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Beni-Mohammed. La victoire se déclara pour le prince idricide, à la suite d'une bataille dans laquelle Ibn-Tamlès et la majeure partie de ses troupes, tant espagnoles qu'africaines, trouvèrent la mort. Les débris de cette armée parvinrent à regagner Ceuta d'où ils adressèrent à El-Hakem une demande de secours. Le souverain oméïade y répondit en faisant partir pour l'Afrique un de ses clients, le célèbre Ghaleb, général dont la grande habileté était universellement reconnue. Ayant mis à sa disposition autant d'argent et de troupes que les circonstances avaient rendus nécessaires, il lui ordonna de détrôner les Idrîcides et de les envoyer en Espagne. « Pars, lui dit-il ; pars, Ghaleb, comme >> un homme qui ne devra revenir vivant à moins d'être victo>> rieux, et qui ne pourra se faire pardonner une défaite à moins » de mourir sur le champ de bataille1. >>

El-Hacen, ayant entendu la nouvelle de ces préparatifs, évacua la ville de Basra et envoya son harem et ses trésors à Hadjeren-Nesr, forteresse idrîcienne qui s'élevait auprès de Ceuta. Ghaleb l'assiégea alors dans Casr-Masmouda; puis, à la suite de plusieurs journées de combats, il réussit à corrompre, avec de l'argent, les chefs des Berbères ghomarides et des milices qui servaient sous le drapeau de son adversaire. El-Hacen fut abandonné par ses troupes et dut se jeter dans le Hadjer-en-Nesr et y soutenir un siége. Pendant ce temps, El-Hakem organisa un corps de renforts, composé d'Arabes attachés au service du gouvernement oméïade et de troupes tirées des garnisons qui couvraient les frontières de l'empire. En 363 (973-4), cette armée passa le Détroit sous la conduite de Yahya-Ibn-Mohammed-IbnHachem-et-Todjîbi, vizir commandant de la Frontière supérieure (Aragon). Ce général, accompagné de sa famille et des gens de sa maison, opéra sa jonction avec Ghaleb sous les murs de la forteresse assiégée. Ils attaquèrent alors la place si vigoureusement qu'El-Hacen consentit à la livrer pour avoir la vie sauve.

4 Le texte arabe dit, avec une grande concision: « Pars, Ghaleb ! » comme un homme qui ne doit revenir que vivant et victorieux, ou » bien, mort et excusé .»

Ghaleb tourna ensuite ses armes contre les princes idricides établis dans le Rif, et tout en les dépossédant de leurs châteaux, il leur fit grâce comme à leur cousin. De là, il alla prendre possession de Fez, et il donna à Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Caschouch le commandement du quartier des Cairouanides, pendant qu'Abdel-Kerîm-Ibn-Thâleba-el-Djodami s'installait, par ses ordres, dans celui des Andalous. Ayant ainsi pacifié le Maghreb, établi des gouverneurs dans toutes les provinces et enlevé ce pays à la domination des Fatemides, il partit pour Cordoue, emmenant avec lui El-Hacen-Ibn-Kennoun et les autres princes de la famille d'Idrîs. Ces événements se passèrent en l'an 364 (974-5).

El-Hakem et tous les notables de Cordoue montèrent à cheval pour aller au-devant du vainqueur, et l'entrée triomphale de ce chef fut une des plus belles dont la capitale de la dynastie oméïade eut jamais été témoin. Ne se bornant pas à pardonner au prince idricide et à exécuter toutes les clauses de la capitulation, le souverain oméïade prodigua des cadeaux, des pelisses d'honneur, des bêtes de somme, des pensions et des gratifications.à lui et à tous ses compagnons; il inscrivit même sept cents guerriers maghrebins de leur suite sur les contrôles de l'armée,

Trois années plus tard, El-Hakem chercha querelle à El-Hacen au sujet d'une masse d'ambre que celui-ci, étant encore sur le trône, avait reçue d'un des ports maghrebins et dont il avait fait faire un tabouret pour s'y appuyer, tantôt le coude, tantôt la tête. Il demanda la remise de ce meuble en déclarant que ses bonnes grâces seraient assurées pour toujours au prince idrîcide s'il voulait le lui livrer. El-Hacen repoussa cette proposition, et bien qu'il fût au courant des intrigues que ses cousins ourdissaient contre lui, il céda à son mauvais naturel et persista dans son refus. Une prompte disgrâce et la confiscation, non seulement du morceau d'ambre, mais aussi de toutes ses richesses, furent le résultat de son obstination.

