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appelé Abou-Mouça, se proclama souverain à Ceuta et prit le titre d'El-Mouwéïed (soutenu par Dieu). El-Mamoun sortit alors de Maroc, et, ayant appris, pendant sa marche, que les BeniFazaz et les Meklata bloquaient Miknaça (Mequinez) et en dévastaient les environs, il se porta de ce côté et mit un terme à leurs brigandages. Arrivé sous les murs de Ceuta, il l'assiégea pendant trois mois, sans pouvoir s'en emparer, car son frère AbouMouça venait d'obtenir d'Ibn-Houd, souverain de l'Espagne, le secours d'une flotte et les moyens de faire une vigoureuse résis.tance.

Yahya, fils d'En-Nacer, saisit alors l'occasion de marcher contre Maroc, et soutenu par les Arabes sofyanides sous les ordres de Djermoun-Ibn-Eïça, et par Abou-Saîd-Ibn-Ouanoudîn, chef des Hintata, il y pénétra de vive force. Pendant que ces troupes mettaient tout au sac et au pillage, El-Mamoun leva le siege de Ceuta et reprit le chemin de sa capitale; mais, arrivé auprès de l'Omm-Rebiâ, il cessa de vivre.

Sa mort eut lieu vers le commencement de l'an 630 (octobrenovembre 1232) ‘.

Quand il se fut éloigné de Ceuta, son frère, le cid AbouMouça, fit sa soumission à Ibn-Houd et le mit en possession de cette ville, afin d'obtenir de lui un autre commandement *.

RÈGNE D'ER-RECHÎD, FILS D'EL-MAMOUN.

Les partisans d'El-Mamoun cachèrent la mort de leur souverain et prêtèrent le serment de fidélité à son fils, Abd-el-Ouahed, auquel ils donnèrent, en même temps, le surnom d'Er-Rechîd (le prudent). Ils pressèrent ensuite leur marche vers Maroc, et ayant rencontré Yahya -Ibn-en-Nacer, qui était venu leur livrer bataille, après avoir établi Abou-Saîd-Ibn-Ouanoudîn comme

1 Il mourut auprès du Ouad-el-Abid, branche supérieure de l'OmmRebià, dans le dernier jour de l'an 629 (17 octobre 1232). — (Cartas.)

2 Abou-Mouça reçut d'Ibn-Houd le gouvernement d'Almeria et il mourut dans cette ville.

son lieutenant dans cette ville, ils tuèrent une grande partie de ses troupes et forcèrent le reste à prendre la fuite. Les habitants de la capitale, surpris par l'arrivée subite d'Er-Rechîd, ne firent qu'une faible résistance et se transportèrent ensuite au camp pour lui jurer fidélité 1. Le cîd Abou-Mohammed-Sâd, prince qui tenait un haut rang dans l'empire et qui en avait dirigé l'admi-' nistration avec une autorité absolue, accompagna son neveu ErRechîd dans cette expédition.

Omar-Ibn-Oucarît, grand cheikh des Heskoura, amena alors à Maroc les frères du nouveau souverain. Chassés de Séville par les habitants, ces princes étaient venus se fixer à Ceuta, auprès de leur oncle Abou-Mouça; et, après l'occupation de cette forteresse par Ibn-Houd, ils étaient partis pour se rendre à la capitale en traversant le pays des Heskoura. Depuis quelque temps, Ibn-Oucarît se méfiait d'El-Mamoun3 et n'espérait plus rentrer en grâce, quand il vit arriver ces jeunes gens chez lui et résolut de s'en faire des protecteurs. Accueilli par Er-Rechîd avec une bonté parfaite, il profita de ce retour de fortune pour cultiver l'amitié de Masoud-Ibn-Hamidan, chef des Kholt, et pour faire sa cour au cîd Abou-Mohammed-Såd. A la mort de celui-ci, il se trouva privé d'un ferme appui et rentra bientôt au milieu de sa tribu; retranché dans sa montagne, il jeta le masque, se rangea du côté de Yahya, fils d'En-Nacer, et rallia au parti de ce prince les diverses tribus almohades.

