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chés à ce prince, mais les Beni-Auf, tribu soleimide, continuèrent au service d'Abou-Mohammed.

- Quand Abou-Zékéria, fils de l'émir Abou-Mohammed, devint maître de l'Ifrikïa, toutes ces tribus, à l'exception des Douaouida rîahides, vinrent se joindre à lui, de sorte que ceux-ci se trouvèrent en minorité. Abou-Zékérïa ayant enfin écrasé la faction qui soutenait Ibn-Ghania, prit la résolution d'expulser les Riah de l'Ifrîkïa à cause de leurs brigandages, et, pour effectuer ce projet, il prit à son service les tribus descendues de Mirdas et d'Allac. Ces peuplades occupaient alors les environs de Cabes et les régions maritimes [de l'Ifrikïa].

A cette époque, le droit de commandement chez les Mirdas, appartenait à Aun-Ibn-Djamê, lequel eut pour successeur son fils Youçof. De celui-ci l'autorité passa à Einan-Ibn-Djaber-IbnDjamê. Les Allac reconnaissaient pour chefs les Kaoub, et ils obéissaient aux fils de Chîha-Ibn-Yacoub-Ibn-Kâb. Lors de leur entrée en Ifrîkïa, sous le règne d'El-Moëzz [-Ibn-Badîs], ils eurent à leur tête Rafê-Ibn-Hammad. Ce chef portait alors l'étendard sous lequel un de ses ancêtres avait combattu pour le Prophète. Les Kaoub se disent même descendus de l'aieul de Rafé.

Le sultan ayant donc pris ces tribus pour auxiliaires, les établit dans la plaine de Cairouan, en les comblant de dons et de bienfaits. Dès ce moment, elles commencèrent à faire reculer les Douaouida qui, jusqu'alors, avaient dominé sur toute la province de l'Ifrîkïa.

Mohammed-Ibn-Masoud-Ibn-Soltan [chef qui gouvernait les Riah] du temps d'Abou - Mohammed le hafside, possédait la ville d'Obba à titre d'icta. Une certaine année, il arriva qu'une caravane de Mirdacides passa chez lui pour faire sa provision de blé. Ces étrangers virent avec jalousie l'aisance dont les Douaouida jouissaient sur les plateaux de cette région, et formant aussitôt le projet de les déposséder, ils les attaquèrent vigoureusement et les mirent en déroute après leur avoir tué Rizc-IbnSoltan. Cette usurpation amena une longue suite de guerres entre les deux tribus; aussi, quand l'émir Abou-Zékérïa poussa les Soleim contre les Douaouda, il les trouva parfaitement dispo

sés à seconder ses intentions. Plusieurs combats eurent lieu entre les deux partis, et les Soleim finirent par reléguer leurs adversaires dans le pays qu'ils habitent encore à présent et qui comprend les plateaux de Constantine, ceux de Bougie et les campagnes du Zab. Alors les deux tribus déposèrent les armes et chacune d'elles se fixa dans la contrée où elle se trouva.

Comme les Beni-Auf étaient devenus maîtres de toute la campagne de l'Ifrîkïa, le sultan se concilia leur amitié par des faveurs et les prit à sa solde. Il ne leur concéda cependant pas une seule de ses villes. Le commandement de cette tribu appartenait alors à la famille Djamê laquelle était entièrement dévouée au sultan. Ce fut avec leur secours qu'il réussit à enlever la campagne de l'Ifrîkïa aux Douaouida et aux Rîah, et qu'il parvint à les refouler jusques dans les plaines du Zab et les provinces de Bougie et de Constantine.

