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(19 mars 945), lors de l'arrivée de ce renfort, il renouvela l'attaque, mais il dut se retirer après un combat qui lui coûta beaucoup de monde ainsi qu'aux Fatemides. Dans les derniers jours du mois de Choual (milieu de juin), il livra un quatrième assaut qui manqua comme les autres. Étant alors rentré dans son camp, il bloqua la ville si étroitement que les habitants finirent par s'enfuir de tous les côtés, après avoir mangé leurs chevaux et même des cadavres. Resté seul avec ses soldats, El-Caïm fit ouvrir les dépôts de blé que le Mehdi avait eu la précaution de former, et il en distribua le contenu aux troupes de la garnison. Une armée ketamienne qui s'était rassemblée à Constantine fut dispersée, vers cette époque, par un corps d'Ourfeddjouma qu'Abou-Yezîd avait envoyé contre elle. Comme de toutes parts les Berbères accoururent pour se ranger sous ses drapeaux, il se trouva en mesure de [faire] bloquer la ville de Souça; mais la conduite immorale que, depuis quelque temps, il affichait publiquement, finit par scandaliser ses alliés. Cédant à l'indignation et à la jalousie mutuelle qui les animaient, les tribus berbères refusèrent de lui obéir plus longtemps et s'en allèrent chacune chez elle. Cette contrariété l'obligea à rentrer dans Cairouan, où il arriva l'an 334 (945-6). Tout ce qu'il avait laissé dans son camp tomba entre les mains de la garnison d'ElMehdia.

Les excès auxquels les Berbères se livrèrent dans les villes et dans les campagnes de l'Ifrîkïa devinrent à la fin si intolérables que les habitants de Cairouan prirent les armes contre eux et reconnurent de nouveau l'autorité d'El-Caïm, Aïoub, fils d'AbouYezid, répara cet échec en attaquant, de nuit, le camp d'AliIbn-Hamdoun qui venait d'El-Mecila [au secours des Fatemides], et en dispersant les troupes de cet officier. Il marcha ensuite sur Tunis, mais il eut à livrer plusieurs combats aux troupes qu'ElCaïm expédia contre lui, et, à la suite d'une dernière défaite, il se dirigea sur Cairouan. Ceci se passa en l'an 334. Son père l'envoya alors contre Ali-Ibn-Hamdoun qui s'était retiré dans El-Mecila. L'on se battit à plusieurs reprises avec des alternatives de succès et de revers, mais Aïoub réussit enfin à prendre la ville en

se ménageant des intelligences parmi les habitants. Ibn-Hamdoun s'enfuit dans le pays des Ketama, rassembla les guerriers de cette grande tribu et alla camper à Constantine. De là il expédia une partie de ses troupes contre les Hoouara ; mais, au moment où cette tribu subissait le châtiment de ses méfaits, elle reçut le secours que lui envoya Abou-Yezîd. Ce renfort ne put cependant pas empêcher Ibn-Hamdoun d'enlever aux Hoouara les villes de Tidjest et de Baghaïa. Dans le mois de Djomada second de la même année (janv.-fév. 946), Abou-Yezid se rendit à Souça pour y assiéger la garnison qu'El-Caïm y avait installée.

§ IX.

MORT D'EL-CAÏM ET AVÈNEMENT DE SON FILS
EL-MANSOUR.

Abou-l-Cacem-el-Caïm-Mohammed, fils d'Obeid-Allah, mourut en l'an 334 (946) [à El-Mehdïa], pendant le siège de Souça par Abou-Yezid. Avant de rendre le dernier soupir, il désigna comme héritier du trône son fils Ismail. Ce prince, auquel on donna le surnom d'El-Mansour (le victorieux), tint secrète la mort de son père, afin d'empêcher Abou-Yezid de tirer profit d'un événement aussi grave. Tant que le siège dura, il s'abstint de prendre le titre de khalife, il empêcha de changer les inscriptions des monnaies et des drapeaux, et il ne permit pas que la prière publique fut célébrée en son nom. Ces changements n'eurent lieu qu'après la chute d'Abou-Yezîd.

