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ce contre-temps, il donna à son frère, Abou-'l-Ola, l'ordre d'aller assiéger la ville dans laquelle le prétendant s'était enfermé, et comme elle résista vigoureusement à cette attaque, il chargea Abou-Said le hafside du soin de mettre les révoltés à la raison. Cette nouvelle tentative eut le même sort que la première et fit prendre aux affaires de l'Espagne une tournure peu favorable à la cause d'El-Adel.

Pendant que ce monarque se tenait dans Murcie, les chrétiens envahirent, à plusieurs reprises, le territoire de cette ville ainsi que les environs de Séville, et les troupes almohades essuyèrent une défaite à Tejada. Cédant alors aux conseils de ses courtisans, il renvoya Ibn-Youwoddjan à Ceuta, et, ne pouvant soumettre El-Baïaci qui avait consolidé sa puissance avec l'appui des chrétiens, il traversa le Détroit, après avoir confié à son frère, Abou-'l-Ola, le gouvernement de l'Espagne.

Débarqué au Casr-el-Medjaz, il y reçut la visite d'Obbou (Abou-Mohammed), fils d'Abou-Mohammed et petit-fils d'AbouHafs, et lui ayant demandé comment il se portait, il obtint cette réponse :

Mon état est si bon que le fils de Mansour n'a qu'à l'apprendre pour voir la fortune elle-même lui devenir favorable. Charmé de ce vers [qui lui paraissait de bonne augure], il en nomma l'auteur gouverneur de l'Ifrîkïa.

Il écrivit alors à son cousin, le cid Abou-Zeid, de venir le rejoindre et se rendit à Salé, d'où il envoya chercher les cheikhs de la tribu de Djochem. Comme Ibn-Youwoddjan s'était lié d'amitié avec Hilal - Ibn- Hamîdan-Ibn- Moccadem, émir des Kholt, Ibn-Djermoun, l'émir des Sofyan, s'abstint d'obeir à l'invitation, de sorte qu'un conflit eut lieu entre les deux tribus.

El-Adel se rendit à Maroc en toute hâte et prit pour vizir Abou-Zeid, fils d'Abou-Mohammed et petit-fils du cheikh AbouHafs. Ibn-Youwoddjan, tombé en disgrâce, médita quelque trahison, pendant qu'Ibn-es-Chehîd et Youçof-Ibn-Ali, cheikhs des Hintata et des Tînmelel, établissaient leur ascendant à la

A Voy. p. 485 de ce vol., n. 4.

cour. Aussi, quand il marcha, plus tard, contre les Heskoura et les Kholt qui étaient venus dévaster les environs de Maroc, il se garda bien de remplir son devoir et donna aux révoltés l'occasion de ravager la province de Dokkala.

Ibrahîm, fils d'Ismaïl et petit-fils du cheikh Abou-Hafs, le même qui avait essayé d'enlever le gouvernement de l'Ifrîkïa aux enfants d'Abou - Mohammed, fait dont nous parlerons ailleurs, reçut alors d'El-Adel le commandement d'une armée almohade et alla combattre les insurgés. Dans la bataille qui s'ensuivit, il perdit la journée et la vie. A la suite de cette affaire, Ibn-es-Chehîd et Youçof-Ibn-Ali se rendirent au milieu de leurs tribus respectives, afin de lever assez de troupes pour repousser les Heskoura; mais ayant alors conçut la pensée d'ôter le trône à El-Adel et d'y porter Yahya, fils d'En-Nacer, ils marchèrent sur Maroc, pénétrèrent de vive force dans le palais et le livrèrent au pillage. El-Adel y mourut étranglé, au commencement du mois de choual 624 (septembre 1227)1.

REGNE D'EL-MAMOUN, FILS D'EL-MANSOUR.
YAHYA, FILS D'EN-NACER.

