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l'exécution de sa promesse. On peut juger de leur désappointement, quand un messager de ce prince vint leur annoncer que son maître se trouvait dans l'impossibilité de venir à leur secours, mais qu'il leur enverrait de l'argent. Convaincus alors de l'impuissance d'Abou-Hammou, ils rompirent avec lui, et ayant su que le sultan Abou-'l-Abbas condamnait hautement leur conduite à l'égard d'Abou-Zîan, ils s'empressèrent de relâcher ce prince, de lui faire des excuses et de le laisser partir pour Constantine.

Yacoub-Ibn-Ali les décida alors à conjurer l'orage par une prompte soumission et chargea son cousin d'aller se jeter aux pieds du sultan et d'intercéder pour eux. Le monarque agréa la prière du messager et accueillit le repentir des insurgés. Il ferma même les yeux sur la conduite d'Ibn-Mozni et eut la bonté d'envoyer de la capitale son conseiller et premier ministre, AbouAbd-Allah-Ibn-Abi-Hilal, afin de les rassurer et de dissiper les derniers nuages d'appréhension qui pourraient encore troubler leur esprit. L'arrivée d'Ibn-Abi-Hilal fut pour eux un bonheur aussi cher que la vie.

Dans le mois de Dou-'l-Câda 782 (février 1381), le sultan sortit de Tunis avec l'intention de visiter ses états et de reconnaître jusqu'à quel point les populations des provinces lui étaient soumises. Un de ses officiers se rendit alors chez Ibn-Mozni et, ayant reçu de ce chef toutes les marques d'une soumission pleine et entière, il effaça de son cœur jusqu'aux dernières traces de méfiance et le décida à reprendre le vêtement de l'obéissance. Ibn-Mozni s'empressa de témoigner sa gratitude en choisissant ce qu'il avait de plus beau en fait de chevaux et d'objets précieux afin de les envoyer au sultan et, ayant confié à des amis plusieurs bêtes de somme chargées du tribut fort raisonnable au paiement duquel il s'était engagé, il fit partir le tout avec l'escorte qui accompagnait l'envoyé. Cette caravane arriva au camp du sultan, dans la plaine de Tebessa, vers le commencement de

Dans le texte arabe il faut lire irtehal à la place d'inteha.

F'an 783 (avril 1381). Sa majesté tint une séance publique pour recevoir cette offrande; il accueillit les porteurs avec de grands honneurs et reçut de leur bouche l'assurance positive du dévouement et de l'obéissance de leur maître. Enchanté de la solution heureuse de cette affaire, il combla de grâces tous les envoyés et, à leur départ, il leur donna, à chacun, des cadeaux en rapport avec leur rang. La députation partit alors, chargée de faveurs et heureuse d'avoir conquis la bienveillance du sultan, seul bonheur qu'elle pouvait désirer.

RÉVOLTE ET SOUMISSION DES AULAD-ABI-'L-LEIL.

Après la prise de Cafsa par le sultan et son retour à Tunis, les Aulad-Abi-'l-Leil vinrent lui offrir leur soumission. Malgré la gravité de leurs offenses, il consentit à leur pardonner, mais, pour s'assurer de leur obéissance, il exigea d'eux la prestation du serment de fidélité et les obligea à lui remettre leurs enfants comme otages. Cette affaire arrangée, l'émir Abou-YahyaZékérïa, frère du sultan, partit avec un corps de troupes afin de contraindre les Hoouara à payer tous les impôts qu'ils n'avaient pas acquittés pendant les dernières années de troubles. Les Aulad-Abi-'l-Leil et leurs confédérés de la tribu des Hakim se mirent en marche avec lui et l'aidèrent à parcourir les diverses parties de son gouvernement jusqu'à ce qu'il eut fait rentrer la totalité des impôts.

Au retour de cette expédition, les Arabes qui en avaient fait partie prièrent le sultan de leur prêter quelques troupes, selon l'usage, afin d'obliger les cantons du Djerid à payer les impôts que les Aulad-Abi-'l-Leil avaient le droit d'y recueillir à titre de concession (icta). Le sultan mit [son fils] Abou-Fares [-Azouz] à la disposition de ces chefs, qui partirent alors à la tête de leurs tribus.

Nous avons déjà dit qu'Ibn-Mozni, et Ibn-Yemloul avant lui, ainsi que Yacoub-Ibn-Ali, avaient très-souvent invité les Arabes à imiter leur exemple et à embrasser le parti du seigneur de

Tlemcen. Quand ces chefs eurent emprisonné Abou-Zîan à Biskera, dans l'espoir qu'Abou-Hammou leur prêterait l'appui de ses armes, l'esprit d'insoumission se ranima dans les cœurs des Aulad-Abi-'l-Leil. Convaincus qu'ils ne sauraient rétablir, à eux seuls, leur domination sur les plaines de l'Ifrîkïa, et croyant ne pouvoir relever leur puissance qu'avec l'aide du seigneur de Tlemcen, ils abandonnèrent l'émir Abou-Fares, après l'avoir conduit en lieu de sûreté à Cafsa, et partirent pour le Zab avec toutes leurs tribus, afin de soutenir Yacoub-Ibn-Ali. Cette démarche n'eut pas le succès qu'ils avaient espéré : ils trouvèrent que ce chef, ainsi qu'Ibn-Mozni, venait d'apprendre par un courrier qu'Abou-Hammou s'était refusé de marcher à leur secours. Ils surent aussi que l'émir Abou-Zîan avait recouvré la liberté et quitté le pays.

