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pire hafside, les habitants du Djerîd en concurent des inquiétudes et, voulant organiser un système de résistance, ils s'adressèrent à [Abd-el-Mélek-]Ibn-Mekki. De concert avec lui, ils invitèrent le souverain de Tlemcen à envahir les états hafsides, mais leurs instances les plus pressantes ne purent décider ce prince à se lancer dans une entreprise qu'il savait être au-dessus de ses forces. Sur ces entrefaites, notre seigneur le sultan pénétra dans le Djerîd et prit possession de Cafsa, de Touzer et de Nefta. Ibn-Mekki eut alors recours à la dissimulation et envoya au sultan l'assurance de son obéissance; puis, quand ce monarque fut rentré à Tunis, il cessa ces démonstrations de fidélité. Soupçonnant alors qu'une partie des habitants de Cabes favorisait le sultan, il emprisonna les uns et chassa les autres.

Les Beni-Ahmed, fraction des Debbab, se révoltèrent vers cette époque et, soutenus par un corps de troupes que leur envoya l'émir Abou-Bekr, gouverneur de Cafsa, ils assiégèrent Cabes, ville dans le voisinage de laquelle ils s'étaient établis. Une troupe d'Arabes de la tribu des Beni-Ali, auxquels IbnMekki avait fait passer de l'argent, vint surprendre le camp de ses adversaires et les força à se disperser.

En l'an 781 (1379-80), le sultan fut averti de ces événements et quitta la capitale avec son armée. Arrivé à Cairouan, il y rallia les fuyards, pendant que ses ambassadeurs portaient à Ibn-Mekki de sages avertissements. Ce chet les renvoya, en leur faisant croire qu'il était parfaitement disposé à l'obéissance; puis, il fit emballer ses effets et courut se réfugier au milieu des tribus arabes. Le sultan se hâta d'occuper Cabes et, après avoir reçu la soumission des habitants et installé chez eux un de ses officiers comme gouverneur, il reprit le chemin de Tunis. Abdel-Melek mourut dans sa retraite peu de temps après, et sa mort fut suivie par celle de son neveu Abd-er-Rahman. Yahya, fils d'Abd-el-Mélek et Abd-el-Ouehhab[-Ibn-Mekki], son petit-fils, partirent pour Tripoli, mais ils ne purent obtenir d'Ibn-Thabet la permission d'y entrer. Nous devons faire observer que celuici reconnaissait l'autorité du sultan. Ils allèrent donc se fixer à Zenzour, village situé dans la partie de la province tripolitaine

qui est occupée par les Debbab. Toute la régión orientale de l'Ifrikïa fut alors soumise à la domination hafside.

Plus tard, Yahya, fils d'Abd-el-Mélek, se rendit à la Mecque, laissant Abd-el-Ouehhab-Ibn-Mekki au milieu des Berbères qui habitent les montagnes auprès de Zenzour. Le peuple de Cabes s'étant fatigué de la conduite tyrannique du gouverneur auquel le sultan les avait soumis, donnèrent ainsi l'occasion aux partisans de la famille Mekki de se mettre en mouvement. Sur leur invitation, Abd-el-Ouehhab se présenta devant la ville, et aussitôt une sédition éclata qui coûta la vie au gouverneur et amena le rétablissement des Beni-Mekki. Cela eut lieu en l'an 783 (1381-2).

