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vernement de Cordoue; le cîd Abou-Zeid-el-Hardani, celui de Grenade, et, le cîd Abou-Abd-Allah, celui de Murcie.

En l'an 579 (1183-4), le khalife partit pour Salé et ý rencontra Abou - Mohammed - Ibn - Abi-Ishac-Ibn Djamê qui lui amenait de l'Ifrîkïa les contingents fournis par les Arabes. S'étant ensuite rendu à Fez, il se forma une avant-garde de troupes hintatiennes, tînmeleliennes et arabes; puis, dans le mois de Safer 580 (mai-juin 1184), il traversa le Détroit et débarqua à Gibraltar. De là, il se porta à Séville et, ayant réuni sous ses drapeaux les contingents espagnols, il relégua dans le château de Ghafec1 Mohammed-Ibn-Ouanoudîn qui lui avait donné sujet de mécontentement, et marcha ensuite contre Santarem. Pendant plusieurs jours, il fit le siége de cette place, puis il y renonça, et, le matin même du jour où il devait décamper, il trouva que ses troupes étaient déjà parties et qu'on l'avait laissé sans moyens de défense. Les chrétiens firent alors une sortie contre lui et ses compagnons; un combat acharné eut lieu dans lequel le monarqne almohade déploya la plus grande bravoure. Ils effectuèrent alors leur retraite et le khalife mourut le même jour. L'on dit qu'il fut atteint d'une flèche au plus fort de la mêlée; mais d'autres assurent qu'il fut emporté par une subite indisposition 2.

REGNE D'[ABOU-YOUÇOF-YACOUB-EL-MANSOUR, FILS D'ABOU-YACOUB

YOUÇOF.

En l'an 580 (1184), le khalife Abou-Yacoub [-Youçof] mourut sous les murs de Santarem, et son fils Yacoub, ayant reçu de

1 Le géographe Idrici place Ghafec à 64 milles au nord de Cordoue et le décrit comme une forteresse dont les habitants s'occupaient à faire des courses sur le territoire des chrétiens.

2 Ni les auteurs musulmans, ni les chroniqueurs chrétiens ne s'accordent sur la cause qui amena la retraite de l'armée almohade, à l'insu du souverain. Il y avait soit une trahison, soit un malentendu. Selon les meilleurs historiens arabes, ce fut d'un coup de lance ou de flèche en bas du nombril que le sultan mourut. L'auteur du Cartas dit que le sultan Abou-Yacoub-Youçof cessa de vivre le 2 Rebiâ second, 580 (43 juillet 4484).

l'armée le serment de fidélité, la ramena à Séville. Après la cérémonie de l'inauguration, le nouveau souverain prit pour vizir le cheikh Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, fils d'Abou-Hafs, et partit avec son frère, le cid Abou-Yahya, pour envahir le pays de l'ennemi. Quand il eut porté le ravage dans le territoire des infidèles et pris quelques places fortes, il traversa le Détroit avec l'intention de se rendre à Maroc. Débarqué à Casr-Masmouda, il reçut les hommages du cîd Abou-Zékérïa, fils du cîd Abou-Hafs, qui y était venu de Tlemcen avec les cheikhs de la tribu de Zoghba. Arrivé à Maroc, il commença par remédier aux abus et présider en personne à l'administration de la justice; de sorte qu'il fit jouir tout l'empire d'une administration équitable. Parmi les graves événements qui marquèrent le commencement de son règne, on doit signaler particulièrement la révolte d'Ibn-Ghania.

REVOLTE D'IBN-GHANÎA 1.

Mobescher, affranchi de Modjahed et gouverneur de Maïorque, se voyant assiégé par les chrétiens qui s'étaient emparés de l'île, avait imploré le secours du souverain almoravide, Ali, fils de Youçof-Ibn-Tachefin. La mort de Mobescher laissa les habitants sans chef, et l'ennemi put tout brûler et dévaster chez eux avant de mettre à la voile et de s'éloigner 3. Ali, fils de Youçof, y envoya alors comme gouverneur un personnage mar

