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Nedjah-Ibn-Ghofaïr. Ceci eut lieu en l'an 349 (931), et Er-Rida l'eisamide s'empressa de faire sa soumission et d'abdiquer le trône. Telle fut la fin de cette dynastie. Ceuta resta dans la pos session d'En-Nacer jusqu'à ce que les Beni-Hammoudy fondè rent un nouveau royaume, ainsi que nous l'exposerons plus loin.

HISTOIRE DES BENI-SALEH-IBN-MANSOUR, HÕIS DE NÓKÓUR, ET DU ROYAUME QU'ILS FONDÈRENT DANS LE PAYS DES GĦOMARA.

Lors de la conquête musulmane, les vainqueurs se partagèrent les cantons et les provinces du Maghreb et, à plusieurs reprises, ils obtinrent des khalifes l'envoi de nouvelles troupes afin de faire la guerre aux Berbères. Dans le premier corps de ces renforts, lesquels étaient composés d'Arabes de toutes tribus, se trouva un chef himyerite appartenant à ceux du Yémen et nommé Saleh-Ibn-Mansour. Ce guerrier, qui était généralement connu par le sobriquet d'El-Abd-es-Saleh (le bon serviteur), s'appropria [le territoire de] Nokour, et, vers l'an 91 de l'hégire (709-10), il obtint du khalife El-Ouélid-Ibn-Abd-el-Mélek l'autorisation de garder ce pays comme icta1. Voilà ce que dit l'auteur du Mikyas 3.

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« Du côté de l'Orient, le territoire de Nokour touche à Zouagha et au Djeraona d'Ibn-Abi-'l-Aich, de sorte qu'il a cinq

>> journées de longueur; il avoisine Matmata, Kebdana, Mer» nîça, Ghassaça, localité dont les habitants s'appellent les Gens » du Mont-Herek et Colouâ-Djara, endroit qui appartient aux » Beni-Ourtendi. Du côté de l'occident, il a pour limites le pays » des Beni-Merouan, tribu ghomarienne, le territoire des Beni

• Le texte arabe et les manuscrits portent Hammad. 2 Voy. t. I, p. 117, n° 2.

• L'ouvrage intitulé El-Mikyas (l'échelle à mesurer) nous est inconnu. On iguore même le nom de celui qui le composa.

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Tout ce passage entre guillemets est tiré de la géographie d'ElBekri. Ibn-Khaldoun, où son copiste, y a écrit Aïs avec un sad, à la place d'Aïch avec un chin, qui est la bonne leçon.

>> Hamid et les cantons occupés par les Mecettaça et les Sanhadja. » Derrière ces peuplades se trouvent les Auréba et la bande de > Ferhoun (hizb-Ferhoun), les Beni-Ouélîd, les Zenata [de Ta» brida], les Beni-Irnian et les Beni-Quacen de la bande de >> Cacem, seigneur du Za. » — Au nord de Nokour, à la distance de cinq milles, on rencontre la mer.

Saleh ayant reçu ce territoire comme icta, y fixa son séjour et eut une nombreuse postérité. Il commença par rassembler autour de lui les tribus ghomarites et sanhadjiennes; et, après les avoir converties à l'islamisme, il maintint son autorité avec leur appui. Ayant alors pris possession de Temçaman, il propagea rapidement la vraie religion parmi ces populations. Les devoirs et obligations de la loi leur étant ensuite devenus à charge, elles retombèrent dans l'infidélité, forcèrent Saleh à quitter le pays et prirent pour chef un homme de la tribu de Nefza, surnommé Er-Rondi. Peu de temps après, elles revinrent à la foi et rappelèrent Saleh au commandement. Depuis lors, cechef régna sur elles jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu à Temçaman, en l'an 132 (749-50). Son fils et successeur, El-Motacem, prince rempli d'intelligence et de générosité, se distingua aussi par sa piété. pendant son règne, malheureusement bien court, il présida en personne à la prière publique et fit le prône (khotba) lui-même. Son frère Idris, qui lui succéda, posa les fondements de la ville de Nokour sur le bord de la rivière [ainsi nommée]; mais il laissa son ouvrage inachevé et mourut en 143 (760-1). Son fils Saîd hérita de l'autorité souveraine et atteignit à une grande puissance. Il habita d'abord à Temçaman; mais, bientôt après son avénement, il termina la construction de Nokour et alla s'y établir.