L'autorité des Oméïades s'étant raffermie dans le Maghreb, tous les émirs nommés par El-Hakem réunirent leurs forces, afin de repousser Bologguîn. Le vizir El-Mashafi donna alors le gou

vernement de ce pays à Djâfer-Ibn- Ali et rappela en Espagne Yahya-Ibn-Mohammed-Ibn-Hachem. Trouvant ensuite que l'entretien des princes idricides coûtait fort cher à l'état, il les envoya tous en Orient, sans même retenir El-Hacen; mais, avant de les laisser partir, il leur fit prendre l'engagement de ne plus rentrer en Afrique.

En l'an 365 (975-6), les Idricides s'embarquèrent à Almeria, et, arrivés au Caire, ils trouvèrent, auprès d'El-Azîz, fils d'ElMoëzz-Mâdd, l'accueil le plus bienveillant et le plus honorable. Ce prince leur promit même de les aider à prendre leur revanche, et, quelque temps après, il fit partir El-Hacen pour le Maghreb avec une lettre par laquelle les descendants de Ziri-Ibn-Menad, famille qui régnait alors à Cairouan, furent invités à lui prêter secours. El-Hacen pénétra alors dans le Maghreb et appela le peuple aux armes; mais, ayant été défait par les troupes qu'ElMansour-Ibn-Abi-Amer [le grand vizir espagnol] avait envoyé à sa rencontre, il tomba encore au pouvoir de ses ennemis. On le fit partir sous bonne escorte pour l'Espagne, mais il fut assassiné avant d'y arriver 2.

La dynastie des Idrîcides succomba, de cette manière, dans le Maghreb; mais elle se releva plus tard sous les auspices des Beni-Hammoud, famille qui étendit son autorité sur Tanger, Ceuta et le pays des Ghomara, ainsi que le lecteur le verra dans le chapitre suivant.

DOMINATION DES HAMMOUDITES ET DE LEURS PARTISANS A CEUTA ET A TANGER.- HISTOIRE DE LEURS SUCCESSEURS, LES GHOMARA. Quand El-Hakem - e! - Mostancer [le neuvième souverain

Voy. sur ce personnage, l'Appendice, n° III.

2 El-Haceo-Ibn-Kennoun se voyant entouré par des forces supérieures dont une partie était sous les ordres d'Abd-el-Melek, fils du grand vizir, El-Mansour - Ibn Abi - Amer, se rendit, à la condition d'être ramené en Espagne, comme auparavant. El-Mansour refusa de ratifier la capitulation et fit décapiter le prisonnier que l'on conduisait alors à Cordoue. Cela eut lieu dans le mois de Djomada premier, 375 (sept.-oct. 985). (Le Cartas.)

oméïade d'Espagne,] eut renversé la puissance des Idrîcides en Maghreb et déporté en Orient les membres de cette famille, les Ghomara reconnurent l'autorité des Oméïades et s'humilièrent devant la bravoure des troupes espagnoles. Plus tard, El-HacenIbn-Kennoun rentra en Maghreb, poussé par l'espoir de ressaisir le royaume de ses ancêtres, mais il fut mis à mort par l'ordre d']El-Mansour-Ibn-Abi-Amer. Avec lui succomba la domination des Idrîcides en Afrique. Les membres de cette famille se dispersèrent de tous côtés, et allèrent se cacher dans les tribus, où ils se dépouillèrent de toutes les marques de leur origine et adoptèrent la vie nomade, afin d'échapper aux dangers qui les entouraient.

