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cette ville d'assaut et passé la garnison lemtounienne au fil de l'épée, ils prirent la route de Maroc.

Abd-el-Moumen plaça alors une armée almohade sous les ordres de Youçof-Ibn-Soleiman qu'il envoya prendre le commandement de Séville, mais il conserva à Berraz-Ibn-Mohammed la place de receveur-général des impôts. Youçof soumit les états d'El-Batrougui, tant à Niebla qu'à Téjada, occupa le territoire qu'Ibn-Cassi possédait à Silves et se porta ensuite contre Tavira. Eïça-Ibn-Meimoun, seigneur de Sainte-Marie, reconnut alors, de nouveau, l'autorité des Almohades et se mit en campagne avec eux. Mohammed - Ibn-Ali-Ibn-el-Haddjam, seigneur de Badajos, leur envoya de riches présents et fit ainsi accueillir sa soumission. Youçof-Ibn-Soleiman rentra alors à Séville.

Pendant ces événements, le roi chrétien [Alphonse II, de Castille] avait contraint Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Ghanîa à s'enfermer dans Cordoue, et, après avoir porté le ravage dans les états de ce prince, il le força à lui céder Baéza et Ubeda. Il s'empara aussi de Lisbonne, Tortosa, Lerida, Fraga, Sainte-Marie et plusieurs autres forteresses de l'Espagne musulmane. Il exigea ensuite d'Ibn-Ghania une augmentation de tribut ou bien la cession de Cordoue. Cette demande mit le chef almoravide dans la nécessité d'implorer le secours des Almohades: il écrivit à BerrazIbn-Mohammed, et ayant obtenu une entrevue avec lui à Ecija, il consentit à mériter l'appui du khalife par l'échange de Cordoue et de Carmona contre Jaen. Quand Abd-el-Moumen leur eut envoyé la ratification de ce traité, Ibn-Ghanîa alla prendre possession de Jaen où il s'y vit bientôt assiégé par le roi chrétien. Il parvint alors, par un stratagème, à faire prisonniers plusieurs comtes qui étaient au service du roi, et il les enferma dans la Calâ-t-Ibn-Saîd. Aussitôt que ce monarque eut levé le siége de la ville, Ibn-Ghania alla trouver Meimoun-Ibn-Yedder le lem

1 Ibn-Ghanîa invita l'empereur d'Espagne à se rendre secrètement et sans bruit à Jaen, ville qu'il s'engagea à lui remettre. L'empereur écouta les conseils de ses ministres, qui se méfia:ent du chef infidèle, et y envoya le comte Don Manrique et quelques autres seigneurs. IbnGhania les retint tous comme prisonniers. (Ferreras.)

tounide, qui se tenait à Grenade avec un corps de troupes almoravides et l'invita à suivre son exemple en établissant des relations avec les Almohades. Il y mourut dans le mois de Chaban 543 (décembre-janv. 1148-9), et son tombeau s'y voit

encore.

Comme le roi chrétien, toujours aux aguets pour s'emparer de Cordoue, marchait encore sur cette ville, le gouvernement almohade de Séville fit partir Abou-'l-Ghamr-Ibn-Azzoun pour la défendre. Youçof-el-Batrougui y envoya de Niebla un corps de renfort, et Abd-el-Moumen y expédia une armée almohade sous la conduite de Yahya-Ibn-Yaghmor. Quelques jours après l'entrée de ces troupes à Cordoue, le roi leva le siége.

Les chefs qui s'étaient déclarés indépendants accoururent alors auprès d'Ibn-Yaghmor, le prièrent d'intercéder pour eux auprès d'Abd-el-Moumen, et se rendirent avec lui à Maroc où ils reçurent du souverain almohade le pardon de leurs offenses.

En l'an 545 (1450), Abd-el-Moumen se rendit à Salé et fit avertir les musulmans de l'Espagne qu'il y recevrait leurs hommages. De toutes parts, leurs députations arrivèrent pour lui prêter le serment de fidélité, et, avec elles, vinrent plusieurs des chefs indépendants, tels que Seddraï-Ibn-Ouézîr, seigneur de Béja et d'Evora, El-Batrougui, seigneur de Niebla, Ibn-Azzoun, seigneur de Xérès et de Ronda, Ibn-el-Haddjam, seigneur de Badajos et Amel-Ibn-Monîb, seigneur de Tavira. Tous ces chefs lui jurèrent fidélité et consentirent à lui céder leurs états. IbnCassi et le peuple de Silves s'abstinrent d'une pareille démarche, circonstance qui, plus tard, coûta la vie à ce chef. Quand les députations espagnoles eurent repris la route de leur pays, Abd-el-Moumen partit pour Maroc. Il y emmena [la plupart des] chefs qui venaient de lui faire leur soumission, et, depuis lors, il les retint auprès de lui.

