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leur alphabet; mais, entre les sons produits par deux organes voisins, il peut y avoir plusieurs sons intermédiaires, sons que l'on retrouve chez d'autres peuples et dont une partie seulement peut être exprimée par certains Arabes. Tous les auteurs qui ont traité de la nature du langage ont indiqué ce fait dans leurs livres.

Cela posé, il faut savoir que Zenata dérive de Djana, nom propre qui désigne l'ancêtre de cette tribu, savoir: Djana, fils de Yahya, le même qui figure dans leurs généalogies. Or, quand ce peuple veut convertir un nom propre en nom générique, ils lui ajoutent un t à la fin ; de cette manière, ils ont formé Djanat ; et, pour donner à ce nom, qui est au singulier, toute la compréhension dont il est susceptible, ils y ajoutent un n [signe du pluriel berbère], de sorte qu'il devient Djanaten. Le dj de ce mot ne se prononce pas de la manière arabe ; il représente un son qui tient le milieu entre le dj et le ch [c'est-à-dire le j français] et auquel l'oreille aperçoit une espèce de sifflement. [Les Arabes] ont remplacé ce son par celui du z, à cause de l'analogie qui existe entre l'articulation du z et celle du ch; ainsi, de Djanat ils ont fait Zanat. Sous cette forme, c'est un nom collectif; pour en faire un patronymique, on y ajoute un a; ensuite, comme ce mot est d'un usage très-fréquent, on supprime l'a long qui suit le z, afin d'en alléger la prononciation.

PREMIÈRE PÉRIODE DE L'HISTOIRE DES ZENATA.

L'histoire des Zenata en Ifrikïa et en Maghreb commença immédiatement après l'apparition de la race berbère en ces pays, c'est-à-dire dans un siècle tellement reculé que Dieu seul peut en savoir l'époque. Les ramifications de la souche zenatienne sont trop nombreuses pour être comptées; mais on y remarque particulièrement les Maghraoua, les Beni-Ifren, les Djeraoua, les Beni-Irnian, les Oudjedîdjen, les Ghomert, les Yedjefech, les Beni-Ouacin, les Beni-Tigherest, les Beni-Merîn, les Toudjîn,

Peut-être : Tigherîn.

les Beni-Abd-el-Ouad, les Beni-Rached, les Beni-Berzal, les Beni-Ournid et les Beni-Zendak. Chacune de ces branches se subdivise en plusieurs familles.

Les Zenata habitent le pays qui s'étend depuis Tripoli jusqu'au Molouïa et renferme le Mont-Auras, le Zab, et les régions au Sud de Tlemcen. Immédiatement avant la promulgation de la loi islamique, leur tribu la plus nombreuse et la plus puissante était celle des Djeraoua. Les Maghraoua venaient en seconde ligne et les Beni-Ifren en troisième. Les Francs [Romains], lors de leur domination dans le pays des Berbères, avaient imposé à ces peuples la religion chrétienne et se tenaient dans les villes du littoral. Les Zenata et les Berbères qui habitaient les campagnes leur témoignaient un certain degré d'obéissance; ils payaient l'impôt aux époques fixes et prenaient part à leurs expéditions militaires; mais quant aux autres obligations, ils y montraient une résistance très-vive.

Dieu ayant donné l'islamisme au monde, envoya les musulmans en Ifrikïa, pays qui obéissait alors à Djorédjîr (Grégoire), roi des Francs. Co chef obtint l'appui des Zenata et des Berbères; mais, dans sa rencontre avec les vrais croyants, il perdit la bataille et la vie. Les richesses des vaincus, leurs femmes et la ville de Sbaitla tombèrent au pouvoir des Arabes, et ceuxci, dans une seconde invasion, prirent Djeloula et d'autres villes. Les Francs, chassés de leurs possessions africaines, rentrèrent dans leur pays d'outre-mer.

