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quant de la tribu de Lemtouna, appelé Ouannour-Ibn-Abi-Bekr, et le fit accompagner par cinq cents cavaliers de l'armée. Ouannour déploya contre les habitants une grande sévérité, et, comme ils refusèrent de bâtir une nouvelle capitale dans l'intérieur de l'île, il ôta la vie à leur prévôt. Poussés à bout par cet acte de violence, ils se soulevèrent contre leur oppresseur, le mirent en prison et envoyèrent une députation à Ali, fils de Youçof, pour lui rendre compte de leur conduite. Ali agréa leurs excuses et leur donna pour gouverneur Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Yahya-elMessoufi, mieux connu sous le nom d'Ibn-Ghanta. Ce Mohammed était frère de Yahya-Ibn-Ghanfa, gouverneur de l'Espagne occidentale, et tenait alors de lui le commandement de Cordoue. Ce fut à Séville, siége de son gouvernement, que Yahya reçut la dépêche par laquelle Ali-Ibn-Youçof lui ordonnait d'envoyer son frère Mohammed à Maïorque.

En quittant Cordoue pour se rendre à sa destination, Mohammed emmena avec lui ses fils Abd-Allah, Ishac, Ali, ez-Zobeir, Ibrahim et Talha, dont les deux premiers avaient été adoptés par leur oncle et élevés sous ses yeux. Aussitôt arrivé à Maïorque, il chargea Ouannour de fers et l'envoya prisonnier à Maroc. Dix années plus tard, et, pendant qu'il gouvernait encore, ses fils Abd-Allah et Ishac obtinrent de leur oncle Yahya, qui était alors sur son lit de mort, le premier, le gouvernement de Grenade, et, le second, celui de Carmona.

Après la mort d'Ali, fils de Youçof, et la chute de la dynastie lemtounienne, Abd-Allah et Ishac reçurent de leur père l'ordre de venir le rejoindre et de lui amener la flotte almoravide. Mohammed ayant ensuite désigné comme successeur son fils Abd-Allah, excita, par ce choix, la jalousie d'Ishac qui complota la mort de son frère. Les Lemtounites, ses complices, tuèrent non-seulement Abd-Allah, mais aussi son père Mohammed. Ils se disposaient même à faire mourir celui qui les avait subornés, mais Ishac, soupçonnant leurs intentions, se concerta avec LobIbn-Meimoun, amiral de la flotte, afin de se débarrasser d'eux, et réussit à les surprendre tous, de nuit, dans leurs logements et à leur ôter la vie.

Ayant ainsi raffermi son autorité dans Maïorque, l'an 546 (1451-2), il commença son règne par se faire bâtir des palais et planter des jardins; mais, bientôt, il accabla le peuple par sa tyrannie et mit Lob-Ibn-Meimoun dans la nécessité de s'enfuir et de rejoindre les Almohades. Vers la fin de sa vie, Ishac fit des courses contre les chrétiens, et il eut soin d'envoyer au souverain almohade, Abou-Yacoub, les captifs pris dans ces expéditions. Il mourut l'an 580 (4184-5), peu de temps avant la mort de ce khalife, et laissa plusieurs fils, savoir: Mohammed, Ali, Yahya, Abd-Allah, El-Ghazi, Sir, El-Mansour, Djobara, Tachefîn, Talha, Omar, Youçof et El-Hacen.

Sou fils et successeur, Mohammed, envoya ses hommages au khalife Abou-Yacoub qui, voulant mettre à l'épreuve la sincérité de cette offre, chargea Ibn-ez-Zoborteir de se rendre auprès du chef maiorcain. L'arrivée de cet officier inspira aux frères de Mohammed des soupçons inquiétants; ils cédèrent à leur mécontentement, emprisonnèrent Mohammed et confièrent le commandement de l'île à leur frère Ali. Apprenant alors la mort du khalife et l'avènement de son fils, El-Mansour, ils mirent Ibn-ezZoborteir aux arrêts et s'embarquèrent pour l'Afrique. [Avant de partir], Ali chargea son frère Talha du gouvernement de Maïorque et, en l'an 584 (1185), il réussit à surprendre la ville de Bougie. Le cìd Abou-r-Rebiâ, fils d'Abd-Allah et petitfils d'Abd-el-Moumen, commandait alors dans cette ville, et, bien qu'il se trouvait à la campagne ce jour-là, il ne put échapper à la captivité. Le cîd Abou-Mouça-Emran, fils d'Abd-el-Moumen et gouverneur de l'Ifrikïa, éprouva le même sort; il ne faisait que passer auprès de Bougie quand il tomba entre les mains des Almoravides maïorcains.