En l'an 631 (1233-4), Er-Rechîd confia à son beau-père*, Abou-'l-Ola-Idris, le commandement de Maroc et sortit pour

4 La mère d'Er-Rechid, qui était chrétienne de naissance, conduisit avec beaucoup d'habileté l'intrigue qui devait assurer le trône à son fils. Pour gagner l'appui des troupes, elle promit d'imposer une rançon sur la ville de Maroc et de leur en distribuer le montant. Selon l'auteur du Cartas, les habitants eurent à payer cinq cent mille pièces d'or. 2 Variante reçue : Aucarit.

3 Nous devons peut-être lire Er-Rechid.

Ou gendre. Le mot arabe seuher peut signifier beau-père, gendre, beau-frère, car il s'emploie pour désigner celui qui devient le parent d'un autre par un mariage.

combattre Yahya et les insurgés. Les ayant attaqués dans la montagne des Hezerdja, il les chassa de leurs positions et s'empara de leur camp. Yahya prit la fuite et atteignit Sidjilmessa; mais la plupart des Almohades qui avaient embrassé sa cause firent leur soumission au vainqueur et le suivirent à la capitale. Ce fut leur chef, Abou-Othman-Said-Ibn-Zékérïa-el-Guedmîoui, qui leur en donna l'exemple et qui, par ses conseils, entraîna l'adhésion des plus récalcitrants. Il est vrai qu'Er-Rechîd dut prendre envers eux l'engagement de rétablir les institutions du Mehdi, condition qu'il exécuta fidèlement.

Avec eux arrivèrent Abou-Bekr-Ibn-Yâzi de Tînmelel, envoyé par Youçof-Ibn-Ali-Ibn-Youçof, cheikh de cette tribu, et Mohammed Ibn-Irziguen-el-Hintati, envoyé par Abou-Ali-IbnAzouz. Ces agents rapportèrent à leurs chefs l'acceptation des conditions qu'ils avaient proposées et les décidèrent à se rendre au siége du gouvernement. Mouça, frère aîné de Yahya-Ibn-enNacer, fit le voyage avec eux. Leur exemple fut imité par AbouMohammed, fils d'Abou-Zékérïa; tous ayant renoncé à leurs intentions hostiles, en voyant le rétablissement des institutions du Mehdi.

Omar-Ibn-Oucarît travailla toutefois à entraîner dans sa révolte Masoud-Ibn-Hamîdan, chef des Kholt, avec lequel il s'était lié d'amitié et dont la puissance et la tribu nombreuse rehaussaient singulièrement l'orgueil. L'on rapporte qu'à cette époque les Kholt pouvaient mettre en campagne environ douze mille guerriers, sans compter les fantassins, les dépendants de la tribu et les troupes fournies par leurs alliés. La fidélité de Masoud se relâcha; il s'abstint de paraître à la cour, et, après avoir appris que les principaux cheikhs almohades devaient s'y rendre, il les surprit en route et les massacra tous. De cette manière, il tâcha d'entretenir les désordres qui affligeaient l'empire. Pour l'attirer à la capitale, Er-Rechîd eut recours à un stratagème il envoya ses troupes dans la province de Haha sous la conduite du vizir, le cîd Abou-Mohammed, et il invita alors ce chef turbulent à venir le voir. Masoud, voyant le champ libre et persuadé qu'il n'y avait rien à craindre, accourut à Maroc, ame

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nant avec lui Moaouïa, oncle d'Omar-Ibn-Oucarît. Aussitôt qu'ils arrivèrent, Moaouïa fut arrêté et mis à mort, pendant que Masoud et ses compagnons, invités à une conférence avec le khalife dans la salle d'audience, soutenaient inutilement une lutte des plus acharnées contre les gens qui devaient leur ôter la vie. Er-Rechîd accomplit ainsi son projet de vengeance et rappela du Haha le vizir et l'armée.

Quand les Kholt apprirent la mort de Masoud, ils élurent pour chef Yahya, fils de Hilal-Ibn-Hamîdan, et se mirent à faire des courses dans les provinces voisines; puis, d'après les conseils d'Omar-Ibn-Oucarît, ils rappelèrent Yahya-Ibn-en-Nacer du fond du Désert et allèrent mettre le siège devant Maroc. La garnison, commandée par Abd-es-Samed-Ibn-Iloulan sortit pour les combattre, mais Ibn-Oucarît se jeta sur elle à la tête de ses bandes, la mit en déroute et tailla en pièces les milices chrétiennes auxquelles il avait coupé la retraite.