Les Berbères, se croyant alors assez forts pour résister aux musulmans, réunirent leurs bandes et occupèrent les forteresses qui couronnaient les montagnes, pendant que les Zenata se rallièrent à la Kahena, femme qui se tenait dans l'Auras avec sa tribu, les Djeraoua. Mis en déroute par les Arabes et poursuivis à travers les plaines, les montagnes et les déserts, ces peuples durent, bon gré mal gré, embrasser l'islamisme et subir la dcmination des enfants de Moder. Dès lors, le gouvernement arabe leur imposa les mêmes obligations auxquelles les Francs les avaient soumis.

Les liens de la puissance arabe s'étant ensuite relâchés dans

le Maghreb, les Berbères ketamiens, soutenus par d'autres tribus, expulsèrent ce peuple de l'Ifrîkïa. A cette occasion, les Zenata firent jaillir l'étincelle qui alluma chez eux le feu de la souveraineté. L'empire qu'ils réussirent à fonder passa successivement à deux de leurs tribus, ainsi que nous l'exposerons au lecteur.

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HISTOIRE DE LA KAHENA ET DE SON PEUPLE, LES DJERAQUA.-
CONDUITE A L'ÉGARD DES MUSULMANS, LORS DE L'INVASION.

LECR

Les Djeraoua, peuple berbère qui habitait l'Ifrîkïa et le Maghreb, se distinguaient par leur puissance et par le nombre de leurs guerriers. Ils montraient aux Francs établis dans les villes une soumission apparente et, pour rester en possession du pays ouvert, ils prêtaient à ceux-ci l'appui de leurs armes à chaque réquisition. Quand les musulmans se montrèrent sur la frontière de l'Ifrikïa dont ils voulaient faire la conquête, les Djeraoua marchèrent contre eux avec les troupes de Djorédjîr (Grégoire), [prince des Francs]. Dans cette rencontre, Djorédjîr perdit la vie, son armée fut mise en déroute et la puissance des Chrétiens fut brisée. Depuis ce moment, les Berbères ne se présentèrent plus en masse devant les troupes arabes; mais chacune de leurs tribus combattit dans son propre territoire, en se faisant aider par un détachement des Francs.

La guerre entre Ali et Moaouïa empêcha les vrais croyants de songer à l'Afrique; mais, après l'Année de l'union', Moaouïa donna le gouvernement de ce pays à Ocba-Ibn-Nafê de la tribu de Fihr [Coreich]. Ce chef, lors de sa seconde adminis

1 L'an 44 de l'hégire (661-2 de J.-C.), quand tous les peuples de l'islamisme se trouvaient encore réunis sous l'autorité d'un seul khalife, Moaouta, fils d'Abou-Sofyan et fondateur de la dynastie oméïade.

Selon Ibn-Khldoun, Ocba fut nommé au gouvernement de l'Afrique en l'an 45 de l'hégire.

tration, pénétra dans le Sous et, à son retour, il fut tué en traversant le Zab. Sous le règne d'Abd-el-Mélek-Ibn-Merouan, Zoheir-Ibn-Caïs, de la tribu de Bila, marcha contre les Berbères qui s'étaient réunis sous le drapeau de Koceila, chef de la tribu des Auréba. Dans cette expédition, les musulmans essuyèrent une défaite qui les força à quitter l'lfrîkïa, après avoir perdu Cairouan. Hassan-Ibn-en-Noman, le général qu'Abd-el-Mélek y envoya ensuite à la tête d'une nouvelle armée, battit les Berbères, tua Koceila, reprit Cairouan et s'empara de Carthage. Les débris de la population franque et grecque (Roum) se réfugièrent en Sicile et en Espagne. Le commandement des Berbères qui, jusqu'alors, avait été exercé par un chef unique, se morcella entre les divers chefs de tribus.

