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>> d'un seul individu, tu t'exposeras à être entraîné dans la par» tialité par ses passions et ses préjugés, au point de sacrifier les >> intérêts du bon droit et de la vérité. Si un homme vient te >> porter plainte pendant que tu es sur la route et en voyage, >> dis-lui de s'approcher et interroge-le, afin de bien connaître » le sujet de sa réclamation; réponds-lui avec bonté et douceur

pendant que tu l'écoutes; l'attention, la commisération que tu >> lui auras montrées l'encourageront à te parler avec confiance » et laisseront dans les esprits des grands et des petits une >> haute opinión de ta conduite comme administrateur et comme >> souverain.

>> La vie et les biens de tout musulman sont choses sacrées » pour quiconque croit en Dieu et au jour du jugement; on ne >> peut y toucher sans être autorisé par le Coran et les tradi» tions du Prophète, et encore faut-il que le texte de la loi et la >> preuve du délit soient là pour justifier la sentence. Il en est » autrement à l'égard de ceux qui attaquent et volent les mu>> sulmans sur les grandes routes, des gens qui persistent dans » l'égarement et qui portent atteinte aux vrais croyants dans >> leurs personnes et leurs biens. Pour ceux-là, il n'y a que » l'épée, instrument qui extirpe le mal et qui guérit les cerveaux » troublés par l'esprit du désordre. Ne pardonne jamais les » défauts des hommes envieux, de ces gens qui, étant incapables » d'aucun travail honnête, cherchent à ruiner la prospérité d'au» trui ; si tu leur pardonnes, ils se mettront à parler, puis, des » paroles ils passeront aux actes, et c'est sur toi que retombera >> le mal dont ils se seront rendus coupables. Ici, il faut couper » court au crime avant qu'il ne se propage: il ne faut pas » l'atteindre, mais le prévenir.

>> Tu dois avoir toujours la pensée de la mort présente à l'es» prit; ne te laisse pas séduire par les biens du monde, quand » même tu croiras les tenir, et garde-toi de comparaître devant » le Seigneur sans y être devancé par des bonnes actions, mar>>chandise dont tu retireras grand profit en l'échangeant contre >> la bienveillance de Dieu. La résignation à sa volonté est le » métier le plus profitable, la mine la plus riche à exploiter; et

» l'abnégation de soi est un trésor inépuisable. Au sujet de ces » paroles du Coran : Et nous avons laissé sur lui [cette béné» diction] pendant les générations suivantes : Que la paix soit » sur Noé dans l'univers entier un commentateur a dit : >> Cela signifie une bonne renommée dans le monde, parce qu'il » y laissa l'éternel souvenir de sa conduite méritoire et de ses >> actions saintes et célèbres. » Qu'il te suffise donc, en fait de » biens mondains, de posséder un habit pour te couvrir et un » cheval pour te porter au secours des serviteurs de Dieu.

>> Si tu gardes ces conseils sans cesse devant les yeux, j'ai >> tout espoir que Dieu laissera remporter par ta main des vic>>toires qu'il aura rendues faciles, qu'il te soutiendra sans cesse » et qu'il ne t'affligera que pour ton avantage. [Ainsi-soit-il] » par la bonté de Dieu, par sa puissance et par sa majesté! >> Dieu veuille que tu sois de ceux qui écoutent pour retenir et qui répondent à l'appel quand on les invite à suivre la bonne » voie. Dieu est tout-puissant et digne d'être obéi. Il n'y a de >> force, ni de puissance que par le moyen de Dieu très-haut ! >> Dieu nous suffit, et il est lé meilleur des gardiens. >>

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Ce fut en suivant les conseils renfermés dans cet excellent écrit que l'émir Abou-Yahya se forma au trône et qu'il s'acquit une haute position dans l'empire; mais, en l'an 646 (1248-9), pendant qu'il se livrait à l'étude et à la dévotion, la mort vint l'enlever aux espérances qu'il avait éveillées dans tous les cœurs. Cet événement plongeale sultan dans un chagrin profond et fournit aux poètes le sujet de plusieurs élégies qui servirent à augmenter la douleur et à entretenir la tristesse du malheureux père.

Dans une assemblée des grands officiers de l'empire, le sultan désigna comme son successeur l'émir Abou-Abd-Allah-Mohammed, frère du prince décédé, et il leur ordonna à tous d'apposer leurs signatures à l'acte de cette nomination.

1. Coran, sourate 37, versets 76, 77. L'auteur de cette lettre n'en cite que le premier verset.

MORT DU SULTAN ABOU-ZÉKÉRÏA.

ÉVÉNEMENT.

SUITES DE CET

Le sultan Abou-Zékérïa venait de quitter Tunis et s'était dirigé vers Constantine dans l'intention d'examiner l'état de cette province. Arrivé à Baghaïa, il passa ses troupes en revue et reçut une députation des Douaouida que lui amena Mouça-IbnMohammed. Ce cheikh, après s'être montré peu dispos à l'obéissance, fit maintenant sa soumission. Le sultan était encore à Baghaïa quand il tomba malade; mais, après son retour à Constantine, il recouvra la santé et se transporta à Bône. Attaqué de nouveau par la même indisposition, qui se déclara, cette fois-ci, avec une grande intensité, il mourut en arrivant sous les murs de Bône, le 22 du mois de Djomada second 647 (2 octobre 1249) et dans la vingt-deuxième année de son règne. Il fut enterré dans la grande mosquée de Bône; mais, en l'an 666 (1267-8), quelque temps avant le siège de Tunis par les chrétiens, on transporta son corps à Constantine. AbouAbd-Allah-Mohammed, son fils et successeur désigné, fut aussitôt proclamé sultan.

