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Par la prise de la capitale qu'ils avaient fondée et auprès de laquelle ils s'étaient établis, les Lemaïa perdirent toute leur puissance et durent se disperser en petites bandes pour aller vivre au milieu des autres tribus.

Un de ces débris, les Djerba, habite jusqu'à ce jour l'île qui est située vis-à-vis de Cabes et qui porte leur nom. Les chrétiens de la Sicile s'emparèrent de cette île après avoir subjugué et soumis à la capitation les Djerba, les Sedouîkich 1 et les autres peuplades ketamiennes et lemaïennes qui y habitaient. Ils y érigèrent, sur le bord de la mer, une forteresse où ils établirent leur siége de gouvernement et à laquelle ils donnèrent le nom d'ElCachetil (Castello). Pendant longtemps les armées envoyées par les Hafsides de Tunis s'acharnaient contre cette place forte, mais ce ne fut que vers l'an 738 (1337), sous le règne de notre seigneur [Abou-Yahya-] Abou-Bekr, que Makhlouf-Ibn-el-Kemad, un de ses officiers, s'en rendit maître. L'islamisme s'est conservé dans Djerba jusqu'à nos jours, mais la population berbère a constamment professé la religion kharedjite, doctrine hérétique dont on enseigne encore les principes dans leurs écoles. Ils possèdent des ouvrages composés par les grands docteurs de leur secte et dans lesquels ils trouvent exposés les articles fondamentaux de leur foi et le développement de leur loi religieuse. Ces volumes se transmettent de père en fils et sont l'objet d'une étude assidue. Les Matmata, enfants de Faten-Ibn-Temsît et frères des Matghara et des Lemaïa, se partagent en plusieurs branches. Selon le généalogiste Sabec-el-Matmati et ses disciples, le père des Matmata se nommait Maskab, et avait pour surnom Matmat. Ils ajoutent que toutes les branches de cette tribu sont issues de Loua, fils de Matmat et frère d'Ourenchît. Ils ne nous apprennent pas si celui-ci laissa de la postérité. « Loua, disent-ils, eut >> quatre fils; Ourmakcen, Belaghef, Ourîgoul et Ilîsen. Les > trois premiers eurent de la postérité, et c'est d'eux que toutes >> les branches de la tribu de Matmata tirent leur origine. D'Our

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» makcen naquirent Masmoud, Yoanos et Ifrîn, et d'Ourîgoul >> sortirent Keltham, Mecîda et Fiden. Ces deux derniers mou>> rurent sans enfants, mais Keltham engendra Asferacen et Se>>>> lyayan. Les fils de Selyayan se nommaient Sabhan, Ourîghni, » Ousdi, Netsayan et Amr, mais on les désignait collectivement » par le titre de fils de Mastkouda, du nom de leur mère. Asfe>> racen engendra Irhad et Israsen, lequel eut quatre enfants : Ourtedjîn, Ourigoul, Guellida et Seggoum. On désigne aussi » ceux-ci par le nom de leur mère, en les appelant les fils de » Teligueftan. D'Irhad naquirent llit et Islacen; Ilit engendra >> Ourceflacen, Segguen, Mohammed, Megdîl et Dekoual. Les fils >> d'Islacen sont Faouïoulen, Itmacen, Markcen, Meçafer, Fellou» cen, Ourîdjid, Nafè, Abd-Allah et Ghardaï. Les enfants d'Ilaghef » [ou Belaghef], fils de Loua et petit-fils de Matmat, sont Dihya » et Tabeta. Tabeta engendra Madjercen, Rîgh, Adjelan, Ifam et » Corra. De Dihya provinrent Ourtedji et Medjlîn. Les enfants d'Ourtedji sont Maggarîn, Tour, Seggom et Ghamdjemîcen; » ceux de Medjlîn s'appelent Makour, Lechgoul, Kîlan, Mez>> goun, Catar et Aïoura. » Voilà, selon Sabec et ses disciples, les ramifications de la tribu de Matmata 2.

