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Après avoir passé Oran, la mer se retire [vers le nord], de sorte que la latitude de Ténès est de 34°, et celle d'Alger de 35o, la même que celle de la côte du Détroit. De là, la mer se dirige encore plus vers le nord, ce qui donne à Bougie et à Tunis une latitude de 35° 40′. Or, ces deux villes sont situées sous la parallèle de Grenade, d'Almeria et de Malaga. La côte se retourne ensuite vers le midi, de sorte que la latitude de Cabes et de Tripoli est de 35o, la même que celle de Ceuta et de Tanger. Comme la côte s'avance encore vers le midi, la latitude de Barca est de 33o, la même que celle de Fez, Touzer et Cafsa. De là, la mer se rapproche davantage du midi, parce qu'Alexandrie est à 31o de latitude, comme Maroc et Aghmat. Parvenue au terme de sa direction orientale, la mer remonte vers le nord en suivant les côtes de Syrie.

Quant à la configuration du bord septentrional de la Mer-Romaine, nous n'en avons aucune connaissance, mais nous savons que la plus grande largeur de cette mer est d'environ neuf cents milles, la distance entre la côte de l'Ifrikïa et Gênes, ville située sur le bord septentrional 1.

A partir du Détroit, toutes les villes maritimes du Maghrebel-Acsa, du Maghreb central et de l'Ifrîkïa sont situées sur cette mer. Telles sont Tanger, Ceuta, Badis, Ghassaça, Honein, Oran, Alger, Bougie, Bône, Tunis, Souça, El-Mehdia, Sfax, Cabes et Tripoli. Ensuite viennent les côtes de Barca et Alexandrie. Telle est la description de la Mer-Romaine, limite septentrionale du Maghreb.

Du côté du sud-est et du midi, le Maghreb a pour limite une barrière de sables mouvants, formant une ligne de séparation entre le pays des Berbères et celui des Noirs. Chez les Arabes nomades, cette barrière porte le nom d'Areg (dunes). L'Areg commence du côté de la Mer-Environnante et se dirige vers l'Est, en ligne droite, jusqu'à ce qu'il s'arrête au Nil, grand fleuve

1. On pourrait, à la rigueur, trouver cette distance en partant du littoral de la grande Syrte; mais, entre Gènes et l'extrémité N.-E. de l'Ifrikïa il n'y a qu'environ 450 milles.

par

qui coule du midi et traverse l'Égypte. La moindre largeur de l'Areg est de trois journées. Au midi du Maghreb central, il est coupé par un terrain pierreux, nommé El-Hammada les Arabes. Cette région commence un peu en deçà du pays des Mozab et s'étend jusqu'au Rîgh. Derrière [l'Areg], du côté du midi, on trouve une portion des contrées djéridiennes où les dattiers abondent ainsi que les eaux courantes. Ce territoire, que l'on considère comme faisant partie du Maghreb, renferme Bouda et Tementît, lieux situés au sud-est du Maghreb-el-Acsa, Teçabit et Tigouràrîn, au midi du Maghreb central, et Ghadems, Fezzan et Oueddan, au midi de Tripoli. Chacun de ces districts renferme près d'une centaine de localités remplies d'habitants et couvertes de villages, de dattiers et d'eaux courantes. Dans certaines années, les Sanhadja porteurs de voile (litham), qui parcourent les régions situées entre ces territoires et les pays des Noirs, poussent leurs courses nomades jusqu'au bord méridional de l'Areg. Le bord septentrional en est visité par les Arabes nomades du Maghreb, lesquels y possèdent des lieux de parcours qui appartenaient autrefois aux Berbères; mais de ceci nous en parlerons plus tard.

En deçà de l'Areg, limite méridionale du Maghreb, se trouve une autre barrière, assez rapprochée des plateaux de ce pays. Nous voulons parler des montagnes qui entourent le Tell et qui s'étendent depuis la Mer-Environnante, du côté de l'occident, jusqu'à Bernic [Berenice], dans le pays de Barca, du côté de l'orient. La partie occidentale de cette chaîne s'appelle les Montagnes de Deren. L'Areg est séparé des montagnes qui environnent le Tell par une région de plaines et de déserts dont le sol ne produit, en général, que des broussailles. Le bord de la région qui avoisine le Tell forme le pays dactylifere [Belad-elDjerîd] et abonde en dattiers et en rivières.

Dans la province de Sous, au midi de Maroc, se trouvent Taroudant, Ifri-Fouîan et autres endroits possédant des dattiers, et des champs cultivés en grand nombre.

Au sud-est de Fez est situé Sidjilmessa, ville bien connue, ainsi que les villages qui en dépendent. Dans la même direction

est situé le Derà, pays qui est aussi bien connu. Au midi de Tlemcen se trouve Figuig, ville entourée de nombreuses bourgades et possédant beaucoup de dattiers et d'eaux courantes. Au midi de Téhert, on rencontre d'autres bourgades, formant une suite de villages. La montagne de Rached est très rapprochée de ces bourgades, dont les environs sont couverts de dattiers, de champs cultivés et d'eaux courantes.

Ouargla, localité située sur la méridienne de Bougie, consiste en une seule ville remplie d'habitants et entourée de nombreux dattiers. Dans la même direction, mais plus près du Tell, se trouvent les villages du Rîgh, au nombre d'environ trois cents, alignés sur les deux bords d'une rivière qui coule d'occident en orient. Les dattiers et les ruisseaux y abondent.

Entre le Righ et le Tell se trouvent les villes du Zab au nombre d'une centaine, qui s'étendent d'occident en orient. Biskera, la capitale de cette région, est une des grandes villes du Maghreb. Le Zab renferme des dattiers, des eaux vives, des fermes, des villages et des champs cultivés.

