Images de page
PDF
ePub

la guerre entre les Ifrenîdes et les Maghraoua, Hammama se tint dans son gouvernement de Chala et prêta à son peuple un vigoureux appui. Ayant négocié un traité de paix avec El-Mansour, seigneur de Cairouan, il fit passer, en l'an 406 (1015-6), un riche cadeau à ce prince qui assiégeait son oncle Hammad dans la Cala. Zaoui, fils Zîri-Ibn-Yala, et frère de Hammana, porta cette offrande à sa destination et fut reçu par les troupes sanhadjiennes, drapeaux déployés et tambours battants. A la mort de Hammana, son frère, l'émir Abou-]-Kemal-Temim, prit le commandement des Beni-Ifren. Rempli de zèle pour la religion et passionné pour la guerre sainte, il conclut une paix avec les Maghraoua, afin de pouvoir combattre les Berghouata.

En l'an 424 (1033), la guerre éclata de nouveau entre les Beni-Ifren et les Maghraoua; leurs anciennes haines se rallumèrent, et Abou-'l-Kemal, seigneur de Chala, de Tedla et des lieux voisins, entra en campagne avec les Ifrenides. Hammama, fils d'El-Moëzz[-Ibn-Atïa] marcha à sa rencontre avec les troupes. maghraouiennes. Une bataille acharnée amena la défaite de celles-ci, et Hammama se réfugia dans Oudjda, pendant que l'émir Abou-'l-Kemal s'empara de Fez et du Maghreb. En prenant possession de cette ville. il y dépouilla les juifs de toutes leurs richesses et livra leurs femmes à ses soldats. Hammama rassembla alors les contingents de toutes les tribus maghraouiennes et zenatiennes; il envoya des agents chez les populations campées dans le Maghreb central afin d'y lever des troupes, et il se rendit lui-même à Ténès ponr solliciter l'appui des chefs qui commandaient dans cette localité. Il s'adressa même par écrit aux cheikhs des tribus éloignées. En l'an 429 (1037-8), il marcha sur Fez, en expulsa Abou-l-Kemal et le contraignit à rentrer dans Chala.

Depuis lors, Abou-'l-Kemal ne sortit plus de Chala, siége de son gouvernement. Il mourut en 446 (1054-5), et Hammad, son fils et successeur, mourut l'année suivante. Youçof, fils de Hammad, prit alors le commandement et mourut en 458 (1066). Son oncle et successeur, Mohammed, fils d'Abou - 'l - Kemal, trouva la mort en combattant les Almoravides, à l'époque où ce

peuple enleva le Maghreb à la domination de toutes ces tribus. L'empire est à Dieu; il le donne à celui de ses serviteurs qu'il veu!; le succès est à ceux qui craignent Dieu1.

Abou-Yeddas-Ibn-Dounas, oncle et assassin de Habbous-IbnZîri, ayant vu le mécontentement des Beni-Ifren et leur répugnance à l'accepter pour chef, passa en Espagne, l'an 3823 (992-3), avec ses frères, Abou-Corra, Abou-Zeid et Attaf. IbnAbi-Amer-el-Mansour les accueillit tous avec une haute distinction et mit Abou-Yeddas au nombre des chefs et des émirs [qu'il avait pris à son service]. Il lui accorda, en même temps, un traitement considérable et plusieurs fiefs (icta). Par son ordre, les noms de tous les gens d'Abou-Yeddas qui étaient venus en Espagne furent enregistrés au bureau [de la solde des troupes]. Ce chef s'y fit une grande illustration et atteignit à un haut rang dans le service de l'empire.

