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second imam caché ; Mohammed-el-Habîb, fils de Djâfer, en fut le troisième et dernier. Obeid-Allah-el-Mehdi, fils d'El-Habîb, et leur onzième imam, se manifesta en Afrique, où il fonda la dynastie fatemide. El-Hacen-Ibn-Sabbah, un autre imam des Ismaîliens, fonda en Irac la dynastie des Assassins (Hachichia).

La doctrine de l'imam caché (mektoum, baten) procura aux Ismailiens le nom de Batenïa (Baténiens). On les appelait aussi Molheda (impies), parce que leurs doctrines secrètes conduisaient à l'athéisme par l'infidélité.

L'incarnation de Dieu dans la personne de l'imam, la métempsycose, ou transmigration de l'âme de l'imam dans le corps de son successeur, les autres opinions, plus ou moins extravagantes, au sujet de l'excellence de ce personnage, ont mérité à plusieurs de ces sectes le nom de Gholat (extravagantes).

Dans l'Exposé de la religion des Druzes, par M. de Sacy, on trouvera une longue notice sur les chîïtes et sur leurs doctrines secrètes. L'histoire des douze imams de la secte des Duodécemains est racontée par M. Reinaud dans ses Monuments arabes, persans et turcs, tome I, pages 329 et suiv.

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Cette secte enseignait que l'imamat passa de Djâfer-es-Sadec à son fils Mouça-el-Kadem. Les révoltes suscitées par les daïs du nouvel imam obligèrent [le khalife] Haroun-er-Rechîd à le faire conduire de Médine à Baghdad pour y rester prisonnier, sous la garde de [Sindi- Ibn-Chahek 2. Mouça mourut en l'an 183 (799-800), empoisonné, dit-on, par des dattes que lui offrit Yahya-Ibn-Khaled [le barmekide, vizir d'Er-Rechîd]. Après lui, disent les partisans de cette famille, l'imamat dévolut à son fils,

1. Les chapitres qui suivent sont tirés de la partie inédite de l'Histoire universelle d'Ibn-Khaldoun.

2. Cet officier était prévôt de la maréchaussée (saheb-es-chorta) à Baghdad. (Ibn-Khallikan, t. I, p. 318 de ma traduction.)

Ali-er-Rida (l'agréé), un des membres les plus respectés de la famille de Hachem [grand-père de Mahomet]. Er-Rida vivait dans l'intimité d'El-Mamoun, et en l'an 201 (816-7) il fut désigné par ce khalife comme héritier du trône, afin de mettre un terme aux révoltes que les daïs du parti chîïte excitaient de tout côté. El-Mamoun était alors en Khoraçan, d'où il ne rentra en Irac qu'après la mort de son frère El-Amîn 1. Les partisans des Abbacides se récrièrent contre la nomination d'Er-Rida, et proclamèrent à Baghdad le khalifat d'Ibrahîm-Ibn-el-Mehdi, oncle d'El-Mamoun. Celui-ci partit alors pour l'Irac, accompagné d'Ali-er-Rida, mais avant d'y arriver il perdit son protégé : Ali mourut en chemin, l'an 203 (818-9), et fut enterré à Tous 2. Quelques personnes disent qu'il fut empoisonné par El-Mamoun.

D`Er-Rida l'imamat passa à son fils Mohammed. El-Mamoun lui témoigna beaucoup de considération et lui donna sa fille en mariage, l'an 305. Mohammed mourut en l'an 220 (835), et fut enterré dans le cimetière des Coreich [près de Baghdad]. Selon les Duodécemains, il eut pour successeur son fils Ali, surnommé El-Hadi (le directeur) et El-Djouad (le noble). Celui-ci mourut en 254 (868) et fut enterré à Koum (en Perse]. Ibn-Saîd (voir t. I, p. 9, n. 1) dit que le khalife El-Motezz le fit empoisonner.

L'imamat passa d'Ali à son fils El-Hacen, auquel on donna le surnom d'El-Askeri, parce qu'il naquit à El-Asker, ville qui porte aussi le nom de Serr-man-raa (Samarra). Lors de la mort de son père, il y fut retenu prisonnier, et il y mourut en 260 (873-4). Son corps fut déposé dans le mausolée qui renfermait celui de son père. Sa femme, qu'il laissa enceinte, donna le jour

4. Ibn-Khaldoun aurait du écrire après le détrônement d'Ibrahim, fils d'El-Mehdi, ce qui eut lieu en l'an 203 (818). Ce fut en 196 (811-2) qu'El-Amîn fut tué, à Baghdad, après avoir usurpé le trône.

