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route de Mertola où Ahmed-Ibn-Cassi avait déjà fait reconnaître la suprématie du gouvernement almohade. Ensuite, elles enlevèrent d'assaut la forteresse de Silves et, après l'avoir livrée à Ibn-Cassi, elles se portèrent du côté de Béja et de Badajos, villes dont le seigneur, Seddraï-Ibn-Ouezîr, s'empressa de faire acte d'obéissance.

Cette expédition terminée, Berraz ramena l'armée almohade à Mertola où il passa l'hiver; et, s'étant mis en marche, l'année suivante, avec l'intention de mettre le siége devant Séville, il reçut la soumission des habitants de Talyata (Téjada)1 et de Hisn-el-Casr 2.

Ayant alors réuni sous ses ordres tous les chefs qui s'étaient révoltés [contre les Almoravides], il parut sous les murs de Séville dont il forma le blocus et intercepta les communications avec la mer. Dans le mois de Châban 544 (janvier 1147), il enleva cette ville de vive force, et, comme les Almoravides s'étaient enfuis pour gagner Carmona, il se mit à leur poursuite et tua tous ceux qu'il put atteindre. Dans le tumulte de l'assaut, AbdAllah, fils du cadi Abou-Bekr-Ibn-en-Arebi, perdit la vie par un fatal malentendu. Le père de ce jeune homme partit alors pour Maroc avec une députation des habitants de Séville, afin de présenter les hommages de ses concitoyens à Abd-el-Moumen. Le monarque almohade, qui venait d'apprendre, par une dépêche de son général, la nouvelle de cette conquête, accueillit les envoyés avec de grands égards et les congédia après leur avoir

1 Variantes: Tolilta, Toleilla. Cette dernière leçon, qui représente le nom arabe de Tolède, est inadmissible. Celle du texte se reproduit plus loin, où notre auteur parle du règne d'El-Adel: il dit qu'à cette époque les chrétiens firent plusieurs incursions dans les territoires de Séville et de Murcie, et qu'ils mirent en déroute l'armée musulmane à Talyata. Or, nous savons par la chronique de Don Luc, évêque de Tuy, cité par Ferreras, t. IV, p. 93 de la traduction française, qu'en l'an 1223 (sous le règne d'El-Adel), les troupes du roi de Léon, commandées par Don Martin Sanchez, portèrent le ravage dans les environs de Séville et défirent l'armée musulmane à Téjada. Par ce passage, la synonymie me semble bien établie.

• Castro Marim, selon M. de Gayangos.

accordé des fiefs et des gratifications. Cette présentation eut lieu en 542 (1147-8). Le cadi Abou-Bekr mourut pendant son voyage de retour et fut enterré dans le cimetière de Fez.

Les troupes Almohades en garnison à Séville comptèrent parmi leurs chefs deux frères du Mehdi, dont l'un s'appelait Abd-elAzîz et l'autre Eïça. Ces cheikhs se conduisirent d'une manière indigne à l'égard des habitants, dont ils ne respectèrent ni les biens, ni la vie; et, ensuite, ils dressèrent un guet-apens pour Youçof-el-Batrougui. Ce chef, qui était alors seigneur de Niebla, ayant découvert leurs machinations, rentra dans sa ville d'où il expulsa la garnison almohade. Ayant alors envoyé des agents à Téjada et à Hisn-el-Casr, il renouvella son alliance avec les Almoravides qui restaient encore en Espagne. Ibn-Cassi se révolta aussi à Silves; Ali-Ibn-Eiça-Ibn-Meimoun en fit de même à Cadix, et, Mohammed, fils d'Ali et petit-fils d'El-Haddjam, suivit leur exemple à Badajos. Abou-'l-Ghamr-Ibn-Azzoun, seigneur de Xérès, de Ronda et des lieux voisins, resta fidèle à ses nouveaux maîtres.

