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mourut en combattant, Ali-Ibn-Ahmed tomba entre les mains de l'ennemi, mais on le relâcha peu de temps après. Les vainqueurs allèrent mettre le siége devant Biskera et abattre les bois de dattiers qui l'entourent. Ils se retirèrent alors et y revinrent ensuite une seconde et une troisième fois; faisant ainsi la guerre à Mansour jusqu'au jour de sa mort.

Le chambellan Ibn-Ghamr avait beaucoup d'estime pour Mansour et se fiait à lui comme à un ami dévoué. Quand le sultan Abou-'l-Baca se rendit à Tunis, Ibn-Ghamr l'accompagna, mais, voulant ensuite le quitter, il effectua son projet par une ruse dans laquelle il fut secondé par le seigneur de Biskera1. Arrivé à Constantine, il renvoya ce chef dans le Zab.

Mansour allait très-souvent à Bougie pour visiter Ibn-Ghamr et faire l'inspection du pays dont il avait l'administration; mais, une trahison des Arabes l'obligea à discontinuer cette habitude. Deux émirs douaouidiens, Ali-Ibn-Ahmed-Ibn-Omar-Ibn-Mohammed-Ibn-Masoud, et Soleiman-Ibn-Ali-Ibn-Sebâ-Ibn-YahyaIbn-Masoud, [enlevèrent le commandement de leur tribu à Othman-Ibn-Sebâ-Ibn-Chibl-Ibn-Mouça-Ibn-Mohammed, et trouvèrent ensuite l'occasion de faire prisonnier Mansour-Ibn-FadlIbn-Mozni. L'ayant rencontré pendant qu'il rentrait du pays des Sedouîkich, où il était allé faire une tournée administrative, ils le chargèrent de liens et pensèrent même à lui ôter la vie, mais ensuite ils lui rendirent la liberté moyennant un rachat de cinq kintars 2 d'or. Par ce coup de main ils trouvèrent le moyen de subvenir aux frais que nécessitait leur nouvelle position. Depuis lors, Mansour ne se mit jamais en route sans se faire donner des otages par les Arabes.

En l'an 717 (1317), Abou-Yahya-Abou-Bekr, sultan [de Constantine], voulant entreprendre sa première expédition contre Tunis, demanda à son chambellan, Yacoub-Ibn-Ghamr, qui était alors à Bougie, une somme d'argent pour la solde et

4 Voy. t. II, p. 434.

2 Voy. t. 1 p. 210, note.

l'équipement de ses troupes. Ce ministre répondit en lui envoyant Mansour-Ibn-Fadl comme le plus capable de le servir en cette occasion et de remplir auprès de lui les fonctions de chambellan. Mansour ne pardonna jamais à Ibn-Ghamr de l'avoir Joué ainsi et, par la méfiance qu'il lui témoigna depuis lors, il s'attira la haine de son ancien ami. Le sultan rentra de cette expédition après avoir campé sous les murs de Tunis et tenté de s'en emparer. Arrivé à Constantine, il remarqua dans la conduite d'Ibn-Ghamr, qui exerçait alors le haut commandement dans Bougie, certains traits qui décélaient des intentions de révolte ce fonctionnaire s'abstint de se rendre auprès de lui et, à la suite de plusieurs messages qui s'échangèrent entre eux, il demarida que Mansour lui fût envoyé. Celui-ci, averti du danger auquel il allait s'exposer [ne fit aucune observation et] partit avec Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas, qui était alors général des armées du sultan, et, après avoir suivi quelque temps la route, il s'en détourna pour se rendre à Biskera. IbnSéïd-en-Nas aurait voulu le faire arrêter, mais il ne l'osa pas. Le fugitif alla se mettre sous la protection de ses alliés arabes, Othman-Ibn-en-Nacer, chef des Aulad-Harbi, et Yacoub-IbnIdris, chef des Aulad-Khanfer, et de leurs confédérés. Aidé par eux, il réussit à rentrer chez lui. Son évasion contraria IbnGhamr au dernier degré. Mansour embrassa alors le parti d'AbouTachefin, seigneur de Tlemcen et adversaire déclaré des Hafsides; il lui envoya ses hommages et un riche cadeau que son fils Youçof entreprit d'apporter à leur destination.