INVASION DE L'IFRIKÏA.

Abd-el-Moumen ayant appris que de graves dissensions régnaient entre les émirs de l'Ifrîkïa et que les Arabes y répan

daient la dévastation et tenaient la vilie de Cairouan étroitement bloquée; sachant aussi que Mouça-Ibn-Yahya-el-Mirdaci, le rîahide, s'était rendu maître de Bedja, prit conseil d'AbouHafs, d'Abou-Ibrahîm et d'autres grands cheiks almohades, et forma la résolution d'envahir ce pays.

Sorti de Maroc vers la fin de l'an 546 (mars 1152), sous prétexte d'aller combattre les chrétiens, il se rendit à Ceata, et, quand il eut reconnu que les affaires de l'Espagne marchaient à son gré, il fit courir le bruit qu'il allait s'en retourner à Maroc. En quittant Ceuta, il prit la route de Bougie et, à la suite d'une marche très-rapide, il réussit à surprendre et occuper la ville d'Alger. De là, il emmena El-Hacen-Ibn-Ali, ex-seigneur d'El-Mehdïa, qui était sorti au-devant de lui, et, ayant ensuite mis en déroute une armée sanhadjite qui était venue le rencon-trer à Omm-el-Alou', il pénétra, le lendemain, dans la ville de Bougie. Yahya-Ibn-el-Aziz eut à peine le temps de s'embarquer avec ses trésors dans deux navires qu'il tenait toujours prêts en cas de revers, et [alla prendre terre à Bône d'où] 2 il se rendit à Constantine, ville qu'il remit plus tard à Abd-el-Moumen. Ayant ainsi mérité la clémence du vainqueur, il obtint l'autorisation d'aller vivre à Maroc sous la protection et aux frais du

Le texte arabe, tant imprimé que manuscrit, porte bi-amr el-Alou (par l'ordre d'El-Alou), mots qui ne donnent ici aucun sens. Je considère l'r du mot amr comme n'étant autre chose que la queue de la lettre précédente et j'obtiens la leçon bi-Omm-el-Alou, c'est-à-dire à l'endroit nommé Omm-el-Alou. D'après les indications d'Ibn-Khaldoun, on voit que cet endroit était à environ une journée de Bougie, sur la route d'Alger et de Miliana. Voyez, ci-devant, p. 90, où j'avais supposé qu'il était situé sur le Chelif, surtout à cause des mots du texte, «que les Berbères voulaient le faire passer la rivière» (idjaza). Mais, en supprimant le point qui, en arabe, distingue le z de l'r, on a la leçon idjara qui signifie protéger. Cette correction fait disparaître toute idée de rivière et me paraît être la bonne.

L'auteur du Cartas dit qu'il se rendit, d'abord, à Gènes et, ensuite, à Constantine. Dans le Baïan, il est dit qu'il débarqua à Bone. Dans le texte imprimé du Cartas, on a mis deux fois, par erreur, Casta pour Cosantina.

gouvernement almohade. Ce fut dans cette ville qu'il finit ses jours.

A la suite de cette conquête, Abd-el-Moumen plaça son fils Abd-Allah à la tête d'une armée almohade et l'envoya contre El-Calà, forteresse où se trouvait un corps sanhadjien sous les ordres de Djouchen, fils d'El-Azîz [et frère de Yahya]. Cette place fut emportée d'assaut et livrée aux flammes; Djouchen et toute la garnison furent passés au fil de l'épée, et dix-huit mille cadavres, dit-on, attestèrent la fureur des vainqueurs. Ce succès procura aux Almohades un butin énorme et une foule de pri

sonniers.