A l'époque où la discorde éclata dans le sein du khalifat oméïade et que les milices berbères firent aux troupes [arabes] espagnoles une guerre acharnée, Abou-Yeddas se distingua par ses faits d'armes et ses aventures extraordinaires. En l'an 400 (1009-10), El-Mostaïn monta sur le trône de Cordoue et rassembla autour de lui tous les Berbères qui se trouvaient en Espagne. [Son prédécesseur] El-Mehdi passa la frontière, obtint l'appui du roi de Galice et marcha avec lui sur Grenade. ElMostaïn se retira alors du côté de la mer avec ses Berbères ; mais arrivé au bord du Guadiaro, il dut livrer bataille aux troupes d'El-Mehdi qui s'étaient mises à sa poursuite. Dans la

1 Coran; sourate 7, verset 425.

2 Il faut probablement lire cousin; voy., ci-devant, p. 221. On voit par le Cartas qu'une grande confusion règne dans la généalogie de cette famille.

3 Cette date est fausse notre auteur lui-même nous apprend que l'assassinat de Habbous eut lieu postérieurement à l'an 383.

Ce fut Don Raymond, fils de Don Borel et comte de Barcelone, qui prêta son appui au souverain oméïade El-Mehdi.

lutte qui s'ensuivit, les Berbères déployèrent une grande bravoure et mirent en déroute les armées d'El-Mehdi et du roi chrétien; mais ils perdirent Abou-Yeddas qui reçut une blessure mortelle en se couvrant de gloire. Il fut enterré au lieu même où il succomba.

Khalouf, fils d'Abou-Yeddas, et Temîm-Ibn-Khalouf, son petit-fils, tinrent un haut rang parmi les guerriers zenatiens qui servaient en Espagne et s'y firent remarquer par leur bravoure. Yahya, fils d'Abd-er-Rahman, fils d'Attaf, frère d'AbouYeddas, appartenait aussi à ce corps de guerriers. Entré au service de la dynastie hammoudite, il s'attacha à El-Caïm, khalife de la même famille, et obtint de lui le gouvernement de Cordoue.

HISTOIRE D'ABOU-NOUR, FILS D'ABOU-CORRA, ET DE L'EMPIRE QU'IL

FONDA EN ESPAGNE LORS DE LA DISSOLUTION DU KHALIFAT.

Abou-Nour, fils d'Abou - Corra et membre de la tribu des Beni-Ifren, était un de ces chefs berbères qui contribuèrent le plus au triomphe de leur peuple pendant la guerre civile [qui éclata en Espagne vers la fin de la dynastie oméïade]. En l'an 405 (1044-5), il profita de cette époque de troubles pour expulser de Ronda Amer-Ibn-Fotouh, client des Oméïades, et s'y établir comme prince indépendant. Quand Ibn-Abbad eut raffermi sa puissance dans Séville et pris ses mesures pour soumettre les provinces et les forteresses voisines, la mésintelligence se mit entre lui et Abou-Nour. En l'an 443 (1051–2), à la suite de plusieurs querelles et réconciliations, Ibn-Abbad le nomma, par brevet, seigneur de Ronda et des cantons qui en dépendent. D'autres chefs berbères reçurent des faveurs semblables d'Ibn-Abbad vers la même époque. En l'an 450 (1058-9), Abou-Nour fut invité par ce prince à une fête de famille, et, pendant qu'il y était, son hôte se joua de sa crédulité en lui faisant apporter une lettre forgée au nom de la concubine qu'il avait laissée dans son palais à Ronda. Ce billet renfermait des plaintes contre le fils d'Abou-Nour et l'accusait d'avoir attenté à

l'honneur de la personne qui lui écrivait. Il s'en retourna aussitôt chez lui et tua son fils; mais, ayant ensuite reconnu la trahison dont il avait été le dupe, il mourut de chagrin.

Abou-Nasr, son second fils et son successeur, régna jusqu'à l'an 457 (1065). Attaqué alors dans son palais par un officier de ses troupes, il prit la fuite et se tua en tombant du haut de la muraille. El-Motaded[-Ibn-Abbad] reçut du traître les clefs de Ronda.

