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dans les dernières semaines de l'an 7401 (juin 1340) que Dieu fit rentrer cette île sous la domination musulmane, ainsi que l'on verra dans un des chapitres suivants.

En l'an 685 (1286-7), l'ennemi s'empara de Maïorque 2. Une flotte, portant vingt mille soldats et commandée par le roi de Barcelone, parut devant l'île et, comme leurs chefs se donnaient pour négociants, ils obtinrent du gouverneur, Abou-Omar-IbnHakem, la permission de renouveler leur approvisionnement d'eau. Une fois débarqués, ils commencèrent les hostilités et combattirent les musulmans pendant trois jours. Dans ce conflit, ils eurent plusieurs milliers d'hommes mis hors de combat, et leur roi, qui jusqu'alors s'était tenu à l'écart avec ses grands officiers, prit lui-même le commandement de l'armée et marcha au secours de ses gens qui battaient en retraite. Les musulmans furent mis en déroute et allèrent s'enfermer dans leur forteresse; mais Ibn-Hakem, ayant obtenu de l'ennemi la permission de se rendre à Ceuta avec sa famille, plaça les habitants dans la nécessité de se rendre à discrétion. On les transporta tous en Minorque, île voisine de la leur. Les trésors et les approvisionnements renfermés dans la forteresse tombèrent entre les mains des chrétiens.

En l'an 686, les chrétiens battirent en brèche et prirent d'assaut la forteresse de Mersa-el-Kharez (la Calle). Ils y mirent le feu, après l'avoir pillée et emmené les habitants en captivité. Avant de rentrer chez eux, ils se montrèrent devant le port de Tunis.

Dans la même année, ou en l'an 689 (1290), la flotte chrétienne arriva devant El-Mehdïa avec des troupes et même de la cavalerie. L'ennemi attaqua les remparts trois fois sans pouvoir

1. Dans l'histoire du règne d'Abou-Yahya-Abou-Bekr le ha fside, notre auteur a consacré un chapitre à Djerba, et là il dit que la reprise de cette île par les musulmans eut lieu en 738.

2. L'auteur aurait dû écrire Yabiça (Iviça), île qui, en effet, fut enlevée aux musulmans cette année-là. Maïorque avait été conquise en 1232, cinquante-cinq ans auparavant.

les emporter et, ensuite, il opéra sa retraite en apprenant que les habitants d'El-Edjem marchaient au secours de la ville assiégée. Quelques navires de cette flotte tombèrent entre les mains des musulmans et les autres s'éloignèrent sans avoir rien effectué. Ici la faveur divine fut complète.

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA OCCUPE BOUGIE, ALGER ET

CONSTANTINE.

L'émir Abou-Zékérïa, fils du sultan Abou-Ishac, avait acquis par sa bonne conduite, par la noblesse de son caractère et par sa prédilection pour la société des hommes instruits, tant de titres au commandement, qu'on prévoyait facilement le haut rang auquel il atteindrait un jour. Ce fut lui qui fonda, à Tunis, le collège situé en face de son ancien logement, le Dar-el-Acouri. Echappé au sort dont son père avait été la victime à Bougie, il alla descendre chez son beau-frère, Othman-Ibn-Yaghmoracen, à Tlemcen. Bientôt après son arrivée dans cette ville, il fut rejoint par Abou-'l-Hocein, fils d'Abou-Bekr-Ibn-Séïd-en-Nas. Cet ancien serviteur de la famille hafside s'était échappé de la catastrophe de Mermadjenna; puis, ayant remarqué qu'AbouHafs, le compagnon de sa fuite, commençait à lui préférer ElFazazi, après s'être fait proclamer sultan par les Arabes, il quitta le service de ce prince et alla trouver Abou-Zékérïa. Ayant alors décidé celui-ci à viser au trône des Hafsides, il s'adressa à quelques négociants de Bougie qui se trouvaient à Tlemcen et obtint d'eux une somme d'argent qui lui permit de fournir à son maître un équipage royal, d'enrôler des troupes et de lui gagner de nombreux partisans.

Leur projet ne tarda pas à être divulgué, et Othman-IbnYaghmoracen, aussi fidèle au sultan Abou-Hafs que ses aïeux l'avaient été aux autres khalifes établis à Tunis, chercha, mais en vain, à y mettre obstacle. L'émir Abou-Zékérïa sortit de Tlemcen sous prétexte d'aller à la chasse, divertissement auquel il s'était livré avec passion pendant son séjour dans cette ville,

et alla trouver Dawoud-Ibn-Hilal-Ibn-Attaf, émir des BeniYacoub et de toutes les branches des Beni-Amer, tribu zoghbienne. Othman-Ibn-Yaghmoracen fit réclamer le fugitif; mais Dawoud, fidèle aux droits de l'hospitalité, se mit à la tête de ses gens et conduisit son protégé jusqu'à la frontière du territoire occupé par les Zoghba. Ayant alors obtenu l'appui d'AtiaIbn-Soleiman-Ibn-Sebâ, chef douaouidien chez lequel ils s'étaient rendus, ils partirent tous pour la province de Constantine.

Les Arabes et les Sedouîkich reconnurent alors l'émir AbouZékérïa pour sultan, et, en l'an 683 (1284-5), ils se présentèrent avec lui sous les murs de Constantine, où Ibn-Youkian, chef almohade, remplissait les fonctions de gouverneur. Abou'l-Hacen-Ibn-Tofeil, directeur des impôts, entra alors en communication avec Abou-Zékérïa et lui livra la ville moyennant certains avantages qu'il stipula pour lui-même et pour son beaupère Ibn-Youkian 1. Le prince hafside y fit aussitôt proclamer sa souveraineté et marcha ensuite sur Bougie. En 684, il prit possession de cette forteresse dont les habitants, depuis longtemps en proie aux factions, désiraient ardemment son arrivée. Quelques personnes rapportent qu'il occupa Bougie avant Constantine, et cela est plus exact d'après ce que j'ai entendu dire à nos professeurs. Les villes d'Alger et Tedellis lui envoyèrent alors leur soumission.

