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berbères qui habitaient le Maghreb. Le jour où ses nouveaux partisans furent réunis autour de ses drapeaux pour le soutenir et lui prêter le serment de fidélité, il leur tint le discours suivant: «Louange à Dieu ! que sa bénédiction soit sur son Prophète! » O hommes, n'abaissez pas la tête devant un autre que nous, car >> vous ne trouverez chez personne des droits plus clairs que les » nôtres. » Son frère Soleiman, dont nous parlerons plus tard, vint ensuite se fixer dans le pays des Zenata, tantôt à Tlemcen et tantôt aux environs de cette ville.

Quand Idris eut établi sa domination dans le Maghreb, il marcha contre les Berbères de ce pays qui professaient soit le magisme [idolâtrie], soit le judaïsme, soit la religion chrétienne. Telles étaient les tribus de Fendelaoua, de Behloula, de Mediouna et les peuplades du territoire de Fazaz. S'étant alors emparé de Temsna, de la ville de Chella et de Tedla, il obligea les habitants, dont la majeure partie était juive ou chrétienne, d'embrasser l'islamisme bon gré mal gré. Après avoir ruiné leurs places fortes, il marcha sur Tlemcen l'an 173 (789-90). Mohammed-Ibn-Khazer-Ibn-Soulat, chef de cette ville dont la population se composait d'Ifrénides et de Maghraouiens, vint au-devant de lui et obtint, par une prompte soumission, la sécurité pour lui-même et pour les Zenata. Devenu maître de Tlemcen, Idris y posa les fondations de la grande mosquée et fit construire une chaire sur laquelle on inscrivit son nom. De nos jours, cette inscription se voit encore sur la face de la chaire.

Idrîs était de retour à Oulîli, quand [le khalife Haroun-] Er-Rechîd envoya en Afrique Soleiman-Ibn-Horeiz, surnommé Es-Chemmakh. Cet émissaire, affranchi d'El-Mehdi, père d'ErRechîd, avait reçu de celui-ci la mission d'assassiner Idris, et il arriva porteur d'une lettre adressée par le khalife à Ibn-elAghleb. Ayant obtenu de ce gouverneur les moyens de continuer sa route, il alla voir Idrîs et se présenta comme déserteur de la cause des Abbacides et comme pratiquant la médecine. L'imam Idris l'admit dans son intimité, et s'étant un jour plaint d'un mal de dents, il reçut de son protégé une brosse à dents dont

l'emploi, dit-on, lui fut fatal 1. Il fut enterré à Oulîli en l'an 175 (791-2). Es-Chemmakh prit la fuite, et Rached se mit sur ses traces, à ce que l'on raconte, et l'atteignit sur le bord du Molouïa. Chacun d'eux porta à son adversaire un coup de sabre, et Es-Chemmakh, bien qu'il en eut la main tranchée, parvint à s'échapper en traversant le fleuve.

Après la mort d'Idris, les Auréba et les autres tribus berbères reconnurent pour souverain l'enfant qui devait bientôt naître de sa concubine Kenza. Ils l'élevèrent avec le plus grand soin et, en l'an 188 (804), ils lui jurèrent fidélité dans la mosquée d'Oulili. Ce prince, que l'on appela Idrîs-el-Asgher (Idris le jeune ou Idris II), avait alors onze ans et se trouvait sous la tutelle d'Abou-Khaled-Yezid-Ibn-el-Yas-el-Abdi ; car Ibn-elAghleb était parvenu, deux années auparavant, à faire assassiner Rached. Quand Idris eut atteint l'âge de la majorité, on lui renouvela le serment de fidélité, et, ayant ainsi établi de nouveau l'autorité de la dynastie, on lui soumit toutes les villes du Maghreb. Idrîs avait pour vizir un membre de la tribu [arabe] d'Azd appelé Mosab-Ibn-Omeir et surnommé El-Meldjoum (le bridé) à cause d'une cicatrice qu'un coup de sabre lui avait laissée sur le nez. Plus de cinq cents guerriers appartenant à diverses tribus arabes établies en Maghreb et en Espagne se mirent aux ordres d'Idris II, lui formèrent un corps de serviteurs dévoués et méritèrent toute sa confiance à l'exclusion des Berbères. L'appui de cette troupe contribua beaucoup à l'agrandissement de son autorité.

