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pes qu'Abou-Zékérïa lui avait prêtées, les Beni-Romman transmirent à Bougie l'offre de leur soumission. Le sultan répondit aux personnes chargées de lui faire cette communication, qu'elles devaient s'adresser à leur gouverneur, Mansour-Ibn-Fadl, auquel, du reste, il écrivit de recevoir leurs assurances de fidélité et d'obéissance.

En l'an 693 (1293-4), El-Mansour occupa Biskera et, sous prétexte de bâtir un logement pour ses gens, il construisit une citadelle, y installa des troupes et, au mépris du traité qu'il venait de conclure, il attaqua les Romman et les expulsa de la ville. Ayant consolidé son autorité de cette façon, il envoya au sultan Abou-Zékérïa de sommes considérables provenant des impôts et obtint, en retour, l'autorisation d'ajouter à la province qu'il administrait le Righa, l'Auras, les villes de Ouargla, ainsi que Maggara, Nigaous et El-Mecîla, villes de Hodna. D'après les ordres de son maître, il parcourut ces régions afin d'affaiblir les Arabes, en leur empêchant d'y prélever d'impôts; mesure d'autant plus nécessaire que ces nomades avaient étendu leur domination sur toutes les plaines qui se trouvent de ce côté. Il les contraignit ainsi à lui remettre la moitié des sommes qu'ils y recevaient à titre de tribut, et il s'en fallut peu qu'il ne les obligeât à lui en céder la totalité. Ayant ainsi procuré au sultan un revenu considérable, et augmenté celui de ses propres états, il cultiva la bienveillance des officiers qui entouraient le souverain et parvint, avec leur appui, au plus haut degré de faveur à la cour. Tout en ramassant de l'argent, il eut soin de laisser son influence bien s'enraciner à Biskera et de raffermir toutes les bases de son autorité.

Abou-Zékérïa II [sultan de Bougie] mourut vers la fin du septième siècle, et eut pour successeur son fils, l'émir Abou-lBaca-Khaled. Abou-Abd-er-Rahman, chambellan du nouveau souverain, avait toujours soutenu Mansour-Ibn-Mozni par sa protection; il plaçait en lui une confiance entière et, l'ayant alors chargé de maintenir l'ordre dans les vastes plaines qui faisaient partie des états d'Abou-'l-Baca, il lui accorda, de plus, le gouvernement de cette partie du Tell qui est occupée par les Sedout

kich et les Eïad. Mansour déploya alors toutes les ressources de son habileté afin de faire rentrer les impôts que ces pays devaient à l'état; il féconda même les branches stériles du revenu dont il en augmenta même les sources.

Dans la suite, il se détacha de l'empire et fit venir de Tlemcen Yahya-Ibn-Khaled, petit-fils du sultan Abou-Ishac, afin de le proclamer sultan et de lui prêter le serment de fidélité. Secondé par les Douaouida, qu'il avait gagnés à la cause de ce prince, il alla mettre le siége devant Constantine. Ayant alors découvert que son protégé nourrissait des mauvaises intentions à son égard et n'attendait qu'un moment favorable afin de les mettre à exécution, il rompit avec lui et ramena ses troupes à Biskera. Il s'était déjà remis sous l'autorité du sultan quand Yahya-Ibn-Khaled se présenta encore chez lui et encourut, par cette démarche imprudente, la perte de la liberté. Yabya mourut en prison, l'an 720 (1320).