Pendant ces événements, le sultan avait obtenu possession de Tunis et de toute l'Ifrikia. En l'an 719, Ibn-Ghamr mourut et Mansour ne cessa jusqu'à la fin de ses jours, de repousser la domination hafside et de résister aux troupes qui, à plusieurs reprises, arrivaient de Bougie pour assiéger Biskera. Sa mort eut lieu l'an 725 (1325).

Abd-el-Ouahed-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, son fils et successeur, se fit confirmer par le sultan [de Tunis] dans le gouvernement du Zab et obtint de plus le commandement du Rîgha, de Ouargla et des autres villes du Désert qui sont au-delà du Zab.

Après la mort d'Ibn-Ghamr, le sultan donna le gouvernement de Bougie à Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas, auquel il confia aussi l'éducation de son fils Yahya. Comme ce ministre, ainsi qu'Abd-el-Ouahed, avait été patronisé par IbnGhamr au point de devenir un de ses intimes, la jalousie qui s'était mise entre ces deux hommes éclata de nouveau et leur querelle s'envenima au sujet d'une question de préséance à la cour. Ibn-Séïd-en-Nas fit mettre le siége devant Biskera, et Abdel-Ouahed, se rappelant la conduite de son père dans les dernières années, reconnut pour son souverain le prince zianide qui régnait à Tlemcen. Fatigué enfin des attaques auxquelles il se voyait exposé, le seigneur de Biskera demanda la paix et, ayant donné une de ses filles en mariage au sultan, il promit de lui obéir désormais et de lui remettre les impôts du Zab.

Abd-el-Ouahed continua à servir le gouvernement hafside jusqu'à l'an 729 (1328-9), quand son frère Youçof complota sa mort avec les Beni-Bou-Gouaïa et les Beni-Semat, familles admises dans l'intimité de la famille Mozni. Toutes leurs mesures ayant été prises, Youçof le fit appeler au conseil, un soir, pour discuter une affaire importante et l'étendit mort en lui portaut un coup de poignard. Devenu ainsi maître du Zab, Youçof-IbnMansour-Ibn-Mozni obtint du sultan un acte d'investiture, selon l'usage et, pour se conformer au cérémonial prescrit, il fit célébrer la prière au nom des Hafsides dans toutes les mosquées de ses états.

Le rappel de Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas de Bougie, pour remplir auprès de son souverain les fonctions de chambellan et pour diriger l'administration de l'état, fit encore naître la haine et l'inimitié entre ce ministre et le gouverneur du Zab. La perte de Youçof aurait pu en résulter si les envahissements du sultan de Tlemcen n'avaient pas détourné l'attention du gouvernement

tunisien.

En l'an 7331 (1332-3), le sultan fit mourir Ibn-Séïd-en-Nas et

Le texte arabe porte 732.

confia à Mohammed-Ibn-el-Hakîm le commandement de l'armée et le gouvernement de toutes les villes et de toutes les provinces de l'empire. Il lui laissa aussi le soin d'administrer l'état et de conduire les affaires publiques. Cette nomination eut lieu quand le sultan se fut tiré d'embarras par la défaite de ses ennemis [les Abd-el-Ouadites] et qu'il eut délivré le pays du poids de leur oppression. Ce fut vers la même époque que le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen, coupa les griffes et amortit l'audace des [Abd-el-Ouadites,] adversaires du sultan hafside, en dirigeant contre eux l'expédition dont nous avons parlé ailleurs 1.

