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force, aux spoliations du roi Numide, auquel elle livra bataille à Oroscope (1).

Aussitôt, Rome accusa Carthage d'avoir violé le traité de 201, qui lui interdisait de faire la guerre, sans l'autorisation du Sénat romain.

Carthage offrit, en vain, de donner toute satisfaction, sa perte était décidée, et, en 149, elle fut attaquée par les deux Consuls : Marius Censorinus et Manilius. Ceux-ci promirent aux habitants de la ville la vie sauve et la conservation de tous leurs biens, s'ils leur livraient leurs armes et leurs machines de guerre. Les Carthaginois furent assez simples pour y consentir. Les deux Consuls, croyant n'avoir désormais aucune résistance à craindre, donnèrent l'ordre, à ces naïfs, d'abandonner leur ville et d'aller s'établir à 15 kilomètres, à l'intérieur des terres. Carthage ellemême devait être rasée.

Nous ne saurions aller plus loin sans stigmatiser, comme elle le mérite, cette honteuse perfidie. Les auteurs latins qui, pour ainsi dire seuls, nous ont transmis le récit de ces guerres mémorables, accusent les Carthaginois d'avoir souvent manqué à leur parole et chez ces auteurs l'expression: «< fides punica », foi punique, est synonyme de mauvaise foi. Nous qui jugeons les choses de loin, avec la sérénité de l'histoire, nous pouvons voir de quel côté se trouva la bonne foi dans ces négociations qui précédèrent la troisième guerre punique (2).

Les exigences barbares des Romains réveillèrent le patriotisme chez ce peuple de marchands, naturellement, partisans de la paix. Le désespoir leur inspira les plus énergiques résolutions. Tous les hommes valides furent enrôlés, pour prendre part à la défense, les maisons furent

(1) Il nous a été impossible de trouver le moindre renseignement sur la situation de ce champ de bataille.

(2) La fable de Lafontaine : « Le loup et l'agneau » a toujours été vraie, en tout temps, en tout lieu. A une époque bien rapprochée de nous, nous en trouvons un exemple particulièrement pénible pour nous, Français.

Au cours de l'année 1870, le grand chancelier du roi de Prusse, Bismarck, voyant que la France ne voulait à aucun prix faire la guerre, fabriqua de toutes pièces et répandit, dans la presse du monde entier, un télégramme tellement injurieux pour la France que la guerre fut rendue inévitable. Cette per

démolies, pour en retirer les bois et les ferrures, dont on construisit de nouveaux navires et de nouvelles machines de guerre. Les femmes elles-mêmes prirent leur part de ces travaux fiévreux, et elles n'hésitèrent pas à sacrifier, même leur coquetterie à l'intérêt de la défense; les historiens romains nous racontent, en effet, qu'elles donnèrent leurs cheveux pour fabriquer les cordages nécessaires, à la construction des balistes et catapultes, ainsi qu'aux gréements de la nouvelle flotte.

Les Consuls romains, de leur côté, poussaient les travaux du siège, avec vigueur, mais sans grand succès. Leurs trois premiers assauts furent repoussés, tandis qu'une partie de leur flotte était détruite par l'incendie. Enfin, voyant l'état de leurs affaires péricliter, d'une manière inquiétante, les Romains n'hésitèrent pas à faire appel à la trahison, en soudoyant 2.000 cavaliers, mercenaires de Carthage. Ceux-ci désertèrent, et allèrent grossir les rangs des assiégeants. Cependant, toute l'année 148 se passa, sans amener de résultat appréciable.

