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possibilité de l'entamer et s'en alla faire la guerre sainte aux Berghouata. Il mourut en l'an 372 (982-3)1, pendant qu'il était en marche pour rentrer dans son pays. Djâfer reprit le chemin de Cordoue et, dès lors, il partagea avec El-Mansour le fardeau du gouvernement.

El-Mansour-Ibn-Abi- Amer cessa alors de maintenir une administration oméiade en Maghreb et se borna à l'occupation de Ceuta, laissant aux princes zenatiens le soin d'expulser de ce pays les troupes sanhadjiennes et les partisans des Fatemides. Il continua de mettre ainsi leur dévouement à l'épreuve jusqu'à l'époque où El-Hacen-Ibn-Kennoun reparut en Maghreb. Ce prince idricide, ayant reçu d'El-Azîz-Nizar l'autorisation de quitter l'Egypte et de faire une tentative contre le Maghreb 2, avait obtenu de Bologguîn, peu de temps avant la mort de cet émir, le secours d'un corps de troupes sanhadjiennes ; puis, à la suite d'un appel qu'il fit à ses partisans maghrebins, il était parvenu à gagner l'appui de Yeddou-Ibn-Yala l'ifrenide, de Zîri, frère de Yeddou, et d'Abou-Yeddas, son cousin. Ces chefs lui amenèrent tous les Ifrenides qu'ils avaient sous leurs ordres.

Ibn-Abi-Amer-el-Mansour mit aussitot ses troupes et ses trésors à la disposition de son cousin, Abou-'l-Hakem-Amr-IbnAbd-Allah-Ibn-Abi-Amer, surnommé Askéladja 3, et l'envoya combattre Ibn-Kennoun. Débarqué en Afrique, l'an 375 (9856), cet officier rassembla autour de son drapeau les princes de la famille Khazer, tels que Mohammed-Ibn-el-Kheir, Mocatel-IbnAtïa, Ziri-Ibn-Atïa, et Khazrouu-Ibn-Felfoul. Soutenu par ces chefs et par une foule de Maghraoua, il marcha contre l'idricide, le contraignit à demander grâce et le fit prisonnier en lui donnant l'assurance la plus formelle que ses jours seraient respectés. Il Je fit alors partir pour Cordoue, et ce fut avec un mécontentement extrême qu'il apprit comment, au mépris de sa parole, on avait

1 Bologguîn mourut en l'an 373 (984).

Voy. p. 218 de ce volume et t. 1. p. 452. 3 Voy, ci-devant, p. 219.

ôté la vie à ce malheureux prince. Bientot après, il fut lui même mis à mort, ainsi que nous l'avons dit.

De tous les princes zenatiens, Mocatel-Ibn-Atïa et son frère Zîri s'étaient montrés les plus dévoués à El-Mansour et les plus attachés au parti des Oméïades. Yeddou-Ibn-Yala et son peuple, les Beni-Ifren, étaient, au contraire, fort mal disposés pour cette dynastie. Quand Askéladja quitta le Maghreb, le visir HacenIbn-Ahmed-Ibn-Abd-el-Ouédoud-es-Selmi lui succéda dans le commandement, et vint en prendre possession, l'an 376 (986-7). El-Mansour lui avait donné l'autorisation de choisir lui-même les troupes qui devaient l'accompagner et de puiser librement dans les coffres de l'état. Il lui recommanda de traiter avec une bienveillance spéciale les princes maghraouiens et surtout Mocatel et Zîri, chefs dont le dévouement avait toujours été si parfait, et il le chargea, en même temps, de poursuivre sans relâche YeddouIbn-Yala, cet homme si perfide et si enclin à la révolte. Le visir partit pour sa destination et, arrivé à Fez, il étendit son autorité sur les provinces du Maghreb et réunit autour de lui les princes des Zenata.