Comme les Mirdas avaient eu de fréquents démêlés avec le gouvernement hafside et qu'ils continuaient à passer par les alternatives de la soumission et de la révolte, le sultan fomenta des querelles entre eux et les Allac. Einan-Ibn-Djaber, membre de la famille de Djamê et chef des Mirdas, piqué enfin d'un manque d'égards qu'il crut avoir éprouvé à la cour de Tunis, se retira chez les nomades de cettè tribu, lesquels se tenaient, avec leurs confédérés, dans les environs de Zaghez, au milieu du pays occupé par les Rîah. Cette démarche lui attira des reproches de la

part d'Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-'l-Hocein, ministre et confident du sultan Abou-Zékérïa. Ce fonctionnaire lui adressa même plusieurs poèmes dans lesquels il blâma sa conduite et le pressa de se rallier de nouveau au gouvernement hasside. Dans une de ces pièces, qui est très-longue, on rencontre les deux vers que voici :

Traverse les solitudes avec tes chamelles [mékaries] nobles et dociles; franchis le Désert en courant par monts et par

vaux.

• Demande aux chaumières ruinées que tu verras entre ElGhada et Es-Souadjer, si des pluies abondantes y ont répandu la fertilité.

A cette Adresse Einan répondit par un poème commençant ainsi :

Chers amis ! tournez tous les deux les têtes de vos chameaux sveltes et rapides vers la demeure qui s'élève entre Selá et Hadjer.

Dans cette pièce il essaie d'excuser sa défection et de fléchir le sultan; mais de ceci nous parlerons ailleurs, en traitant de la dynastie hafside. Plus tard, il entreprit le voyage de Maroc dans l'espoir de pousser le khalife Es-Saîd, prince de la famille d'Abdel-Moumen, à faire la guerre aux Hafsides, mais il mourut en chemin et fut enterré à Salé.

Jusqu'à la mort de l'émir Abou-Zékérïa, la tribu de Mirdas se comporta tantôt en amie de l'empire hafside et tantôt en ennemie, mais lorsqu'El-Mostancer, fils et successeur de ce prince, eut consolidé son autorité, les Kaoub contractèrent une ferme alliance avec lui, et leur chef, Abd-Allah-Ibn-Chîha, l'avertit des mauvaises intentions qui animaient les Mirdacides. Ibn-Djamê ? lui-même confirma cette dénonciation par son propre témoignage, [Ibn-Chiha] ayant alors rassemblé autour de lui toutes les branches de la tribu d'Allac, attaqua celle de Mirdas, lui enleva les territoires qu'elle possédait, ainsi que la faveur du sultan, et l'expulsa de l'Ifrîkïa.

Elle passa alors dans le Désert où elle se trouve encore aujour d'hui. Devenue l'une des peuplades arabes qui s'appliquent à la vie nomade, elle parcourt les sables avec ses troupeaux, et quand elle veut rentrer dans le Tell pour faire sa provision de blé, elle doit obtenir d'avance la protection des Soleim ou des Rîah. Elle

Ghada est le nom d'un territoire en Diar-Bekr; Es- Souadjer est une rivière de la Syrie, dans le district d'El-Manbedj; Selá est un endroit près de Médine, et Hadjer un village du Hidjaz, en Arabie. Pour expliquer l'emploi de ces noms de lieu il faut se rappeler que dans tous les poèmes arabes où les règles de l'art et du bon goût sont observées, l'auteur ne manque jamais de placer la scène de l'action en Arabie ou dans le désert de la Syrie.

On ne comprend pas la conduite de cet Ibn-Djamê, qui devait lui-même être chef des Mirdas, à en juger d'après son nom

s'est toutefois approprié la campagne de Castilïa et elle y passe les printemps et les étés, profitant pour cela de l'absence des Kaoub qui se tiennent dans le Tell pendant ces mêmes saisons. Quand les Kaoub quittent les plateaux pour aller occuper leurs pacages d'hiver, les Mirdas courent se réfugier dans les profondeurs du Désert, ou bien ils font une trève avec les Kaoub et restent au milieu d'eux.

Comme les villes de Touzer et Nefta sont situées sur le territoire fréquenté par les Mirdas, elles leur paient certaines redevances. Les seigneurs de ces endroits ont même assez souvent occasion d'employer les services des Mirdas pour faire exécuter leurs ordres. Aujourd'hui cette tribu est maîtresse de toutes les campagnes de Castilïa dont elle s'est approprié une bonne partie, et elle prend dans les terres cultivées de cette province les denrées dont elle a besoin

Les Kaoub, famille de la branche d'Allac, ont continué à exercer le haut commandement sur toutes les tribus descendues d'Auf, telles que les Mirdas, les Hisn, les Riah [-Ibn-Yahya], et les Delladj.