A peine la nouvelle de cette mort se fut-elle répandue, que plusieurs états, situés dans les pays lointains, cessèrent de reconnaître la souveraineté de l'empire hafside. Partout où l'autorité d'Ibn-el-Ahmer se faisait sentir, on supprima le nom de cette dynastie dans la prière publique; mais Yaghmoracen-Ibn-Zîan, seigneur du Maghreb central, lui resta fidèle et, jusqu'au siège de Tlemcen [par les Mérinides], [son fils Othman] suivit l'exemple qu'il avait donné. [Dans l'histoire des Beni-Abd-Ouad] nous expliquerons le motif de leur défection.

Ceuta était alors gouverné au nom l'émir Abou-Zékérïa par Abou-Yahya-Ibn-es-Chehîd, prince qui avait sous ses ordres Abou-Amr-Ibn-Abi-Khaled et le caïd Chefaf. Quand on apprit dans cette ville qu'Abou-Zékérïa avait cessé de vivre, une populace émeutée tua ces deux officiers et mit Ibn-es-Chehîd dans la nécessité de s'enfuir à Tunis. Cette révolte fut en grande

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partie l'ouvrage de Hadjboun-er-Rendahi lequel avait agi d'aprèsles inspirations d'Abou-'l-Cacem-el-Azéfi et d'autres notables de la ville, qui voulaient tous avoir Abou-'l-Cacem pour gouverneur. Cette révolution eut lieu en l'an 647 (1249-50), et on célébra aussitôt la prière publique à Ceuta au nom d'ElMorteda le khalife almohade].

Tanger suivit l'exemple de Ceuta et reconnut pour chef un officier surnommé Ibn-el-Amîr 2, auquel Abou-Ali-Ibn-Khalas avait délégué le commandement. Cet Ibn-el-Amîr s'appelait Youçof; son père, Mohammed, était fils d'Abd-Allah-IbnAhmed-el-Hemdani 3.

Quand le caïd Rendahi et Abou-el-Cacem-el-Azéfi se furent emparés du pouvoir à Ceuta, Ibn-el-Amîr en fit de même à Tanger; mais, au lieu de reconnaître comme eux la souveraineté des Almohades, il y fit prononcer la prière publique au nom du sultan hafside. Bientôt après, il remplaça ce nom par celui du khalife abbacide [de Baghdad], en y ajoutant le sien. Cet état de choses dura jusqu'à ce qu'il mourut assassiné par les Mérinides. Dans l'histoire de ce peuple nous donnerons les détails de cette affaire. Les fils d'Ibn-el-Amir se rendirent à Tunis avec leur beau-père, le cadi Abou-'l-Ghanem-Abd-erRahman-Ibn-Youçof, un des émigrés musulmans qui avaient quitté Xativa lors de la prise de cette ville par les Chrétiens, en 1244 de J.-C.]. Abou-l-Ghanem s'était alors fixé à Tanger et avait contracté une alliance matrimoniale avec la famille d'Ibn-el-Amir.

Quant au cadi Abou-'l-Cacem-el-Azéfi, il s'était fait remarquer par sa piété, ses talents, ses connaissances comme légiste et son habileté comme rédacteur d'actes et d'obligations. Aussi, sous le règne du [dernier sultan, il avait rempli, avec éclat, les fontions de cadi dans la métropole de l'empire.

1. Variantes: Rendadji, Zendahi, etc.

2. Voir ci-devant, p. 323, note.

3. Ahmed-el-Hemdani descendait, peut-être, de Hamed-Ibn-Hemdan, le chef aurébien qui trahit le prince idricide El-Haddjam.

En Sicile, les musulmans de Palerme jouissaient des mêmes droits que les chrétiens, tant dans la ville que dans les campagnes; avantage qu'ils devaient à un traité que le sultan [hafside] avait négocié en leur faveur avec le seigneur de cette île. Depuis lors, la bonne harmonie s'était maintenue entre les deux peuples, mais la mort d'Abou-Zékérïa vint tout déranger. Les chrétiens se portèrent à de graves excès contre les vrais croyants et les forcèrent à se réfugier dans les châteaux et les lieux escarpés de l'île. Les fuyards prirent pour chef un aventurier appartenant à la tribu [arabe] d'Abs; mais ayant été cernés et bloqués dans leur montagne, ils firent leur soumission. Le vainqueur les déporta dans le pays situé à l'autre côté du détroit [de Messine] et les établit auprès de [Melfi,] berceau de sa puissance, au milieu d'une contrée riche et populeuse. Il passa ensuite dans l'île de Malte, et, après avoir rassemblé tous les Musulmans qui s'y trouvaient encore, il les envoya joindre leurs coreligionnaires [dans la Pouille]. Devenu ainsi maître de la Sicile et des îles voisines, le tyran en fit disparaître l'islamisme et le remplaça les doctrines de l'infidélité.

par

INAUGURATION DU SULTAN ABOU-ABD-ALLAH-EL-MOSTANCER.

En l'an 647 (1249), quand l'émir Abou-Zékérïa mourut sous les murs de Bône, ainsi que nous venons de le dire, les grands officiers de l'empire et les troupes du camp s'accordèrent pour reconnaître pour chefl'émir Abou-Abd-Allah, fils du monarque défunt. Mohammed-el-Lihyani, oncle d'Abou-Abd-Allah, leur administra le serment de fidélité. Le nouveau souverain partit sur-le-champ pour Tunis, où il fit son entrée le 3 Redjeb de la même année (octobre 1249).

Le jour de son arrivée dans la capitale de l'empire, on lui renouvela le serment qu'il avait déjà reçu et on lui donna le titre d'El-Mostancer-Billah (qui cherche la victoire avec l'aide de Dieu). Quelque temps après, il se fit prêter le même serment pour la troisième fois, et choisit les mots suivants pour en

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