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reprit ensuite ces deux places au prince abd-el-ouadite et rentra en Maghreb après avoir approvisionné ses nouvelles conquêtes et choisi Haroun pour les commander. Quelque temps après, Haroun conçut la pensée de ressaisir l'indépendance, et il se maintint dans sa forteresse pendant cinq ans. Assiégé par Yaghmoracen, il capitula, en l'an 672 (1273-4), et se rendit auprès de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack. Ayant obtenu de ce prince l'autorisation d'aller prendre part à la guerre sainte, il passa en Espagne et mourut sur le champ de bataille. Son frère Tachefîn lui succéda dans le commandement des Matghara et mourut en 703 (1309-4), laissant à sa famille l'autorité qu'elle conserve encore.

On trouve une autre portion de cette tribu dans le DjebelMatghara, montagne située au midi de Fez. Il y en a encore plusieurs peuplades dans les environs de Sidjilmessa, ville dont la majeure partie de la population se compose aussi de Matghariens. Cette circonstance contribue à entretenir parmi eux le remarquable esprit de corps qui se manifeste, de temps à autre, dans cette capitale.

Le Désert du Maghreb renferme un grand nombre de familles appartenant à la tribu des Matghara. Elles habitent des bourgades et s'occupent de la culture du dattier, à l'instar des Arabes. Depuis Touat, au midi de Sidjilmessa, jusqu'à Tementît, dernière ville de cette région, on rencontre une population sédentaire et fort nombreuse, composée de Matghara, dans laquelle une foule de Berbères, appartenant à diverses tribus, sont venus se mêler. On trouve aussi des Matghara à Figuig, ville située à six journées au midi de Tlemcen.

Figuig se compose de plusieurs bourgades rapprochées les unes des autres et formant une grande ville dans laquelle affluent tous les produits de la civilisation nomade. Elle est considérée comme une des principales villes du Désert, et grâce à son éloignement du Tell, elle jouit d'une entière indépendance. Ce sont les Beni-Cîd-el-Molouk, famille matgharienne, qui commandent à Figuig.

A l'orient de cette ville et à une distance de plusieurs journées, se trouve une suite de villages qui s'étendent en ligne droite vers

l'est, en remontant graduellement vers le nord. Le dernier de ces villages est situé à une journée au midi du mont Rached, dans cette partie du Désert que les Beni-Amer, tribu zoghbienne, parcourent avec leurs troupeaux. Ceux-ci en ont fait une espèce d'entrepôt; ils y laissent leurs bagages et trouvent encore dans sa possession bien d'autres avantages. On a donné à ce village le nom de Beni-Amer.

A l'orient des bourgades dont nous venons de parler, et à cinq journées de distance, se trouve un petit château (coléïâ) situé bien avant dans le Désert et appelé le Coléïâ de Ouallen. Il sert de résidence à une peuplade matgharienne, et comme c'est un des lieux les plus rapprochés du pays habité par les porteurs du litham, on y voit arriver des bandes de ces nomades dans les années où l'intensité de la chaleur les chasse de leurs déserts. Alors, sur les plateaux à l'entour de ce château, ils jouissent d'un air plus tempéré.

On rencontre aussi des membres de la tribu des Matghara dispersés dans tous les districts du Maghreb central et dans les régions de l'Ifrîkïa.

Les Lemaïa, branche de la famille de Faten-Ibn-Temzit, sont frères des Matghara. Ils formaient plusieurs ramifications au nombre desquelles Sabec et les généalogistes de son école comptent les Beni-Zekoufa, les Mezîza, les Melîza et les BeniMednîn. Ils parcouraient en nomades les provinces de l'Ifrîkïa et du Maghreb, mais la grande majorité de leurs tribus habitait cette partie du Maghreb central qui avoisine le Désert.

Quand la doctrine kharedjite se répandit parmi les Berbères, les Lemaïa adoptèrent les croyances des Eibadites. Cet exemple fut imité par leurs voisins, les Louata et les Hoouara établis dans le Seressou, au sud-est de Mindas, ainsi que par les Zouagha, tribu qui demeurait à l'occident de ceux-ci. Les Matmata, les Miknaça et les Zenata établis au nord-est de cette localité, avaient aussi adopté les croyances des Eibadites.

Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, un des musulmans qui assistèrent à la conquête de l'Ifrikïa, était fils de ce Rostem qui commandait l'armée persane à la bataille de Cadicïa. Entré

en Ifrîkïa avec les avant-coureurs de l'armée arabe 1, il s'y établit, et tout en montrant le plus grand dévouement au parti des Arabes yémenites dont il était l'allié juré, il adopta les principes enseignés par les Kharedjites. Les Eibadites de la province de Tripoli, ayant pris les armes pour châtier les Ourfeddjouma et leur enlever la ville de Cairouan, se rassemblèrent tous autour de leur chef spirituel, Abou-'l-Khattab-Abd-el-Ala-Ibn-es-Samehel-Mâaferi. En l'an 141 (758-9), ils s'emparèrent de Tripoli et ensuite de Cairouan où ils firent un massacre épouvantable des Ourfeddjouma commandés par Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-'l-Djâd, et des autres tribus nefzaouiennes. Ibn-Abi-'l-Djâd lui-même perdit la vie dans ce jour de vengeance. Abou-'l-Khattab confia alors le gouvernement de Cairouan à Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, et emmena avec lui les Eibadites zenatiens, hoouariens et autres qui avaient pris part à cette expédition. A la nouvelle de la révolte. des Berbères, des atrocités commises par les Ourfeddjouma et de la prise de Cairouan, siège du gouvernement de l'Ifrîkïa et du Maghreb, le khalife Abou-Djâfer-el-Mansour fit partir une armée pour ce pays sous les ordres de Mohammed-Ibn-el-Achâth-elKhozaï, auquel il donna aussi la commission de faire la guerre aux Kharedjites. Arrivé aux environs de Tripoli, en 144 (761-2), Ibn-el-Achâth défit l'armée berbère qui était venue à sa rencontre et en tua le général, Aboul-'l-Khattab. Abd-er-Rahman-IbnRostem se hâta alors d'évacuer Cairouan et d'emmener ses fils et les gens de sa maison chez les Berbères eibadites du Maghreb central. Arrivé au milieu de ses anciens amis et confédérés, les

1. Abd-er-Rahman le Rostemide, chef des Eibadites et fondateur de Tehert, mourut en l'an 168 de l'hégire. Il est donc impossible d'admettre qu'il fut fils du général persan Rostem, mort à Cadicïa, cent cinquante-trois ans auparavant. Ibn-Khaldoun et l'auteur du Baïan ne se sont pas laissé arrêter par cette difficulté, et, cependant, ils ont dù voir, dans le Meçalek d'Abou-Obeid-el-Bekri, ouvrage dont ils se sont servis, qu'Abd-er-Rahman, le Rostemide de la première invasion de l'Ifrîkïa, était fils d'Abd-el-Ouehhab et petit-fils de Rostem. Il est même probable que le second Abd-er-Rahman était petit-fils, ou peutêtre arrière-petit-fils du premier, ce qui mettrait quatre ou cinq générations entre lui et son grand-aïeul.

