte et alla se joindre à Abou-Debbous. Alouch, fils de Kanoun, craignant pour son frère Masoud le même sort d'Ibn-Caitoun, envoya des troupes à la poursuite des insurgés.

Abou-'l-Ola[-Abou-Debbous] marcha alors sur Maroc, et, parvenu à Aghmat, il y rencontra un corps de troupes préposé à la garde de cette localité et commandé par le vizir Abou-ZeidIbn-Iguît. Il s'ensuivit un combat qui coûta au vizir beaucoup de monde et l'obligea à se retirer avec les débris de son armée. Le vainqueur poussa en avant et arriva si près de Maroc qu'Alouch, fils de Kanoun1, courut enfoncer sa lance dans la porte appelée Bab-es-Cherïa. Les habitants assistaient en ce moment à la prière du vendredi, et El-Morteda, qui se trouvait alors dans la ville, pensait si peu à l'approche d'Abou-Debbous qu'il avait laissé les murailles de sa capitale sans gardes et sans défenseurs. On était alors au commencement de l'année 665 (octobre 1266). Abou-Debbous, s'étant dirigé vers la porte d'Aghmat, escalada

L'auteur a négligé de nous informer qu'Alouch venait de passer aux Mérinides.

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