Ali-Ibn-Ghania chargea son frère Yahya du gouvernement de Bougie et partit pour Alger. S'étant emparé de cette place [par surprise], il y laissa son neveu, Yahya-Ibn[-Akhi]-Talha, en qualité de gouverneur et alla installer Yedder-Ihn-Aïcha dans Miliana. Il se rendit ensuite à la Calâ [des Beni-Hammad], et, de là, il alla mettre le siége devant Constantine.

El-Mansour apprit cette nouvelle à Ceuta où il venait d'arri

ver à la suite de son expédition [en Espagne], et, sur le champ, l expédia son neveu, le cîd Abou-Zeid, fils du cîd Abou-Hafs, contre [Ali-]Ibn-Ghanîa. Il donna en même temps le commandement de sa flotte à Mohammed-Ibn-Abi-Ishac-Ibn-Djamê, sous les ordres duquel il plaça Abou-Mohammed - Ibn-Attouch et Ahmed-es-Sacalli (le sicilien).

Le cîd Abou-Zeid, étant arrivé à Tlemcen, dont il trouva les fortifications parfaitement restaurées, grâce aux soins de son frère, le cîd Abou-'l-Hacen, qui y exerçait le commandement, continua sa marche en faisant proclamer une amnistie générale. Les habitants de Milîana prirent aussitôt les armes et chassèrent de leur ville le membre de la famille Ghania qui en avait reçu le commandement. La flotte du khalife s'étant emparé d'Alger, vers la même époque, Yahya-Ibn-[Akhi-] Talha tomba entre les mains des Almohades et fut mis à mort, ainsi que Yedder-Ibn-Aïcha. On les exécuta ensemble dans [la ville de] Chelif où Yedder avait été amené prisonnier après son arrestation à Omm-el-Alou. Ahmed-es-Sacalli dirigea ensuite son escadre contre Bougie et s'en rendit maître, mais Yahya-Ibn-Ghanîa parvint à rejoindre son frère qui tenait encore la ville de Constantine assiégée.

Le cîd Abou-Zeid ayant occupé Tiklat, y fit la rencontre du cid Abou-Mouça qui venait de recouvrer la liberté, et marcha ensuite contre l'ennemi. Par cette démonstration, il força IbnGhania de lever le siége de Constantine et de se retirer vers le Désert. Il continua la poursuite des fuyards jusqu'à Nîgaous, en passant par Maggara; mais, ensuite, il rebroussa chemin et alla s'installer dans Bougie.

Quant à Ibn-Ghanîa, il atteignit Tripoli après s'être emparé de Cafsa et avoir assiégé, sans succès, la ville de Touzer. Un de ses partisans, nommé Ghazzi le sanhadjien, se mit alors en campagne avec quelques tribus arabes et s'empara d'Achîr; mais, ayant été attaqué par un corps de troupes que le cîd AbouZeid avait fait marcher de ce côté, sous la conduite de son fils Abou-Hafs et de Ghanem-Ibn-Merdenîch, il perdit la vie, et ses partisans laissèrent prendre leurs tentes et leurs bagages. On envoya sa tête à Bougie où elle fut plantée sur une lance;

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puis, on y exposa aussi la tête de son frère Abd-Allah. La famille Hamdoun, ayant été soupçonnée de favoriser Ibn-Ghanîa, fut déportée de Bougie à Salé, et, d'après l'ordre du khalife, le cîd Abou-Zeid fut rappelée à la capitale et remplacé, à Bougie, par son frère le cîd Abou-Abd-Allab.