A la suite de ces événements, la mésintelligence se mit entre Mohammed-Ibn-el-Hakim et Youçof-Ibn-Mansour. Ibn-el-Hakîm parvint à réveiller la haine secrète que le sultan nourrissait dans son cœur contre le seigneur du Zab et à lui inspirer la ferme résolution d'employer tous les moyens afin de contraindre cet émir réfractaire à marcher droit et à mettre de la franchise dans sa soumission. Trois fois le ministre hafside sortit pour l'attaquer et, trois fois, il se retira après avoir reçu de Youçof le montant de l'impôt. Ali-Ibn-Ahmed, émir des Douaouida, indigné de se voir préférer Youçof-Ibu-Mansour quand il s'agissait de faire rentrer les impôts [du Zab], céda enfio aux inspirations de la jalousie et lui déclara la guerre. Sous prétexte de maintenir les doctrines de la sonna, il rassembla les populations du Rîgh et alla faire le siége de Biskera. Son fils Yacoub l'abandonna en ce moment et, étant entré dans la ville, il obtint en mariage la sœur de Youçof-Ibn-Mansour et prit hardiment la défense de son nouvel allié. Soleiman-Ibn-Ali, chef des Aulad-Sebâ et rival d ́Ali-Ibn-Ahmed, vint alors à Biskera, sur la demande de Youçof-Ibn-Mansour, et combattit les assiégeants jour et nuit, jusqu'à ce qu'il les força à la retraite. La paix se rétablit entre les deux partis postérieurement à l'an 740 (1339-40).

1 Voy. ci-après dans l'histoire des Abd-el-Ouad et dans celle des Mérinides.

Voy. l. 1, p. 82.

2

Ensuite eut lieu une autre expédition du caïd Ibn-el-Hakim dans le Zab. Parti de l'Ifrîkïa, il alla menacer les villes du Djerîd et, s'en étant fait payer l'impôt, il emmena comme otage le fils d'Ibn-Yemloul et passa dans le Zab avec son armée et les troupes de ses alliés, les Arabes soleimides. Traversant rapidement cette province, il occupa le village d'Aoumach et força les Douaouida et les autres Arabes riahides à prendre la fuite. Ayant alors reçu un riche cadeau de Youçof-Ibn-MansourIbn-Mozni, il s'éloigna d'Aoumach, passa dans le Rîgh, prit d'assaut et livra au pillage Tuggurt, boulevard de cette contrée, et, après avoir soumis tous les cantons du même pays, il repartit pour Tunis. En l'an 744 (1343-4) le sultan fit mourir ce général distingué.

Quand Abou-Hafs-Omar, fils du sultan [Abou-Yahya-AbouBekr], monta sur le trône, le chambellan Abou-Mohammed-IbnTafraguîn, se voyant desservi par les courtisans et craignant le caractère violent du sultan, s'enfuit à la cour du Maghreb auprès d'Abou'l-Hacen, roi dont la puissance menaçait tous les royaumes voisins et dont les armées renfermaient une foule de tribus et de peuples. En l'an 748 (1347-8), Abou-'l-Hacen suivit le conseil de l'ex-chambellan et marcha contre l'Ifrîkïa à la tête d'une multitude de nations. Dans son camp, à Beni-Hacen, il reçut la visite de Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, et, l'avant comblé de faveurs, il l'emmena à Constantine et le confirma dans le gouvernement du Zab et des localités au-delà de ce pays, telles qu'Ouargla et les villages du Righ. Il continua alors sa marche sur Tunis, après avoir recommandé à ce chef d'y apporter l'impôt de ces contrées et d'y escorter les gouverneurs des provinces qui, vers la fin de l'année, devaient venir des régions les plus reculées du Maghreb. Youçof prit ses mesures en conséquence et, quand il apprit l'arrivée de ces fonctionnaires, il alla les joindre à Constantine. Ils y étaient encore quand la nouvelle de la défaite du sultan à Cairouan vint les surprendre. L'émir du Zab se décida alors à rentrer chez lui, et son beau-frère, Yacoub-Ibn-Ali, commandant des nomades qui fréquentaient la partie de l'Ifrikïa qui avoisine Constantine, ac

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