Les Almohades établis dans Séville se trouvèrent alors dans une position d'autant plus critique qu'Ibn-Ghauîa venait de s'emparer d'Algésiras et que le peuple de Ceuta était en insurrection; aussi, les deux frères du Mehdi s'empressèrent de quitter la ville avec leur cousin Isliten et tous leurs partisans. Arrivés à Mont Bister 3, ils furent rejoints par Ibn-Azzoun, et allèrent avec lui pour faire le siége d'Algésiras. Après avoir emporté

1 Dans le texte arabe imprimé, il faut insérer le pronom elledin après le mot bel-Moletthemin.

2 Nous ferons remarquer ici que les noms des chefs musulmans qui figurèrent, à cette époque, en Espagne, sont étrangement altérés par les historiens chrétieus: d'Ibn-Ghania, ils ont fait Aven-Gama; Moham med-Ibn-Sad-Ibn-Merdenich est devenu Mahomet Abenzat, et Aben Cat, et Abenlop. Seif ed-Dola (l'épée de l'empire), titre honorifique d'AhmedIbn-Houd, roi de Saragosse, est écrit Zafadola, etc.

3 Variantes Bebester, Bebechter, Betester, Yebester, Bechter.-M. de Gayangos place cette montagne, qu'il nomme Bichter, entre Malaga et Ronda.

cette ville d'assaut et passé la garnison lemtounienne au fil de l'épée, ils prirent la route de Maroc.

Abd-el-Moumen plaça alors une armée almohade sous les ordres de Youçof-Ibn-Soleiman qu'il envoya prendre le commandement de Séville, mais il conserva à Berraz-Ibn-Mohammed la place de receveur-général des impôts. Youçof soumit les états d'El-Batrougui, tant à Niebla qu'à Téjada, occupa le territoire qu'l 'Ibn-Cassi possédait à Silves et se porta ensuite contre Tavira. Eïça-Ibn-Meimoun, seigneur de Sainte-Marie, reconnut alors, de nouveau, l'autorité des Almohades et se mit en campagne avec eux. Mohammed - Ibn-Ali-Ibn-el-Haddjam, seigneur de Badajos, leur envoya de riches présents et fit ainsi accueillir sa soumission. Youçof-Ibn-Soleiman rentra alors à Séville.

Pendant ces événements, le roi chrétien [Alphonse II, de Castille] avait contraint Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Ghanîa à s'enfermer dans Cordoue, et, après avoir porté le ravage dans les états de ce prince, il le força à lui céder Baéza et Ubeda. Il s'empara aussi de Lisbonne, Tortosa, Lerida, Fraga, Sainte-Marie et plusieurs autres forteresses de l'Espagne musulmane. Il exigea ensuite d'Ibn-Ghania une augmentation de tribut ou bien la cession de Cordoue. Cette demande mit le chef almoravide dans la nécessité d'implorer le secours des Almohades: il écrivit à BerrazIbn-Mohammed, et ayant obtenu une entrevue avec lui à Ecija, il consentit à mériter l'appui du khalife par l'échange de Cordoue et de Carmona contre Jaen. Quand Abd-el-Moumen leur eut envoyé la ratification de ce traité, Ibn-Ghanîa alla prendre possession de Jaen où il s'y vit bientôt assiégé par le roi chrétien. Il parvint alors, par un stratagème, à faire prisonniers plusieurs comtes qui étaient au service du roi, et il les enferma dans la Calâ-t-Ibn-Said. Aussitôt que ce monarque eut levé le siége de la ville, Ibn-Ghania alla trouver Meimoun-Ibn-Yedder le lem

1 Ibn-Ghania invita l'empereur d'Espagne à se rendre secrètement et sans bruit à Jaen, ville qu'il s'engagea à lui remettre. L'empereur écouta les conseils de ses ministres, qui se méfia:ent du chef infidèle, et y envoya le comte Don Manrique et quelques autres seigneurs. IbnGhania les retint tous comme prisonniers. (Ferreras.)

tounide, qui se tenait à Grenade avec un corps de troupes almoravides et l'invita à suivre son exemple en établissant des relations avec les Almohades. Il y mourut dans le mois de Châban 543 (décembre-janv. 1448-9), et son tombeau s'y voit

encore.

Comme le roi chrétien, toujours aux aguets pour s'emparer de Cordoue, marchait encore sur cette ville, le gouvernement almohade de Séville fit partir Abou-'l-Ghamr-Ibn-Azzoun pour la défendre. Youçof-el-Batrougui y envoya de Niebla un corps de renfort, et Abd-el-Moumen y expédia une armée almohade sous la conduite de Yahya-Ibn-Yaghmor. Quelques jours après l'entrée de ces troupes à Cordoue, le roi leva le siége.

