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MORT DE L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH, SEIGNEUR DE BOUGIE.

Nous avons dit qu'à l'époque où le sultan allait entreprendre l'expédition qui lui ouvrit les portes de la capitale, il nomma son fils, l'émir Abou-Abd-Allah-Mohammed, gouverneur de Bougie. Il lui donna en même temps un chambellan et lui recommanda de se laisser guider par les conseils du prévôt de la ville. Ce personnage, nommé Mohammed-Ibn-Abi-Mehdi, était amiral de la flotte et chef de tous les braves aventuriers et archers qui habitaient ce port de mer. Abou-Abd-Allah administra sa principauté à la satisfaction générale et sut mettre à profit les services du prévôt qui, tout en remplissant les fonctions d'intendant du palais, d'homme d'affaires du prince, et de ministre chargé de tout le poids du gouvernement, visait toujours à mériter l'approbation du sultan. L'émir son maître lui en sut bon gré et, jusqu'à sa mort, il ne cessa de lui témoigner tous les égards auxquels un bon serviteur a le droit de s'attendre.

Vers le commencement de l'an 785 (mars, 1383), l'émir AbouAbd-Allah mourut dans son lit, sans avoir jamais été tourmenté par le moindre souci; sans avoir été troublé par la moindre crainte; il mourut comblé de toute la bienveillance de son père, de toute l'affection de ses sujets, et cela seul aurait suffi pour lui ouvrir les portes de la miséricorde divine. Le sultan apprit cette triste nouvelle à Tunis et s'empressa d'expédier à Abou-'l-Abbas-Ahmed, fils du défunt, la patente qui le nommait gouverneur de Bougie et qui le plaçait sous la tutèle d'Ibn-Abi-Mehdi.

EXPÉDITION DU SULTAN DANS LE ZAB.

J'étais encore à Tunis, où j'avais établi mon séjour, quand j'arrivai, dans la composition de ce livre, au récit de la reprise de Touzer, enlevé par le sultan à Ibn-Yemloul. Ensuite, vers le milieu de l'an 784 (octobre, 1382), je m'embarquai pour l'Orient afin de remplir le devoir du pèlerinage. Arrivé à Alexandrie,

Je me rendis au Caire, et là je recueillis de la bouche de voyageurs la suite des événements qui se passèrent en l'Afrique septentrionale depuis mon départ. J'appris d'abord que l'émir AbouAbd-Allah, fils du sultan Abou-'l-Abbas, était mort à Bougie en l'an 785. Je reçus ensuite les renseignements suivants au sujet de l'expédition que le sultan mena, l'année suivante, dans le Zab.

Ahmed-Ibn-Mozni, seigneur du Zab et de Biskera, témoignait peu de respect pour l'autorité du gouvernement hafside; il donnait asile aux personnes qui fuyaient la vengeance du sultan ; comptant aussi sur l'appui des Arabes qui occupaient, à côté de lui, certaines régions du Zab et du Tell, et se fiant surtout aux secours que les Douaouida et leur chef, Yacoub-Ibn-Ali, pouvaient lui fournir, il s'était abstenu, pendant plusieurs années, d'acquitter l'impôt. Ibn-Yemloul s'était ménagé une retraite chez lui et, à plusieurs reprises, il avait envahi le territoire de Touzer d'après les conseils et avec le concours de son protec

teur.

Le sultan céda enfin à sa juste indignation et, en l'an 786 (1384), il rassembla une armée, attira sous ses drapeaux tous les Arabes Beni-Soleim et marcha vers le Sud. Après avoir traversé la plaine de Tebessa, il tourna l'Auras [par l'Est] et déboucha dans le Zab, en se dirigeant vers Tehouda. Les Douaouida, secondés par plusieurs tribus riahides, accoururent à sa rencontre afin de défendre l'approche de Biskera et de l'empêcher de pénétrer dans le pays. En prenant les armes, ils avaient écouté les inspirations de la jalousie; ne pouvant supporter de voir envahir leur territoire et leurs pâturages par les BeniSoleim. De toutes les fractions de la tribu des Douaouida, les Beni-Sebâ-Ibn-Chibl furent les seuls qui se rangèrent du côté du

sultan.

Ibn-Mozni convoqua alors les guerriers de son territoire et rassembla tous les combattants que sa propre tribu, les Athbedj, pouvait lui fournir. Le nombre de ses partisans fut si considérable que Biskera suffisait à peine pour les contenir.

Quand les deux armées se trouvèrent en présence, le sultan laissa passer plusieurs jours en escarmouches et, pendant ce

l'en

temps, il envoyait des messagers à Yacoub-Ibn-Ali, pour gager à tenir sa promesse en prenant parti contre Ibn-Mozni. Dans ses réponses, Yacoub prétendit que sa tribu l'avait abandonné pour se rallier autour d'Ibn- Mozni, et, croyant avoir trompé le sultan par cette déclaration mensongère, il lui recommanda d'accepter la soumission d'Ibn-Mozni et de remettre à un moment plus opportun le châtiment des Riah. Le sultan suivit ce conseil et, fermant les yeux sur la conduite des insurgés, il se contenta de la simple contribution que le chef de Biskera avait toujours eu l'habitude de lui payer. Il s'en retourna alors, en passant à côté de l'Auras, et, parvenu à Constantine, il donna à ses troupes quelques jours de repos avant de les conduire à Tunis. Il rentra dans sa capitale vers le milieu de l'an 786 (août 1384).