Selon un autre récit, Abou-Nour fut une des victimes qui périrent, l'an 445 (1053-4), dans le guet-apens du bain1, et son fils, Abou-Nasr, en ayant appris la nouvelle, éprouva le sort que nous venons de mentionner.

NOTICE DES MERENDJÎSA, TRIBU BRANCHE DE CELLE

DES IFREN.

Cette branche de la tribu des Ifren habitait les plaines de l'Ifrîkïa et se distingua par sa puissance et par la population nombreuse dont elle se composait. Quand Abou-Yezîd se révolta contre les Fatemides, les Mérendjîsa cédèrent à leur esprit de corps et fournirent des secours au perturbateur dont la tribu, les Beni-Ouargou, était sœur de la leur. Après la chute d'AbouYezid, ils éprouvèrent la vengeance du gouvernement fatemide et de ses lieutenants, les Sanhadja. Opprimés, accablés, ils subirent des châtiments qui n'épargnèrent ni leurs personnes ni leurs biens; réduits ainsi à l'impuissance, ils tombèrent au niveau des tribus soumises aux impôts.

Les familles qui en restèrent parcoururent dès lors le territoire situé entre Tunis et Cairouan; demeurant sous la tente, elles élevaient des troupeaux de moutons et de bœufs, mais, pour avoir de quoi se nourrir, elles s'occupaient aussi de l'agriculture.

Ci-après, vers la fin du chapitre sur les Beni-Demmer, notre auteur raconte l'histoire de ce guet-apens.

T. III.

15

Tel fut leur état quand les Almohades effectuèrent la conquête de l'Ifrikïa. Le peuple vainqueur ne se borna pas à les frapper d'impôts et de contributions, il les obligea à fournir un certain nombre d'hommes à l'armée du sultan, chaque fois qu'elle se mettait en campagne.

Plus tard, les Kaoub, tribu soleimide, occupèrent la région qui s'étend depuis Cabes jusqu'à Bèdja, après avoir expulsé de l'Ifrîkïa les Douaouida, ennemis du sultan. En récompense du dévouement qu'ils montrèrent dans la suite au gouvernement hafside, ainsi que du zèle qu'ils déployèrent à soutenir cet empire, ils obtinrent la concession de tout ce qu'il leur plaisait de demander, en fait de provinces et d'impôts. Au nombre de ces concessions se trouva l'impôt (kharadj) des Mérendjîsa.

Après la défaite des Mérinides à Cairouan, les Arabes profitèrent d'une période de bouleversement et de confusion pour faire peser leur domination sur le sultan et sur l'empire. Les Kaoub maintinrent alors leurs usurpations au moyen des ressources que leur offrit la tribu des Mérendjîza. Ils en tiraient des chevaux pour la remonte, des impôts pour subvenir à leurs dépenses, des chameaux pour transporter leurs bagages et des cavaliers pour les aider dans leurs guerres. Ce peuple était, en un mot, une proie pour les nourrir, un esclave pour les servir, mais, lorsque Dieu eut dissipé les ténèbres de la révolte et relevé le khalifat qui penchait vers sa ruine, - que l'héritage de l'empire hafside eut passé au plus digne, - à notre seigneur le sultan Abou-'l-Abbas, alors le ciel s'éclaircit, l'horizon se dégagea, et les Arabes usurpateurs1 dûrent céder devant la puissance du monarque, évacuer ses états et cesser d'opprimer ses sujets. Les Merendjîza devinrent ses amis, après avoir subi le châtiment de leur coalition avec les Arabes et des courses qu'ils avaient faites en leur compagnie; ils rentrèrent dans la bonne voie et, s'étant attachés au sultan avec franchise, ils reprirent l'habitude de payer l'impôt (gharama) et d'observer les règlements du kharadj. Tel est encore leur état en ce moment.

Dans le texte arabe, lisez el-motaghallibin.

« PrécédentContinuer »