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maintiendrait tous les deux dans le devoir. Il est vrai que la faveur du chambellan était déjà acquise à Zîri dont la fidélité avait pour garantie un caractère franc et loyal. En l'an 379 (989-90), Zîri reçut l'ordre de se rendre à Cordoue, et, s'étant mis en route à l'instant même, il s'y vit comblé d'honneurs et de gratifications, depuis le moment de son arrivée en Espagne jusqu'à celui de son départ. Le messager qui porta une semblable invitation à Yeddou, obtint de lui cette réponse : « Va demander » à Ibn-Abi-Amer si l'onagre se laisse mener chez le dompteur » de chevaux ? » Dès lors, Yeddou lâcha la bride à son esprit de rapine et de brigandage. Ibn-Abd-el-Ouédoud, gouverneur du Maghreb, se mit en campagne avec les milices espagnoles et les troupes fournies par les princes zenatiens; voulant soutenir Zîri-Ibn-Atïa, l'adversaire et rival de Yeddou. Celui-ci rassembla une armée et, en l'an 381 (991-2), il remporta sur Ibn-Abd-elQuédoud une victoire éclatante. Les milices du sultan furent écrasées, les troupes maghraouiennes taillées en pièces et le vizir reçut une blessure dont il mourut au bout de quelques jours. Ibn-Abi-Amer apprit cette fâcheuse nouvelle par une dépêche, et, sur-le-champ, il fit porter à Zîri l'ordre d'occuper Fez, de prendre à sa solde tous les gens du vizir et de se charger du gouvernement du Maghreb. Nous reviendrons sur ces événements dans la notice des Beni-Atïa, nous bornant ici à faire savoir que Yeddou enleva Fez à Zîri par deux fois.

Vers cette époque, Abou-'l-Behar, fils de Zîri-Ibn-Menad le sanhadjien, se révolta contre son neveu, El-Mansour-Ibn-Bologguin, seigneur de Cairouan, et répudia l'autorité des Fatemides. S'étant réfugié dans la partie maritime de la province de Tlemil envoya un autre de ses neveux et les officiers de sa suite en Espagne, afin de solliciter l'appui d'Ibn-Abi- Amer. Ce ministre fit porter des cadeaux et de l'argent au transfuge qui se trouvait alors à Fez, avec Ziri-Ibn-Atia. Le chef maghraouien et son

cen,

Dans le texte arabe, il faut ajouter la conjonction copulative et lire wa wodjɔuh.

hôte réunirent leurs efforts contre Yeddou-Ibn-Yala qui, de son côté, leur fit beaucoup de mal. Dans la suite, Abou-'l-Behar se rangea encore du côté de son neveu, El-Mansour, et, après avoir essuyé une défaite dans une guerre contre Ziri, son ancien allié, il se rendit à Ceuta, d'où il alla rejoindre sa famille [à Cairouan]'.

Devenu plus puissant par cette victoire, Zîri livra un combat à Yeddou, lui tua plus de trois mille cavaliers et s'empara des trésors, du camp et du harem de son adversaire. Cette rencontre eut lieu en l'an 383. Yeddou mourut dans le Désert où il était allé se réfugier. Il eut pour successeur dans le commandement de sa tribu, Habbous, fils de son frère, Ziri-Ibn-Yala. Habbous fut assassiné par son cousin, Abou-Yeddas-Ibn-Dounas qui ambitionnait le pouvoir. Le meurtrier, voyant que la tribu repoussait ses prétentions, s'enfuit de nuit et passa en Espagne avec une nombreuse troupe de partisans. Hammama, fils de Zîrı-IbnYala et frère de Habbous, prit alors le commandement des BeniIfren et parvint à relever leur puissance.

