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le Galicien, s'était enfui dans sa forteresse 1. Le cheikh AbouHafs se dirigea ensuite vers Cordoue et reçut la soumission d'Ibrahîm-Ibn-Homochk qui, se voyant engagé dans une guerre avec son ancien allié, Ibn-Merdenîch, et attaqué par lui dans Jaen, envoya son adhésion à la cause des Almohades.

Le khalife, ayant reçu d'Abou-Hafs une dépêche renfermant cette nouvelle et l'exposé des ravages que les chrétiens avaient commis dans l'Espagne musulmane, fit partir pour ce pays une armée almohade sous la conduite de son frère et vizir [le cîd] Abou-Hafs. Ce prince quitta Maroc l'an 565 (1169-70), accompagné de son frère, le cîd Abou-Said, et, arrivé à Séville, il envoya celui-ci à Badajoz. Abou-Saîd conclut alors une trève avec le roi chrétien et, à son retour, il partit pour Murcie avec son frère et Ibn-Homochk, afin d'y assiéger Ibn-Merdenîch. Le cid Abou-Hafs occupa Lorca dont les habitants s'étaient soulevés en faveur des Almohades; il réduisit ensuite la ville de Baza et reçut la soumission d'un neveu d'Ibn-Merdenîch qui commandait dans Almeria. Cette défection porta une grave atteinte à la puissance de ce dernier ?.

place était située dans une région dont la conquête le regardait. Ne se croyant pas en sûreté, il voulut s'éloigner, mais il se cassa la jambe en sortant de la porte de la ville et tomba prisonnier entre les mains des Léonnais. Le roi Don Ferdinand laissa dans Badajoz le gouverneur musulman, après lui avoir fait prêter foi et hommage. (Ferreras.) · Ibn-Khaldoun, n'ayant pas une idée nette de ces événements, les raconte de cette étrange façon : « Il apprit que les Almohades, dans Badajoz, avaient mis en déroute Ibn-er-Renk qui les avait assiégés, avec l'appui d'Ibn-Adfounch, et qu'Ibn-er-Renk était resté prisonnier entre leurs mains. >>

1. Giralde, chef d'une troupe de brigands, voulant obtenir sa grâce du roi Don Alphonse par quelque action d'éclat, réussit, en l'an 1168, à surprendre la ville d'Evora qui appartenait alors aux musulmans. Le roi pardonna à cet aventurier et à ses compagnons leurs fautes passées et les récompensa même du service qu'ils venaient de lui rendre. (Ferreras.)

2. Selon Ibn-Saheb-es-Salat, auteur cité par M. de Gayangos, le neveu d'Ibn-Merdenîch se nommait Mohammed-Ibn-Abd-Allah. Son oncle lui avait donné sa fille en mariage, avec le gouvernement d'Almeria; mais, quand il apprit comment cette ville avait été livrée aux

Le jour même où ces nouvelles arrivèrent à Maroc, le khalife y passait en revue, avec une pompe extraordinaire, les divers corps de son armée et les contingents arabes que le cîd AbouZékérïa, seigneur de Bougie, et le cîd Abou-Amran, seigneur de Tlemcen, venaient de lui amener de l'Ifrîkïa. Ayant alors établi son frère, le cîd Abou-Amran, dans Maroc en qualité de lieutenant, il se mit en marche pour l'Espagne et, en l'an 567 (1171-2), il fit son entrée à Cordoue. De là, il se transporta à Séville où il opéra sa jonction avec le cîd Abou-Hafs qui rentrait de son expédition contre Ibn-Merdenîch. Ce dernier chef, fatigué par la longueur du siège qu'il avait à soutenir, combattit en désespéré et fit de fréquentes sorties; mais son frère, Abou-lHaddjadj, [seigneur de Valence,] s'empressa de faire sa soumission. Ibn-Merdenîch mourut dans le mois de Redjeb de cette année (mars 1172), et son fils Hilal reconnut l'autorité des Almohades. Le cîd Abou-Hafs partit alors, en toute hâte, pour Murcie où il fit son entrée, et ayant rencontré Hilal qui venait avec sa suite au-devant de lui, il l'envoya au khalife qui était arrivé à Séville.

Le monarque almohade mena alors une expédition dans le pays de l'ennemi, et, après avoir assiégé Huéte 2 pendant quel

Almohades, il résolut de se venger en tuant les enfants de son neveu et leur mère (sa propre fille). On noya les premiers dans le Boheira, ou lac, près de Valence, mais on épargna les jours de la mère.