2. Tous était alors la capitale de la province de Khoraçan. Le Mechhed, ou tombeau, de l'imam Er-Rida en est éloigné de deux lieues. Les Chiïtes regardent ce temple comme plus vénérable que celui de la Mecque. (Voir Monuments arabes, persans et turcs, par M. Reinaud, t. I, p. 373.)

l'envoya en Yémen comme missionnaire (daï), sur la nouvelle que Mohammed-Ibn-Yâfor, roi de Sanâ, avait abdiqué le trône pour mener une vie de pénitence et de dévotion. Arrivé en ce pays, Ibn-Haucheb trouva, dans la ville d'Aden-Laa, des chîïtes appelés les Beni-Mouça, et obtint l'appui de leur chef, Ali-Ibnel-Fadl le Yémenite. Mohammed lui annonça ensuite par écrit qu'il venait d'accorder à Obeid-Allah[-el-Mehdi] l'héritage de l'imamat, et il l'autorisa, en même temps, à faire valoir les droits de ce prince par les armes. Pour se conformer à cet ordre, Ibn-Haucheb propagea la doctrine ismaïlienne dans le Yémen, et, ayant rassemblé des troupes, il s'empara de plusieurs villes et se fixa dans Sanâ, d'où il chassa [la famille régnante] les BeniYâfor. De là il répandit ses daïs dans les provinces du Yémen, de Yémana, de Bahrein, du Sind, de l'Inde, de l'Egypte et du Maghreb. Ces missionnaires travaillèrent à gagner des prosélytes pour la cause du membre agréé de la famille de Mahomet (er-Rida min al Mohammed); mais ils ne firent connaître l'identité de ce personnage et [du fils] de Mohammed-el-Habîb, qu'après avoir vu rétablir l'autorité de leur maître dans le Yémen.

Abou-Abd-Allah-es-Chîï, émissaire de celui-ci, se rendit chez les Ketama. Arrivé en Ifrìkïa, il y trouva un grand nombre de Baténiens, secte dont les doctrines avaient été introduites dans ce pays par les daïs de Djâfer-es-Sadec. Ces croyances s'étaient propagées chez les tribus berbères et surtout chez les Ketama. Aussi commença-t-il, ce daï du Mehdi, à enseigner ces principes, à les répandre et à les faire fructifier, de sorte qu'il put enfin accomplir sa tâche et proclamer la souveraineté d'Obeid-Allah.

§ III. Obeid-Allah-el-Mehdi, premier souverain de cette dynastie, était fils de Mohammed-el-Habib, fils de Djâfer-el-Mosaddec. fils de Mohammed-el-Mektoum, fils de Djâfer-es-Sadec. Telle est la filiation de ses aïeux, selon les historiens du Maghreb; telle est aussi la manière dont le généalogiste Mohammed-Ibn-Asâdel-Djouali expose l'origine de ce prince, dans son ouvrage sur

COMMENCEMENT DE LA DYNASTIE OBEIDITE.

la famille des Mohenna, émirs de Médine. Parlant des Habîb, branche du Mohenna, il dit : « Au nombre des descendants » d'Ismaïl l'imam, on compte les Habîb, enfants de Mohammed, >> fils de Djâfer, fils de Mohammed, fils d'Ismaïl; de cette famille » est la souche d'une dynastie de khalifes, sur lesquels soit le >> salut! >> On voit par ce passage qu'El-Djouali regardait les Fatemides-obeidites comme descendants de Mohammed-el-Habîb.

On ne doit tenir aucun compte des attaques dirigées contre cette généalogie par les gens de Cairouan et d'autres lieux; on ne doit, non plus, faire aucun cas de la déclaration dressée à Baghdad, sous le khalifat d'El-Cader, écrit dans lequel on contestait les titres des Obeidites à une origine aussi illustre et auquel on décida plusieurs docteurs très éminents à souscrire leurs noms. Tout cela ne peut avoir aucune autorité] puisque la lettre par laquelle El-Motaded invita [Ziadet-Allah-]Ibn-elAghleb, seigneur de Cairouan, et [Elîça-]Ibn-Midrar, prince de Sidjilmessa, à se saisir d'Obeid-Allah, qui venait de passer dans le Maghreb, est en elle-même une preuve qui confirme les prétentions des Obeidites [Fatemides] 2. D'ailleurs, les poésies du cherif Er-Rida sont positives à cet égard, et il ne faut pas

1. On a déjà vu, t. I, p. 32, et t. II, p. 20, que, sous le règne d'ElMoëzz le zîride, la population de Cairouan répudia la doctrine et l'au torité des Fatemides pour reconnaître la suprématie des Abbacides.

