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combattre Yahya et les insurgés. Les ayant attaqués dans la montagne des Hezerdja, il les chassa de leurs positions et s'empara de leur camp. Yahya prit la fuite et atteignit Sidjilmessa; mais la plupart des Almohades qui avaient embrassé sa cause firent leur soumission au vainqueur et le suivirent à la capitale. Ce fut leur chef, Abou-Othman-Saîd-Ibn-Zékérïa-el-Guedmîoui, qui leur en donna l'exemple et qui, par ses conseils, entraîna l'adhésion des plus récalcitrants. Il est vrai qu'Er-Rechîd dut prendre envers eux l'engagement de rétablir les institutions du Mehdi, condition qu'il exécuta fidèlement.

Avec eux arrivèrent Abou-Bekr-Ibn-Yâzi de Tînmelel, envoyé par Youçof-Ibn-Ali-Ibn-Youçof, cheikh de cette tribu, et Mohammed Ibn-Irzîguen-el-Hintati, envoyé par Abou-Ali-IbnAzouz. Ces agents rapportèrent à leurs chefs l'acceptation des conditions qu'ils avaient proposées et les décidèrent à se rendre au siège du gouvernement. Mouça, frère aîné de Yahya-Ibn-enNacer, fit le voyage avec eux. Leur exemple fut imité par AbouMohammed, fils d'Abou-Zékérïa, tous ayant renoncé à leurs intentions hostiles, en voyant le rétablissement des institutions. du Mehdi.

Omar-Ibn-Oucarît travailla toutefois à entraîner dans sa révolte Masoud-Ibn-Hamîdan, chef des Kholt, avec lequel il s'était lié d'amitié et dont la puissance et la tribu nombreuse rehaussaient singulièrement l'orgueil. L'on rapporte qu'à cette époque les Kholt pouvaient mettre en campagne environ douze mille guerriers, sans compter les fantassins, les dépendants de la tribu et les troupes fournies par leurs alliés. La fidélité de Masoud se relâcha; il s'abstint de paraître à la cour, et, après avoir appris que les principaux cheikhs almohades devaient s'y rendre, il les surprit en route et les massacra tous. De cette manière, il tâcha d'entretenir les désordres qui affligeaient l'empire. Pour l'attirer à la capitale, Er-Rechid eut recours à un stratagème: il envoya ses troupes dans la province de Haha sous la conduite du vizir, le cîd Abou-Mohammed, et il invita alors ce chef turbulent à venir le voir. Masoud, voyant le champ libre et persuadé qu'il n'y avait rien à craindre, accourut à Maroc, ame

nant avec lui Moaouïa, oncle d'Omar-Ibn-Oucarît. Aussitôt qu'ils arrivèrent, Moaouïafut arrêté et mis à mort, pendant que Masoud et ses compagnons, invités à une conférence avec le khalife dans la salle d'audience, soutenaient inutilement une lutte des plus acharnées contre les gens qui devaient leur ôter la vie. Er-Rechid accomplit ainsi son projet de vengeance et rappela du Haha le vizir et l'armée.

Quand les Kholt apprirent la mort de Masoud, ils élurent pour chef Yahya, fils de Hilal-Ibn-Hamîdan, et se mirent à faire des courses dans les provinces voisines; puis, d'après les conseils d'Omar-Ibn-Oucarît, ils rappelèrent Yahya-Ibn-en-Nacer du fond du Désert et allèrent mettre le siège devant Maroc. La garnison, commandée par Abd-es-Samed-Ibn-Iloulan, sortit pour les combattre, mais Ibn-Oucarît se jeta sur elle à la tête de ses bandes, la mit en déroute et tailla en pièces les milices chrétiennes auxquelles il avait coupé la retraite.

La capitale fut réduite presqu'à la dernière extrémité par le manque de vivres, quand Er-Rechîd en sortit et traversa les montagnes habitées par les tribus almohades, pour aller s'emparer de Sidjilmessa. Yahya, fils d'En-Nacer, pressa alors le siège de Maroc et s'en rendit maître avec l'appui des Kholtet des Heskoura. Les vainqueurs s'y livrèrent à tous les excès qui peuvent se commettre en pareille occasion, et dès ce moment commença le déclin du khalifat. Installé enfin dans Maroc, le sultan Yahya se laissa gouverner par le cîd Abou-Ibrahim, fils d'Abou Hafs et surnommé Abou-Ilaffa.