Yahya, oncle d'Abd-el-Ouehhab, revint alors de l'Orient, après avoir accompli le pèlerinage, et tenta, à plusieurs reprises, de s'emparer de la ville. Le seigneur d'El-Hamma, chez lequel il avait fixé sa demeure, se laissa enfin gagner par Abd-elQuehhab et lui livra son hôte, les mains liées derrière le dos. Pendant quelques années, Yahya resta prisonnier dans le Casrel-Aroucïîn; puis, étant parvenu à s'échapper, il alla trouver Ibn-Ouchah, qui s'était emparé de l'autorité dans El-Hamma, ville située à une journée de Cabes. Avec les secours que ce chef mit à sa disposition, il fit plusieurs tentatives contre Cabes et finit par s'en rendre maître. Son neveu Abd-el-Ouehhab fils de son frère Mekki, tomba entre ses mains et mourut par son ordre. Ceci se passa à la suite de l'an 790 (1388). Yahya continua à gouverner Cabes jusqu'à l'an 796. Avant cette époque, le sultan Abou-'l-Abbas avait envoyé son fils, l'émir Omar, contre Tripoli. Les habitants de cette place firent leur soumission, après avoir soutenu un siége de douze mois, et ils eurent à payer une forte contribution. Omar revint alors auprès de son père et obtint de lui le commandement de la ville de Sfax et du district qui en dépend. Soutenu ensuite par les habitants d'ElHamma, il réussit à pénétrer de nuit dans Cabes et à y établir

1 Ci-devant, page 122.

son autorité. Yahya-Ibn-Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki fut fait prisonnier et eut la tête coupée par l'ordre du vainqueur. Ainsi finit la domination des Beni-Mekki à Cabes.

HISTOIRE DES BENI-THABET, CHEFS DE LA VILLE ET DE LA PROVINCE DE TRIPOLI.

Dans notre récit des premières invasions de l'Ifrîkïa par les musulmans, nous avons mentionné que la conquête de Tripoli fut achevée par Amr-Ibn-el-Aci. Depuis l'administration d'OcbaIbn-Nafé, cette ville a toujours formé un des gouvernements et un des boulevards de l'Ifrikïa. Sous les Aghlebides, il en était ainsi, et, quand le khalife fatemide, El-Moëzz, se transporta au Caire, après avoir placé Bologguîn-Ibn-Zîri, émir des Sanhadja, à la tête du royaume de l'Ifrîkïa, la ville de Tripoli reçut du même souverain pour gouverneur Abd-Allah-Ibn-Yakhlof, personnage éminent de la tribu de Ketama. En l'an 367 (977-8), Bologguin obtint de Nizar, successeur d El-Moëzz, la permission d'ajouter Tripoli aux états qu'il administrait déjà, et il confia le gouvernement de cette ville à des fonctionnaires sanhadjiens.

le

En 390 (1000), quelques années après la mort d'El-Mansour, fils de Bologguîn, le gouvernement de Tripoli fut donné par khalife fatemide, El-Hakem, à Yanes l'esclavon. Cette nomination avait été provoquée par Temsoult le sanhadjien, qui commandait alors à Tripoli, et le projet en avait été fortement appuyé par Berdjouan l'esclavon. Ce ministre exerçait alors, sous les Fatemides de l'Egypte, un pouvoir presque absolu et cherchait à éloigner Yanès dont il craignait la rivalité. Yanès se rendit à sa destination, accompagné de quinze cents cavaliers, et Badis[, fils d'El-Mansour,] envoya contre lui une armée sanhadjienne commandée par Djâfer-Ibn-Habib. Pendant deux jours, les Egyptiens et les Sanhadja se battirent dans la plaine

' Variante: Yemsoult.