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Les Matmata vivent maintenant dispersés dans diverses localités on en trouve au midi de Fez, dans la montagne qui porte leur nom et qui s'élève entre cette ville et Sofrouï ; il en existe aussi dans les environs de Cabes et à l'occident de la ville bâtie auprès de la source chaude que l'on appelle Hamma Matmata (les thermes des Matmata). Il sera question de cet endroit dans l'histoire de la dynastie hafside et des royaumes qui ont fleuri en Ifrîkïa. Le reste de ce peuple vit dispersé au milieu des autres tribus.

Dans les temps anciens les Matmata habitaient les plateaux de Mindas, aux environs du Ouancherich et du Ghezoul, mon

1 Variante: Ourteguin.

2 Presque tous les noms rapportés dans cet extrait sont altérés. On reconnaît même, à l'inspection des manuscrits, que les copistes les ont transcrits d'une main incertaine, tant ils avaient de la peine à les déchiffrer.

tagne du pays de Tèhert. Devenus très-puissants vers la fin de la dynastie sanhadjite, ils prirent une part active à la guerre qui éclata entre Hammad-Ibn-Bologguîn et Badîs-Ibn-el-Mansour. A cette époque ils eurent pour chef Azana, émir qui se signala dans plusieurs batailles et rencontres avec les Oudjedîdjen, les Louata et les autres tribus du voisinage. Zîri, fils d'Azana, prit le commandement des Matmata lors de la mort de son père; mais bientôt après, il fut vaincu par les Sanhadja et passa en Espagne. Le vizir El-Mansour-Ibn-Abi-Amer, auprès duquel il se rendit, l'accueillit avec empressement et l'inscrivit sur la liste des émirs berbères qu'il avait admis à son service et dont l'appui lui était si utile. Ziri devint un des officiers les plus distingués de ce corps et parvint à jouir du plus haut crédit auprès de son maître. A la mort d'El-Mansour, ses fils El-Modaffer et Abd-er-Rahman continuèrent à traiter Zîri avec la même faveur qu'auparavant ; ils l'élevèrent en grade et l'admirent dans leur société intime. Lors de la révolte de Mohammed-Ibn-Hicham-Ibn-Abd-el-Djebbar, Zîri et tous les autres émirs et officiers berbères étaient absents; ayant accompagné Abou-Amer [Abd-er-Rahman] dans son expédition contre En-Noman. Ayant alors reconnu l'incapacité de leur chef et la mauvaise tournure que prenaient les affaires, ils passèrent tous du côté de Mohammed-Ibn-Hicham [devenu maintenant khalife sous le titre d'] El-Mehdi, et ils restèrent à son service jusqu'à la grande révolte des Berbères en Espagne. J'ignore l'année de la mort de Zîri.

Un autre grand personnage de la tribu des Matmata qui passa en Espagne fut Kehlan-Ibn-Abi-Loua-Ibn-Islasen. Il se rendit auprès d'En-Nacer [premier souverain de la dynastie hammou

1 L'orthographe de ce nom varie dans les mss.

* Abd-er-Rahman, fils du célèbre vizir El-Mansour, avait décidé le faible khalife Hicham-el-Mowaïed à le nommer son successeur par un acte solennel dont El-Makkari nous a conservé la copie. MohammedIbn-Hicham-Ibn-Abd-el-Djebbar, membre de la famille royale, fut tellement indigné de ce mauvais choix qu'il organisa une conspiration, s'empara de Cordoue et monta sur le trône après avoir fait mourir Abder-Rahman. Cela se passa en 399 (1009).

dite]. C'était un homme fort savant dans la généalogie des Berbères. Le plus grand des généalogistes berbères, autant que nous avons pu le savoir, appartenait aussi à cette tribu; nous voulons parler du célèbre Sabec - Ibn-Soleiman-Ibn-Herath-Ibn-MoulatIbn-Dounas. On regarde aussi comme matmatien Abd-Allah-IbnIdris, administrateur des impôts au nom du khalife fatemide, Obeid-Allah-el-Mehdi. Nous pourrions en citer beaucoup d'autres, mais cela nous mènerait trop loin. Voilà les renseignements que nous avons recueillis au sujet des Matmata.

