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par un mariage, et que, pour cette raison, sa descendance a vécu en confédération avec eux.

Parmi les subdivisions de la tribu d'Assaden, on compte les Mesfaoua et les Maghous. Les Mesfaoua se partagent en deux branches, les Doghagha et les Youtanan. On dit, mais Dieu sait avec quel degré de certitude, que les Ghomara, les Rehoun et les Amoul descendent d'Assaden.

On représente comme branches de la tribu des Haha les Zegguen et les Lakhès, peuplades nomades du Sous et confédérées des Doui-Hassan, arabes makiliens qui ont subjugué cette province.

A la tribu des Guenfiça appartiennent les Sekcious, population qui habite la montagne la plus escarpée de la chaîne du Deren. Du haut de ce pic, on pourrait voir la plaine du Sous s'étendre vers le midi et les régions du littoral se déployer vers l'occident. La forte position occupée par les Sekcîoua leur a permis d'étendre leur domination sur les autres peuples de la même race, ainsi que nous l'exposerons plus tard.

Dans les premiers temps de l'islamisme, les tribus masmoudiennes de ces montagnes se distinguaient par leur nombre, leur puissance, leur attachement à la religion [musulmane] et l'hostilité qui les animait contre leurs frères infidèles, les Berghouata. Un de leurs personnages les plus éminents fut Kecîr3, fils d'Ouslas, fils de Chemlal, descendant d'Assada et grand-père de Yahya-Ibn-Yahya, docteur qui reçut de Malek l'autorisation d'enseigner son Mouwatta. Il accompagna Tarec à la conquête de l'Espagne, lui et plusieurs autres notables de la grande tribu masmoudienne, et il s'y établit avec eux. Leurs descendants y jouèrent un rôle sous la dynastie oméïade.

Dans les temps antéislamiques, les Masmouda avaient obéi à

Dans le chapitre suivant ce nom est écrit Mesfioua.

2 Variante: Boutanan.

3 Variante: Kir ou Guir.

Le Mouwata, c'est-à-dire le chemin battu, renferme les traditions et sentences qui forment la base de la jurisprudence malekite.

des rois et à des émirs; pendant toute la durée de l'empire almoravide, ils étaient en guerre avec les princes de cette dynastie; ralliés ensuite à la cause du Mehdi, ils formèrent entre eux une grande nation qui renversa la puissance des Almoravides en Afrique et en Espagne, et remplaça la dynastie des Sanhadja en Ifrîkïa. L'histoire du Mehdi formera le sujet du chapitre suivant.

HISTOIRE DU MEHDI ET DE SA PRÉDICATIÓN.
-- ORIGINE ET VICISSI-
TUDES DE L'EMPIRE FONDÉ PAR SES PARTISANS, LES ALMOHADES
EN MAGHREB, EN ESPAGNE ET EN IFRÎKÏA.

Les Masmouda du Deren se sont toujours fait remarquer par leur nombre, leur puissance et leur bravoure. Dans l'histoire de la conquête musulmane, on les voit soutenir une longue guerre contre Ocba-Ibn-Nafé et Mouça-Ibn-Noceir, avant d'adopter sincèrement l'islamisme. Menacés ensuite par la proximité de l'empire lemtouno-almoravide, ils lui opposèrent une résistance tellement opiniâtre que le souverain de cette nation prit le parti de fonder la ville de Maroc dans le voisinage de leur pays, afin de pouvoir dompter leur audace par des attaques sans cesse renouvelées.

Sous le règne d'Ali-Ibn-Youçof, pendant que l'empire almoravide était encore dans sa première vigueur, parut l'imam des Masmouda, le savant et célèbre Mohammed-Ibn-Toumert surnommé El-Mehdi, fondateur de la secte des Almohades. Cet homme appartenait à la tribu des Hergha, branche de la grande. tribu des Masmouda. Son père s'appelait Abd-Allah et Toumert', et lui-même, dans sa jeunesse, porta le nom d'Amghar'.