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Mocatel-Ibn-Atïa mourut en 378 (988-9), et son frère Zîri, qui prit alors le commandement des nomades maghraouiens montra, ainsi que son peuple, une obéissance parfaite à IbnAbd-el-Ouédoud, gouverneur du Maghreb. En l'an 381 (991-2), El-Mansour-Ibn-Abi-Amer envoya un messager à Fez, résidence de Zîri, pour inviter ce chef à venir le voir. Son intention était de lui accorder de nouveaux honneurs afin de piquer la jalousie de Yeddou-Ibn-Yala et d'inspirer à ce chef réfractaire le désir de gagner des faveurs semblables en faisant sa soumission. Le chef maghraouien s'empressa d'obéir après avoir nommé son fils, El-Moëzz, lieutenant-gouverneur du Maghreb et l'avoir établi dans Tlemcen, boulevard de ce pays. Il confia, en même temps, à Ali-Ibn-Mahmoud-Ibn-Abi-Ali-Ibn-Cachouch le gouvernement de la partie de Fez appelée le quartier des Cairouanides, et il plaça le quartier des Andalous sous l'autorité d'Abder-Rahman - Ibn-Abd-el-Kerîm - Ibn-Thâleba. En se rendant auprès d'El-Mansour, il se fit précéder d'un riche cadeau destiné

à ce ministre. El-Mansour envoya au-devant de lui un cortége magnifique et le reçut avec les honneurs militaires. Il ajouta à ces marques de considération un accueil des plus empressés, une pension sur l'état, le titre de vizir et le traitement attaché à cette dignité. Il fit inscrire aussi tous les gens de sa suite sur le registre de la solde au bureau militaire, et, après l'avoir amplement dédommagé de ses frais de voyage et de cadeaux, il s'empressa de le renvoyer au siége de son commandement.

On répandit alors au sujet de Zîri certains bruits auxquels personne n'aurait pu s'attendre. L'on disait qu'il avait montré du mépris pour les bontés d'El-Mansour, de l'ingratitude pour ses bienfaits et du dédain pour le titre de vizir dont ce ministre l'avait honoré. L'on rapportait même qu'il s'était exprimé en ces termes à un de ses serviteurs qui l'avait appellé seigneur vizir: « Je ne veux pas de ce titre-là, morbleu! sache, butor! » que le mien est émir, fils d'émir. C'est vraiment une belle >> guenille qu'Ibn-Abi-Amer m'a donnée là! Vive Dieu! il ne >> serait pas où il est maintenant s'il y avait eu en Espagne un >> seul homme de cœur! Il n'a pour lui que des imbéciles >> fieffés 1. Par Dieu! il a lésiné avec moi et a voulu déprécier >> mon cadeau; puis, au mépris de tout sentiment d'honneur, » il m'a trompé sur la qualité des objets qu'il me présenta >> comme l'équivalent de ce don; à moins qu'il n'aît fait entrer >> en ligne de compte ce titre de vizir avec lequel il n'a fait que » me dégrader. » Ces propos vinrent à l'oreille d'Ibn-Abi-Amer qui, au lieu d'y faire attention, combla Zîri de nouveaux bienfaits.

Yeddou-Ibn-Yala l'ifrenide, compétiteur de Zîri pour le commandement des Zenata, reçut alors d'El-Mansour l'invitation d'aller le voir. Il y répondit par injures et s'écria: «El-Mansour >> croit-il que l'onagre se laisse mener chez le dompteur de » chevaux? » A la suite de cette boutade, il se mit à détrousser voyageurs, à piller les tribus et à dévaster le pays. El-Man

les

1 Tel paraît être le sens des mots du texte arabe de l'édition imprimée.

sour écrivit alors à son gouverneur pour le Maghreb, le vizir Ibn-Abd-el-Ouédoud, lui prescrivant de rompre avec Yeddou et de fournir à Zîri, l'ennemi de ce chef, tout ce qu'il lui faudrait pour le combattre. En l'an 384 (991-2), le vizir et Zîri réunirent leurs troupes, livrèrent bataille au rebelle et essuyèrent une défaite; leur armée fut taillée en pièces et le vizir fut atteint d'une blessure dont il mourut. El-Mansour éprouva un vif chagrin à la réception de cette nouvelle et, plein d'inquiétude sur l'avenir du Maghreb, il envoya à Zîri-Ibn Atïa un brevet qui l'autorisait à prendre en main les affaires de ce pays et à enrôler sous son drapeau les milices de l'empire et les gens d'Ibn-Abd-el-Ouédoud. Ziri se chargea de cette commission difficile et déploya une grande habileté dans la défense du territoire qui formait son gouvernement.