Mansour-Ibn-Fadl-Ibn-Mozni eut à soutenir une longue guerre contre les Arabes Morabets, partisans du célèbre Séada 1 et zélateurs de la doctrine sonnite. Ils l'avaient invité à alléger le fardeau de ses sujets en supprimant les contributions illégales (magharem) et les droits de marché ; lui déclarant que, de cette manière, il se conformerait à la sonna, règlement dont ils s'étaient engagés à faire observer les prescriptions. Comme il s'y refusa, ils vinrent plusieurs fois l'assiéger dans Biskera. Séadá perdit la vie, l'an 705 (1305-6), dans une tentative contre la ville de Melili. Plus tard, Mansour rassembla une armée pour combattre les Morabets et la fit partir sous la conduite de son fils Ali et d'Ali-Ibn-Ahmed, cheikh des Douaouida. Les Morabets eurent pour chefs Abou-Yahya-Ibn-Ahmed, frère du précédent, Eïça-Ibu-Yahya-Ibn-Idrîs, chef des Aulad-Acaker, Atïa-IbnSoleiman-Ibn-Sebâ, et Hacen-Ibn-Selama, chef des Aulad-Talha. Les troupes d'Ibn-Mozni furent mises en déroute; leur chef

Voy. t. 1, p. 81.

• Les manuscrits et le texte arabe imprimé portent, par erreur, 750.

mourut en combattant, Ali-Ibn-Ahmed tomba entre les mains de l'ennemi, mais on le relâcha peu de temps après. Les vainqueurs allèrent mettre le siége devant Biskera et abattre les bois de dattiers qui l'entourent. Ils se retirèrent alors et y revinrent ensuite une seconde et une troisième fois; faisant ainsi la guerre à Mansour jusqu'au jour de sa mort.

Le chambellan Ibn-Ghamr avait beaucoup d'estime pour Mansour et se fiait à lui comme à un ami dévoué. Quand le sultan Abou-l-Baca se rendit à Tunis, Ibn-Ghamr l'accompagna, mais, voulant ensuite le quitter, il effectua son projet par une ruse dans laquelle il fut secondé par le seigneur de Biskera1. Arrivé à Constantine, il renvoya ce chef dans le Zab.

Mansour allait très-souvent à Bougie pour visiter Ibn-Ghamr et faire l'inspection du pays dont il avait l'administration; mais, une trahison des Arabes l'obligea à discontinuer cette habitude. Deux émirs douaouidiens, Ali-Ibn-Ahmed-Ibn-Omar-Ibn-Mohammed-Ibn-Masoud, et Soleiman-Ibn-Ali-Ibn-Sebâ-Ibn-YahyaIbn-Masoud, enlevèrent le commandement de leur tribu à Othman-Ibn-Seba-Ibn-Chibl-Ibn-Mouça-Ibn-Mohammed, et trouvèrent ensuite l'occasion de faire prisonnier Mansour-Ibn-FadlIbn-Mozni. L'ayant rencontré pendant qu'il rentrait du pays des Sedouîkich, où il était allé faire une tournée administrative, ils le chargèrent de liens et pensèrent même à lui ôter la vie, mais ensuite ils lui rendirent la liberté moyennant un rachat de cinq kintars d'or. Par ce coup de main ils trouvèrent le moyen de subvenir aux frais que nécessitait leur nouvelle position. Depuis lors, Mansour ne se mit jamais en route sans se faire donner des otages par les Arabes.

En l'an 717 (1317), Abou-Yahya-Abou-Bekr, sultan [de Constantine], voulant entreprendre sa première expédition contre Tunis, demanda à son chambellan, Yacoub-Ibn-Ghamr, qui était alors à Bougie,'une somme d'argent pour la solde et

1 Voy. t. 1, p. 434.

Voy. t. 1 p. 210, note.