Selon Ibn-Rechîc, dont l'opinion est confirmée par la déclara

Toumert était son nom berbère et Abd-Allah son nom arabe.

1 Amghar (prononcer Amr'ar) signifie chef ou vieillard en langue berbère.

3 Ibn-Rechîc, Abou-Ali-el-Hacen, philologue, poète et historien, həbita Cairouan et mourut à Mazzera, en Sicile, l'an 463 (1070). Il laissa une histoire de Cairouan.

T. II.

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tion de [l'historien] Ibn-el-Cattan, Mohammed [le Mehdi] était fils d'Abd-Allah-Ibn-Ouguellîd 2 – Ibn-Iamsal-Ibn-Hamza- IbnEïça; mais quelques historiens maghrebins le disent fils de Mohammed-Ibn-Toumert-Ibn-Tîttaouîu-Ibn-Safla-Ibn-Mecîghoun

Ibn-Aigueldis-Ibn-Khaled.

La plupart des historiens prétendent qu'il était de la famille de Mahomet et lui donnent la généalogie suivante : MohammedIbn-Abd-Allah-Ibn-Abd-er-Rahman-Ibn-Houd-Ibn-Khaled-Ibn Temmam-Ibn-Adnan-Ibn-Sofyan-Ibn-Safouan-Ibn-Djaber-Ibn

Ata-Ibn-Rebah-Ibn-Mohammed-Ibn-Soleiman - Ibn-Abd-AllahIbn-Hacen-Ibn-el-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi-Taleb. Le Soleiman de cette liste est le frère d'Idris l'aîné. « La généalogie d'une grande » partie des descendants de Soleiman rentre dans celles de cer>> taines tribus masmoudiennes et de quelques familles du Sous.' » Soleiman vint en Maghreb après son frère et s'établit à Tlem» cen. Sa postérité se dissémina dans le Maghreb, et tous les >> descendants d'Ali-Ibn-Abi-Taleb que l'on rencontre dans le » Sous comptent ce Soleiman au nombre de leurs ancêtres. »> Telles sont les paroles d'Ibn-Nakhil 3. D'autres historiens repoussent cette opinion et considèrent le Soleiman dont il est question comme un parent d'Idrîs qui était venu le rejoindre en Maghreb ; ils ajoutent que le Rebah de la généalogie précédente était fils de Yeçar, fils d'El-Abbas, fils de Mohammed, fils d'El-Hacen.

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En adoptant soit l'une, soit l'autre, de ces deux opinions, l'on admet nécessairement que Mohammed-Ibn-Toumert tira son origine d'Ali-Ibn-Abi-Taleb [gendre de Mahomet]; que sa généalogie se confondit avec celle des Hergha, tribu masmoudienne, et que sa famille se greffa sur cette souche. Voilà pourquoi il

4. On ne possède aucun renseignement sur cet auteur.
• Ou-Aguellid signifie en berbère, fils de roi.

3 Dans un des chapitres suivants, il sera question d'Ibn-Nakhil.

Ibn-Khaldoun anrait pu facilement démontrer la fausseté de cette généalogie; mais il dut éviter d'examiner trop scrupuleusement l'origine et la conduite d'un aventurier que les Hafsides respectaient comme le fondateur de leur religion. Le sultan hafside, Abou-'l-Abbas, auquel notre auteur communiqua son ouvrage, aurait pu s'offenser d'une telle hardiesse.

participait au même esprit de corps qui animait les Masmouda et qu'il se donna pour membre de cette grande famille dont il avait, du reste, adopté tous les caractères distinctifs.

Né d'une famille qui brillait par sa piété, Mohammed-IbnToumert se montra avide d'instruction et passa ses premières années à lire [le Coran]. Il se plaisait à fréquenter les mosquées et, dans sa jeunesse, il reçut le surnom d'Açafou, c'est-à-dire clarté, à cause du grand nombre de bougies qu'il avait l'habitude d'y allumer. Vers la fin du cinquième siècle, il entreprit le voyage de l'Orient dans le but d'y continuer ses études, et, en passant par l'Espagne, il visita Cordoue, centre des lumières à cette époque. Ayant traversé la mer, il débarqua au port d'Alexandrie et, après avoir fait le pèlerinage de la Mecque, il se rendit [à Baghdad] en Irac, où il puisa un vaste fonds de connaissances, auprès des plus savants docteurs et des controver sistes les plus habiles de ce pays.