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Abou-Yezid avait réduit la ville de Souça à la dernière extrémité quand El-Caïm mourut. Le premier soin d'Ismail-el-Mansour fut d'équiper la flotte qui stationnait à El-Mehdia, et de l'envoyer à Souça pour y déposer des vivres, des troupes et des

approvisionnements de guerre. Rechîc, secrétaire d'état, et Yacoub-Ibn-Ishac eurent le commandement de cette expédition. Aussitôt après leur départ, El-Mansour se mit en campagne; mais, cédant aux instances de ses officiers, il revint sur ses pas. La garnison de Souça, aidée par les troupes que la flotte y avait débarquées, fit une sortie contre Abou-Yezîd, tailla en pièces ses troupes, livra leur camp au feu et au pillage. Les fuyards cherchèrent à se réfugier dans Cairouan, mais les habitants leur fermèrent la porte de la ville. Abou-Yezîd se dirigea alors vers Sbîba, emmenant avec lui le gouverneur qu'il avait installé dans Cairouan et que les habitants venaient d'expulser. Ceci se passa dans le mois de Choual 334 (mai-juin 946).

Après le départ de ce chef, El-Mansour arriva dans Cairouan et accorda une amnistie aux habitants; il respecta même les femmes et les enfants d'Abou-Yezid qui y étaient restés, et il leur accorda des pensions pour leur entretien. Une division de son armée sortit alors pour reconnaître les mouvements de l'ennemi, mais elle fut attaquée et mise en déroute par un détachement qu'Abou-Yezid avait mis en campagne pour découvrir ce qui s'y passait. Ayant de nouveau raffermi son autorité par cette victoire, Abou-Yezid rassembla assez de troupes pour faire le siège de Cairouan. El-Mansour retrancha son armée et attendit l'assaut dès le premier jour, la fortune se déclara pour lui; dans le second, il attaqua l'ennemi avec avantage et conserva sa position jusqu'à ce qu'il eut rallié les secours qui lui arrivaient d'El-Mehdia et de Souça. Découragé par cette vigoureuse résistance, Abou-Yezid s'éloigna, vers la fin du mois de Dou-lHiddja; puis, au bout de quelque temps, il revint à la charge. Dans les combats qui s'ensuivirent, les revers balançaient les succès; mais enfin El-Mehdïa et Souça se virent encore sérieusement menacées par les troupes de cet aventurier. Pour le décider à la retraite, El-Mansour lui rendit ses femmes et ses enfants, auxquels il donna de riches cadeaux ; il s'attendait alors à quelque répit, puisqu'Abou-Yezîd lui avait promis, sous la foi du serment, qu'il décamperait; mais le 5 Moharrem 335 (août 946), il s'en vit attaquer de nouveau. Bien que, dans les pre

miers jours, la fortune ne le favorisât guère, il réussit, le 15 du même mois, à prendre sa revanche.