l'équipement de ses troupes. Ce ministre répondit en lui envoyant Mansour-Ibn-Fadl comme le plus capable de le servir en cette occasion et de remplir auprès de lui les fonctions de chambellan. Mansour ne pardonna jamais à Ibn-Ghamr de l'avoir joué ainsi et, par la méfiance qu'il lui témoigna depuis lors, il s'attira la haine de son ancien ami. Le sultan rentra de cette expédition après avoir campé sous les murs de Tunis et tenté de s'en emparer. Arrivé à Constantine, il remarqua dans la conduite d'Ibn-Ghamr, qui exerçait alors le haut commandement dans Bougie, certains traits qui décélaient des intentions de révolte ce fonctionnaire s'abstint de se rendre auprès de lui et, à la suite de plusieurs messages qui s'échangèrent entre eux, il demanda que Manзour lui fût envoyé. Celui-ci, averti du danger auquel il allait s'exposer [ne fit aucune observation et] partit avec Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas, qui était alors général des armées du sultan, et, après avoir suivi quelque temps la route, il s'en détourna pour se rendre à Biskera. IbnSéïd-en-Nas aurait voulu le faire arrêter, mais il ne l'osa pas. Le fugitif alla se mettre sous la protection de ses alliés arabes, Othman-Ibn-en-Nacer, chef des Aulad-Harbi, et Yacoub-IbnIdris, chef des Aulad-Khanfer, et de leurs confédérés. Aidé par eux, il réussit à rentrer chez lui. Son évasion contraria IbnGhamrau dernier degré. Mansour embrassa alors le parti d'AbouTachefin, seigneur de Tlemcen et adversaire déclaré des Hafsides; il lui envoya ses hommages et un riche cadeau que son fils Youçof entreprit d'apporter à leur destination.

Pendant ces événements, le sultan avait obtenu possession de Tunis et de toute l'Ifrîkïa. En l'an 749, Ibn-Ghamr mourut et Mansour ne cessa jusqu'à la fin de ses jours, de repousser la domination hafside et de résister aux troupes qui, à plusieurs reprises, arrivaient de Bougie pour assiéger Biskera. Sa mort eut lieu l'an 725 (1325).

Abd-el-Ouahed-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, son fils et successeur, se fit confirmer par le sultan [de Tunis] dans le gouvernement du Zab et obtint de plus le commandement du Rîgha, de Ouargla et des autres villes du Désert qui sont au-delà du Zab.

Après la mort d'Ibn-Ghamr, le sultan donna le gouvernement de Bougie à Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas, auquel il confia aussi l'éducation de son fils Yahya. Comme ce ministre, ainsi qu'Abd-el-Ouahed, avait été patronisé par IbnGhamr au point de devenir un de ses intimes, la jalousie qui s'était mise entre ces deux hommes éclata de nouveau et leur querelle s'envenima au sujet d'une question de préséance à la cour. Ibn-Séïd-en-Nas fit mettre le siége devant Biskera, et Abdel-Ouahed, se rappelant la conduite de son père dans les dernières années, reconnut pour son souverain le prince zianide qui régnait à Tlemcen. Fatigué enfin des attaques auxquelles il se voyait exposé, le seigneur de Biskera demanda la paix et, ayant donné une de ses filles en mariage au sultan, il promit de lui obéir désormais et de lui remettre les impôts du Zab.

Abd-el-Ouahed continua à servir le gouvernement hafside jusqu'à l'an 729 (1328-9), quand son frère Youçof complota sa mort avec les Beni-Bou-Gouaïa et les Beni-Semat, familles admises dans l'intimité de la famille Mozni. Toutes leurs mesures ayant été prises, Youçof le fit appeler au conseil, un soir, pour discuter une affaire importante et l'étendit mort en lui portaat un coup de poignard. Devenu ainsi maître du Zab, Youçof-IbnMansour-Ibn-Mozni obtint du sultan un acte d'investiture, selon l'usage et, pour se conformer au cérémonial prescrit, il fit célébrer la prière au nom des Hafsides dans toutes les mosquées de ses états.

Le rappel de Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas de Bougie, pour remplir auprès de son souverain les fonctions de chambellan et pour diriger l'administration de l'état, fit encore naître la haine et l'inimitié entre ce ministre et le gouverneur du Zab. La perte de Youçof aurait pu en résulter si les envahissements du sultan de Tlemcen n'avaient pas détourné l'attention du gouvernement

tunisien.

En l'an 7331 (1332-3), le sultan fit mourir Ibn-Séïd-en-Nas et

1 Le texte arabe porte 732.

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