Comme les devins et les augures avaient prédit l'avènement d'une nouvelle dynastie en Magheb, il se flatta que l'honneur d'y fonder la souveraineté des Masmouda lui était réservé. L'on assure qu'il consulta Abou-Hamed-el-Ghazzali à ce sujet, en lui découvrant le secret de son cœur ; et que ce docteur, voyant l'affaiblissement de l'empire musulman en Occident, et sachant que les colonnes du pouvoir qui devait réunir les peuples et sou

↑ Açafou signifie l'éclaireur en berbère.- La coutume de brûler des bougies en l'honneur des saints est encore très-répandue dans l'Afrique septentrionale.

• Avide d'instruction, Abou-Abd-Allah-Ibn-Toumert entreprit, dans sa jeunesse, le voyage de l'Orient, bien qu'il fut déjà profondément versé dans la connaissance de la loi, des traditions prophétiques et de la théologie. A ces sciences, il réunissait celles de la grammaire et de la philologie arabes, et il s'était, de plus, distingué par une dévotion vive et ardente. A Baghdad, il fréquenta El-Kiya(-el-Herraci, célèbre docteur chafite dont on trouvera la notice biographique dans le deuxième volume de ma traduction d'Ibn-Khallikan). A Alexandrie, il fit la rencontre d'Et-Tortouchi. (Voy. ci-devant, p. 80, note.) C'est à tort que certains historiens maghrebins lui prêtent des entretiens avec ElGhazzali. (Ibn-el-Athir.)

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tenir la religion y étaient profondément ébranlées, l'encouragea dans cet espoir, après l'avoir interrogé sur les amis qu'il avait dans ce pays et sur les tribus qui seraient assez puissantes pour faire triompher la bonne cause en accomplissant la volonté de Dieu. L'imam Mohammed, devenu enfin un océan de science, un flambeau de la foi, reprit la route du Maghreb.

Comme il avait étudié sous les docteurs sonnites du rit d'ElAchâri pendant son séjour en Orient, il adopta le système de controverse qu'ils avaient dressé pour le soutien des doctrines primitives de l'islamisme et pour la réfutation des novateurs que l'on ne pouvait confondre sans le secours de preuves fournies par la raison. Il admit aussi leur principe d'interpréter allégoriquement certains versets du Coran dont le sens était équivoque, ainsi que certaines traditions concernant les dits et gestes du Prophète. Jusqu'alors, le peuple du Maghreb avait évité d'accueillir ce système d'interprétation et s'était tenu invariablement à l'usage des premiers musulmans, lesquels ne s'en permettaient jamais l'emploi et prenaient les versets équivoques du Coran dans leur sens littéral. Ibn-Toumert leur en fit de vifs reproches; il leur ordonna même d'employer l'interprétation allégorique pour se rendre raison de ces passages et d'admettre les doctrines théologiques enseignées par El-Achâri. Ayant alors déclaré publiquement que les chefs de la secte achârite étaient de véritables imams [docteurs de l'église] et que leur parole devait nécessairement faire autorité, il rédigea plusieurs traités religieux d'après leurs principes, et nomma un de ces écrits la Morchida (directrice) et un autre le Tauhid (profession de l'unité). Il enseigna aussi l'impeccabilité de l'imam [chef spirituel et temporel des musulmans], opinion conforme à celle des Chiîtes imamiens. Sur cette question, il composa le traité de l'imamat que l'on désigna plus tard par le titre d'Aazzo ma yotlab (la chose la plus précieuse que l'on puisse rechercher), mots par lesquels cet écrit commence.

Voy. t. 1, p. 252, note.

Voy. le premier chapitre de l'Appendice, no 11.

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