Ci-devant, p. 86, se trouve un autre chapitre sur le même søjet, Abou-'l-Djoïouch-Medjahed, client de la famille d'Ibn-Abi-Amer-elMansour, le célèbre vizir du khalife oméïade Hicham 1, gouverna le royaume de Denia et des îles Baléares depuis l'an 406 (1016) jusqu'à l'an 436 (1045). Son successeur, El-Morteda, fut remplacé par Mobescher, qui régna jusqu'à l'an 508 (1414),

En l'an 4444, Don Raymond Beranger II, comte de Barcelone, Aymeri, vicomte de Narbonne, Guillaume, comte de Montpellier et d'autres seigneurs firent entre eux une ligue pour détruire les corsaires mahométans de Maïorque. Cette tentative échoua, mais deux années plus tard, ils s'emparèrent de l'île et l'évacuèrent bientôt après.— (Ferreras, tom. 1, pp. 330, 334 et note de M. d'Hermilly.)

quant de la tribu de Lemtouna, appelé Ouannour-Ibn-Abi-Bekr, et le fit accompagner par cinq cents cavaliers de l'armée. Ouannour déploya contre les habitants une grande sévérité, et, comme ils refusèrent de bâtir une nouvelle capitale dans l'intérieur de l'île, il ôta la vie à leur prévôt. Poussés à bout par cet acte de violence, ils se soulevèrent contre leur oppresseur, le mirent en prison et envoyèrent une députation à Ali, fils de Youçof, pour lui rendre compte de leur conduite. Ali agréa leurs excuses et leur donna pour gouverneur Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Yahya-elMessoufi, mieux connu sous le nom d'Ibn-Ghania. Ce Mohammed était frère de Yahya-Ibn-Ghanîa, gouverneur de l'Espagne occidentale, et tenait alors de lui le commandement de Cordoue. Ce fut à Séville, siége de son gouvernement, que Yahya reçut la dépêche par laquelle Ali-Ibn-Youçof lui ordonnait d'envoyer son frère Mohammed à Maïorque.

En quittant Cordoue pour se rendre à sa destination, Mohammed emmena avec lui ses fils Abd-Allah, Ishac, Ali, ez-Zobeir, Ibrahîm et Talha, dont les deux premiers avaient été adoptés par leur oncle et élevés sous ses yeux. Aussitôt arrivé à Maïorque, il chargea Ouannour de fers et l'envoya prisonnier à Maroc. Dix années plus tard, et, pendant qu'il gouvernait encore, ses fils Abd-Allah et Ishac obtinrent de leur oncle Yahya, qui était alors sur son lit de mort, le premier, le gouvernement de Grenade, et, le second, celui de Carmona.

Après la mort d'Ali, fils de Youçof, et la chute de la dynastie lemtounienne, Abd-Allah et Ishac recurent de leur père l'ordre de venir le rejoindre et de lui amener la flotte almoravide. Mohammed ayant ensuite désigné comme successeur son fils Abd-Allah, excita, par ce choix, la jalousie d'Ishac qui complota la mort de son frère. Les Lemtounites, ses complices, tuèrent non-seulement Abd-Allah, mais aussi son père Mohammed. Ils se disposaient même à faire mourir celui qui les avait subornés, mais Ishac, soupçonnant leurs intentions, se concerta avec LobIbn-Meimoun, amiral de la flotte, afin de se débarrasser d'eux, et réussit à les surprendre tous, de nuit, dans leurs logements et à leur ôter la vie.

Ayant ainsi raffermi son autorité dans Maïorque, l'an 546 (1151-2), il commença son règne par se faire bâtir des palais et planter des jardins; mais, bientôt, il accabla le peuple par sa tyrannie et mit Lob-Ibn-Meimoun dans la nécessité de s'enfuir et de rejoindre les Almohades. Vers la fin de sa vie, Ishac fit des courses contre les chrétiens, et il eut soin d'envoyer au souverain almohade, Abou-Yacoub, les captifs pris dans ces expéditions. Il mourut l'an 580 (4184-5), peu de temps avant la mort de ce khalife, et laissa plusieurs fils, savoir : Mohammed, Ali, Yahya, Abd-Allah, El-Ghazi, Sir, El-Mansour, Djobara, Tachefin, Talha, Omar, Youçof et El-Hacen.