A ces nouvelles, leur désappointement fut extrême : pleins de regret d'avoir compromis leurs intérêts par une fausse démarche, ils écoutèrent les conseils de Yacoub-Ibn-Ali et prirent le parti de se remettre à la justice du sultan. Mohammed, fils de Yacoub, reçut de son père l'ordre de se rendre auprès d'Abou'l-Abbas afin d'intercéder pour eux, et il s'y fit accompagner par un agent de son excellence Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-AbiHilal. Le sultan accueillit la prière du fils de Yacoub et pardonna aux Arabes. Pour les rassurer davantage et les ramener dans le pays, il leur envoya son frère, Abou-Yahya, et leur accorda des témoignages de faveur et de bienveillance qui surpassaient tout ce qu'ils auraient pu espérer.

IBN-YEMLOL S'EMPARE DE LA VILLE DE TOUZER ET SE LA LAISSE ENLEVER.

Nous avons dit que Yahya-Ibn-Yemloul mourut à Biskera et, qu'en l'an 782 (1380-1), son fils Abou-Yahya, qui était encore très-jeune, vint attaquer Touzer à la tête d'une foule d'Arabes nomades appartenant, les uns, à la tribu des Riah, et les autres.

à celle de Mirdas. L'année suivante, les Aulad-Mohelhel1, quittèrent le service du sultan dont ils s'étaient attiré la colère et allèrent prendre, dans le Désert, leurs quartiers d'hiver. YahyaIbn-Taleb, chef de cette tribu kaoubienne, fit alors chercher Ibn-Yemloul à Biskera, et alla camper avec lui sous les murs de Touzer. Ayant entrepris le siége de cette ville au nom de son protégé, il rassembla tous les amis de la famille Yemloul qui se trouvaient dans le pays, et, secondé par un ramas d'Arabes, habitants du Désert, il attaqua la place pendant plusieurs jours. El-Montacer, le fils du sultan, leur opposa une vigoureuse résistance, jusqu'à ce que ses troupes furent vaincues par une foule de gens dévoués à la famille Yemloul qui étaient accourus de toutes les parties de la ville pour les combattre. Les Arabes y pénétrèrent alors et forcèrent El-Montacer à se réfugier dans la tente de Yahya Ibn-Taleb. Ce chef prit le prince hafside sous sa protection et le fit escorter à Cafsa où Abd-Allah-et-Toreiki commandait encore.

Abou-Yahya-Ibn-Yemloul, ayant ainsi obtenu possession de Touzer, dépensa en gratifications aux Arabes non-seulement l'argent qu'il avait apporté avec lui, mais aussi toutes les sommes qui se trouvaient dans la caisse de la ville. Il y ajouta le don des impôts que Touzer devait payer cette année-là, et malgré sa profusion, il ne parvint pas à satisfaire l'avidité de ses alliés.

A la nouvelle de ces événements, le sultan alla camper en dehors de Tunis pour organiser un corps d'armée, et en faire l'inspection. Il se dirigea ensuite vers Laribus et, pendant sa marche, il réussit à gagner l'appui des Aulad-Abi-'l-Leil et de leurs confédérés, tous ennemis héréditaires des Aulad-Mohelhel. Ayant augmenté son armée de cette manière, il alla passer quelques jours dans la plaine de Tebessa afin de laisser arriver les renforts qui lui venaient de toute part. De là il se porta sur Touzer et, arrivé à Cafsa, il envoya en avant un détachement sous les ordres de son frère, Abou Yahya, et de son fils El-Montacer. Soula

Le texte arabe imprimé porte, à tort, Hilal,

Ibn-Khaled les accompagna, à la tête des Aulad-Abi-'l-Leil, et le sultan les suivit, avec son armée en ordre de bataille. Les deux princes avaient investi Touzer depuis quelques jours quand le sultan arriva. On attaqua la ville de plusieurs côtés à la fois ; le combat dura toute la journée et recommença le lendemain. IbnYemloul, se voyant abandonné par ses partisans, courut se réfugier chez les Arabes nomades qui étaient campés dans les envi

rons.

Le sultan occupa la ville, y rétablit l'autorité de son fils et partit alors pour Cafsa, d'où il se rendit à Tunis. Vers le milieu de l'an 784 (septembre - octobre 4382) il rentra dans sa capitale.

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, FILS DU SULTAN, EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE TOUZER.

L'année suivante, le sultan marcha encore contre Ibn-Yem loul, qui avait renouvelé ses tentatives contre Touzer, et l'obligea à rentrer dans le Zab. Arrivé à Cafsa, il reçut la visite de son fils El-Montacer, et accueillit les plaintes que lui adressèrent les habitants de Touzer contre Abou-'l-Cacem-es-Chehrezouri, chambellan de ce prince. Choqué des actes de tyrannie dont leurs notables accusaient ce fonctionnaire, il le fit mettre aux fers et le renvoya à Tunis. Comme El-Montacer se formalisa de ce procedé et jura de ne plus se charger du gouvernement de Touzer, le sultan l'emmena à Tunis et le remplaça dans ce commandement par l'émir Zékéria.

Les indices du génie qui se faisaient voir dans ce prince, qui était un des plus jeunes enfants du sultan, lui méritèrent cette marque de confiance; et les talents qu'il déploya plus tard, soit en défendant la ville, soit en se conciliant l'amitié des chefs arabes et des populations nomades, justifièrent complètement le choix de son père. A vrai dire, son administration ne laissa rien à désirer.

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