Lemaïa, il les rallia autour de lui et, s'en étant fait proclamer khalife, il résolut de fonder une ville qui lui servirait de siège de gouvernement. On bâtit par son ordre la ville de Tèhert sur le flanc du Djebel-Guezoul, montagne qui forme la limite du plateau de Mindas. Au pied de cette nouvelle capitale coulait le Minas, rivière qui a ses sources du côté du midi et qui se jette dans le Chélif après avoir passé auprès d'El-Bat'ha. Tèhert, dont Abder-Rahman posa les fondements en l'an 144 (761-2), s'agrandit beaucoup pendant son règne. Après sa mort, le trône fut rempli par son fils Abd-el-Ouehhab. En l'an 196 (811-2), ce souverain, qui était en même temps chef de la secte eibadite, parut devant Tripoli à la tête d'une armée composée de Hoouara [et d'autres Berbères, Abd-Allah, fils d'Ibrahim-Ibn-el-Aghleb, gouvernait cette ville au nom de son père, quand il s'y vit bloquer par l'ennemi. Ce fut pendant ce siège qu'il apprit la mort de son père, et voulant se rendre tout de suite à Cairouan pour y prendre le haut commandement, il acheta la paix d'Abd-el-Ouehhab, en cédant aux Berbères qui avaient suivi ce chef la possession de tout le pays ouvert. Abd-el-Ouehhab se retira alors du côté de Nefouça et laissa Abd-Allah partir pour Cairouan. Meimoun, fils et successeur d'Abd-el-Ouehhab, prit le titre de khalife en sa qualité de chef des Eibadites et des Sofrides-ouaceliens. Ces derniers, à eux seuls, lui fournissaient trente mille partisans, tous nomades et vivant sous la tente. La famille des Beni-Rostem régnait encore quand ses voisins, les Maghraoua et les Beni-Ifren, s'emparèrent de Tlemcen, et, comme ces peuples voulaient la contraindre à reconnaître la souveraineté des Idrîcides, elle soutint ur guerre contre eux. Ce fut en l'an 173 (789-90), que les f Zena, vaient pris le parti d'Idrîs. Les Rostemides leur résistèrent avec succès, et quand ils succombèrent, en l'an 296 (908-9), ce fut devant les armes d'Abou-Abd-Allah-es-Chîi, Ce général renversa leur puissance et s'empara de Tèhert, après avoir subjugué l'Ifrikia et fait connaître l'autorité d'ObeidAllah le Fatemide dans toutes les parties du Maghreb central et du Maghreb-el-Acsa. La dynastie des Rostemides disparut ainsi devant la dynastie naissante des Fatemides.

En l'an 298 (910-11), le général fatemide Arouba-Ibn-Youcefel-Ketami, vainqueur du Maghreb, donna le commandement de Tèhert à Douas-Ibn-Soulat de la tribu de Lehîça. Douas ne cessa de sévir contre les Berbères eibadites appartenant aux tribus de Lemaïa, d'Azdadja, de Louata, de Miknaça et de Matmata, jusqu'à ce qu'ils embrassèrent les doctrines de la secte hérétique [des chîites] et abandonnèrent pour toujours les croyances des kharedjites.

Sous le règne dukhalife fatemide Ismail-el-Mansour, [Hamid, fils d'] Islasen1 Ibn-Habbous, gouverneur de Tèhert, se déclara en faveur des Oméïades d'Espagne, et passa du côté d'ElKheir-Ibn-Mohammed-Ibn-Khazer, partisan dévoué de cette famille et leur principal agent auprès de la population zenatienne. El-Mansour ayant alors donné le commandement de Tèhert à son affranchi, l'eunuque Meiçour, et à Ahmed-ez-Zeddjali, une de ses créatures, Hamid et El-Kheir marchèrent contre la ville et la prirent d'assaut après avoir mis en déroute l'armée de Meiçour. Ce chef et son collègue Ez-Zeddjali tombèrent entre les mains des vainqueurs, mais, quelque temps après, ils obtinrent leur liberté. Dans la suite, Tèhert servit de boulevard à l'empire des Fatemides et des Sanhadja. Les Zenata s'en emparèrent plusieurs fois, et les troupes oméïades y mirent le siège lors de leur expédition contre Zîri-Ibn-Atïa, émir du Maghreb et chef des Maghraoua. Ceci eut lieu à l'époque où El-Modaffer, fils d'Abou-Amer [El-Mansour] arriva de l'Espagne pour lui faire la guerre.

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Après la chute de la dynastie sanhadjite et la conquête du Maghreb par les Lemtouna [Almoravides, les Ale ubjuguèrent ce pays ainsi que le Maghreb-el-Acsa.ata able la révolte des fils de Ghanîa aux environs de Cabes.cia Ghania, ayant porté ses armes en Ifrîkïa, envahit le Maghreb central, insulta les frontières de l'empire almohade et pénétra dans Tèhert de vive force et à plusieurs reprises. A la suite de ces malheurs, Tèhert resta abandonné, et vers l'an 620 (1223), ses ruines mêmes avaient disparu.

1. Variante: Beslasen.

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