Les chefs qui s'étaient déclarés indépendants accoururent alors auprès d'Ibn-Yaghmor, le prièrent d'intercéder pour eux auprès d'Abd-el-Moumen, et se rendirent avec lui à Maroc où ils reçurent du souverain almohade le pardon de leurs offenses.

En l'an 545 (1150), Abd-el-Moumen se rendit à Salé et fit avertir les musulmans de l'Espagne qu'il y recevrait leurs hommages. De toutes parts, leurs députations arrivèrent pour lui prêter le serment de fidélité, et, avec elles, vinrent plusieurs des chefs indépendants, tels que Seddraï-Ibn-Ouézîr, seigneur de Béja et d'Evora, El-Batrougui, seigneur de Niebla, Ibn-Azzoun, seigneur de Xérès et de Ronda, Ibn-el-Haddjam, seigneur de Badajos et Amel-Ibn-Monîb, seigneur de Tavira. Tous ces chefs lui jurèrent fidélité et consentirent à lui céder leurs états. IbnCassi et le peuple de Silves s'abstinrent d'une pareille démarche, circonstance qui, plus tard, coûta la vie à ce chef. Quand les députations espagnoles eurent repris la route de leur pays, Abd-el-Moumen partit pour Maroc. Il y emmena [la plupart des] chefs qui venaient de lui faire leur soumission, et, depuis lors, il les retint auprès de lui.

INVASION DE L'IFRIKÏA.

Abd-el-Moumen ayant appris que de graves dissensions régnaient entre les émirs de l'Ifrîkïa et que les Arabes y répan

daient la dévastation et tenaient la ville de Cairouan étroitement bloquée; sachant aussi que Mouça-Ibn-Yahya-el-Mirdaci, le riahide, s'était rendu maître de Bedja, prit conseil d'AbouHafs, d'Abou-Ibrahîm et d'autres grands cheiks almohades, et forma la résolution d'envahir ce pays.

Sorti de Maroc vers la fin de l'an 546 (mars 1152), sous prétexte d'aller combattre les chrétiens, il se rendit à Ceuta, et, quand il eut reconnu que les affaires de l'Espagne marchaient à son gré, il fit courir le bruit qu'il allait s'en retourner à Maroc. En quittant Ceuta, il prit la route de Bougie et, à la suite d'une marche très-rapide, il réussit à surprendre et occuper la ville d'Alger. De là, il emmena El-Hacen-Ibn-Ali, ex-seigneur d'El-Mehdïa, qui était sorti au-devant de lui, et, ayant ensuite mis en déroute une armée sanhadjite qui était venue le rencon-trer à Omm-el-Alou1, il pénétra, le lendemain, dans la ville de Bougie. Yahya-Ibn-el-Aziz eut à peine le temps de s'embarquer avec ses trésors dans deux navires qu'il tenait toujours prêts en cas de revers, et [alla prendre terre à Bône d'où]* il se rendit à Constantine, ville qu'il remit plus tard à Abd-el-Moumen. Ayant ainsi mérité la clémence du vainqueur, il obtint l'autorisation d'aller vivre à Maroc sous la protection et aux frais du

1 Le texte arabe, tant imprimé que manuscrit, porte bi-amr el-Alou (par l'ordre d'El-Alou), mots qui ne donnent ici aucun sens. Je considère l'r du mot amr comme n'étant autre chose que la queue de la lettre précédente et j'obtiens la leçon bi-Omm-el-Alou, c'est-à-dire à l'endroit nommé Omm-el-Alou. D'après les indications d'Ibn-Khaldoun, on voit que cet endroit était à environ une journée de Bougie, sur la route d'Alger et de Miliana. Voyez, ci-devant, p. 90, où j'avais supposé qu'il était situé sur le Chelif, surtout à cause des mots du texte, a que les Berbères voulaient le faire passer la rivière» (idjaza). Mais, en supprimant le point qui, en arabe, distingue le z de l'r, on a la leçon idjara qui signifie protéger. Cette correction fait disparaître toute idée de rivière et me paraît être la bonne.

L'auteur du Cartas dit qu'il se rendit, d'abord, à Gènes et, ensuite, à Constantine. Daus le Baïan, il est dit qu'il débarqua à Bone. Dans le texte imprimé du Cartas, on a mis deux fois, par erreur, Casta pour Cosantina.

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