En l'an 192 (807-8), Idrîs fit mourir Ishac-Ibn-Mahmoud, chef des Auréba, ayant découvert qu'il entretenait des intelligences avec Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb.

La ville d'Oulîli ne pouvant plus suffire au nombre toujours croissant des troupes et d'autres serviteurs de l'empire, Idrîs chercha un emplacement pour y fonder une nouvelle capitale.

1. Idris fut empoisonné par Es-Chemmakh ; mais de quelle manière, on l'ignore.

T. II.

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Le sol sur lequel devait s'élever la ville de Fez appartenait alors aux Beni-Borghos et aux Beni-'l-Khair, tribus zouaghiennes. Parmi les Beni-Borghos se trouvèrent des mages, des juifs et des chrétiens; les mages avaient même un temple du feu à Chîbouba1, endroit qui fait partie de la ville de Fez. Ces deux peuplades durent embrasser l'islamisme et en faire profession entre les mains d'Idrîs. Comme elles se livraient à des guerres intestines, leur nouveau maître chargea son secrétaire, Abou-'l-Hacen-Abdel-Mélek-el-Khazredji, de mettre un terme à ces désordres. Arrivé à l'emplacement de] Fez, Idrîs fit dresser ses tentes à l'endroit nommé Guerouaoua 2, et, en l'an 192 (807-8), il commença la construction de la ville, en traçant les fondations du quartier des Andalousiens (Adoua-t-el-Andelos). L'année suivante il bâtit le quartier des Cairouanides (Adoua-t-el-Caraouin) et y fixa son séjour. Il posa les fondations du Djamê-es -Chorefa (mosquée des chérifs). Le quartier des Cairouanides s'étendait depuis Bab-es-Silsela (porte de la chaîne) jusqu'à l'étang nommé Ghadir-Hamza et à l'endroit appelé El-Djorf (la berge).

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Ayant raffermi son autorité comme khalife, il confia aux Auréba, soutiens de sa cause, les dignités les plus élevées de l'empire, et, en l'an 197 (812-3), il marcha contre les Masmouda et les réduisit à la soumission, après avoir occupé leurs villes.

En l'an 199, il entreprit une expédition contre Tlemcen, et, s'en étant rendu maître, il fit comme son père et reçut de Mohammed-Ibn-Khazer le serment d'obéissance. Pendant les trois années qu'il passa dans cette ville, il' en fit rebâtir la mosquée et restaurer la chaire.

Après avoir soumis les Berbères et les Zenata, Idris se trouva assez puissant pour supprimer le Kharedjisme3[dans ses états] et enlever aux Abbacides tout le pays qui s'étend depuis le

1. Variante du Cartas imprimé : Chilouma.

2. Variante du Cartas: Guedouara.

3. Voir t. I, p. 203.

Sous-el-Acsa jusqu'au Chelif. Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb eut recours à la corruption, afin de protéger ses frontières, et, étant parvenu à gagner Behloul-Ibn-Abd-el-Ouahed, chef des Matghara, il le décida à repousser l'autorité d'Idris, à reconnaître la souveraineté de Haroun-er-Rechîd et à se rendre à Cairouan. Cette défection confirma les doutes qu'Idris entretenait au sujet de la fidélité des Berbères et le porta à demander la paix et à désarmer l'animosité qu'Ibrahîm lui témoignait. Bientôt les Aghlebides ne purent plus opposer une résistance efficace aux progrès des Idricides, et ils s'en excusèrent auprès des khalifes abbacides en leur représentant Idrîs comme un homme peu capable et en attaquant sa généalogie par des objections plus faibles que des toiles d'araignée.

