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jîn, ils attaquèrent encore les Beni-Ouémannou, leur enlevèrent le butin qu'ils avaient fait et tuèrent Abou-Bekr-Ibn-Makhoukh et six cents de ses guerriers. Ibn-Ouanoudin alla se retrancher, avec les Almohades, dans les montagnes de Cirat, pendant que son fils, Tachefin, se rendit auprès d'Abd-el-Moumen pour lui demander des renforts. Ce monarque partit sur le champ, ramenant Tachefîn avec lui, passa auprès de Tlemcen, prit la route de Cirat et défit les Lemtouna et les Zenata au lieu où ils avaient dressé leur camp. Revenu à Tlemcen, il alla prendre position à Es-Sakhratein, pendant que [le souverain almohade] Tachefin[-Ibn-Ali] venait se poster à Stafcef. Celui-ci reçut alors un renfort de troupes sanhadjiennes que Yahya-Ibn-el-Azîz, seigneur de Bougie, lui avait expédié sous la conduite du général Taher-Ibn-Kebab. L'envoi de ce détachement fut motivé par l'amitié que les Sanhadja portaient aux Lemtouna à cause de leur commune origine.

Le jour même de son arrivée, Taher examina la position de l'armée almohade, et, comme il aimait à faire parade de courage et de bravoure, il témoigna hautement son mépris pour les Lemtouna et leur chef, parce qu'ils n'osaient pas hasarder une bataille. « Je suis venu ici, s'écria-t-il, pour vous livrer prisonnier cet >> Abd-el-Moumen qui est maintenant votre maître; et cette

besogne terminée, je m'en retourne chez nous. » Par ces paroles, il piqua Tachefîn au vif et se fit donner la permission d'attaquer les Almohades. Pendant qu'il s'élançait en avant à la tête de ses troupes, ceux-ci montèrent à cheval et vinrent à sa rencontre. Depuis ce moment, on ne revit plus les Sanhadja et leur chef1.

Ez-Zoborteir, commandant de la milice chrétienne, qui avait reçu de Tachefîn, quelque temps auparavant, l'ordre de se mettre en campagne avec un fort détachement, venait d'enlever un butin considérable aux Beni-Senous et aux peuplades zenatiennes de la plaine des Senous, quand il fut attaqué et tué, avec

Une partie de ce corps fut taillée en pièces et le reste reprit le chemin de Bougie.

T. II.

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tous les siens, par un corps almohade faisant partie de l'armée d'Abd-el-Moumen. Son cadavre fut mis en croix.

Un autre détachement que Tachefîn expédia vers le pays des Beni-Quémannou fut défait par un corps almohade sous les ordres de Tachefîn-Ibn-Makhoukh. Les vainqueurs se mirent ensuite à la poursuite des troupes sanhadjiennes qui opéraient leur retraite sur Bougie, et leur firent éprouver des pertes énormes.

Découragé par tant de revers, Tachefin-Ibn-Ali se décida à gagner Oran, et, en l'an 539 (4444-5), il partit pour cette ville, après avoir renvoyé à Maroc son fils et successeur désigné, l'émir Ibrahim. Ce jeune prince se mit en route avec une escorte de troupes lemtouniennes et accompagné par Ahmed-IbnAtïa, secrétaire d'état. Parvenu à Oran, Tachefin y attendit, pendant un mois, l'arrivée de son amiral, Mohammed-Ibn-Meimoun, qui lui amena, enfin, d'Almeria, une flotte de dix navires. et vint mouiller à peu de distance du camp.

Abd-el-Moumen s'éloigna alors de Tlemcen. Son avant-garde, composée de Beni - Ouémannou et commandée par le cheikh Abou-Hafs-Omar-Ibn-Yahya, envahit les territoires des BeniIloumi, des Beni-Abd-el-Ouad, des Beni-Ourcîfen et des BeniToudjîn, et ne cessa de combattre ces peuples jusqu'à ce qu'ils eurent embrassé la cause des Almohades. Abd-el-Moumen accueillit avec bonté les chefs de ces tribus et surtout Séïd-en-Nas, fils d'Amîr-en-Nas et cheikh des Beni-Iloumi. Rassemblant alors tous les corps de son armée, il marcha sur Oran et réussit à surprendre les Almoravides dans leur camp.

