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envoyé une flotte sous les ordres de son oncle Abou-'l-Ola, et une armée almohade commandée par le cîd Abou-'l-Hacen-1bnAbi-Hafs, petit-fils d'Abd-el-Moumen. Ces deux officiers y assiégèrent Ibn-Abd-el-Kerîm; mais le cid Abou-'l-Hacen, ayant reçu de cet aventurier l'assurance qu'il garderait la ville contre l'ennemi commun et qu'il ne la remettrait qu'à un plénipotentiaire du khalife, partit pour Bougie, siége de son gouvernement, et mit la moitié de son armée aux ordres de son frère AbouZeid, gouverneur de Tunis.

La paix s'était ainsi rétablie quand Ibn-Ghanîa s'empara d'ElMehdïa, vainquit Caracoch-el-Ghozzi, seigneur de Tripoli, et soumit le Belad-el-Djerîd; puis, en l'an 599 (1202-3), il emporta d'assaut la ville de Tunis et fit prisonnier le cîd Abou-Zeid. Il exigea alors des habitants le remboursement des frais de la guerre et employa la torture pour leur arracher l'argent dont il avait besoin. Son secrétaire, Ibn-Asfour, qui s'était chargé de percevoir cette contribution forcée, y mit tant de rigueur et de cruauté que plusieurs personnes, appartenant aux premières familles de la ville, moururent entre les mains des bourreaux.

A la suite de cette victoire, Ibn-Ghaniâ rallia à sa cause les habitans de Bône, de Benzert, de Sicca-Veneria, de Laribus, de Cairouan, de Tebessa, de Sfax, de Cabes et de Tripoli. Réunissant ainsi, sous son autorité, tous les districts de l'Ifrîkïa, il y établit des gouverneurs de son choix, et fit célébrer la prière du vendredi au nom du khalife abbacide. Ayant alors confié à son frère El-Ghazi le gouvernement de Tunis, il pénétra dans les montagnes de Tripoli et y préleva deux contributions forcées d'un million de dinars chacune. Après cet exploit, il rentra à Tunis.

Quand En-Nacer apprit que l'Ifrîkïa, déchirée par l'esprit de la révolte, était tombée au pouvour d'Ibn-Ghanîa, et que ce chef venait de faire prisonnier le cîd Abou-Zeid, il consulta les principaux chefs almohades sur les mesures qu'il fallait adopter dans cette grave conjoncture. Tous lui recommandèrent de conclure une paix avec Ibn-Ghanîa, mais Abou-Mohammed, fils du cheikh Abou-Hafs, lui conseilla d'y faire une nouvelle expédi

tion et d'en expulser le rebelle. Ce dernier avis lui paraissant le meilleur, il partit de Maroc, l'an 601 (1204-5), et fit prendre la mer à une flotte commandée par Abou-Yahya, fils d'Abou-Zékérïa-el-Hezerdji. Ibn-Ghanîa, prévoyant le danger qui le menaçait, envoya ses trésors et son harem à El-Mehdïa, sous l'escorte de son neveu, Ali-Ibn-Ghazi-Ibn-Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Ghanîa. Apprenant alors que les Tripolitains s'étaient révoltés et avaient chassé leur gouverneur, Tachefin-Ibn-Ghazi-Ibn-MohammedIbn-Ali-Ibn-Ghanîa, il marcha contre eux, pénétra dans leur ville et la détruisit de fond en comble.

La flotte d'En-Nacer étant arrivée devant Tunis, y débarqua assez de troupes almohades pour occuper la ville et massacrer les partisans d'Ibn- Ghanîa. En-Nacer lui-même marcha à la poursuite de ce chef; mais, voyant qu'il ne pouvait pas l'atteindre, il alla assiéger El-Mehdïa. Abou-Mohammed le hafside courut alors après les insurgés et, les ayant rejoints à Tadjora, il les mit en déroute, tua Djohara1, frère d'Ibn-Ghanîa, Ibn-elLamti, son secrétaire, et un de ses gouverneurs de province, nommé El-Feth-Ibn-Mohammed. « Le butin, dit Ibn-Nakhil, » que l'armée d'Ibn-Ghanîa abandonna aux Almohades formait » la charge de dix-huit mille chameaux et se composait d'or et » d'argent, d'étoffes précieuses et de meubles.» Pendant qu'IbnGhanta s'échappait avec sa famille, le cîd Abou-Zeid recouvra la liberté, bien qu'au moment de la déroute, ses gardes eussent voulu lui ôter la vie. Le gouverneur d'El-Mehdia, Ali-IbnGhazi, surnommé El-Haddj-el-Kafi, remit alors cette ville à EnNacer, après avoir obtenu de lui l'autorisation d'aller rejoindre son cousin Ibn-Ghanîa. Il partit, en effet, pour le trouver; mais,

Dans les manuscrits et le texte arabe imprimé, ce nom est presque toujours écrit Haïara.

