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sonne épousa Othman et devint la perle de leur palais, l'illustration de leur maison et un sujet de gloire pour eux et pour leur nation 1..

APPARITION DU PRÉTENDANT IBN-ABI-OMARA. SES AVENTURES

EXTRAORDINAIRES.

Ahmed-Ibn-Merzouc-Ibn-Abi-Omara appartenait à une famille d'El-Mecîla qui était allée s'établir à Bougie. Il passa ses premières années dans cette dernière ville et prit, en grandissant, une figure assez distinguée. Esprit inculte et sans instruction, il dut exercer le métier de tailleur pour avoir de quoi vivre. Malgré l'infériorité de sa position sociale, il nourrissait l'espoir de monter sur un trône, destin qu'il prétendait lui avoir été annoncé par les devins les plus habiles et dont la certitude lui paraissait assurée par la géomancie, art qu'il savait pratiquer lui-même ?. Ayant quitté sa ville natale, il passa dans le désert de Sidjilmessa et se présenta aux Arabes makiliens comme un descendant du Prophète, comme ce fatemide dont l'apparition est attendue par les gens grossiers et ignorants 3. Il les assurait même que, par sa connaisance du grand œuvre, il pouvait convertir toute espèce de minéral en or. Ces Arabes l'entourèrent avec empressement et, pendant quelque temps, il fut le sujet de tous leurs entretiens.

Talha-Ibn-Modaffer, cheikh des Amarna, l'une des branches de la tribu de Makil, m'a raconté qu'il avait vu cet aventurier arriver chez les Makil et tomber ensuite dans l'abandon et le mépris, quand on s'aperçut qu'il ne pouvait justifier ses grandes prétentions.

1. Dans l'histoire des Beni-Abd-el-Ouad, t. III de cette traduction, l'auteur parle encore de ce mariage. Abou-Zian-Mohammed, fils d'Othman-Ibn-Yaghmoracen et de la princesse hafside, succéda au trône lors de la mort de son père.

2. Au lieu de bi-khatt, lisez yakhatt.

3. Voir l'Appendice no II.

4. Dans le texte arabe, on a imprimé, par erreur, Amarïa.

Ibn-Abi-Omara se mit alors à courir les pays et, étant passé dans la provice de Tripoli, il s'arrêta chez les Debbab. Ce fut là qu'il fit la rencontre d'un affranchi d'El-Ouathec appelé ElFeta-Nacîr (le garçon Nacîr), et surnommé Noubi (le Nubien). Cet homme, frappé de l'aspect d'Ibn-Abi-Omara, qui ressemblait beaucoup à El-Fadl, fils d'El-Ouathec, se mit à pleurer et à lui embrasser les pieds. L'autre lui demanda pourquoi il agissait ainsi, et, sur sa réponse, il lui dit : « Soutiens-moi dans ›› mes prétentions et tu me verras tirer vengeance de celui qui » tua vos jeunes princes. » Nacîr courut aussitôt chez les chefs arabes en poussant des cris de joie et leur annonça qu'il venait de trouver le fils de son ancien maître. Ayant réussi à leur en imposer, il les trompa complètement en leur faisant répéter par Ibn-Abi-Omara une leçon qu'il lui avait apprise et qui se rapportait à certaines conversations qui eurent lieu entre ces Arabes et El-Ouathec. Parfaitement convaincus alors que c'était le prince El-Fadl, ils lui prêtèrent le serment de fidélité 1.

Morghem-Ibn-Saber-Ibn-Asker, émir des Debbab, entreprit de faire valoir les droits de ce prétendant, rassembla ses Arabes, et alla mettre le siège devant Tripoli, ville où commandait Mohammed-Ibn-Eïça-el-Hintati, surnommé populaire'ment Onk-el-Fidda (cou d'argent). Ne pouvant s'en emparer, les insurgés allèrent à Zenzour et tombèrent sur les Medjrîs, population hoouarite qui demeurait dans le voisinage de cette ville. Ils parcoururent alors toute cette partie du pays et prélevèrent l'impôt chez les Lemaïa, les Zouaza et les Zouagha. Quant aux Nefouça, aux Gharîan et aux Maggher, tribus hoouarites, le prétendant les frappa d'une contribution extraordinaire. Il marcha ensuite sur Cabes où il reçut, en Redjeb 681 (oct. 1282), les hommages empressés d'Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki, qui lui prêta le serment de fidélité, « afin, disait-il, d'acquitter les obligations que je dois à vos aïeux », mais, en réalité, pour frayer le chemin à l'indépendance qu'il ambitionnait pour lui

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1. Dans le texte arabe, lisez bíatéhom.

2. Les manuscrits et le texte arabe imprimé portent Zouara.

refusant l'entrée de la ville, lui fit porter des vivres 1. De là, il se dirigea sur Bougie où nous le retrouverons bientôt.

Après le départ du sultan, le prétendant fit son entrée à Tunis. Il prit alors pour vizir Mouça-Ibn-Yacîn, et donna la place de chambellan à Abou-'l-Cacem-Ahmed-Ibn-es-Cheikh. Ensuite il ordonna l'arrestation du ministre des finances, AbouBekr-Ibn-el-Hacen-Ibn-Khaldoun, et après lui avoir confisqué ses biens et arraché toutes ses richesses par l'emploi de la torture, il le fit étrangler. La perception des revenus, devenue vacante de cette manière, fut confiée à Abd-el-Mélek-IbnMekki, seigneur de Cabes.

Le prétendant, après avoir pris les titres et emblèmes de la souveraineté, distribua les grands emplois de l'empire à ses courtisans et s'occupa d'une expédition contre Bougie.