La puissance de Yeddou-Ibn-Yala et des Beni-Ifren s'accrut enfin à un tel point qu'ils tinrent tête à Zîri-Ibn-Atïa et lui firent sentir de près le feu de la guerre. Une série de combats se livra dans lesquels chaque parti remporta alternativement la victoire. Les habitants de Fez eurent le malheur de voir leur ville prise et reprise et leurs campagnes ruinées par des invasions successives. Dieu vint enfin au secours de Zîri et des Maghraoua cn leur envoyant Abou-'l-Behar, fils de Ziri-Ibn-Menad.

Ce prince abandonna la cause des Fatemides pour celle des Oméïades, après s'être révolté contre son neveu, El-MansourIbn-Bologguîn-Ibn-Zîri, seigneur de Cairouan et de l'Ifrîkïa. Son exemple fut imité par Khalouf-Ibn-Abi-Bekr, gouverneur de Téhert [pour les Fatemides] et par Atîa, frère de Khalouf, qui eurent pour motiver leur défection la parcnté que des mariages avaient établie entre leur famille et celle de Zîri-Ibn-Atïa. Aidés par Abou-'l-Behar, ces deux chefs détachèrent de l'empire fatemide toutes les provinces du Maghreb central, depuis le Zab et le Ouancherîch jusqu'à Oran, et il firent célébrer la prière, dans

1 Dans le texte arabe, il faut lire, avec les manuscrits, ibn-akhihi fle fils de son frère)

toutes leurs mosquées, au nom du khalife oméïade, Hicham-elMouwaïed. Abou-'l-Behar envoya alors en Espagne son neveu, Abou-Bekr, fils de Habbous-Ibn-Zîri, accompagné de plusieurs autres membres de sa famille et de quelques chefs sanhadjiens, pour complimenter El-Mansour. Cette députation y fut accueillie avec les honneurs militaires, et tous les membres dont elles se composa obtinrent de riches cadeaux du ministre espagnol. Quand Abou-Bekr se présenta pour prendre congé, El-Mansour lui remit cinq cents pièces de soie de divers genres, plusieurs esclaves, des vases et des parures pour la valeur de dix mille pièces d'argent et une somme de vingt cinq mille pièces d'or, en le chargeant de tout remettre à Abou-1- Behar. Il fit aussi engager celui-ci à soutenir Zîri - Ibn- Atia contre YeddouIbn-Yala, et il partagea d'une manière si égale le gouvernement du Maghreb entre ces deux chefs que chacun d'eux obtint l'un des deux quartiers qui composent la ville de Fez.

Cette coalition ne donna aucun souci à Yeddou et ne le détourna nullement de sa carrière de désordre: il continua, comme auparavant, à piller les villes, à dévaster les campagnes et à briser, par sa rebellion, l'unité de l'état.

Khalouf, fils d'Abou-Bekr ne tarda pas à quitter le parti d'ElMansour[-Ibn-Abi-Amer] pour s'attacher de nouveau à celui d'El - Mansour - Ibn - Bologguîn. Le zèle d'Abou-'l-Behar se refroidit quand on l'invita à combattre ce chef dont il était le parent; mais Zìri, voyant qu'il ne bougeait pas, marcha luimême contre Khalouf et, dans le mois de Ramadan 381 (novembre-déc. 994), il tomba sur lui, le tua ainsi qu'un grand nombre de ses partisans, s'empara de leur camp et rallia sous son drapeau la majeure partie des survivants. Atïa, frère de Khalouf, courut se jeter dans le Désert. A la suite de cette victoire, Zîri marcha contre les bandes de Yeddou-Ibn-Yala et les mit en déroute après leur avoir tué trois mille hommes. Le camp de Yeddou, son harem, dans lequel se trouvait sa mère et sa sœur, tombèrent au pouvoir de Zîri, et les débris de son armée se rangèrent du côté de ce chef. Pour échapper aux vainqueurs, Yeddou se jeta dans le Désert où il resta jusqu'à ce qu'il fut as

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