Selon un autre récit, la guerre entre Yeddou et Zîri-Ibn-Atïa fut pour les deux partis une alternative de succès et de revers; la ville de Fez tomba au pouvoir, tantôt de l'un, tantôt de l'autre. Ziri étant allé visiter El-Mansour[-Ibn-Abi-Amer], Yeddou profita de son absence pour occuper Fez et y massacrer uue foule de Maghraoua. Zîri revint alors, mit le siége devant la ville et força son adversaire à soutenir une lutte dans laquelle beaucoup de Maghraouiens et d'Ifrenides succombèrent. En 383 (993-4), Ziri emporta Fez de vive force et envoya la tête de Yeddou au seuil du khalifat, à Cordoue. Dieu sait auquel de ces récits on doit accorder confiance.

Devenu chef des Beni-Ifren, Hammama les mena du côté de Chala, dans le Maghreb-el-Acsa, et enleva à Zîri cette ville ainsi que la partie de Tedla qui en dépend. Pendant toute la durée de

↑ Voy. t. 1, pp. 15, 16.

*La leçon du texte imprimé est bonne à l'égard du mot akhou. Dans l'errata, nous avons eu le tort de proposer la leçon akhi.

la guerre entre les Ifrenîdes et les Maghraoua, Hammama se tint dans son gouvernement de Chala et prêta à son peuple un vigoureux appui. Ayant négocié un traité de paix avec El-Mansour, seigneur de Cairouan, il fit passer, en l'an 406 (4045-6), un riche cadeau à ce prince qui assiégeait son oncle Hammad dans la Calà. Zaoui, fils Ziri-Ibn-Yala, et frère de Hammana, porta cette offrande à sa destination et fut reçu par les troupes sanhadjiennes, drapeaux déployés et tambours battants. A la mort de Hammana, son frère, l'émir Abou-'l-Kemal-Temim, prit le commandement des Beni-Ifren. Rempli de zèle pour la religion et passionné pour la guerre sainte, il conclut une paix avec les Maghraoua, afin de pouvoir combattre les Berghouata.

En l'an 424 (1033), la guerre éclata de nouveau entre les Beni-Ifren et les Maghraoua; leurs anciennes haines se rallumèrent, et Abou-'l-Kemal, seigneur de Chala, de Tedla et des lieux voisins, entra en campagne avec les Ifrenides. Hammama, fils d'El-Moëzz[-Ibn-Atïa] marcha à sa rencontre avec les troupes maghraouiennes. Une bataille acharnée amena la défaite de celles-ci, et Hammama se réfugia dans Oudjda, pendant que l'émir Abou-'l-Kemal s'empara de Fez et du Maghreb. En prenant possession de cette ville, il y dépouilla les juifs de toutes leurs richesses et livra leurs femmes à ses soldats. Hammama rassembla alors les contingents de toutes les tribus maghraouiennes et zenatiennes ; il envoya des agents chez les populations campées dans le Maghreb central afin d'y lever des troupes, et il se rendit lui-même à Ténès ponr solliciter l'appui des chefs qui commandaient dans cette localité. Il s'adressa même par écrit aux cheikhs des tribus éloignées. En l'an 429 (1037-8), il marcha sur Fez, en expulsa Abou-'l-Kemal et le contraignit à rentrer dans Chala.

Depuis lors, Abou-'l-Kemal ne sortit plus de Chala, siége de son gouvernement. Il mourut en 446 (1054-5), et Hammad, son fils et successeur, mourut l'année suivante. Youçof, fils de Hammad, prit alors le commandement et mourut en 458 (1066). Son oncle et successeur, Mohammed, fils d'Abou - 'l - Kemal, trouva la mort en combattant les Almoravides, à l'époque où ce

peuple enleva le Maghreb à la domination de toutes ces tribus. L'empire est à Dieu; il le donne à celui de ses serviteurs qu'il veul; le succès est à ceux qui craignent Dieu1.

Abou-Yeddas-Ibn-Dounas, oncle et assassin de Habbous-IbnZiri, ayant vu le mécontentement des Beni-lfren et leur répugnance à l'accepter pour chef, passa en Espagne, l'an 3823 (992-3), avec ses frères, Abou-Corra, Abou-Zeid et Attaf. IbnAbi-Amer-el-Mansour les accueillit tous avec une haute distinction et mit Abou-Yeddas au nombre des chefs et des émirs [qu'il avait pris à son service]. Il lui accorda, en même temps, un traitement considérable et plusieurs fiefs (icta). Par son ordre, les noms de tous les gens d'Abou-Yeddas qui étaient venus en Espagne furent enregistrés au bureau [de la solde des troupes]. Ce chef s'y fit une grande illustration et atteignit à un haut rang dans le service de l'empire.