L'ÉMIR ABOU-FARES USURPE LE POUVOIR SOUVERAIN A BOUGIE AUSSITÔT APRÈS L'ARRIVÉE DE SON PÈRE.

Le sultan Abou-Ishac, chassé de sa capitale et dépouillé du prestige de la royauté, arriva à Bougie dans le mois de Dou-l-Cada 681 (février 1283). Repoussé du palais par son fils, l'émir Abou-Fares, il dut aller s'installer dans le jardin appelé Raud-er-Refiâ, et, cédant aux injonctions de ce fils ingrat, il abdiqua le pouvoir en présence des officiers almohades et des cheikhs de Bougie. Abou-Fares lui assigna alors pour logement le château de l'Étoile, prit lui-même l'autorité suprême avec le surnom d'El-Motamed-ala-'llah (qui s'appuie sur Dieu), et reçut des habitants de la ville le serment de fidélité. Cette usurpation s'accomplit le dernier jour de Dou-'l-Câda 681 (2 mars 1283). S'étant ensuite adressé à ses alliés, les Rîah et les Sedouîkich, il les appela aux armes, laissa son frère,

1. Le texte arabe peut signifier aussi : quelques-uns des villages lui présentèrent des vivres.

l'émir Abou-Zékérïa, à Bougie en qualité de lieutenant, et marcha contre le prétendant, emmenant avec lui ses autres frères et son oncle, l'émir Abou-Hafs.

MORT D'ABOU-FARES ET DE SES FRÈRES.

MORT D'ABOU-ISHAC

ET FUITE D'ABOU-ZÉKÉRÏA A TLEMCEN.

Quand le prétendant eut appris l'usurpation d'Abou-Fares et ses préparatifs hostiles, il fit emprisonner tous les membres de la famille hafside [qui se trouvaient à Tunis], après avoir eu d'abord l'intention de les faire mourir. Dans le mois de Safer 682 (mai 1283), il quitta la capitale avec les troupes almohades et les divers corps de la milice. Le 3 de Rebiâ premier (1 er juin), il rencontra l'armée d'Abou-Fares à Mermadjenna et, à la suite d'un combat qui dura toute la journée, il la mit en pleine déroute. Abou-Fares lui-même fut lâchement abandonné par ses alliés et mourut les armes à la main. Son camp tomba au pouvoir des vainqueurs, et ses frères furent faits prisonniers et massacrés de sang-froid. L'un, Abd-el-Ouahed, mourut de la main du prétendant; les autres, Omar et Khaled, ainsi que Mohammed, fils d'Abd-el-Ouahed, périrent également. Leurs têtes furent envoyées à Tunis et plantées sur les murailles de la ville, après avoir été portées sur des piques à travers les rues. L'émir AbouHafs, oncle d'Abou-Fares, parvint à s'échapper, ainsi que nous le raconterons plus loin.

Quand la nouvelle de ce désastre fut connue à Bougie, une vive agitation s'y déclara, et le tumulte devint extrême. Le cadi de la ville, Abou-Mohammed-Abd-el-Monem-Ibn-Atîc-el-Djezaïri, convoqua les habitants, afin de conférer avec eux sur la situation des affaires, mais on s'émeuta contre lui et on massacra son fils qui avait osé leur adresser une réprimande. AbouMohammed, embarqué de force, fut renvoyé à Alger, sa ville natale, et le sultan Abou-Ishac partit pour Tlemcen avec son fils, l'émir Abou-Zékérïa. Le peuple prit alors pour chef Mo

même. Ce chef le fit alors reconnaître comme khalife par tous ses subordonnés et lui procura les services des Kaoub, tribu soleimide qui obéissait alors aux Beni-Chîba et qui se trouvait sous les ordres d'Abd-er-Rahman, membre de cette famille.

Le prétendant, ayant ensuite reçu l'adhésion des habitants de Djerba, d'El-Hamma et des villages du territoire des Nefzaoua, marcha sur Touzer et soumit cette ville ainsi que la province de Castilia. Alors il remonta à Cafsa où il reçut aussi le serment de fidélité. La puissance et la renommée qu'il venait de conquérir décidèrent enfin le sultan Abou-Ishac à expédier une armée de Tunis pour le combattre.

LE SULTAN EST TRAHI PAR SES TROUPES ET S'ÉLOIGNE

DE LA CAPITALE.

La cause du prétendant avait fait un grand progrès dans la province de Tripoli et la plupart des villes s'étaient déclarées pour lui, quand le sultan plaça son fils, l'émir Abou-Zékérïa, à la tête d'une armée et l'envoya contre les insurgés. Arrivé à Cairouan, le jeune prince y leva des contributions dont il s'appropria une bonne partie. Ensuite il se remit en marche et, parvenu à Camouda 1, il apprit que le prétendant venait d'occuper la ville de Cafsa. Cette nouvelle, s'étant répandue dans le camp, amena la dispersion de toute l'armée, et Abou-Zékérïa rentra à Tunis le dernier jour de Ramadan de l'an 681 (janvier 1283).

Le prétendant, qui était sorti de Cafsa pour se mettre à la poursuite d'Abou-Zékérïa, occupa Cairouan et s'y fit reconnaître comme sultan. L'exemple donné par cette ville entraîna dans la même voie El-Mehdia, Sfax et Souça.

Alors une grande agitation se déclara dans Tunis, et, vers le milieu du mois de Choual (janvier), le sultan fit dresser ses tentes en dehors de la ville, après avoir ordonné une levée en

1. Le texte arabe offre la leçon Temmouda.

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