En l'an 213 (828-9), Idris mourut, et son fils Mohammed le remplaça dans la souveraineté. D'après les conseils de sa grand mère Kenza, ce jeune prince se décida à admettre ses frères au partage du royaume paternel: à El-Cacem il céda les villes de Tanger, Basra, Ceuta, Tetouan et Hadjer-en-Nesr avec leurs dépendances et leurs tribus; à Omar il donna Tîkîças et Tergha avec le commandement des tribus sanhadjiennes et ghomarites établies dans le territoire qui sépare ces deux villes ; il accorda à Dawoud le pays des Hoouara 1, Teçoul, Tèza et le gouvernement des tribus miknaciennes et ghaïathides qui occupaient la région intermédiaire; il remit à Abd-Allah-Aghmat, Anfis, les montagnes habitées par les Masmouda, le pays des Lamta et le reste du Sous-el-Acsa ; il livra à Yahya les villes d'Azîla et d'El-Araïch avec leurs dépendances et le pays des Ouergha ; il nomma Eïça au gouvernement des villes de Chella, Salé, Azemmor, Temsna et des tribus voisines; enfin il remit à Hamza la ville et les dépendances d'Oulili. Ses autres frères, étant encore en bas âge, restèrent sous sa tutelle et sous celle de sa grand 'mère. Tlemcen devint l'apanage du fils de Soleiman-Ibn-Add-Allah [frère d'Idrîs I].

1. Dans le Maghreb, les Hoouara occupaient le pays situé entre le Mina et le Habra.

Yahya mourut l'an..... 1, et eut pour successeur son fils Yahya. Le nouveau souverain s'abandonna à son mauvais naturel et osa porter atteinte à l'honneur des femmes. Par un de ces méfaits il donna un si grand scandale ?, que le peuple l'expulsa du quartier des Cairouanides. Il alla se cacher dans le quartier des Andalousiens, où il mourut de chagrin dans la même nuit. Cette révolte fut suscitée par Abd-er-Rahman-Ibn-Abi-Sehl-elDjodami, et elle eut pour résultat l'enlèvement de l'empire aux descendants de Mohammed-Ibn-Idris.

La nouvelle de la mort de Yahya fut portée à son cousin AliIbn-Omar, souverain du Rîf: de pressantes invitations lui arrivèrent en même temps de la part des grands officiers de l'empire, tant arabes que berbères, ainsi que des affranchis et clients. de la maison royale. Cédant à leurs instances, Ali se rendit à Fez, reçut d'eux le serment de fidélité et réunit sous son autorité toutes les provinces du Maghreb.

Quelque temps après cet événement, un partisan des doctrines hérétiques des Sofrites, nommé Abd-er-Rezzac, leva l'étendard de la révolte dans les montagnes de Medîouna, d'où il marcha sur Fez et s'empara du quartier des Andalousiens. Ali-IbnOmar s'enfuit chez les Auréba; mais le peuple du quartier des Cairouanides résista vigoureusement au rebelle, après avoir proclamé Yahya, surnommé Es-Saram 3, fils d'El-Cacem, fils d'Idris. Ce prince vint à leur secours avec une armée, livra plusieurs batailles à Abd-er-Rezzac, et parvint à l'expulser du quartier des Cairouanides. Il donna le commandement de cette partie de la ville à Thâleba-Ibn-Mohareb-Ibn-Abd-Allah, natif du faubourg (rebed) de Cordoue et descendant du célèbre émir Mohelleb-Ibn-Abi-Sofra. Thâleba eut pour successeur son fils

1. Nous avons cherché inutilement la date de la mort de Yahya dans le Cartas et dans le Meçalek d'El-Bekri.

2. I pénétra dans une salle de bain et fit violence à une juive. 3. Variante: El-Adam.

4. Voir t. I, p. 386, note 1.

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