SA GUERRE AVEC

Quand [Abou-'l-Ola-Idris] El-Mamoun apprit que les Almohades et les Arabes avaient répudié l'autorité de son frère [El-Adel], il se fit proclamer souverain à Séville et rallia à sa cause la grande majorité du peuple espagnol. Le cîd Abou-Zeid lui-même, gouverneur de Valence et de l'Espagne orientale, lui prêta le serment de fidélité. La révolte des Almohades contre El-Adel eut pour suites la mort de ce prince et l'inauguration de Yahya, fils d'En-Nacer et neveu d'El-Mamoun. Celui-ci écrivit alors secrètement à Ibn-Youwoddjan, l'invitant à susciter des embarras au gouvernement marocain, et ce fonctionnaire y répondit en poussant les Heskoura et les Arabes à faire des

↑ Les Almohades voulaient contraindre El-Adel à abdiquer, et, sur son refus, les uns le tinrent la tête plongée dans le bassin d'un jetd'eau, pendant que les autres l'étranglèrent avec la toile de son propre turban..

(Cartas.)

courses dans les environs de la capitale. Les insurgés avaient déjà repoussé les troupes almohades, quand Ibn-es-Chehîd découvrit la trahison d'Ibn-Youwoddjan et alla le tuer chez lui.

Yahya, fils d'En-Nacer, s'étant réfugié dans [Tînmelel ], l'asile qu'il s'était choisi, les Almohades prononcèrent sa déposition et firent porter leurs hommages à El-Mamoun. Les meneurs de ce mouvement furent El-Hacen-Abou-Abd-Allah-el-Ghoreigher et le cîd Abou-Hafs, fils d'Abou-Hafs. A cette nouvelle, Yahya, fils d'En-Nacer, et Ibn-es-Chehîd descendirent jusqu'à Maroc et tuèrent les révoltés. Cela eut lieu en l'an 626 (1228-9).

El-Mamoun reçut alors l'adhésion du gouverneur de Fez ainsi que celles de Mohammed, fils d'Abou-Zeid-Ibn-Youwoddjan et gouverneur de Tlemcen, d'Abou-Mouça, fils d'El-Mansour et gouverneur de Ceuta, et de son neveu Ibn-Attas, gouverneur de Bougie. Le gouverneur de l'lfrîkïa s'abstint de faire acte de soumission, et cette circonstance fut une des causes qui amenèrent l'établissement de la dynastie hafside, ainsi que nous le raconterons plus tard. De toutes les provinces de l'empire, l'Ifrîkïa et Sidjilmessa furent les seules qui restèrent fidèles à Yahya, fils d'En-Nacer.

La ville de Cordoue tomba au pouvoir d'El-Baïaci, qui partit ensuite avec le roi chrétien, (auquel il avait cédé Quesada et d'autres forteresses musulmanes) afin d'assiéger El-Mamoun dans Séville. Défait aux environs de cette ville par El-Mamoun, il se jeta dans Cordoue; mais, voyant que les habitants avaient pris les armes pour l'expulser de chez eux, il courut se réfugier dans le château d'Almodovar. Son vizir, Abou-Ibourk, profita de cette occasion pour l'assassiner et partit ensuite pour Séville, afin de présenter la tête de sa victime à El-Mamoun. Ensuite survint la révolte de Mohammed-Ibn-Youçof-IbnHoud qui s'empara de Murcie et d'une grande partie de l'Espagne orientale, ainsi que nous l'avons raconté dans l'histoire de ce prince. El-Mamoun alla l'assiéger; mais, ne pouvant le sou

1 C'est dans la partie inédite de son histoire universelle que notre auteur esquisse l'histoire d'Ibn-Houd.

mettre, il rentra à Séville d'où il partit pour Maroc l'an 626 (1228-9). Appelé en Maghreb par les vœux des habitants qui, déjà, lui avaient transmis l'assurance de leur fidélité, et, encouragé par un message que lui envoya Hilal-Ibn-Hamidan, émir des Kholt, il traversa le Détroit, emmenant avec lui un corps de troupes chrétiennes que leur roi avait mises à sa disposition,

moyennant certaines conditions'.

Aussitôt qu'il quitta l'Espagne, le peuple de Séville reconnut l'autorité d'Ibn-Houd; et, débarqué en Afrique, il eut à combattre Yahya-Ibn-Nacer qui était venu à sa rencontre. Après avoir taillé en pièces les Almohades et Arabes qui formaient l'armée de son adversaire, il marcha sur la capitale pendant que Yahya courut se réfugier dans la montagne des Hintata.