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Nokour est la même ville qui porte, de nos jours, le nom d'ElMezemma. Elle est située entre deux rivières dont l'une, le Nokour, descend du pays des Gueznaïa où il prend sa source dans la même montagne qui donne naissance à l'Ouergha. L'au

Dans le texte arabe, le mot mistah paraît être employé adverbialement avec le sens d'Iftitah el amri (au commencement).

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tre rivière, appelée le Ghîs, sort du pays des Beni-Ourîagol et verse ses eaux dans le Nokour auprès d'Agdal; plus loin, elles se séparent l'une de l'autre et vont se jeter dans la mer par des embouchures différentes. La ville d'Espagne qui se trouve visà-vis de Nokour se nomme Bézelyana 2.

En l'an 144 (764), les Madjous (Normands) arrivèrent avec une flotte et, s'étant emparés de Nokour, ils la saccagèrent pendant huit jours, mais ils en furent expulsés par les Beranès qui s'étaient ralliés autour de Saîd. Quelque temps après, les Ghomara déposèrent Saîd et mirent sur le trône un homine de leur tribu nommé Sogguen. Une guerre s'ensuivit dans laquelle Saîd tua son rival, dissipa les insurgés et remporta, par la grâce de Dieu, une victoire éclatante. Il mourut en 188 (803-4) après un règne de trente-sept ans. Son fils Saleh-Ibn-Said, qui lui succéda, imita ses prédécesseurs dans l'exacte observation de la loi musulmane, et, jusqu'à sa mort 3, il ne cessa de faire la guerre aux Berbères. 11. régna soixante-deux ans et mourut en 250 (864).

Son fils cadet, Saîd-Ibn-Saleh, qui lui succéda, eut à livrer plusieurs batailles à son frère Obeid-Allah et à son oncle ErRida qui s'étaient révoltés contre lui. Les ayant enfin vaincus, il déporta le premier en Orient et pardonna au second dont il avait épousé la fille. Obeid-Allah mourut à la Mecque. Ensuite il ôta la vie à tous ceux de ses oncles et parents qui tombèrent entre ses mains; mais, par cette politique cruelle, il inspira à Séadet-Allah-Ibn--Haroun, un autre de ses parents, la résolution de les venger. Séadet se réfugia dans la montagne d'Abou-'lHacen, chez les Beni-Islîten, et, par ses indications, il les mit à même de surprendre le camp de son neveu, d'enlever tous ses équipages et de massacrer plusieurs milliers de ses partisans. Ala suite

1 Prononcez Ris. Les manuscrits portent à tort aïs.

• Variantes fournies par les manuscrits d'El-Bekri : Touniana, Souniana, Tarïa.

3 Il faut lire helek à la place de melek, dans le texte arabe. Les manuscrits portent, à tort, Abou-'l-Hoccin.

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de ce succès, les vainqueurs mirent le siége devant Nokour, mais Said, favorisé de nouveau par la fortune, réussit à leur tuer beaucoup de monde et força Séadet-Allah à s'enfermer dans Temçaman. Ayant fait prisonnier Meimoun, frère [de Séadet-Allah], il lui fit trancher la tête; et, étant enfin parvenu à réduire son adversaire à la nécessité d'implorer la paix, il consentit à sa prière et le logea auprès de lui dans la ville de Nokour. Quelque temps après, il se mit à la tête de ses gens de guerre et, soutenu par les Ghomara qui habitaient ses états, il attaqua les Botouïa, les Mernîça, les habitants de Colouâ-Djara et les Beni-Ourtendi. Comme il avait marié sa sœur à Ahmed, fils d'Idris-IbnMohammed-Ibn-Soleiman, seigneur de [Djéraoua], il fit venir ce prince à Nokour pour y demeurer. Son autorité se maintint dans cette partie du Maghreb jusqu'au moment où il reçut du Mehdi, Obeid-Allah, l'invitation d'embrasser la cause des Fatemides. En bas de cette sommation se trouvaient inscrits les vers suivants :

Si vous soutenez ma cause, je soutiendrai la vôtre; si vous vous détournez de moi, je vous jugerai digne de mort.