Les Habib, famille de la tribu de Rîah [-Ibn-Yahya], acquirent une haute place dans la faveur du gouvernement [hafside] et, par leur puissance, ils l'emportèrent sur toutes les autres tribus descendues de Soleim-Ibn-Mansour.

Le commandement des tribus [issues d'Allac] appartenait aux Beni-Yacoub-Ibn-Kâb. Cette famille se composait de trois branches les Beni-Chîha, les Beni-Taên et les Beni-Ali, dont la première avait la supériorité sur les autres. Elle eut d'abord pour chef Abd-Allah [-Ibn-Chîha], ensuite Ibrahîm, frère d'AbdAllah, et puis Abd-er-Rahman, un autre frère. Ceci est un point sur lequel nous reviendrons. Le commandement en second était exercé par les Beni-Ali. De cette dernière tribu sortirent les familles de Kethîr-Ibn-Yezid-Ibn-Ali et de Kâb-Ibn-Ali. Ce Kâb

Le mot Kaoub ou plutôt Kooub, est le pluriel de Káb, nom de celui dont ils tirent leur origine; aussi notre auteur les appellet-il quelquefois les Beni-Kâb (enfants de Káb).

était connu chez eux par le nom d'El-Haddj (le pèlerin), parce qu'il avait fait le voyage de la Mecque. Il se fraya la route aux honneurs et aux richesses en se conciliant l'amitié d'El-Aud-erRetb, le même personnage qui était grand cheikh des Almohades sous le règne d'El-Mostancer. Ce monarque concéda quatre villages à Kâb et à ses enfants. L'un de ces villages était situé aux environs de Sfax, un autre dans la province d'Ifrîkïa, et un troisième dans le Djerîd. Kâb eut sept fils dont quatre par la même mère; ceux-ci s'appelaient Ahmed, Madi, Ali et Mohammed; les trois autres étaient aussi fils d'une même mère et se nommaient Berîk, Bérekat, et Abd-el-Ali. Ahmed enleva le commandement à la famille Chiha et s'attacha au service du sultan Abou-Ishac. Ceci excita la jalousie des Chîha, et ils embrassèrent le parti du Prétendant. A la mort d'Ahmed, le commandement resta dans sa famille qui se composait de plusieurs fils; une de ses femmes appelée Ghazïa et appartenant aux BeniYezîd, tribu sanhadjienne, l'en avait rendu père de quatre, savoir: Cacem, Mera, Abou-'l-Leil et Abou-'l-Fadl; une autre de ses femmes, appelée El-Hakemïa, avait donné le jour à Faïd, Obeid, Mendil et Abd-el-Kerîm; une troisième, nommée Es-Serïa avait mis au monde Koleib, Açaker, Abd-el-Mélek et Abd-elAzîz. A la mort d'Ahmed, son fils Abou-'l-Fadl devint chef de la tribu et eut pour successeur son frère Abou-'l-Leil-Ibn-Ahmed. La famille d'Ahmed s'acquit une grande autorité dans la tribu et rallia autour d'elle tous ses collatéraux pour n'en former avec eux qu'un seul corps. Encore aujourd'hui cette association subsiste dans le sein de la tribu, et les membres en sont désignés par l'appellation des Achach (les nids, la nichée).

Quand Ibn-Abi-Omara, le prétendant qui se donnait pour ElFadl-Ibn-Yahya-el-Makhlouê, attaqua le sultan Abou-Ishac et le tua, ainsi que plusieurs de ses fils (événement dont nous donnerons ailleurs les détails), Abou-Hafs, le frère cadet du sultan, parvint à atteindre Calâ-Sinan, château de la province d'Ifrîkïa. Il avait dû son salut à Abou-'l-Leil, fils d'Ahmed, et pour reconnaître ce service ainsi que le dévouement que son protecteur continua à lui montrer, il le combla de bienfaits, et, parvenu

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