En l'an 633 (1235-6), Er-Rechîd quitta Sidjilmessa avec l'intention de reprendre Maroc, et décida Djermoun-Ibn-Eïça, chef des Sofyan, à lui fournir l'appui de cette tribu. Il venait de traverser l'Omm-Rebiâ quand il rencontra l'armée commandée par Yahya-Ibn-en-Nacer et en fit un massacre épouvantable après l'avoir mise en pleine déroute. A la suite de cette victoire, il occupa encore la capitale de l'empire.

Les Kholt écoutèrent alors les conseils d'Omar 1-Ibn-Oucarît et

1. On lit Yahya dans les manuscrits et le texte imprimé.

abandonnèrent la cause de Yahya-Ibn-en-Nacer pour reconnaître la souveraineté d'Ibn-Houd, seigneur de l'Espagne. Afin d'obtenir l'appui de ce prince, ils lui envoyèrent une députation, et Omar-Ibn-Oucarît, qui en faisait partie, profita de cette occasion pour rester en ce pays.

Er-Rechîd sortit alors de Maroc et marcha sur Fez en chassant les Kholt devant lui, et après avoir pris possession de cette ville, il chargea son vizir, le cîd Abou-Mohammed, d'aller percevoir les contributions du pays des Ghomara et de la province de Fazaz.

Yahya-Ibn-en-Nacer, se voyant abandonné par les Kholt, passa chez les Makiliens et se mit sous leur protection; mais, quand il rechercha leur appui, il lui fut impossible de consentir aux conditions exorbitantes qu'ils voulaient lui imposer. Un de ces Arabes, mécontent de voir ainsi repousser les prétentions de sa tribu, assassina Yahya aux environs de Tèza et envoya la tête de sa victime à Er-Rechîd. Ce monarque, qui était encore à Fez, fit porter à Maroc le triste trophée de son succès, ainsi qu'une dépêche par laquelle il enjoignit à Abou-Ali-Ibn-Abdel-Azîz, son lieutenant dans cette ville, de mettre à mort tous les Arabes que l'on y retenait prisonniers. Cet ordre coûta la vie à Hacen-Ibn-Zeid, chef des Acem, ainsi qu'à Caïdet à Faîd1, tous les deux fils d'Amer et cheikhs des Beni-Djaber.

En l'an 634 (1236-7), Er-Rechîd prit le chemin de sa capitale; mais, avant d'y arriver, il reçut la nouvelle qu'AbouMohammed-Ibn-Ouanoudîn, seigneur du Derâ, venait de s'emparer de Sidjilmessa. Il faut savoir qu'Er-Rechîd, en quittant cette ville, y avait laissé Youçof-Ibn-Ali-et-Tînmeleli en qualité de lieutenant et qu'il y avait même donné un commandement à son cousin maternel, Yahya, fils d'Arcam et petit-fils de Mohammed-Ibn-Merdenîch. Yahya ayant été tué dans son camp par un insurgé sanhadjien, son fils Arcam entreprit de venger sa mort et réussit au gré de ses désirs; mais, craignant ensuite d'être destitué, il écouta les suggestions de l'ambition et se mit en révolte. En l'an 632, pendant qu'Er-Rechîd marchait contre

1. Voir t. I, pp. 68-69.

T. II.

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lui, Ibn-Ouanoudîn parvint à surprendre Sidjilmessa, ville dont il avait convoité la possession depuis longtemps. Il épargna toutefois les jours d'Arcam.

En l'an 634 (1236-7), Ibn-Oucarît obtint d'Ibn-Houd le secours d'une flotte et faillit s'emparer de Salé, forteresse dans laquelle se trouvait le cîd Abou-'l-Ola, beau-père d'Er-Rechîd.