Brandissant un glaive qui doit briser toutes vos épées, j'entrerai sans peine dans votre pays et je le remplirai de carnage.

El-Ahmas de Tolède, poète à la solde de Saîd, composa une réponse à ces vers, sur la demande de Youçof-Ibn-Saleh, frère de cet émir, et il l'envoya au Mehdi.

Nous la reproduisons ici :

Tu en as menti; j'en jure par la maison de Dieu! non, tu ne sais pas pratiquer la justice, et le Miséricordieux ne reconnait aucun mérite à tes paroles.

Tu n'es qu'un ignorant, un imposteur; et pour ressembler aux autres sols, tu prends le plus court chemin.

Nos pensées généreuses ont pour objet la religion de Mahomet; les tiennes, Dieu les a rendues viles.

Obeid-Allah éprouva une telle indignation à la lecture de ces vers qu'il expédia une dépêche à Messala-Ibn-Habbous, gouverneur de Tèhert, lui ordonnant de marcher contre le prince

de Nokour. Ce fut en l'an 304 (916-7), après avoir régné cinquante-quatre ans, que Said vit éclater cet orage. Pendant quelques jours, il combattit bravement à la tête de son peuple, et il mourut enfin sur le champ de bataille avec presque tous les siens. Leurs têtes furent envoyés à Raccada et portées en triomphe à travers les rues de cette ville. Le petit nombre de guerriers qui échappèrent au massacre s'embarquèrent pour Malaga et trouvèrent auprès d'En-Nacer [le khalife oméïade] un accueil des plus honorables.

Messala resta dans Nokour pendant six mois, et en partant pour Tehert, il y laissa en qualité de gouverneur un officier ketamien nommé Deloul. Saleh, Idris [et] El-Motacem, tous fils de Saîd, étaient encore à Malaga avec les débris de leur peuple, quand ils apprirent que les troupes de Deloul avaient abandonné leur général. A cette nouvelle, ils équipèrent plusieurs vaisseaux et partirent pour Nokour. Saleh y ayant devancé ses compagnons, entra au port de Temçaman, rallia les Berbères autour de lui et reçut d'eux tous le serment de fidélité. Ils lui donnèrent alors le surnom d'El-Yetîm (l'orphelin), à cause de sa jeunesse. Ceci se passa en 305 (917-8). Alors ils marchèrent contre Deloul, le firent prisonnier et lui ôtèrent la vie, ainsi qu'à tous ses gens. Saleh écrivit alors à En-Nacer pour lui annoncer cette victoire, et il fit proclamer la souveraineté de ce monarque dans toute l'étendue de ses états. En-Nacer lui envoya, en retour, un cadeau magnifique et les insignes de la royauté. Les frères de Saleh étant enfin arrivés, lui prétèrent le serment de fidélité. Ce prince continua, jusqu'à sa mort, à suivre la politique de ses prédecesseur. Son fils Abd-el-Bediâ lui succéda en 315 (927-8) et prit le surnom d'El-Mouwaïed (le bien soutenu). Deux années plus tard, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afia, coryphée du parti fatemide en Maghreb, marcha contre Nokour et l'emporta d'assaut. Saleh y perdit la vie et sa ville fut livrée au pillage et ruinée de fond en comble.

Quelque temps après, les fuyards y rentrèrent et mirent à leur tête Abou-Aïoub-Ismail, fils d'Abd-el-Mélek, fils d'Abd-erRahman, fils de Saîd, fils d'Idrîs, fils de Saleh, fils de Mansour.

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