De tous ces peuples, les Zenata étaient les plus redoutables, à cause de la multitude de leurs guerriers. Les Djeraoua, enfants de Guérao, fils d'Adîdet, fils de Djana, et une de leurs nombreuses tribus, habitaient l'Auras et reconnaissaient pour chef la Kahena (devineresse) Dihya, fille de Tabeta, fils de Nîcan, fils de Baoura, fils de Mes-Kesri, fils d'Afred, fils d'Ousila, fils de Guérao. Cette femme avait trois fils, héritiers du commande`ment de la tribu, et, comme elle les avait élevés sous ses yeux, elle les dirigeait à sa fantaisie et gouvernait, par leur intermédiaire, toute la tribu. Sachant, par divination, la tournure que chaque affaire importante devait prendre, elle avait fini par obtenir pour elle-même le haut commandement. « Elle gouverna >> pendant soixante-cinq ans, dit Hani-Ibn-Bekour- ed-Darîci, et »elle vécut cent vingt-sept ans.» Ce fut elle qui poussa les Berbères de Tehouda à tuer Ocba-lbn-Nafê, pendant qu'il traversait la plaine qui s'étend au midi de l'Auras. La part qu'elle avait prise à ce coup de main n'était pas ignorée des musulmans. Après la mort de Koceila, les débris de l'armée berbère se rallièrent autour de la Kahena, dans sa forteresse du mont Auras. Les Beni-Ifren, ainsi que toutes les tribus zenatiennes et berhères-botr de l'Ifrîkïa étant venus se joindre aux troupes de cette femme, elle attaqua les musulmans dans la plaine située au pied de sa montagne, les mit en déroute et les expulsa de l'Ifrîkïa.

T. III.

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Hassan s'arrêta à Barca pour y attendre les renforts qu'Abdel-Mélek devait lui envoyer. En l'an 74 (693-4), il culbuta les Berbères, tua la Kahena, pénétra dans l'Auras et y massacra cent mille individus. Avant la bataille, deux fils de la Kahena étaient passés du côté de Hassan, conformément aux recommandations de leur mère, laquelle avait appris de son démon familier ce qui allait arriver. Accueillis honorablement par le chef arabe, les transfuges embrassèrent franchement l'islamisme et servirent avec dévouement la cause qu'ils venaient d'adopter. Dans la suite, ils obtinrent du gouverneur de l'Ifrîkïa le commandement de leur tribu, les Djeraoua, et de toutes les populations qui s'étaient jetées dans l'Auras.

Plus tard, la domination des Djeraoua fut anéantie et les restes de ce peuple allèrent s'incorporer dans les autres tribus berbères. Une de leurs fractions s'établit à Melila, sur le bord de la mer, et s'acquit une certaine considération parmi les tribus des alentours. Ce fut chez cette peuplade qu'Ibn-Abi-'l-Aïch se réfugia, au commencement du quatrième siècle, quand MouçaIbn-Abi-'l-Afia lui enleva le royaume de Tlemcen. Plus loin, nous parlerons de la guerre qui eut lieu entre ces deux chefs. Une fois installé chez eux, Ibn-Abi-'l-Aïch y bâtit le château qui porte son nom et qui fut démantelé plus tard. De nos jours, il reste encore quelques faibles débris des Djeraoua dans cette localité, où on les trouve mêlés avec les Itouweft et les Ghomara.

INDICATION DU PREMIER ROYAUME FONDÉ PAR LES ZENATA DANS LES TEMPS ISLAMIQUES. ILS ÉTABLISSENT LEUR AUTORITÉ EN MAGHREB ET EN IFRÎKÏA.

La famille d'Oméïa obtint possession da khalifat vers l'époque où les Berbères de l'Ifrikïa et du Maghreb avaient abandonné leurs habitudes d'apostasie et de révolte pour se soumettre définitivement au contrôle de l'islamisme. Assise sur le trône de l'empire, à Damas, la dynastie oméïade dompta les nations,

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