A cette nouvelle, les Arabes de l'Ifrîkïa, tels que les Athbedj, les Zoghba, les Riah et les Corra, allèrent camper sous les murs de Bedja d'où ils partirent pour Setîf après avoir pris l'engagement de soutenir leur roi, Yahya-Ibn-el-Azîz. Abd-Allah, fils d'Abd-el-Moumen, obtint de son père un corps de renforts et marcha à leur rencontre. Ce monarque était déjà en route pour rentrer à Maroc, et il se trouvait dans la ville de Metîdja, quand on vint lui apprendre le mouvement des Arabes. Les deux partis en vinrent aux mains près de Setif et continuèrent à se battre pendant trois jours; mais, enfin, les Arabes reculèrent en désordre, après avoir perdu beaucoup de monde, et ils laissèrent leurs troupeaux, leurs femmes et leurs enfants au pouvoir des Almohades.

Rentré à Maroc, l'an 547 (1152-3), Abd-el-Moumen reçut une députation composée des principaux chefs arabes de l'Ifrîkïa, et, ayant accueilli leur soumission, il les chargea de dons et les renvoya chez eux. Quelque temps après, il donna le gouvernement de Fez à son fils, le cîd Abou-'l-Hacen, et plaça auprès de lui Youçof-Ibn-Soleiman en qualité de vizir; à son fils, le cîd Abou-Hafs, il assigna le gouvernement de Tlemcen avec AbouMohammed-Ibn-Ouanoudîn pour vizir. Le cîd Abou-Saîd, un autre de ses fils, reçut le gouvernement de Ceuta avec Mohammed-Ibn-Soleiman pour vizir, et, un quatrième fils, le cîd

Les manuscrits et le texte imprimé porte Casra, nom inconnu.

Abou-Mohammed-Abd-Allah, fut nommé au gouvernement de Bougie et cut pour visir Yakhlof-Ibn-el-Hocein. Enfin, leur frère, le cid Abou-Abd-Allah[-Mohammed] fut désigné par son père comme héritier du trône 1.

Abd-el-Azîz et Eïça2, frères du Mehdi, furent profondément blessés de ces nominations; ils se rendirent à Maroc avec des pensées de trahison, gagnèrent l'appui d'une partie de la populace et pénétrèrent dans la citadelle où ils tuèrent Omar-Ibn-Tafraguin. Presqu'au même instant, le vizir Abou-Djâfer-Ibn-Atïa s'y présenta, suivi d'Abd-el-Moumen lui-même, et la sédition fut éteinte dans le sang des deux frères et de leurs complices 5.

Selon le Cartas, toutes ces nominations eurent lieu en l'an ́549. Dans le texte arabe imprimé, nous avons mis, par inadvertence, le mot Yahya à la place d'Eïça.

3 Ils quittèrent Fez et prirent la route d'El-Mâden pour se rendre à Maroc, dit l'auteur du Cartas.

Abd-el-Moumen était à Salé quand il apprit l'évasion de ces deux hommes. Il envoya à leur poursuite son vizir Abou-Djâfer-Ibn-Atïa et, après le départ de cet officier, il se mit aussi en route.

Dans le chapitre de l'Histoire des Hafsides qui renferme la notice de la famille Tafraguîo, notre auteur dit qu'Abd-el-Azîz et Eïça étaient fils de amghar, frère du Mehdi. L'auteur du Cartas dit qu'ils étaient frères du Mehdi: mais la seconde opinion d'Ibn-Khaldoun est confirmée, jusqu'à un certain point, par la déclaration d'El-Marrekchi qui écrivit une histoire des Almohades en l'an 621, qui avait passé une bonne partie de sa vie en Espagne et qui était très-bien vu des princes de la famille d'Abd-el-Moumen. Il dit que certains parents d'Ibn-Toumert, appelés (en berbère) Aït ouamghar, c'est-à-dire, ajoute-t-il, les fils du fils du cheikh (ce qui est vrai), voulurent s'emparer du trône de Maroc auquel ils croyaient avoir plus de droits qu'Abd-el-Moumen. Secondés par une foule de partisans appartenant à leur tribu, celle des Hergha, ils combattirent à Maroc depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, quand ils furent vaincus et faits prisonuiers par le corps de troupes nègres Abd-el-Moumen arriva après la bataille et les fit mettre à mort. (The History of the Almohades by Abdo-'l-Wahid-al-Marrekochi; texte arabe, p. 466. Ouvrage important que M. Dozy a fait imprimer à Leyde en l'an 1847.)

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