L'année suivante (en 147), par suite du remplacement annuel des Consuls, Scipion Emilien vint prendre le commandement de l'armée assiégeante. Il commença par renforcer la discipline dans son camp; puis, il établit un blocus rigoureux de Carthage, dont il coupa toutes les communications terrestres, au moyen d'une ligne de circonvellation continue, et maritimes, par la construction d'une digue fermant l'entrée du port. Carthage semblait bien arrivée au terme de sa défense; aussi, quelle ne fut pas la surprise de Scipion Emilien lorsqu'il vit, un beau jour, une flotte prendre la mer. Cette flotte sortait d'un nouveau port que les Carthaginois avaient creusé dans les rochers qui bordent la mer, sans que les Romains se fus

fidie eut, pour nous, des conséquences terribles; après six mois d'une lutte désastreuse, mais non sans gloire, nous dûmes subir les conditions du vainqueur : la perte de l'Alsace et de la Lorraine et le paiement d'une indemnité de guerre de cinq millards. Le fait est indéniable, puisque, plus tard, dans des mémoires d'une authenticité indiscutable, Bismarck lui-même s'en est vanté. Ce qui n'empêche pas que des historiens allemands et même certains français, aveuglés pas leurs passions politiques, attribuent à la France l'initiative de cette guerre qui, d'après eux, n'aurait été entreprise qu'en vue de la défense d'intérêts personnels et dynastiques.

sent doutés de leur entreprise. Mais, cette malheureuse flotte, fruit de tant de travail, but de tant d'efforts, ne put tenir longtemps la mer devant la flotte romaine supérieure en nombre; au bout de peu de temps, elle fut complètement détruite.

En même temps, malgré les efforts héroïques des assiégés, le blocus se resserrait de plus en plus ; enfin, en l'année 146, les troupes assiégeantes prirent pied dans l'enceinte de Carthage, mais, ce succès ne fut que le premier épisode d'un effroyable combat. Chaque rue, chaque maison, dut être emportée de vive force (1). Ce ne fut que le septième jour que Scipion fut enfin maître de cette fameuse Byrsa que Didon avait fondée 750 ans aupara

vant.

Carthage fut complètement rasée.

En terminant cet exposé des péripéties de la ruine de Carthage, il convient d'en dégager les enseignements qui en découlent naturellement.

(1) Nous ne pouvons mieux faire que de transcrire textuellement le récit de la fin de cette lutte terrible tel que nous le donne M. Gaston Boissier (Afrique romaine, p. 81 et 82).

« La lutte dura six jours ; le septième, les Carthaginois entas«sés dans la citadelle, demandèrent merci. Scipion leur laissa « la vie et leur permit de sortir : ils étaient, dit-on, cinquante « mille. Après eux, Asdrubal, qui avait dirigé la résistance, « perdit courage à son tour et se présenta devant Scipion avec « les bandelettes de suppliant. Sa femme, plus énergique que « lui, n'avait pas voulu le suivre et avec neuf cents transfuges, « qui savaient bien qu'il n'y avait pas de pardon pour eux, elle « s'était refugiée dans le temple d'Eschmoun.

« Ce temple, l'un des plus beaux et des plus célèbres de Car« thage, était probablement situé à l'endroit même où l'on a « bâti la chapelle de Saint-Louis. Sa vaste terrasse occupait a l'angle de Byrsa et regardait la mer et les ports. De là un « superbe escalier de soixante marches descendait sur la place «publique. Cet escalier qui était un des ornements de la ville « pendant les temps calmes et que les navigateurs apercevaient « de loin pouvait être facilement détruit au premier danger. La «< colline reprenait alors ses aspérités, et le temple, qui s'éle«vait sur un abîme à pic, ajoutait aux fortifications de la cita«delle. Quand les derniers défenseurs de Carthage, qui s'y « étaient retirés, virent que la résistance devenait impossible, «ils mirent le feu au temple et l'on vit alors la femme d'Asdru«bal, debout sur le faîte, insulter à la lâcheté de son mari, puis « jeter ses enfants dans les flammes et s'y précipiter après eux. « Ce fut le dernier acte du drame. >>

Malgré l'énergie inspirée par le désespoir, malgré le courage incontestable montrés par les Carthaginois, dans la dernière période de cette lutte épique, il est certain qu'au cours de la troisième guerre punique ils ne remportèrent que des succès insignifiants, qui ne retardèrent, que de bien peu, la catastrophe finale. La disproportion entre l'effort fourni, les pertes subies et le résultat obtenu provient, sans aucun doute, du manque d'organisation militaire des Carthaginois. La défaite finale prouve d'une manière évidente qu'une armée ne s'improvise pas, qu'un soldat ne peut se faire du jour au lendemain (1).