Pendant que ces événements se passaient, on apprit qu'Ibn-ezZoborteir s'était rendu maître de Maïorque. [Nous avons déjà mentionné que 1] sur la demande de Mohammed[-Ibn-Ishac]-IbnGhania, l'émir Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, avait envoyé Ibnez-Zoborteir dans cette île pour inviter tous les membres de la famille Ghania à se rallier aux Almohades. Les frères de Mohammed virent de mauvais il l'arrivée de cet officier; ils l'emprisonnèrent ainsi que Mohammed, prirent pour chef leur frère Ali et s'embarquèrent pour Bougie. Ibn-ez-Zoborteir profita de leur départ pour se ménager des intelligences avec leurs esclaves chrétiens, auxquels il promit la permission de rentrer dans leur pays avec leurs femmes et leurs enfants, pourvu qu'ils l'aidassent à sortir de prison. Avec leur concours et leur appui, il surprit la citadelle, délivra Mohammed-Ibn-Ishac et partit avec lui pour la capitale de l'empire.

Ibn-Ghanta apprit cette nouvelle à Tripoli et expédia aussitôt son frère Abd-Allah en Sicile. De là, ce chef fit voile pour Maïorque où il effectua son débarquement auprès d'un village, et réussit, par un stratagème, à s'emparer de la ville principale.

Le feu de la guerre brûla toujours en Ifrîkïa avec une grande intensité; Ali-Ibn-Ghanîa ayant assiégé et emporté d'assaut la plupart des villes situées dans le Djerîd. En l'an 582 (1186–7), lorsqu'on sut à Maroc qu'il avait pris Cafsa, le khalife El-Mansour marcha en personne pour étouffer la révolte. Arrivé à Fez, il y prit quelques jours de repos et, s'étant ensuite rendu au ribat de Tèza, il partit, de là, pour Tunis, à la tête d'une armée parfaitement équipée. Ibn-Ghanîa rassembla aussitôt ses Almoravides ainsi que les Arabes nomades qui avaient embrassé sa cause, et se mit en campagne avec Caracoch-el-Ghozzi, seigneur

↑ Ci-devant, p. 88.

de Tripoli. Arrivé à Ghomert, il rencontra un corps de troupes qu'El-Mansour avait expédié contre lui et dont le commandement fut exercé par le cîd Abou-Youçof, fils du cîd Abou-Hafs. Dans le combat qui s'ensuivit, les Almohades furent mis en déroute et Ali-Ibn-ez-Zoborteir perdit la vie ainsi qu'Abou-Ali-Ibn-Yaghmor. Le vizir Omar-Ibn-Abi-Zeid y succomba aussi, car il ne reparut plus. Une partie des fuyards fut poursuivie, l'épée dans les reins, jusqu'à Cafsa, mais le reste parvint à se réfugier dans Tunis.

El-Mansour, youlant réparer cet échec, se rendit à Cairouan d'où il se porta rapidement jusqu'à El-Hamma. Les deux armées s'attaquèrent alors avec un acharnement extrême et la bataille se termina par la défaite des partisans d'Ibn-Ghanîa, lequel, ainsi que son allié, Caracoch, ne parvint à s'échapper qu'avec beaucoup de peine. Ayant exterminé presque tous ses adversaires, El-Mansour attaqua, le lendemain, la ville de Cabes et s'en empara. Il y trouva et embarqua pour Tunis une partie du harem d'Ibn-Ghanîa et quelques-uns de ses enfants. Tournant ensuite ses armes contre la ville de Touzer, il la prit d'assaut, massacra tout ce qui s'y trouva et, se présentant ensuite devant Cafsa, il contraignit la garnison à se rendre à discrétion après un siége de quelques jours. Il fit grâce de la vie aux habitants et aux Ghozz qui avaient accompagné Caracoch, mais il passa au fil de l'épée tous les Almoravides et les contingents [arabes] qui s'y étaient enfermés. Il démolit les fortifications de cette ville et se rendit à Tunis d'où il partit pour le Maghreb, en l'an 584 (1188), après avoir installé le cîd Abou-Zeid dans le gouvernement de l'Ifrîkïa. La route qu'il suivit le mena auprès d'ElMehdïa, d'où il traversa le Désert jusqu'à Tèhert, et il arriva heureusement à Tlemcen, grâce à l'habileté de l'émir toudjinite, El-Abbas-Ibn-Atïa, qui lui servit de guide. Avant de continuer sa route pour Maroc, il ôta le gouvernement de Tlemcen à son oncle, le cîd Abou-Ishac, sur le compte duquel il avait appris des choses qui ne lui plaisaient pas. Pendant qu'il se dirigeait vers sa capitale, on lui dénonça la conduite de son frère, le cid AbouHafs-er-Rechid, gouverneur de Murcie, et celle de son oncle, le

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