Arrivé à Maroc, il convoqua les cheikhs almohades, et leur récapitulant les méfaits dont ils s'étaient rendus coupables, il en fit arrêter une centaine des principaux et les envoya à la mort2.

1 Le roi chrétien mit à la disposition d'El-Mamoun un corps de douze mille cavaliers, et, en retour de ce service, il obtint la remise de dix forteresses musulmanes situées sur la frontière de son empire et qu'il désigna lui-même. Il lui imposa aussi l'obligation de bâtir, dans la ville de Maroc, pour ces troupes chrétiennes, une église où il leur serait permis de sonner des cloches aux heures de la prière. D'après une autre condition, si l'un de ces soldats voulait embrasser l'islamisme, le sultan devait repousser une telle demande et en renvoyer l'auteur au corps dont il faisait partie pour subir un jugement; et si un musulman se faisait chrétien, on ne devait le punir en aucune façon.

L'auteur du Cartas, qui souvent exagère quand il rapporte des nombres, déclare que quatre mille six cents Almohades furent exécutés en cette occasion. Leurs têtes furent plantées sur des lances autour du palais; et, quand un des courtisans se plaignait de la mauvaise odeur qu'elles répandaient, le sultan lui disait : « L'odeur d'un traître » mort ne déplaît qu'aux traîtres; les sujets fidèles la trouvent bonne.>> Il était verseur de sang, dit l'auteur du Cartas, et, dans cette occupation, il ne s'arrêtait pas même pendant le temps d'un clind'œil. Trèsinstruit, du reste, il savait parfaitement le coran, les traditions, l'histoire des anciens arabes, la philologie et les belles-lettres. Il écrivait en arabe avec une rare élégance et se plaisait à lire le Bokhari, le Mowatta, traité de droit de Malek, les traditions d'Abou-Dawoud, et était tout aussi instruit dans les sciences profanes que dans les sciences religieuses.

Ensuite, il adressa un édit à toutes les villes de l'empire, ordonnant, 1° la suppression du nom du Mehdi dans les inscriptions monétaires et dans la prière du vendredi ; 2o la suppression de cette partie de l'adan (appel à la prière) qui était conçu en langue berbère et renfermait un pieux souvenir de ce réformateur; 3o la suppression des mots lève-toi et louange à Dieu ! que l'on avait insérés dans l'adan du point du jour. Il défendit plusieurs autres usages introduits par le Mehdi ou par Abd-elMoumen, et suivis par les descendants de celui-ci. Il déclara exécrable la coutume d'appeler le Mehdi l'imam impeccable, et; chaque fois qu'il renouvela ces prohibitions, il en ajouta de nouvelles1. D'après l'engagement pris envers ses auxiliaires chrétiens, il leur permit de bâtir une église dans la ville de Maroc et d'y sonner leurs cloches.

Ibn-Houd profita de son éloignement pour s'emparer de l'Espagne [musulmane] et en expulser les Almohades. Dans toutes les parties de ce pays, la populace massacra les membres de ce corps, sans même épargner les jours du cid Abou-'r-Rebiâ, neveu d'El-Mansour, qu'El-Mamoun avait laissé dans Cordoue comme gouverneur.

En l'an 627 (1229-30), l'émir de l'Ifrîkïa, Abou-Zékérïa, fils d'Abou-Mohammed et petit-fils du cheikh Abou-Hafs, se déclara indépendant.

[A cette occasion], El-Mamoun nomma son cousin, le cîd Abou-Amran, fils de Mohammed-el-Hardani, au gouvernement de Bougie et lui associa Abou-Abd-Allah-el-Libyani, frère de l'émir Abou-Zékérïa; puis, ayant été attaqué par Yahya, fils d'En-Nacer, il le défit à deux reprises, massacra ses partisans et fit planter leurs têtes sur les murs de la capitale. Yahya passa alors dans les provinces de Derâ et de Sidjilmessa.

Quelque temps après ces événements, un frère d'El-Mamoun,

↑ Dans un de ses discours, prononcé en chaire à la mosquée, il dit à l'assemblée : « Hommes qui m'entendez ! n'appelez pas Ibn-Toumert l'imam impeccable (masoum); dites plutôt qu'il est le misérable égaré

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et coupable (madmoum). Il n'y a point d'autre Mehdi que Jésus.»

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