Tachefin, voyant la déroute de ses troupes, s'enferma dans un rabta (couvent fortifié ou redoute) qui se trouvait près de là, et il y fut cerné par les Almohades qui allumèrent plusieurs feux à l'entour de l'édifice. Quand la nuit fut venue, il monta à cheval et sortit du fort, mais, étant tombé dans un des précipices dont la montagne est sillonnée, il y perdit la vie. Cet événement eut lieu le 27 de Ramadan, 539 (mars 1145)1. Sa tête fut envoyée à

Ci-devant, p. 85, notre auteur place la chute d'Oran en l'ar

Tînmelel. Les débris de l'armée almoravide s'enfermèrent dans Oran avec les habitants de la ville; mais, trois jours après, l'eau vint à leur manquer et ils se rendirent à discrétion. Une bande de fuyards, dans laquelle se trouvèrent Abou-Bek--Ibn-Ouîhi, Sir-Ibn-el-Haddj, Ali-Ibn-Filou et d'autres chefs, porta à Tlemcen la nouvelle de la mort de Tachefîn et entraîna dans sa fuite les troupes lemtouniennes que l'on avait laissées dans cette ville. Après leur départ, Abd-el-Moumen y arriva et passa au fil de l'épée la population de Tagraret. Les habitants de ce faubourg lui avaient déjà envoyé une soixantaine de leurs notables, mais toute cette députation avait été massacrée en route par Islîten, chef abd-el-ouadite. Tagraret fut livré à la fureur du soldat, parce que la plupart des habitants étaient almoravides (Djichem); mais Tlemcen éprouva la clémence du vainqueur. Abd-el-Moumen séjourna sept mois dans sa nouvelle conquête, et, en partant, il y installa, comme gouvernenr, Soleiman-Ibn-MohammedIbn-Ouanoudîn, ou, selon un autre récit, Youçof-Ibn-Ouanoudîn.

Au rapport d'un autre historien, il tint la ville de Tlemcen constamment assiégée et reçut, pendant cette opération, la nouvelle de plusieurs victoires remportées par ses troupes et les hommages des habitants de Sidjilmessa; puis, en l'an 540 (1445-6), quand il eut pris la résolution de rentrer en Maghreb, il chargea Ibrahim-Ibn-Djamê d'en continuer le siégé.

Arrivé alors sous les murs de Fez, où Yahya-es-Sahraouï s'était refugié avec les troupes almoravides qui venaient d'évacuer Tlemcen, il y établit son camp afin d'en faire le siége, et il expédia, en même temps, un détachement contre Miknaça [Mequinez]. Peu de temps après, il partit lui-même pour cette dernière ville, après avoir laissé devant Fez un corps d'armée sous les ordres d'Abou-Hafs et d'Abou-Ibrahîm, deux des dix principaux disciples du Mehdi. Le siége de Fez avait duré sept mois, quand Ibn-el-Djîani, mocherref [ou prévôt] de la ville, y intro

Ici, il assigne une autre date à cet événement, ayant suivi l'autorité des mêmes documents dont l'autear du Cartas s'était servi. El-Merrakchi fait mourir Tachefin en l'an 540.

duisit les Almohades pendant la nuit. Es-Sahraouï s'enfuit à Tanger et passa en Espagne pour y trouver Ibn-Ghanîa.

Abd-el-Moumen assiégeait encore la ville de Mequinez, quand on vint lui annoncer la prise de Fez. Il confia aussitôt à YahyaIbn-Yaghmor le soin de réduire Mequinez, et étant allé établir Ibrahim-Ibn-Djamê dans Fez, il prit la route de Maroc.

Après la conquête de Tlemcen, Ibn -Djamê en était parti pour rejoindre Abd-el-Moumen sous les murs de Fez, mais, en passant par Guercif, il fut dépouillé, lui et les siens, par El-MokhaddebIbn-Asker, émir des Beni-Merîn. Abd-el-Moumen écrivit aussitôt à Youçof-Ibn-Ouanoudîn, gouverneur de Tlemcen, lui ordonnant d'envoyer un corps de troupes contre ces bandits. Abd-elHack-Ibn-Menaghfad, commandant de cette expédition et cheikh des Beni-Abd-el-Ouad, châtia les Beni-Merîn et tua leur chef,

El-Mokhaddeb.