A l'époque où la discorde éclata dans le sein du khalifat oméïade et que les milices berbères firent aux troupes [arabes] espagnoles une guerre acharnée, Abou-Yeddas se distingua par ses faits d'armes et ses aventures extraordinaires. En l'an 400 (4009-10), El-Mostaïn monta sur le trône de Cordoue et rassembla autour de lui tous les Berbères qui se trouvaient en Espagne. [Son prédécesseur] El-Mehdi passa la frontière, obtint l'appui du roi de Galice et marcha avec lui sur Grenade. ElMostaïn se retira alors du côté de la mer avec ses Berbères; mais arrivé au bord du Guadiaro, il dut livrer bataille aux troupes d'El-Mehdi qui s'étaient mises à sa poursuite. Dans la

4 Coran; sourale 7, verset 425.

Il faut probablement lire cousin; voy., ci-devant, p. 221. On voit par le Cartas qu'une grande confusion règne dans la généalogie de cette famille.

• Cette date est fausse : notre auteur lui-même nous apprend que l'assassinat de Habbous eut lieu postérieurement à l'an 383.

Ce fut Don Raymond, fils de Don Borel et comte de Barcelone, qui prêta son appui au souverain oméïade El-Mehdi.

lutte qui s'ensuivit, les Berbères déployèrent une grande bravoure et mirent en déroute les armées d'El-Mehdi et du roi chrétien; mais ils perdirent Abou-Yeddas qui reçut une blessure mortelle en se couvrant de gloire. Il fut enterré au lieu même où il succomba.

Khalouf, fils d'Abou-Yeddas, et Temim-Ibn-Khalouf, son petit-fils, tinrent un haut rang parmi les guerriers zenatiens qui servaient en Espagne et s'y firent remarquer par leur bravoure. Yahya, fils d'Abd-er-Rahman, fils d'Attaf, frère d'AbouYeddas, appartenait aussi à ce corps de guerriers. Entré au service de la dynastie hammoudite, il s'attacha à El-Caïm, khalife de la même famille, et obtint de lui le gouvernement de Cordoue.

HISTOIRE D'ABOU-NOUR, VILS D'ABOU-CORRA, ET DE L'EMPIRE QU'IL FONDA EN ESPAGNE LORS DE LA DISSOLUTION DU KHALIFAT.

Abou-Nour, fils d'Abou-Corra et membre de la tribu des Beni-lfren, était un de ces chefs berbères qui contribuèrent le plus au triomphe de leur peuple pendant la guerre civile [qui éclata en Espagne vers la fin de la dynastie oméïade]. En l'an 405 (1044-5), il profita de cette époque de troubles pour expulser de Ronda Amer-Ibn-Fotouh, client des Oméïades, et s'y établir comme prince indépendant. Quand Ibn-Abbad eut raffermi sa puissance dans Séville et pris ses mesures pour soumettre les provinces et les forteresses voisines, la mésintelli gence se mit entre lui et Abou-Nour. En l'an 443 (1051-2), à la suite de plusieurs querelles et réconciliations, Ibn-Abbad le nomma, par brevet, seigneur de Ronda et des cantons qui en dépendent. D'autres chefs berbères reçurent des faveurs semblables d'Ibn-Abbad vers la même époque. En l'an 450 (4058-9), Abou-Nour fut invité par ce prince à une fête de famille, et, pendant qu'il y était, son hôte se joua de sa crédulité en lui faisant apporter une lettre forgée au nom de la concubine qu'il avait laissée dans son palais à Ronda. Ce billet renfermait des plaintes contre le fils d'Abou-Nour et l'accusait d'avoir attenté à

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