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voit par l'épithète 0200pp (aux projets malveillants), qu'Homère avait déjà connaissance de la légende que nous racontera plus tard l'auteur hésiodique de la Théogonie.)

Un autre mythe, dont Homère a bien probablement pris aussi la donnée dans l'œuvre de son prédécesseur, c'est celui de la Gorgone qu'il place dans l'Adès (le pays de l'obscurité), région située au Nord extrême de la terre et servant de demeure aux Ombres des mortels. Il ne donne, d'ailleurs, sur cette Gorgone, aucun renseignement, sinon que c'était un monstre terrible (1).

Quant à l'Océan, Homère ne semble pas avoir eu une idée bien nette de ce qu'il fallait y voir. Tantôt, ce qu'il en dit se rapporte à la donnée de l'auteur Dorien qui en faisait le fleuve bornant l'Adès au Sud (2); mais, dans d'autres endroits, c'est la mer d'Ithaque ou bien la haute mer (3), ou, enfin, comme plus tard dans l'Iliade, un courant d'eau marine tournant autour des limites extérieures de la terre (4).

Homère parle aussi des Bienheureux; mais, pour lui,

(1) od. λ. 634. « J'eus peur que la noble Proserpine n'envoyât de l'Adès la tète gorgonienne d'un monstre cruel. » (гopyɛinv xepaλnv δεινοιο πελωρον.)

(2) Ulysse vient de tuer les prétendants d'Ithaque, dit alors le ⚫ poète (08. ய. 9), Mercure conduisit leurs âmes par des voies téné>> breuses. Ils franchirent les courants de l'Océan et le rocher de › Leucade. Ils dépassèrent les portes du Soleil et le pays des Songes » et arrivèrent aussitôt après au pays de l'Asphodèle où demeurent » les Ombres. »

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› cesse en guettant Orion, et qui seule ne se plonge pas dans les » eaux de l'Océan. »

-

(4) 08. 8. 563. « Le Champ Élysée, où l'Océan, pour rafraîchir les hommes, envoie sans cesse les haleines du Zéphyre au souffle bruyant. »>

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« Autour de moi, dit Ulysse, en parlant de son séjour de neuf ans chez Calypso, roulait en murmurant le courant immense de l'Océan écumeux. »

c'est aux Dieux qu'appartient exclusivement ce surnom (1). Ce ne sera que plus tard qu'on l'attribuera aussi à ces héros auxquels les Dieux avaient épargné la mort, et qu'ils avaient envoyés aux extrémités de la terre dans le Champ-Élysée. Le poète Dorien, qui, avant Homère, avait mentionné ces héros et leur demeure, ne leur avait pas appliqué non plus le titre de Bienheureux (2).

Un autre nom, qui jouera plus tard un grand rôle en Libye, est celui de Tritogénie, épithète appliquée à la déesse Athéné par Homère, qui du reste n'en donne pas la signification (3).

Il faut aussi noter Phorcys, souverain de la mer stérile, dont la fille Thoossa eut de Neptune le géant Polyphème (4) opus est en grec le nom du phoque.

III

Longtemps après Homère, les différents peuples grecs restèrent confinés dans l'Hellade et dans l'Asie. Les uns, les Doriens, étaient de leur nature peu navigateurs; quant aux autres, Ioniens et Achéens, mieux disposés pour la vie maritime, ils avaient assez à faire de conquérir sur les marchands Phéniciens les îles méridio

(1) 03. 3. 184. — « Les Dieux Bienheureux. » (sot μanapeo). (2) os. 8. 563. — « Pour toi, dit Protée à Ménélas, les immortels t'enverront au Champ Réservé (H)vatov mediov), extrémité de la terre et demeure du blond Rhadamanthe, région où la vie est très facile, où l'on ne connaît ni la neige, ni le long hiver, ni la pluie, où l'Océan, pour rafraîchir les hommes, envoie sans cesse les haleines du Zéphyre au souffle bruyant. »>

(3) o6. 7. 375.

« La fille de Jupiter, la très glorieuse Tritogenie. » (Διοσ θυγατηρ κυδίστη Τριτογένεια).

(4) 08. x. 72. - Phorcys, souverain de la mer stérile.» Le même poème mentionne aussi à deux reprises (od. v. 96 et 345), un port d'Ithaque consacré « à Phorcys, le vieillard de la mer. »

nales de la mer Égée. Cette tâche difficile suffit longtemps à leur activité guerrière et colonisatrice.

Cette période, qui dura deux siècles (de 900 à 700), fut pour les poètes des Deux Grèces une époque de production féconde. Inspirés par les vieux souvenirs aryens de leur berceau javanique, par leur piété envers les Dieux, par l'ivresse des fêtes sacrées, par les haines mutuelles des tribus ou par les scènes d'une civilisation naissante, les aèdes de la Grèce composaient à l'envi des odes, des épopées, des chants sur l'origine des choses ou les merveilles de la terre. Les noms de ces poètes ont presque tous péri. Peut-être eux-mêmes ne les avaient-ils pas attachés à leurs œuvres; peut-être les rhapsodes qui ont répété leurs vers ont-ils négligé d'en rapporter la gloire à leurs auteurs; plus tard, la Grèce se contenta d'attribuer leurs poèmes, selon le genre de chacun, à certains personnages antiques dont les noms avaient seuls survécu parmi les autres. Grâce à ce procédé, Homère, auteur de l'Odyssée, devint aussi le poète : 1o de l'Iliade, ceuvre admirable due au génie de son plus brillant imitateur; 2o des Épigones, récit de la prise de Thèbes par les enfants des Sept-Chefs; 3° et des vers Cypriens qui racontaient l'enlèvement d'Hélène par le Troyen Paris.