La capitale fut réduite presqu'à la dernière extrémité par le manque de vivres, quand Er-Rechîd en sortit et traversa les montagnes habitées par les tribus almohades, pour aller s'emparer de Sidjilmessa. Yahya, fils d'En-Nacer, pressa alors le siège de Maroc et s'en rendit maître avec l'appui des Kholt et des Heskoura. Les vainqueurs s'y livrèrent à tous les excès qui peuvent se commettre en pareille occasion, et, dès ce moment, commença le declin du khalifat. Installé enfin dans Maroc, le sultan Yahya se laissa gouverner par le cîd Abou-Ibrahîm, fils d'Abou-Hafs et surnommé Abou-Haffa.

En l'an 633 (1235-6), Er-Rechîd quitta Sidjilmessa avec l'intention de reprendre Maroc, et décida Djermoun- Ibn – Eïça, chef des Sofyan, à lui fournir l'appui de cette tribu. Il venait de traverser l'Omm-Rebiâ quand il rencontra l'armée commandée par Yahya-Ibn-en-Nacer et en fit un massacre épouvantable après l'avoir mis en pleine déroute. A la suite de cette victoire, il occupa encore la capitale de l'empire.

Les Kholt écoutèrent alors les conseils d'Omar Ibn-Oucarît et

On lit Yahya dans les manuscrits et le texte imprimé.

abandonnèrent la cause de Yahya-lbn-et-Nacer pour reconnaître la souveraineté d'Ibn-Houd, seigneur de l'Espagne. Afin d'obtenir l'appui de ce prince, ils lui envoyèrent une députation, et Omar-Ibn-Oucarît, qui en faisait partie, profita de cette occasion pour rester en ce pays.

Er-Rechid sortit alors de Maroc et marcha sur Fez en chassant les Kholt devant lui, et, après avoir pris possession de cette ville, il chargea son vizir, le cîd Abou-Mohammed, d'aller percevoir les contributions du pays des Ghomara et de la province de Fazaz.

Yahya-Ibn-en-Nacer, se voyant abandonné par les Kholt, passa chez les Makiliens et se mit sous leur protection; mais, quand il rechercha leur appui, il lui fut impossible de consentir aux conditions exorbitantes qu'ils voulaient lui imposer. Un de ces Arabes, mécontent de voir ainsi repousser les prétentions de sa tribu, assassina Yahya aux environs de Tèza et envoya la tête de sa victime à Er-Rechîd. Ce monarque, qui était encore à Fez, fit porter à Maroc le triste trophée de son succès, ainsi qu'une dépêche par laquelle il enjoignit à Abou-Ali-Ibn-Abd el-Azîz, son lieutenant dans cette ville, de mettre à mort tous les Arabes que l'on y retenait prisonniers. Cet ordre coûta la vie à Hacen-Ibn-Zeid, chef des Acem, ainsi qu'à Caïd et à Faîd 1; tous les deux fils d'Amer et cheikhs des Beni-Djaber.

En l'an 634 (1236-7), Er-Rechîd prit le chemin de sa capitale; mais, avant d'y arriver, il reçut la nouvelle qu'AbouMohammed-Ibn-Ouanoudîn, seigneur du Derâ, venait de s'emparer de Sidjilmessa. Il faut savoir qu'Er-Rechîd, en quittant cette ville, y avait laissé Youçof-Ibn-Ali-et-Tînmeleli en qualité de lieutenant et qu'il y avait même donné un commandement à son cousin maternel, Yahya, fils d'Arcam et petit-fils de Mohammed-Ibn-Merdenîch. Yahya ayant été tué dans son camp par un insurgé sanhadjien, son fils Arcam entreprit de venger sa mort et réussit au gré de ses désirs; mais, craignant ensuite d'être destitué, il écouta les suggestions de l'ambition et se mit en révolte. En l'an 632, pendant qu'Er-Rechîd marchait contre

↑ Voy. t. 1, pp. 68, 69.

T. H.

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