Ali-Ibn-Ghazi avait fait le pèlerinage de la Mecque et portait, en conséquence, le titre de Haddj. Comme il déploya une grande habileté dans la défense d'El-Mehdia, les Almohades, qui assiégeaient la place, le nommèrent le pèlerin infidèle (El-Haddj-el-Kafer); mais, quand il rendit la forteresse à En-Nacer, ce prince fut si content de lui qu'il changea ce sobriquet en El-Haddj-el-Kafi (le pèlerin serviable).

changeant ensuite d'avis, il revint sur ses pas et embrassa la cause des Almohades. S'étant ainsi concilié la faveur d'EnNacer, il monta graduellement au faîte des honneurs et mourut dans la journée d'El-Ocab.

En-Nacer établit Mohammed-Ibn-Yaghmor-el-Herghi dans El-Mehdïa comme gouverneur; il confia, en même temps, le gouvernement de Tripoli à Abd-Allah-Ibn-Ibrahîm-Ibn-Djamê, et, rentré à Tunis, il continua à y faire son séjour jusqu'à l'an 603 (1206).

Son frère, le cîd Abou-Ishac, qu'il envoya à la poursuite de l'ennemi, soumit les contrées situées au-delà de Tripoli et passa au fil de l'épée les Beni-Demmer, les Matmata et [les populations du] Mont-Nefouça. Il poussa même jusqu'au Soueica des BeniMetkoud, peuplade dont il emmena les chefs à Tunis pour les présenter à En-Nacer.

Ce monarque, voyant la campagne heureusement terminée, se disposa à rentrer en Maghreb et à donner le gouvernement de l'Ifrikïa au grand cheikh de l'empire, Abou-Mohammed, fils d'Abou-Hafs. Il lui fallut, cependant, employer les instances les plus pressantes pour le décider à accepter cette haute position; il dut même envoyer son fils Youçof auprès de lui comme solliciteur. Profondément touché d'une telle marque de condescendance, Abou-Mohammed se conforma enfin à la volonté du khalife; mais il stipula d'avance qu'il ne serait pas obligé de rester en Ifrikïa plus de trois ans, espace de temps, disait-il, suffisant pour rétablir la prospérité du pays. Il exigea aussi que les troupes qui resteraient en Ifrïkïa fussent entièrement à ses ordres. En-Nacer accorda ces deux conditions et partit pour sa capitale.

Rentré à Maroc, en Rebîa 604 (oct.-nov. 1207), il nomma Abd-el-Azîz-Ibn-Abi-Zeid-el-Hintati ministre des finances pour l'Espagne et pour l'Afrique; quant au vizirat, il y conserva Abou-Said-Ibn-Djamê, ami de ce même Abd-el-Azîz o.

1 Voy. ci-devant, p. 103, note 2.

2 Le texte arabe porte: ami du fils d'Abd-el-Azîz.

Quelque temps après son retour, il apprit la mort du cîd Abou-'r-Rebiâ, fils d'Abd-Allah-Ibn-Abd-el-Moumen et gouverneur de Tlemcen et de Sidjilmessa, ainsi que celle du cîd Abou'l-Hacen, fils d'Abou-Hafs-Ibn-Abd-el-Moumen et gouverneur de Bougie. Ce fut Abou-'r-Rebiâ, prédécesseur de celui-ci, qui restaura le Refiâ et le Bediâ, jardins dont les Hammadites avaient orné la ville de Bougie et qui étaient tombés en ruine.