De même Hésiode, aède fameux, avait célébré les Travaux des labours et les Jours des semailles. On lui attribua 1o la Théogonie, histoire généalogique des Dieux de la Grèce; 2° le Catalogue des Femmes; 3° les Grandes Orientales; 4° les Travaux d'Hercule; 5o et une quantité de petits poèmes dont les derniers étaient si peu de lui qu'ils ne sont pas mème antérieurs aux guerres médiques.

Linus, Musée, Orphée eurent dans leur lot les chants religieux, les odes sacrées, les prières aux Dieux immortels de l'Olympe et aux sombres divinités de l'Enfer.

Tous ces poèmes, tous ces récits intéressent plus ou moins la géographie libyenne; car, c'est dans leurs vers,

œuvres souvent de pure imagination, que les exégètes prirent les éléments de leurs récits sur l'ensemble, les divisions et les limites des continents et des îles de la terre. A force de se répéter les uns les autres (car les Anciens n'ont guère fait que se copier successivement), les commentateurs finirent par se former un corps de doctrine qui fit loi pour l'opinion publique, et qui s'imposa, dès lors, impérieusement à leurs successeurs. La science actuelle, comme je l'ai dit plus haut, est encore, sans qu'elle s'en doute, sous l'influence, en bien des points, de ces antiques données de la mythologie hellénique.

IV

Parmi toutes ces œuvres de poètes inconnus, il en est une qui brille au premier rang d'un éternel éclat et d'une éternelle jeunesse : c'est l'Iliade, poème qui fut composé quelques générations après l'Odyssée, à une époque déjà plus avancée de la civilisation. Aussi trouve-t-on dans les idées du poète d'Achille une différence sensible avec celles du poète d'Ulysse. Les notions géographiques, entre autres, se sont modifiées et en beaucoup d'endroits agrandies.

L'Océan, par exemple, n'y est plus le fleuve septentrional du poète Dorien. Ce n'est plus non plus la haute mer du poète de l'Odyssée; il est devenu très clairement un courant circulaire enveloppant le disque terrestre. Il prend sa source à l'occident de ce plateau et roule tout autour de la terre ses flots impétueux (1). Néanmoins,

(1) 1λ. o. 607. — (Vulcain forge le bouclier d'Achille et y représente les scènes de la vie terrestre). « Enfin, sur le rebord du très solide bouclier, il représente la force puissante du fleuve Océan. » Ici l'Océan entoure le bouclier, comme dans l'opinion du temps il entourait la terre (ποταμοιο μεγα σθενοσ Ωκεανοιο).

Ιγ. σ..

399. "

Eurynomé est la fille de l'Océan dont le cou

l'auteur ne rompt pas tout à fait avec la donnée de l'Odyssée qui fait de l'Océan le large bassin de la haute mer, et il reproduit même, en un certain moment, les vers d'Homère relatifs à la grande Ourse (1).

Quant aux lacs de pourpre de l'Odyssée, d'où le soleil s'élançait et où il se replongeait à la fin de sa course, ils ont disparu de l'Iliade. C'est de l'Océan que le soleil s'élève et c'est dans l'Océan qu'il redescend ensuite (2). Ce grand fleuve a, d'ailleurs, pris dans la Théogonie grecque un rôle fort important; il est à la fois un Dieu puissant et l'origine (le premier ancêtre) des Dieux euxmemes (Θεων γενεσις) (3).

rant revient sur lui-même ('poppoov Nxzavoro). » Le mot apoppoov a trait à ce fait que, d'après l'opinion antique, l'Océan coulant en cercle de l'Ouest au Sud, du Sud à l'Est, et en second lieu de l'Est au Nord, puis à l'Ouest, revenait ainsi à son point de départ. π. 150. -La harpye Podarghé avait conçu ces coursiers du Zéphyre, alors qu'elle paissait dans une prairie près du courant de l'Océan.

12.

12. §. 247. même. »

« J'endormirais jusqu'aux courants de l'Océan lui

Çà et là, l'auteur nomme l'Océan, « l'Océan au courant profond » (Catuppoor). Partout domine la pensée que l'Océan est un fleuve.

(1) Iλ. σ. 486. - « L'Ourse appelée aussi Charriot qui guette le vigoureux Orion et seule ne se baigne pas dans les ondes de Ocean. » (λοετρων Ωκεανοιο).

(2) 1λ. n. 421. — Ensuite le Soleil, s'élançant de l'Océan au cours silencieux et au courant profond, s'élève vers le ciel en éclairant aussitôt les campagnes. »

Iλ. t. 1. — « L'aurore au voile couleur de safran sortait des courants de l'Océan pour porter la lumière aux immortels et aux humains. >>

10. 485. — « La brillante lumière du soleil se précipita dans l'Océan, amenant la nuit sur la campagne nourricière. »

1λ. £. 5. — « Pareil à l'astre d'automne qui brille d'un très vif éclat, quand il s'est baigné dans l'Océan. »

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(3) 1. . 20 et 301. « L'Océan fils du Ciel, époux de Tethys,» 1. §. 200. « Je vais aux extrémités de la terre féconde visiter l'Océan, origine des Dieux, et Tethys leur mère, qui m'ont bien nourric et bien choyée quand ils me reçurent de Rhéa. »

Revue africaine, 30° année. No 176 (MARS 1886).

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