EXPÉDITION DU SULTAN CONTRE CABES.

En l'an 781 (1379), le sultan prit Cabes et l'incorpora dans ses états. Les Beni-Mekki, qu'il en avait expulsés, passèrent dans la province de Tripoli; Abd-el-Melek, le chef de cette famille, et son neveu, Abd-er-Rahman-Ibn-Ahmed, y moururent. Son fils Yahya partit pour faire le pèlerinage. Abd-el-Ouehhab [fils de Mekki et petit fils d'Abd-el-Mélek,] fixa son séjour à Zenzour, d'où il passa, plus tard, dans les montagnes de Cabes avec l'espoir de s'emparer de cette ville. Il trouva bientôt une occasion favorable : les habitants, accablés par la mauvaise administration et la tyrannie de leur gouverneur Youçof-Ibn-el-Abbar, que le sultan avait choisi parmi ses officiers pour l'installer chez eux, s'adressèrent en secret aux partisans que la famille Mekki conservait encore dans les campagnes et villages des alentours, et leur fixèrent le jour où l'on devait prendre les armes. A l'époque désignée, ces campagnards arrivèrent avec Abd-el-Ouehhab à leur tête, enfoncèrent la porte de la ville, massacrèrent la garde et allèrent tuer Ibn-el-Abbar chez lui. Cette insurrection eut lieu en

782 (1380-1). Abd-el-Quehhab prit alors possession de Cabes, et y gouverna comme ses aïeux.

Quelque temps après, son oncle Yahya revint de l'Orient et tâcha, plusieurs fois, de lui enlever la ville de vive force. Ne pouvant y réussir, il se rendit à El-Hamma où il continua ses intrigues.

Abd-el-Ouehhab décida enfin le seigneur de cette ville à lui livrer le réfugié moyennant une forte somme d'argent, et il fit enfermer le prisonnier dans le Casr-el-Arouciîn.

Reconnaissant à peine l'autorité du sultan, Abd-el-Ouehhab refusa d'acquitter l'impôt que ses prédécesseurs avaient payé, et il prodigua son argent aux Debbab et aux autres Arabes de la plaine afin de s'assurer leur protection. En l'an 789 (1387), le sultan, qui jusqu'alors avait été préoccupé par les affaires de l'Ifrîkïa, réorganisa son armée et marcha contre Cabes. Avant de partir il distribua de l'argent à ses alliés arabes et fit apprêter des machines de siége. Il commença ses opérations par dévaster les environs de la ville et occuper les positions qui devaient en faciliter l'attaque. Les forêts de dattiers furent abattues par son ordre; de sorte qu'un grand territoire que recouvrait un bois épais fut mis entièrement à nu. Il en résulta que l'air y circula librement et qu'une localité rendue malsaine par l'épais ombrage des arbres et par la décomposition des matières végétales fut parfaitement assainie. Ainsi un acte de sévérité devint une bénédiction de Dieu, de même que certaines maladies rétablissent la santé du corps.

Le sultan pressa le siége et réduisit la ville à une telle extrémité qu'Abd-el-Ouehhab ne vit aucun autre moyen de salut que d'implorer miséricorde. Il reconnut alors l'autorité du monarque, lui remit son fils comme otage et paya une forte contribution. Le sultan repartit ensuite pour Tunis, et Abdel-Ouehhab resta dans le devoir jusqu'à ce qu'il fut vaincu par son oncle Yahya.

4.Le texte arabe porte son frère.

EL MONTACER REPREND LE GOUVERNEMENT DE TOUZER. SON FRÈRE ZÉKÉRIA EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE NEFTA ET DE NEFZAOUA.

Pendant son administration à Touzer, El-Mostancer avait gagné, par sa conduite loyale, l'affection des populations arabes; aussi, les nombreux partisans qu'il s'était faits parmi ce peuple allèrent trouver le sultan, lors de son départ de Cabes, et le prièrent de rendre à ce prince le gouvernement du Djerîd et de l'établir dans Touzer comme auparavant. Dans cette démarche ce furent les Beni-Mohelhel qui donnèrent l'exemple: leurs femmes, assises dans des palanquins portés par des chameaux, vinrent, la figure découverte et les yeux remplis de larmes, se présenter au-devant du sultan, le priant de renvoyer son fils à Touzer. Il accueillit leur prière et confia, en même temps, le gouvernement de Nesta et de Nefzaoua à son fils Zékérïa. Ce prince aussi se rendit à sa destination et gouverna avec une habileté qui excita l'admiration générale. Sa nomination eut lieu au commencement de l'an 790 (1388).

L'ÉMIR [ABOU-ISHAC-] IBRAHIM, SEIGNEUR DE CONSTANTINE, FAIT LA

GUERRE AUX DOUAOUIDA.
IBRAHIM.

MORT DE YACOub-Ibn-ali et de l'émir

Tous les Douaouida, selon leur rang, touchaient, à Constantine une somme fixe, à titre de don; et cela en sus des concessions (icta) qu'ils tenaient du sultan et qui consistaient en villes [ou territoires] situées, les unes dans le Tell, les autres dans le Zab. Or, à cette époque, le territoire de l'empire s'étant amoindri et les Arabes qui cultivaient les terres situées dans le Tell, n'étant pas même tenus de payer aucun impôt, il en était résulté une notable diminution dans les recettes du gouvernemeut. Le sultan, ayant pris en considération cet état, de choses, refusa le don aux Arabes. Aussitôt, l'esprit d'insoumission se réveilla

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