En 635, le peuple de Séville répudia l'autorité d'Ibn-Houd et proclama la souveraineté d'Er-Rechîd. Abou-Omar 1-Ibn-elDjedd, l'auteur principal de ce mouvement, envoya en Afrique [quelques membres de] la famille Haddjadj 2, et cette députation se rendit à Maroc après avoir soulevé les habitants de Ceuta en faveur d'Er-Rechîd. El-Yanechti, l'officier qui y commandait, était déjà en rebellion contre Ibn-Houd, quand cette nouvelle révolution lui enleva son pouvoir usurpé. Er-Rechîd, qui se trouvait alors à Maroc, désigna comme gouverneur de Ceuta un de ces envoyés, le nommé Abou-Ali-Ibn-Khalas.

Quelques jours après leur arrivée à la capitale, Omar-IbnOucarit fut conduit [en Afrique] par une députation espagnole, après avoir été arrêté à Séville sur la réquisition du cadi AbouAbd-Allah-el-Moumenani lequel était alors chargé d'une mission auprès d'Ibn-Houd. On enferma cet homme turbulent dans la prison d'Azemmor; puis, sur l'ordre du khalife, on lui ôta la vie, après l'avoir paradé à dos de chameau devant le peuple. Son corps fut mis en croix au ribat des Heskoura.

Après avoir congédié les députations de Séville et Ceuta, ErRechîd appela auprès de lui les chefs des Kholt, et, les ayant mis aux arrêts, il fit ravager les cantonnements de cette tribu par u corps d'armée et ordonna ensuite la mort des prisonniers. Ibn-Oucarit fut alors exécuté et mourut avec eux. De cette manière, le khalife abattit la puissance des Kholt.

En l'an 636 (1238-9), il reçut à foi et hommage Mohammed

1. Variante: Amr.

2. Dans un autre chapitre, qui se trouvera ci-après, l'auteur parle plus longuement d'Ibn-el-Djedd. Dans la note 3, p. 201 de ce volume, nous avons dit quelques mots de la famille Haddjadj.

Ibn-Youçof-Ibn-Nasr-Ibn-el-Amer, qui s'était soulevé en Espagne contre Ibn-Houd.

L'année suivante, de graves désordres affligèrent le Maghreb dont les campagnes avaient été envahies par la tribu des Merîn. Les Riah, commandés par leur cheikh Othman-Ibn-Nasr, essuyèrent une défaite sanglante en voulant les repousser de la province d'Azghar. Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudîn, qui avait été rappelé de Sidjilmessa en 635, pour recevoir d'Er-Rechîd le commandement général de Fez, de Sidjilmessa, de Ghomara et des territoires qui en dépendent, marcha contre les Mérinides et se fit battre par eux. Le même malheur lui arriva dans une seconde et une troisième expédition, mais, néanmoins, il continua à leur faire la guerre encore deux ans avant de rentrer dans la capitale.

Les Mérinides persistèrent toutefois à harasser le Maghreb et, pendant ces hostilités, les Beni-Hammama, une de leurs familles, obligèrent les Miknaça à leur payer tribut. Les BeniAsker [autre tribu merinide] en éprouvèrent une telle jalousie qu'ils ne cessèrent de porter le ravage dans le territoire des Miknaça [à Tèza].

En 639 (1241-2), Er-Rechîd fit mourir son secrétaire [AbouAbd-Allah-JIbn-el-Moumenani, après avoir découvert que ce fonctionnaire entretenait une correspondance secrète avec le cîd Omar-Ibn-Abd-el-Azîz, neveu du feu sultan El-Mansour. Une lettre écrite par El-Moumenani et adressée au cîd, ayant été déposée au palais par une méprise du messager, était tombée entre les mains du sultan.

En 640 [9 du second Djomada] (4 décembre 1242), Er-Rechîd fut trouvé noyé, dit-on, dans une des citernes du palais. Selon un autre récit, il en fut retiré vivant, mais une fièvre le saisit à l'instant et l'emporta.

RÈGNE D'ES-SAID, FILS D'EL-MAMOUN.

Après la mort d'Er-Rechîd, son frère, Abou-'l-Hacen-[Ali-]esSaîd, fut proclamé souverain sur la proposition d'Abou-Moham med-Ibn-Ouanoudîn. Le nouveau khalife prit e titre d'El-Mo

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