En l'an 605 (1208-9), En-Nacer fit choix du cîd Abou-AmranIbn-Youçof-Ibn-Abd-el-Moumen pour remplacer le cîd Abou'l-Hacen, à Tlemcen. Le nouveau gouverneur se rendit à sa destination avec une armée almohade, et il s'était mis à en parcourir les campagnes, quand il fut attaqué par Ibn-Ghanîa. Dans cette rencontre, les Almohades essuyèrent un revers et Abou-Amran y perdit la vie. Les habitants de Tlemcen furent consternés de ce désastre, mais le cîd Abou-Zékérïa arriva de Fez en toute hâte et calma leurs appréhensions. Abou-Zeid-Ibn-Youwoddjan, auquel En-Nacer confia alors le gouvernement de cette ville, y fit son entrée à la tête d'une armée; aussi, Ibn-Ghanta s'enfuit jusqu'au fond de l'Ifrîkïa, son lieu de retraite ordinaire, emmenant avec lai Mohammed-Ibn-Masoud-el-Bolt, cheikh des Douaouida, et une troupe d'Arabes nomades, les uns rîahides et les autres soleimides. Un corps almohade, commandé par le cheikh Abou-Mohammed, fils d'Abou-Hafs, attendit ces bandes au passage et leur enleva tentes et bagages. Quand les fuyards eurent atteint la province de Tripoli, Sîr-Ibn-Ishac [-Ibn-Ghanîa] les quitta et passa aux Almohades.

Cette même année, En-Nacer donna le gouvernement de Maïorque à Abou-Yahya, fils d'Abou-'l-Hacen-Ibn-Abi-Amran, en remplacement du cîd Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-Hafs, nommé gouverneur de Valence. Il remplaça aussi Abou-'l-Hacen-IbnQuaggag, gouverneur de Murcie, par Abou-Amran-Ibn-Yacînel-Hintati, et Abou-Mouça-Ibn-Abi-Hafs, gouverneur du district de Jaen, par le cîd Abou-Zeid. Il confia, en même temps, le gouvernement de Séville au cîd Abou-Ibrahim-Ibn-Youçof, et celui de Grenade à Abou-Abd-Allah, fils d'Abou-Yahya et petit-fils du cheikh Abou-Hafs.

EN-NACER ENTREPREND LA GUERRE SAINTE.

En-Nacer, apprenant que les chrétiens s'étaient emparés de plusieurs forteresses [aux environs] de Valence, en ressentit de vives inquiétudes et s'adressa, par écrit, au cheikh Abou-Mohammed le hafside, pour avoir son avis sur la nécessité de recommencer la guerre sainte. Bien que la réponse de ce chef fut défavorable au projet, En-Nacer quitta Maroc, l'an 607 (1240-1), et, s'étant rendu à Séville, il y établit son quartier général et fit ses préparatifs pour entrer en campagne. Après avoir envahi le territoire du fils d'Alphonse, il prit le château de Salvatierra; mais, trouvant ensuite que la neige avait bloqué le chemin qu'il s'était proposé de suivre, il laissa au roi chrétien le temps de faire le siége de Calatrava. Youçof-Ibn-Cades, le commandant de cette place, se vit enfin réduit à une telle extrêmité, qu'il dut la remettre à l'ennemi pour obtenir une suspension des hostilités. Etant ensuite allé se présenter devant En-Nacer, il fut mis à mort par l'ordre de ce monarque.

En-Nacer conduisit alors son armée à El-Ocab, localité où le roi chrétien, soutenu par le roi de Barcelonne, se tenait prêt à le recevoir. Dans cette rencontre, qui eut lieu vers la fin du mois

En parlant de la prise de Calatrava, El-Merrakchi dit : « Alphonse » se vit alors abandonner far un grand nombre d'Européens (róum), » parce qu'il les empêcha de tuer les musulmans qui étaient dans la » forteresse. Eu le quittant, ils lui dirent : Tu nous a fait venir ici pour >> prendre des villes et tu nous empêches de piller et de faire mourir » les musulmans. Donc, nous n'avons pas de motifs pour rester avec >> toi. » - Dans Ferreras, nous lisons que les Ultramontains (c'est-àdire les Français), formant une armée de dix mille maîtres et de quarante mille fantassins, abandonnèrent les Espagnols parce qu'on n'avait pas livré Calatrava au pillage.

2 El-Ocab ou Hisn-el-Ocab (château de l'Aigle) est appelé, dans le Cartas, Hisn-el-Ocban (château des Aigles). El-Merrakchi écrit ce nom El-Eicab, mot qui signîfie punition. Les chrétiens désignent cette

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bataille par le nom de bataille de las Navas.

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