Maître de ces places fortes et de toute la frontière occidentale de l'empire, l'émir Abou-Zékérïa se donna le surnom d'ElMontakheb-li-Ihyaï-dîn-Illah (choisi pour ranimer la religion de Dieu), mais, pour ne pas manquer tout à fait aux égards dus à son oncle le khalife, il s'abstint de prendre le titre d'Emirel-Moumenin (commandant des croyants). Sachant que Tunis, siège du khalifat hafside, renfermait tous les grands dignitaires almohades, il sentit la nécessité de ménager l'amour-propre d'une classe d'hommes qui était la seule à posséder encore quelque autorité dans la nation.

1. Dans le texte arabe, il faut insérer le mot sihr (avec un sad) après min-el-âmil.

S'étant établi à Bougie, il éleva Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-enNas aux fonctions de grand chambellan, et se forma, dans la partie occidentale du royaume de Tunis, un empire qu'il transmit à ses descendants. Nous verrons plus tard s'effectuer la réunion des deux états par l'avènement de sa postérité au trône de Tunis.

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA ENVAHIT LA PROVINCE DE TRIPOLI.
IBN-YAGHMORACEN PROFITE DE SON ABSENCE POUR

BOUGIE.

OTHMAN

ASSIÉGER

L'émir Abou-Zékérïa, après avoir enlevé au gouvernement de Tunis toute la partie occidentale de l'empire, se mit en campagne, l'an 685 (1286), et marcha sur la capitale. Dans cette entreprise, il fut secondé par Abd-Allah, fils de Rehab-Ibn-Mahmoud et l'un des chefs des Debbab. Repoussé des environs de Tunis par El-Fazazi, il se porta devant Cabes et y mit le siège.. Dans l'attaque de cette place, il déploya une grande bravoure et, un jour, après avoir tué et fait prisonnier beaucoup de monde, il mit ses adversaires en déroute, détruisit le faubourg de la ville, brûla les maisons de campagne et les dattiers des bocages voisins. De là, il se dirigea vers Mesrata, et, parvenu à ElAbiad, il reçut la soumission des Djouari, des Mehamîd, des Al-Salem et des Arabes de Barca. Il était à Mesrata, quand on vint lui annoncer qu'Othman-Ibn-Yaghmoracen se préparait à mettre le siège devant Bougie. Ce prince, vivement offensé du procédé d'Abou-Zékérïa en quittant Tlemcen sans permission et de la conduite de Dawoud-Ibn-Attaf, qui avait refusé de lui livrer le fugitif, renouvela le serment de fidélité envers le souverain de Tunis et lui en fit porter l'acte authentique par AliIbn-Mohammed-el-Khoraçani. Il obtint ensuite quelques avantages sur les Toudjîn et les Maghraoua; puis, ayant cédé aux sollicitations du gouvernement tunisien, auquel Abou-Zékérïa avait ôté tous les moyens d'action, tant en lui enlevant des provinces entières qu'en allant l'attaquer dans la capitale de l'empire, il s'engagea à délivrer le sultan de la présence de son

T. II.

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ennemi en allant lui-même faire le siège de Bougie. Il partit, l'an 686 (1287), pour conquérir cette ville, mais, arrivé aux environs de la place, il y trouva une vigoureuse résistance, et n'en remporta d'autre avantage que celui d'avoir vu, à distance, la forteresse dont il espérait s'emparer.

La même année, il reprit la route de sa capitale.

LES VILLES DU DJERÎD COMMENCENT A ÉTABLIR LEUR
INDÉPENDANCE.

1

Les Seddada et les Kennouma, deux familles qui habitaient les environs de Takîous, eurent ensemble un conflit dans lequel un fils du cheikh des Seddada perdit la vie. Les parents du jeune homme firent serment de le venger en tuant le cheikh des Kennouma. Celui-ci, averti du danger, se retira auprès de Mohammed-Ibn-Yahya-Ibn-Abi-Bekr-et-Tînmeléli, gouverneur de Touzer, chef-lieu du Djerîd. Cet officier almohade n'hésita pas de lui vendre sa protection et d'écrire à la capitale pour annoncer que les Seddada étaient en pleine révolte. Alors il fit ordonner aux habitants de Nefta et de Takîous de marcher contre cette peuplade et il sortit lui-même avec les troupes de Touzer pour l'attaquer dans le village où elle faisait sa demeure. Les malheureux Seddada, ayant vainement cherché à fléchir sa colère en lui offrant des otages et de l'argent, obtinrent l'appui des Nefzaoua et lui livrèrent la bataille. Dans cette rencontre, EtTînmeléli eut tant de monde mis hors de combat qu'il dut rentrer à Touzer. Ceci se passa en l'an 686 (1287). Une nouvelle expédition qu'il dirigea contre les insurgés leur procura un nouveau triomphe, et ils purent négocier avec lui un traité de paix qui leur assura le droit de s'administrer eux-mêmes et de fournir des gouverneurs aux populations nefzaouiennes. En retour de ces avantages, ils consentirent à payer régulièrement l'impôt ordinaire.

1. Dans le texte arabe, il faut lire oua ghazahom.

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