(1) Ces vérités immuables trouvent leur application, aussi bien de nos jours, que dans les temps antérieurs. Peut-être même s'appliquent-elles, encore plus, à notre époque, eu égard aux perfectionnements apportés incessamment au matériel de guerre, dont la manoeuvre nécessite un personnel de plus en plus instruit, si l'on veut lui faire produire tout l'effet utile, en vue duquel il a été conçu.

Il ne faut pas croire qu'un homme devienne un soldat parcequ'il a revêtu un uniforme et qu'il sait tirer un coup de fusil. Ce qui fait un soldat, c'est l'esprit d'obéissance qui ne s'acquiert que par la discipline, c'est l'endurance qui ne s'acquiert que par l'entrainement, c'est la camaraderie qui naît de l'estime réciproque et anime, du même souffle, officiers et soldats, poursuivant le même but, soumis aux mêmes épreuves, et affrontant les mêmes dangers. C'est aussi le patriotisme, cette forme élargie de l'amour du foyer et de la famille, cette vertu qui nous rend capable de sacrifier, même notre existence, pour la défense de ceux qui nous sont chers, de la terre où reposent les afeux, de la terre sur laquelle nous sommes nés, de la terre que nous voulons transmettre à nos enfants, comme un héritage sacré, déjà arrosé du sang des générations qui nous ont précédés. Ce sont tous ces sentiments qui se synthétisent dans l'amour du drapeau, dont les plis, pour le vrai soldat, renferment l'âme de la patrie.

Loin de nous les abominables théories des antimilitaristes et des sans-patrie ; sous les dehors d'un vague humanitarisme, ils dissimulent les plus bas instincts de la nature humaine à savoir la lâcheté et la couardise; ce n'est, en effet, que l'appréhension des fatigues, la peur des privations et la crainte de la mort qui inspirent leur soi-disant horreur de la guerre.

Les bons Français ne sauraient se laisser séduire par ces décevantes théories, prétendues philosophiques, qui, fatalement, conduisent les nations à la ruine d'abord, à l'asservissement ensuite. En arrivant au régiment nos jeunes conscrits prendront la résolution de supporter gaiement les petits inconvênients de la caserne et du métier, ils se soumettront, de bon cœur, à tous les exercices, à toutes les fatigues, bases nécessaires de l'entraînement, et, après avoir terminé leur apprentissage

PÉRIODE ROMAINE

EXTENSION DE LA DOMINATION ROMAINE

(146 av. J.-C. 40 ap. J.-C.).

Massinissa, le fidèle allié des Romains, était mort, en l'année 148, au commencement de la troisième guerre punique; son royaume fut partagé entre ses trois fils Micipsa, Gulussa et Manastabal. Ces deux derniers n'ont laissé qu'une trace bien fugitive dans l'histoire ; il est à croire qu'ils moururent jeunes, car, en l'an 141, Micipsa resta seul maître de l'empire, héritage de son père. Lui-même, mourut en l'année 119, après 22 ans de règne. Sur son lit de mort, il partagea son royaume en trois parts, destinées à ses deux fils Adherbal et Hiempsal et à son neveu Jugurtha. Il pensait, par cette générosité, concilier, à ses fils, l'amitié de leur cousin ; les évènements subséquents montreront les malheureux effets de cette combinaison.

Dès l'année 116, c'est-à-dire à peine trois ans après la mort de son bienfaiteur, Jugurtha égorgea son cousin Hiempsal (1). Adherbal voulant venger la mort de son frère, déclara la guerre à Jugurtha et demanda l'appui des Romains, mais les généraux romains, corrompus par l'or

militaire, ils rentreront dans la vie civile, portant, au fond du cœur, comme dans un inviolable tabernacle, le culte du drapeau et l'amour de la patrie.

(1) Ce roi Hiempsal était un lettré qui écrivit une Histoire rédigée en langue punique. Ce fait prouve l'influence que Carthage avait su prendre sur les indigènes, au temps de sa splendeur, et qui durait encore malgré ses désastres.

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