1. El-Marrekchi dit que Mohammed-Ibn-Merdenîch mourut dans Murcie, pendant le siège, et que l'on cacha sa mort jusqu'à l'arrivée de on frère, Abou-'l-Haddjadj, qui prit alors le commandement.

2. El-Marrekchi raconte qu'Huéte allait succomber faute d'eau, quand les assiégeants entendirent, une nuit, un bruit extraordinaire dans la ville C'étaient, dit-il, leurs prêtres et leurs moines qui venaient de sortir avec les Évangiles et qui faisaient des supplications auxquelles le peuple répondait amen! Aussitôt, il survint une pluie qui tomba comme si elle sortait des bouches d'outres et qui remplit toutes les citernes de la forteresse. Ferreras dit : On coupa l'eau aux assiégés et on les réduisait, par là, au point de se rendre, lorsque Dieu permit que, le 29 juillet, jour des saintes Juste et Rufine, il plut si fort et en si grande abondance que l'on remplit d'eau tous les puits et toutes les citernes de la ville, tandis qu'au contraire les retranchements des infidèles furent considérablement maltraités et endommagés.

ques jours, il se rendit à Murcie. Rentré à Séville, l'an 568, il attacha à sa personne Hilal, fils de Merdenîch, et lui donna sa fille en mariage 1. Après avoir accordé à son oncle, Youçof, le gouvernement de Valence, et à son frère, le cîd Abou-Saîd, celui de Grenade, il alla à la rencontre d'El-Comès-el-Ahdeb2, qui avait envahi le territoire musulman, et lui tua beaucoup de monde aux environs de Calatrava. Rentré à Séville, il ordonna la construction d'une forteresse à El-Calà [Alcala de Guadayra], afin de couvrir cette partie du pays. Ce château était resté en ruines depuis la révolte d'Ibn-Haddjadj qui s'y était établi, et de KoreibIbn-Khaldoun qui se tenait dans Moura. Cette révolte dura pendant les règnes d'El-Monder-Ibn-Mohammed et d'Abd-Allah-Ibn-Mohammed, souverains oméïades 3.

:

1. Ou bien il en épousa la fille; car l'expression arabe paraît comporter les deux significations. El-Marrekchi nous apprend que le sultan Abou-Yacoub épousa une des filles de Mohammed-Ibn-Merdenîch, et que son fils en épousa une autre.

2. On ne sait quel personnage les musulmans ont désigné par le sobriquet d'El-Comès-el-Ahdeb, c'est-à-dire le comte bossu.

3. En l'an 280 (893-4), sous le règne de l'émir Abd-Allah, septième souverain oméïade d'Espagne, il y avait dans la ville de Séville trois puissantes familles, les Abou-Abda, les Khaldoun, ancêtres de notre auteur, et les Haddjadj. Un membre de la première famille profita des troubles qui régnaient dans l'empire à cette époque pour s'emparer du gouvernement de la ville; mais il fut ensuite attaqué par les Khaldoun et les Haddjadj, et finit par se donner la mort. Koreib-Ibn-Khaldoun prit alors le commandement de Séville et Ibrahîm-Ibn-el-Haddjadj devint son lieutenant. Quelque temps après, Ibrahîm souleva le peuple, avec l'approbation de l'émir Abd-Allah, et obtint le gouvernement de Séville. Koreib perdit la vie dans cette émeute. Ibn-Haïyan, célèbre historien andalousien, cité par notre auteur dans son autobiographie, dit, en parlant de Koreib-Ibn-Khaldoun : « Il résida alternativement à >> Séville et au château de la ville de Carmona, une des meilleures for>> teresses de l'Espagne, et ce fut là qu'il tint sa cavalerie. Il enrôla des » troupes, les organisa par classes, et se concilia la faveur de l'émir » Abd-Allah par des envois d'argent et de cadeaux et par des secours >> d'hommes à chaque bruit de danger. Sa cour fut un centre d'attrac» tion, et toutes les bouches répétèrent ses louanges; les hommes de >> naissance se rendirent auprès de lui et reçurent de sa bonté des dons >> magnifiques; les poètes célébrèrent ses nobles qualités, et une géné>> reuse rétribution fut leur partage; etc. »>

Ayant ensuite appris que le fils d'Alphonse avait rompu la trève et envahi le territoire musulman, le khalife rassembla des troupes et envoya le cîd Abou-Hafs contre l'ennemi. Ce prince attaqua le roi chrétien dans le cœur même de ses états, lui enleva Alcantara et battit ses armées dans toutes les rencontres.