Ayaut fait mention du territoire de Mindas, je dois rapporter ici les passages suivants que j'ai trouvé dans l'ouvrage d'un historien berbère : « Cette région fut ainsi nommée d'après Mindas, >> fils de Mefer, fils d'Aurîgh, fils de Kebouri, fils d'El-Mothenna, >> lequel est le même personnage que Hoouar. » Je crois que cet écrivain veut parler ici d'Addas-Ibn-Zahhik, le même que l'on dit avoir été élevé par Hoouar, et qu'il a mal compris la chose dont il parle. << Mindas eut trois fils: Cheraoua, Kolthoum et >> Toggom. >> »>« Quand la puissance des Matmata se fortifia, » ils eurent pour chef Arhasen-Ibn-Asferasen. Celui-ci chassa >> Mindas de ce territoire et y établit ses propres enfants, les» quels y restent encore. >>

Un débris des Matmata habite aujourd'hui le Quarchenîs'; il s'y réfugia à l'époque où les Beni-Toudjin, peuple zenatien, lui enlevèrent le territoire de Mindas. C'est maintenant une peusoumise à l'impôt.

Les Maghila sont frères des Matmata, des Lemaïa, des Melzouza, des Douna et des Kechata, bien que ces trois derniers peuples soient regardés comme maghiliens. Ils vivent maintenant dispersés dans différents endroits après avoir formé deux grosses bandes dont l'une habitait le Maghreb central et occupait les campagnes qui s'étendent depuis l'embouchure du Chélif jusqu'à

1 Variantes: Ouancherich, Ouarchticen. Aujourd'hui on écrit le nom de cette montagne de plusieurs manières, mais le surnom d'ElOuancherichi qui a été porté par plusieurs légistes distingués, indique suffisamment que la bonne ortographe est Ouancherich. Ibn-Khaldoun emploie presque toujours cette dernière forme.

Mazouna, ville qui existe encore. Ce fut d'un des ports de leur territoire qu'Abd-er-Rahman, surnommé Ed-Dakhel (l'intrus, le nouveau venu), et fondateur de la dynastie oméïade d'Espagne, mit à la voile pour aborder à Almuñecar, en Andalousie.

La tribu de Maghîla donna le jour à Abou-Corra-el-Maghîli, prince sofrite qui régna quarante ans, assiégea Tobna et livra plusieurs batailles aux émirs arabes de Cairouan. Il vécut vers le commencement de la dynastie abbacide. On dit, cependant, qu'il appartenait à la tribu d'Ifren, et comme cette opinion me paraît conforme à la vérité, je renvoie le lecteur au chapitre où je donne l'histoire des Beni-Ifren, branche des Zenata.

Abou-l-Hassan, chef qui se révolta en Ifrîkïa dans les premiers temps de l'islamisme, appartenait à la tribu de Maghîla, ainsi qu'Abou-Hatem-Yacoub, fils de Lebîb, fils de Medyen, fils d'Itouweft, fils de Melzouz. Selon les récits de Khaled, fils de Khodach et de Khalifa-Ibn-Kheïat, savants maghiliens, AbouHatem et Abou-Corra prirent les armes en l'an 150 (767-8), et s'emparèrent de Cairouan.

Au nombre de leurs chefs les Maghîla comptaient aussi MouçaIbn-Kholeid, Melih-Ibn-Alouan et Hassan-Ibn-Zeroual, le même qui accompagna Abd-er-Rahman l'oméïade en Espagne.

Sous le règne de Yala-Ibn-Mohammed-el-Ifreni, les Maghîla eurent pour émir Deloul-Ibn-Hammad, celui qui bâtit Igri 1, ville située à douze milles de la mer et dont on ne trouve plus que les ruines. De nos jours, il ne se rencontre pas une seule tribu maghilienne ni même une seule famille de cette race dans la localité que nous venons d'indiquer.

La seconde des deux bandes dans lesquelles les Maghila se partageaient habitait le Maghreb-el-Acsa. Lors de l'arrivée d'Idris-Ibn-Abd-Allah en Maghreb, elle se réunit aux Auréba et aux Sadîna, pour protéger ce prince et pour soutenir sa cause; elle porta aussi les autres tribus berbères à imiter leur exemple. Jusqu'à la chute des Idrîcides, elle leur témoigna un dévouement inaltérable. Dans le territoire qu'elle occupa et qui est situé

1 Variantes: Aikouni, Aikdi, Aifkan, etc.

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