Parmi les Berbères qui passèrent en Espagne [pour servir sous les drapeaux des Oméïades] se trouvèrent deux frères, descendants d'Omar - Ibn-Idris. Ali et El-Cacem, c'est ainsi qu'on les nommait, étaient fils de Hammoud-Ibn-Meimoun-IbnAhmed-Ibn-Ali-Ibn-Obeid-Allah-Ibn-Omar-Ibn-Idris. Lors de la chute de la faction ameride, quand les [troupes] Berbères se mirent en révolte et proclamèrent khalife, sous le titre d'ElMostaïn-Billah (qui demande le secours de Dieu), un fils d'ElHakem, nommé Soleiman, les deux fils de Hammoud, qui s'étaient acquis une haute réputation par leur bravoure, embrassèrent la cause du nouveau souverain et lui prêtèrent un appui si efficace qu'ils le rendirent maître de Cordoue, capitale de l'empire. El-Mostaïn distribua alors de hauts commandements à ses partisans maghrebins et chargea Ali-Ibn-Hammoud du gouvernement de Tanger et des provinces ghomariennes. Arrivé dans cette ville, Ali montra d'abord un grand dévouement au souverain oméïade, mais ayant ensuite levé le drapeau de la révolte, il se proclama indépendant, passa en Espagne et occupa

1 Le célèbre visir El-Mansour-Ibn-Abi-Amer usurpa tout le pouvoir, sous le règne de Hicham II, dixième souverain oméïade d'Espagne. Soutenu par les troupes berbères qu'il avait pris à sa solde et par une nombreuse bande d'affranchis, il conserva l'antorité jusqu'à sa mort et la transmit à ses fils. Les partisans de cette famille formaient la partie des Amerides

Cordoue, siége du khalifat. Nous avons déjà parlé de ces événements [dans l'histoire des dynasties espagnoles].

A la mort d'Ali, son fils Yahya, auquel il avait asssigné le gouvernement de Tanger, passa en Espagne avec l'intention de disputer le pouvoir à son oncle El-Cacem. Idris, frère de Yahya, prit alors le commandement de Tanger et parvint à étendre son autorité sur toutes les parties du pays des Ghomara qui avaient obéi à son père. Quand son frère Yahya mourut à Malaga, il traversa le Détroit, rallia autour de lui tous les partisans de sa famille et nomma son neveu, Hacen-Ibn-Yahya, gouverneur de Tanger et de Ceuta. Ce jeune prince partit pour sa destination, accompagné de l'eunuque Nedja, qui devait lui servir de surveillant et de directeur.

Lors de la mort d'Idrîs, [son vizir] Ibn-Bacanna tenta d'usurper le commandement à Malaga; mais Nedja se transporta en Espagne avec Hacen-Ibn-Yahya et s'établit dans cette ville. Ayant alors placé son pupille sur le trône du khalifat, il s'en retourna à Ceuta, pour prendre le gouvernement du pays des Ghomara; mais, après la mort de Hacen, il repassa en Espagne avec l'intention d'y usurper le pouvoir. Avant de partir, il confia le gouvernement de la province africaine à un affranchi esclavon d'une fidélité éprouvée.

Dès lors, les villes de Ceuta et Tanger furent gouvernées par des lieutenants esclavons jusqu'à ce qu'elles passèrent sous le commandement du chambellan Soggout-el-Berghouati, client de la famille d'Idrîs. Fait prisonnier dans sa jeunesse par un corps de troupes que les Idrîcides avaient envoyé contre les Berghouata, Soggout fut vendu au cheikh Haddad, affranchi d'un de ces princes. Etant ensuite passé sous le pouvoir d'Ali-IbnHammoud, l'idricide, il s'éleva par ses talents à une haute position sous cette dynastie et finit par s'asseoir sur le trône de Tanger et Ceuta. Après avoir obtenu la soumission des tribus ghomarides, il commença un règne qui devait se prolonger jusqu'à l'établissement de l'empire almoravide. Alors, les Maghraoua de Fez, vaincus par Youçof-Ibn-Tachefin, se réfugièrent dans Ed-Demna, ville située à l'extrêmité de la grande plaine du

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