En 571 (1175), le khalife quitta Séville et reprit la route de Maroc, après avoir passé près de cinq années en Espagne. Avant de partir, il donna à son frère, [Abou-Ali-]el-Hacen, le gouvernement de Cordoue et à [Abou-'l-Hacen-]Ali, un autre de ses frères, le gouvernement de Séville.

[Vers ce temps,] la peste envahit la ville de Maroc et enleva les cîds Abou-Amran, Abou-Saîd et Abou-Zékérïa. Le cheikh Abou-Hafs, qui avait quitté Cordoue pour rentrer en Afrique, mourut en route et fut enterré à Salé.

Le khalife rappela alors ses frères Abou-Aliet Abou-'l-Hacen, pour confier, au premier, le gouvernement de Sidjilmessa et, au second, celui de Cordoue. Voulant accorder des commandements à ses neveux, Abou-Zeid et Abou-Mohammed-AbdAllah, tous les deux fils du cîd Abou-Hafs, il donna, au premier de ces princes, le gouvernement de Grenade, et, à l'autre, celui de Malaga.

En l'an 573 (1177-8), il châtia ses vizirs les Beni-Djamê et les bannit à Merîda. En l'an 575, il nomma Ghanem, fils de Mohammed-Ibn-Merdenîch, au commandement de sa flotte, et l'envoya contre Lisbonne. Ghanem revint de cette expédition après avoir enlevé un butin considérable. La même année mourut le cîd Abou-Hafs, frère et vizir du khalife; il s'était distingué par sa bravoure dans la guerre sainte et par les maux qu'il avait causés à l'ennemi. Ses deux fils arrivèrent alors de l'Espagne pour informer le khalife que le roi chrétien venait de rompre la trève. Abou-Yacoub se disposa aussitôt à recommencer la guerre sainte et invita les Arabes de l'Ifrîkïa à venir y prendre part.

1. Après sa tentative contre Huéte, le sultan almohade conclut une trève de sept ans avec le roi chrétien. (El-Marrekchi.)

RÉVOLTE ET SOUMISSION DE CAFSA.

En l'an 557 (1162) 1, Ali-Ibn-el-Ezz, surnommé Et-Touîl (le long), membre de la famille Rend, princes de Cafsa, s'empara du commandement de cette ville, ainsi que nous l'avons déjà raconté 2. Le khalife quitta Maroc pour marcher contre le rebelleet, arrivé à Bougie, il fit arrêter Ali, fils d'El-Motezz3, auquel Abd-el-Moumen avait autrefois enlevé le gouvernement de Cafsa. Les dénonciations qui lui était parvenues au sujet de ce chef portaient sur les liaisons qu'il entretenait avec son parent, Ibn-el-Ezz, et sur des proclamations qu'il aurait adressées aux Arabes. La découverte de plusieurs de ces écrits dans la maison. du prisonnier ayant confirmé la vérité de l'accusation portée contre lui, le khalife confisqua tous ses biens et continua sa route. Arrivé devant Cafsa, il accueillit avec bienveillance les cheikhs des Arabes rîahides qui étaient venus lui offrir leur soumission, il maintint le siège de cette ville jusqu'à ce qu'Ibnel-Ezz se rendit prisonnier, partit ensuite pour Tunis et envoya en Maghreb ses troupes arabes. Quelque temps après, il reprit le chemin de sa capitale, après avoir nommé son frère, le cîd Abou-Ali, gouverneur de l'Ifrîkïa et du Zab. Il accorda aussi au cid Abou-Mouça le gouvernement de Bougie.

REPRISE DE LA GUERRE SAINTE.

Rentré dans sa capitale, l'an 577 (1181-2), après avoir pris la ville de Cafsa, le khalife reçut la visite de son frère, le cîd

1. Variantes de date : 575, 557. La première est fausse; ce fut dans cette année-là que le khalife quitta Maroc pour attaquer Ibn-el-Ezz, lequel était déjà en possession de Cafsa depuis plus de douze ans. Voir ci-devant, p. 34.

2. Voir ci-devant, pp. 33 et 34.

3. Le texte imprimé et les manuscrits portent El-Montecer, mauvaise leçon du copiste.

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