de Zenzour; la troisième journée se termina par la mort de Yanès et la défaite de ses partisans. Les fuyards s'enfermèrent dans Tripoli, et Djafer aller les y assiéger, précisément au moment où Felfoul-Ibn-Saîd-Ibn-Khazroun, qui s'était révolté contre Badîs et qui, plus tard, résista à El-Moëzz, fils de Badîs, avait mis le siége devant Cabes. Felfoul quitta ses positions, força Ibn-Habîb à se retirer auprès de Yahya-Ibn-Mohammed, émir des Nefouça, mais il ne put plus alors remporter sur lui aucun avantage ni l'empêcher de rentrer à Cairouan. Aussitôt que Felfoul se présenta devant Tripoli, Fotouh-Ibn-Ali et les autres partisans de Yanės sortirent au-devant de lui et le mirent en possession de la ville. Il y établit son séjour et maintint les habitants dans l'obéissance envers El-Hakem, le khalife fatemide. Ce prince accorda le gouvernement de la ville à Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Hamdoun frère de Djàfer-Ibn-Ali, ex-seigneur d'El-Mecîla, qui avait quitté l'Espagne pour aller le trouver. Arrivé à Tripoli et soutenu par Felfoul, Yahya entreprit une expédition contre Bougie, et tenta, pendant sa marche, de s'emparer de Cabes; mais la résistance que cette ville lui opposa et la nécessité de subir l'influence que Felfoul s'était acquise par le nombre de ses partisans, l'obligèrent à quitter le commandement et à rentrer en Egypte. Felfoul resta maître de Tripoli, et ses descendants, après y avoir exercé le commandement alternativement avec les agents du gouvernement sanhadjien, finirent par y consolider leur autorité d'une manière définitive. Malgré l'invasion et la ruine de l'Ifrîkïa par les Arabes hilaliens, la famille Khazroun conserva la possession de Tripoli; ce ne fut qu'en 540 (1145-6), que cette ville leur fut enlevée par George, fils de Michel, amiral de Roger, roi franc de la Sicile. Le vainqueur permit aux musulmans d'y rester et se contenta de leur donner un gouverneur de son choix, ainsi qu'il avait fait dans d'autres localités du littoral africain. Peu de temps après, les habitants prêtèrent l'oreille aux suggestions d'Abou-Yahya-Ibn-Matrouh, un de leurs notables, et massacrèrent les chrétiens 1.

Voy. t. ., p. 37.

En l'an 555 (1160), Abd-el-Moumen, qui venait de prendre El-Mehdia, reçut la visite d'Ibn-Matrouh et des principaux habitants de Tripoli. Il les accueillit avec une grande distinction et les congédia très-honorablement. Ibn-Matroah conserva jusqu'à un âge très-avancé le gouvernement de Tripoli, et, en l'an 586 (1490), il partit pour l'Orient avec l'autorisation du cîd AbouZeid-Ibn-Omar-Ibn Abd-el - Moumen, prince qui gouvernait l'Ifrikïa au nom de son oncle, Youçof-Ibn-Abd-el-Moumen 1. S'étant fixé dans la ville d'Alexandrie, il laissa Tripoli entre les mains des Almohades. Cette dynastie y exerça le commandement par ses officiers jusqu'à l'époque des troubles suscités par Caracoch et Ibn-Ghanîa, quand le premier de ces aventuriers prit possession de la ville.

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L'usurpation du trône de l'Ifrîkïa par les Hafsides et leur révolte contre l'autorité de la famille d'Abd-el-Moumen contribuèrent, avec la mort de Caracoch et d'Ibn-Ghanîa, à faire passer la ville de Tripoli sous la domination de l'émir AbouZékérïa. Elle resta au pouvoir de ses descendants jusqu'au démembrement de l'empire, quand Bougie et Constantine formèrent des états indépendants. Comme l'influence de la cour de Tunis ne se faisait alors plus sentir aux frontières de l'empire, l'administration des affaires à Tripoli passa entre les mains d'un conseil de cheikhs. Il est vrai que le sultan de Tunis y entretenait un gouverneur, mais toute l'autorité appartenait au président du conseil. L'établissement de cette forme de gouvernement à Tripoli fit naître parmi les habitants une rivalité jalouse et un violent esprit de parti.

En 717 (1317-8), le sultan Abou-Yahya-Ibn-el-Lihyani abandonna Tunis, où il se voyait menacé par Abou-Yahya-AbouBekr, sultan de Bougie, et alla se fixer à Tripoli, dont AhmedIbn-Arebi, un des cheikhs, lui avait offert son appui. Les Almohades perdirent tout espoir de son retour à la capitale et proclamèrent sultan son fils Abou-Derba, qu'il y avait fait em

'Lisez De son cousin Yacoub, petit-fils d'Abd-el-Moumen.

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