Pendant qu'Abd-el-Moumen se rendait de Fez à Maroc, il reçut une députation des habitants de Ceuta qui était venue lui prêter le serment de fidélité, et il leur donna pour gouverneur un cheikh hintatien nommé Youçof-Ibn-Makhlouf. Parvenu jusqu'à Salé, il y pénétra après une légère escarmouche, et alla se loger dans la maison d'Ibn-el-Achera. En reprenant la route de Maroc, il chargea Abou-Hafs de porter la guerre chez les Berghouata. Ce chef accomplit sa mission avec une grande promptitude, leur infligea un châtiment sévère, et alla ensuite rejoindre son maître. Ils arrivèrent ensemble aux environs de Maroc et y trouvèrent une foule de Lamta qui étaient venus s'y réfugier. Les Almohades tuèrent un grand nombre de ces nomades, et, après leur avoir enlevé bagages, femmes et troupeaux, ils mirent le siége devant la ville. Les Almoravides avaient alors pour émir un fils d'Ali-Ibn-Youçof, nommé Ishac, auquel ils venaient de confier le commandement, en apprenant la mort de son frère1 et

1 Le texte arabe porte son père. — Ibn-Khaldoun nous a déjà appris qu'Ishac, fils d'Ali, remplaça sur le trône son neveu Ibrahim, fils de Tachefin, fils d'Ali. Ibn-el-Athir s'accorde avec notre auteur en représentant Ishac comme très-jeune. (Voy. son chapitre sur la prise de Maroc, dans l'Appendice n° v.)

malgré son extrême jeunesse. Fatigués, enfin, par un blocus de sept mois et réduits à la dernière extrêmité par le défaut de vivres, ils tentèrent une sortie générale contre les assiégeants. Ceux-ci repoussèrent l'attaque et, les poursuivant l'épée dans les reins, ils pénétrèrent avec eux dans la ville. Maroc fut emporté d'assaut vers la fin du mois de Choual 544 (mars-avril 1447). Tous les Almoravides furent massacrés sans pitié, mais Ishac parvint à se réfugier dans la citadelle avec les gens de sa maison et les chefs de son peuple. S'étant ensuite rendu à discrétion, il fut conduit devant Abd-el-Moumen et massacré sous les yeux de ce monarque. L'auteur principal de ce forfait fut AbouHafs-Ibn-Ouagag. Les Almohades ayant ainsi fait disparaître les derniers restes de la puissance almoravide, étendirent leur autorité sur le Maghreb entier.

A la suite de ces événements eut lieu la révolte de MohammedIbn-Abd-Allah-Ibn-Houd. Cet imposteur, natif de Salé et sorti de la lie du peuple, s'arrogea le titre d'El-Hadi (le directeur) et prit les armes dans la province de Sous. Il fit sa première apparition à Ribat-Massa où il rassembla de tous côtés une foule de mauvais sujets et s'attira les regards de tous les malfaiteurs qui habitaient les contrées voisines. Ayant converti à ses doctrines les habitants de Sidjilmessa et du Derâ, ainsi que les tribus de Dokkala, Regraga, Temsna et Hoouara, il parvint à infecter de ses erreurs le Maghreb entier. Un corps almohade qu'Abd-elMoumen fit marcher contre lui, sous les ordres de Yahya-Anguemar, le même chef messoufite qui avait abandonné TachefinIbn-Ali, fut obligé de battre en retraite et de rentrer auprès du souverain. Le cheikh Abou-Hafs-Omar, accompagné de plusieurs autres chefs almohades, partit alors pour Massa, afin d'étouffer l'insurrection pendant qu'Abd-el-Moumen faisait les préparatifs d'une nouvelle expédition. Le rebelle marcha au-devant des Almohades à la tête de soixante mille fantassins et sept cents cavaliers, mais touté cette multitude fut culbutée et laissa son chef et beaucoup d'autres morts sur le champ de bataille. Cette rencontre eut lieu dans le mois de Dou-'l-Hiddja 544 (mai 1147). Le cheikh Abou-Hafs donna connaissance de cette bonne nou

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