2. La description topographique du Caire, par El-Macrîzi, renferme un chapitre qui rend plus clairement la pensée d'Ibn-Khaldoun. L'auteur égyptien prétend que, si El-Motaded eût considéré Obeid-Allah comme un imposteur, il ne se serait pas donné tant de peine pour le faire arrêter. On peut voir la traduction de tout ce passage d'El-Macrîzi dans les Druzes de M. de Sacy, t. I, p. ccí, et dans la Chrestomathie du même orientaliste, t. II, p. 90 de la deuxième édition. Il faudrait des raisonnements plus concluants que ceux d'El-Macrîzi pour justifier les prétentions des Obeidites.

3. Il ne faut pas confondre le cherîf Mohammed-er-Rida, mort en 406 de l'hégire, avec son parent, l'imam Ali-er-Rida. Ibn-el-Athir nous apprend qu'on n'osa pas insérer ces poèmes dans le recueil des pièces composées par le cherîf, et il en cite un passage dans lequel ce poète reconnaît, d'une manière positive, que les Fatemides de l'Egypte appartenaient à la famille d'Ali, gendre de Mahomet.

oublier que les individus dont les signatures furent apposées à la déclaration dressée à Baghdad, n'y témoignèrent que par ouïdire, et l'on sait ce que cela vaut. Nous pouvons ajouter que la généalogie des Fatemides avait déjà subi, à Baghdad, depuis cent ans, les attaques des Abbacides, et que l'opinion publique s'y était formée sur celle de la cour. Aussi un témoignage d'ouïdire, témoignage purement négatif, fut tout ce qu'on put opposer à cette généalogie, et cela à une époque où l'état seul des choses offrait la preuve la plus évidente du contraire, puisqu'on reconnaissait l'autorité des Fatemides en plusieurs endroits et même à la Mecque et à Médine. Quant à ceux qui font descendre cette famille d'un juif ou d'un chrétien, qui lui assignent Meimoun-elCaddah ou tel autre pour aïeul, nous dirons que cela seul suffit pour prouver la perversité et l'infamie de ces gens-là 1.

Les Obeidites [ou Fatemides] s'acquirent des partisans en Orient, dans le Yémen et en Ifrîkïa. La première manifestation faite en Afrique par cette famille fut l'arrivée des missionnaires El-Holouani et Abou-Sofyan. Djâfer-es-Sadec les y avait envoyés, disant que le Maghreb était un sol inculte qu'ils devaient défricher en attendant la venue de l'homme chargé de l'ensemencer. L'un de ces agents s'établit à Mermadjenna et l'autre à Souc-Djemar 2, localités du pays des Ketama. Dès lors, l'appel [en faveur de l'imam] se fit entendre dans toute cette contrée.

1. Voir, à ce sujet, l'article d'El-Macrìzi dans la Chrestomathie de M. de Sacy, t. II, p. 88 et suiv., ainsi que le chapitre sur l'origine des Fatemides que cet illustre orientaliste a inséré dans son Histoire des Druzes. Il est à regretter que, dans ce même chapitre, les noms de tribus et de localités ne soient pas toujours exacts; on y lit, par exemple, Modmadjinna, à la place de Mermadjenna; Beni-Soleiman, à la place de Beni-Sekyan; Bacarma, pour Belezma; Bandjas, pour Tidjes; Elaris, pour Laribus; Maskanaya, pour Meskiana, etc. Ces fautes proviennent de l'incorrection des manuscrits dont M. de Sacy s'était servi.

2. Le manuscrit d'En-Noweiri porte Souc-Himar. Il faut probablement changer la position d'un point et lire Souf-Djemar. Le premier mot de ce nom composé signifie rivière en langue berbère, le second est arabe et signifie gravier. C'est l'équivalent de Ouadi-'r-Reml (rivière de sable), le Oued-Rommel qui coule au pied de la ville de

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