Sou fils et successeur, Mohammed, envoya ses hommages au khalife Abou-Yacoub qui, voulant mettre à l'épreuve la sincérité de cette offre, chargea Ibn-ez-Zoborteir de se rendre auprès du chef maïorcaiu. L'arrivée de cet officier inspira aux frères de Mohammed des soupçons inquiétants; ils cédèrent à leur mécontentement, emprisonnèrent Mohammed et confièrent le commandement de l'île à leur frère Ali. Apprenant alors la mort du khalife et l'avènement de son fils, El-Mansour, ils mirent Ibn-ezZoborteir aux arrêts et s'embarquèrent pour l'Afrique. [Avant de partir], Ali chargea son frère Talha du gouvernement de Maïorque et, en l'an 584 (1185), il réussit à surprendre la ville de Bougie. Le cìd Abou-r-Rebiâ, fils d'Abd-Allah et petitfils d'Abd-el-Moumen, commandait alors dans cette ville, et, bien qu'il se trouvait à la campagne ce jour-là, il ne put échapper à la captivité. Le cîd Abou-Mouça-Emran, fils d'Abd-el-Moumen et gouverneur de l'Ifrikïa, éprouva le même sort; il ne faisait que passer auprès de Bougie quand il tomba entre les mains des Almoravides maïorcains.

Ali-Ibn-Ghania chargea son frère Yahya du gouvernement de Bougie et partit pour Alger. S'étant emparé de cette place [par surprise], il y laissa son neveu, Yahya-Ibn[-Akhi]-Talha, en qualité de gouverneur et alla installer Yedder-Ihn-Aïcha dans Milîana. Il se rendit ensuite à la Calâ [des Beni-Hammad], et, de là, il alla mettre le siége devant Constantine.

El-Mansour apprit cette nouvelle à Ceuta où il venait d'arri

ver à la suite de son expédition [en Espagne], et, sur le champ, l expédia son neveu, le cîd Abou-Zeid, fils du cîd Abou-Hafs, contre [Ali-]Ibn-Ghanîa. Il donna en même temps le commandement de sa flotte à Mohammed-Ibn-Abi-Ishac-Ibn-Djamê, sous les ordres duquel il plaça Abou-Mohammed - Ibn-Attouch et Ahmed-es-Sacalli (le sicilien).

Le cîd Abou-Zeid, étant arrivé à Tlemcen, dont il trouva les fortifications parfaitement restaurées, grâce aux soins de son frère, le cîd Abou-'l-Hacen, qui y exerçait le commandement, continua sa marche en faisant proclamer une amnistie générale. Les habitants de Miliana prirent aussitôt les armes et chassèrent ⚫ de leur ville le membre de la famille Ghania qui en avait reçu le commandement. La flotte du khalife s'étant emparé d'Alger, vers la même époque, Yahya-Ibn-[Akhi-] Talha tomba entre les mains des Almohades et fut mis à mort, ainsi que Yedder-Ibn-Aïcha. On les exécuta ensemble dans [la ville de] Chelif où Yedder avait été amené prisonnier après son arrestation à Omm-el-Alou. Ahmed-es-Sacalli dirigea ensuite son escadre contre Bougie et s'en rendit maître, mais Yahya-Ibn-Ghanîa parvint à rejoindre son frère qui tenait encore la ville de Constantine assiégée.

Le cîd Abou-Zeid ayant occupe Tîklat, y fit la rencontre du cîd Abou-Mouça qui venait de recouvrer la liberté, et marcha ensuite contre l'ennemi. Par cette démonstration, il força IbnGhanta de lever le siége de Constantine et de se retirer vers le Désert. Il continua la poursuite des fuyards jusqu'à Nîgaous, en passant par Maggara; mais, ensuite, il rebroussa chemin et alla s'installer dans Bougie.

Quant à Ibn-Ghania, il atteignit Tripoli après s'être emparé de Cafsa et avoir assiégé, sans succès, la ville de Touzer. Un de ses partisans, nommé Ghazzi le sanhadjien, se mit alors en campagne avec quelques tribus arabes et s'empara d'Achîr; mais, ayant été attaqué par un corps de troupes que le cîd AbouZeid avait fait marcher de ce côté, sous la conduite de son fils Abou-Hafs et de Ghanem-Ibn-Merdenich, il perdit la vie, et ses partisans laissèrent prendre leurs tentes et leurs bagages. On envoya sa tête à Bougie où elle fut plantée sur une lance;

T. II.

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