Les villes à dattiers [Belad-el-Djerîd] sont situées au midi de Tunis. Elles se composent de Nefta, Touzer, Cafsa et les villes du territoire de Nefzaoua. Toute cette région s'appelle le pays de Castilia et renferme une nombreuse population. Les usages de la vie à demeure fixe y sont parfaitement établis, et les dattiers ainsi que les eaux vives y abondent.

Cabes, ville située au midi de Souça, possède aussi des dattiers et des eaux; c'est un port de mer et une des grandes villes de l'Ifrîkia. Ibn-Ghanîa y avait établi le siège de son gouvernement, comme nous le raconterons plus tard.

Cabes possède aussi de nombreux dattiers, des ruisseaux et des terres cultivées.

Au midi de Tripoli, se trouvent le Fezzan et Oueddan, territoires couverts de bourgades et possédant des dattiers et des eaux courantes. Quand le khalife Omar-Ibn-el-Khattab envoya Amr-Ibn-el-Aci en Afrique, à la tête d'une expédition, la première conquête que les musulmans firent en ce pays fut celle du Fezzan et Oueddan.

Les Ouahat (oasis), situés au midi de Barca, sont mentionnés, par El-Masoudi dans ses Prairies d'or1.

Au sud de tous les lieux que nous venons de nommer, s'étendent des déserts et des sables qui ne produisent ni blé ni herbe et qui vont atteindre l'Areg. Derrière l'Areg se trouve le pays fréquenté par les Moleththemîn (porteurs du litham ou voile), vaste région qui s'étend jusqu'au pays des Noirs et consiste en déserts où l'on s'expose à mourir de soif.

L'espace qui sépare les pays à dattiers des montagnes qui entourent le Tell se compose de plaines dont le climat, les eaux et la végétation rappellent tantôt l'aspect du Tell, et tantôt celui du Désert. Cette région renferme la ville de Cairouan, le mont Auras, qui le coupe par le milieu, et le pays du Hodna. Sur ce dernier territoire, qui est placé entre le Zab et le Tell, s'élevait autrefois la ville de Tobna. Il renferme maintenant les villes de Maggara et d'El-Mecila.

La même lisière de pays embrasse aussi le Seressou, contrée située au sud-est de Tlemcen, à côté de Tèhert.

Le Debdou, montagne qui s'élève au sud-est de Fez, domine. [ du côté de l'ouest] les plaines de cette région.

Telles sont les limites méridionales du Maghreb. Quant à ses limites du côté de l'Orient, les opinions diffèrent selon le système qu'on adopte. Ainsi, il est reçu chez les géographes que la mer de Colzom [la mer Rouge] forme la limite orientale du Maghreb. Cette mer sort de celle du Yémen [l'Océan indien] et se dirige vers le nord, en s'inclinant un peu vers l'ouest, et va aboutir à Colzom [Clysma] et Suez, où elle n'est séparée de la Mer-Romaine la Méditerranée] que par une langue de terre que l'on peut franchir en deux journées. Cette extrémité de la mer de Colzom est située à trois journées est du vieux Caire [Misr]. On voit que les géographes, en assignant la mer de Colzom comme limite au Maghreb, font entrer l'Égypte et Barca dans la circon

1. Voyez ci-devant, p. 174. Dans la Biographie universelle, tome 27, M. de Saint-Martin a donné une longue notice d'El-Masoudi et de ses principaux ouvrages, mais il paraît s'être exagéré l'importance des Prairies d'or.

scription de ce pays. Le Maghreb est donc pour eux une île dont trois côtés sont entourés de mers. Les habitants du Maghreb ne regardent pas ces deux contrées comme faisant partie de leur pays; selon eux, il commence par la province de Tripoli, s'étend vers l'Occident et renferme l'Ifrikïa, le Zab, le Maghreb central, le Maghreb-el-Acsa, le Sous-el-Adna [citérieur] et le Sous-elAcsa [ultérieur], régions dont se composait le pays des Berbères dans les temps anciens.

Le Maghreb-el-Acsa est borné à l'est par le Molouïa; il s'étend jusqu'à Asfi, port de la Mer-Environnante, et se termine du côté de l'Occident' par les montagnes de Deren. Outre les Masmouda, habitants du Deren, lesquels forment la majeure partie de sa population, il renferme les Berghouata et les Ghomara. Le territoire des Ghomara s'arrête à Botouïa, près de Ghassaça. Avec ces peuples on trouve une foule de familles appartenant aux tribus de Sanhadja, Matghara, Auréba, etc. Ce pays a l'Océan au couchant et la Mer-Romaine au nord; des montagnes d'une vaste hauteur, amoncelées les unes sur les autres, telles que le Deren, le bornent du côté du midi, et les montagnes du Téza l'entourent du côté de l'est.

Il est à remarquer que les montagnes sont, en général, plus nombreuses dans le voisinage des mers que partout ailleurs : le pouvoir divin qui créa le monde ayant adopté cette disposition afin de mettre un fort obstacle à l'envahissement des flots. C'est encore pour cette raison que la plupart des montagnes du Maghreb sont de ce côté.

La plus grande partie des habitants du Maghreb-el-Acsa appartient à la tribu de Masmouda; les Sanhadja ne s'y trouvent qu'en petit nombre; mais dans les plaines d'Azghar, Temsna, Tedla et Dokkala on rencontre des peuplades nomades, les unes berbères, les autres arabes. Ces dernières, qui appartiennent toutes aux tribus de Djochem et de Riah, y sont entrées à une

1. Ici Ibn-Kha'doun suit l'idée de plusieurs géographes arabes qui regardaient la côte occidentale de l'empire actuel de Maroc comme s'étendant d'Orient en Occident. Léon l'Africain a commis la même erreur.

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