Ayant placé les Berbères à l'aile droite de son armée et les Ketama à l'aile gauche, il se tint lui-même au centre avec ses propres troupes. Abou-Yezîd commença la bataille par une charge contre l'aile droite, et, après l'avoir culbutée, il essaya d'enfoncer le centre. Comme El-Mansour demeura inébranlable, le combat se soutint avec acharnement; enfin l'armée du prince fatemide chargea comme un seul homme, renversa les rangs des insurgés, s'empara de leurs bagages et tua tant de monde que le nombre des têtes apportées à Cairouan et livrées aux enfants de la ville pour leur servir de jouets, montait à dix mille. AbouYezid s'enfuit du champ de bataille et tâcha de se réfugier dans Baghaïa, mais les habitants refusèrent de lui ouvrir les portes. Il tenta alors d'y mettre le siège, mais l'approche d'El-Mansour l'obligea à décamper. Ce prince était parti de Cairouan dans le mois de Rebiâ premier (octobre 946); après y avoir laissé comme lieutenant Merah l'esclavon, et bientôt après il parut devant Baghaïa. Chaque fois que son adversaire se dirigeait vers une forteresse, il l'y avait déjà devancé, et arrivé à Tobna, il reçut une communication importante de Mohammed-Ibn-el-Kheir, seigneur du Maghreb central et partisan d'Abou-Yezîd. Ce chef, qui commandait aux Maghraoua, sollicita et obtint d'El-Mansour sa grâce pleine et entière, à la condition d'aider à la poursuite des rebelles. Abou-Yezid se trouvait chez les Beni-Berzal, tribu qui professait les doctrines des Nekkarïa, quand l'approche d'El-Mansour fut annoncée. Il passa dans le Désert et reparut bientôt après dans le pays des Ghomert. Là encore il se rencontra avec El-Mansour, et, ne pouvant soutenir la charge impétueuse que ce prince dirigea contre lui, il s'enfuit vers le Salat. Poursuivi à travers les précipices et les défilés de cette montagne, il se jeta encore dans le Désert, et El-Mansour, sachant que son adversaire ne pouvait atteindre le Soudan à cause des solitudes affreuses qu'il lui aurait fallu traverser, rentra chez les Ghomert pour l'y attendre, pendant que les bandes de Khazer marchaient sur la piste des fuyards. Arrivé dans le pays des

Sanhadja, au milieu des Ghomert, El-Mansour fut accueilli avec de grands honneurs par le chef sanhadjien, Zîri-Ibn-Menad. Une maladie l'ayant contraint à s'arrêter dans cette contrée, Abou-Yezid profita d'une si favorable occasion et vint mettre le siège devant El-Mecîla. Au fer Redjeb 335 (fin de janvier 947), El-Mansour se trouva assez bien portant pour aller au secours de cette ville et refoula l'ennemi dans le Désert. Abou-Yezid voulut alors se rendre dans le Soudan, mais les Beni-Kemlan refusèrent de l'y accompagner, et il se trouva obligé de se jeter avec eux dans les montagnes des Kîana et des Adjîça. Le 10 du mois de Châban (6 mars), il se vit bloqué dans ses retranchements et en sortit pour repousser les assaillants; mais, ayant essuyé de nouveaux revers, il prit la fuite, pendant que ses partisans et même ses fils mettaient bas les armes. Poursui vi par quelques cavaliers, il fut atteint d'un coup de lance qui le jeta au bas de son cheval. Ses amis vinrent à son secours, et une mêlée s'ensuivit dans laquelle plus de dix mille hommes perdirent la vie. Parvenu encore à s'échapper, il occupa une position tellement escarpée qu'aucun moyen de retraite ne lui resta. El-Mansour, qui n'avait cessé de le poursuivre depuis le commencement de Ramadan (fin de mars), l'attaqua vivement, mit ses partisans en déroute, s'empara de leurs bagages et les força à se réfugier sur les cimes de la montagne. Ils s'y défendirent encore en lançant des pierres sur leurs adversaires, et bientôt les combattants se trouvèrent tellement rapprochés qu'ils purent se battre corps à corps. La nuit vint mettre fin à ce conflit sanglant et Abou-Yezid s'enferma dans le château de Kiana. Tous les Hoouara qui l'avaient accompagné jusqu'à ce moment, prirent le parti de faire leur soumission. El-Mansour attaqua le château à plusieurs reprises et parvint à y mettre le feu. De tous les côtés, on massacra les compagnons d'Abou-Yezîd qui tâchaient de s'échapper, et, pendant ce temps, les enfants de ce chef intrépide se tenaient dans le château. A l'entrée de la nuit, El-Mansour fit mettre le feu aux broussailles, afin de mieux découvrir les personnes qui chercheraient à s'évader; mais, au point du jour, les amis d'Abou-Yezid firent une sortie et frayèrent un passage à leur

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