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cette ville, le mit en prison et déporta ses enfants en Espagne. Mohammed, fils d'Abou-Amran, fut élevé à Séville sous les yeux de sa mère. Les habitants ayant proclamé Er-Rechîd, envoyèrent une députation à Maroc pour informer ce prince de ce qu'ils venaient de faire, et se mirent, en attendant, aux ordres de Mohammed. Cette révolution fut en grande partie l'ouvrage d'Ibn-el-Djedd. Er-Rechîd confirma la nomination d'Abou-AbdAllah-[Mohammed], et jusqu'à sa mort, événement qui arriva en 640 (1242), il eut toujours à se louer de la fidélité que lui montrèrent les habitants de Séville.

Lors de la prise de Tlemcen par Abou-Zékérïa, les Sévilliens jugèrent le royaume du Maghreb en péril et se décidèrent à reconnaître la souveraineté de ce prince, ainsi que l'avaient fait les habitants de Valence et de Murcie, villes de l'Espagne orientale. Xérès et Tarifa suivirent cet exemple, et, en l'an 641, une députation nommée par toutes ces villes, partit pour Tunis afin d'obtenir d'Abou-Zékérïa un de ses parents pour chef. Il fit choix de son cousin, Abou-Fares, fils de Younos, fils du cheikh Abou-Hafs. Quand le nouveau gouverneur fut arrivé à Séville, Ibn-el-Djedd lui remit le commandement, mais, en 643 (1245-6), ce même Ibn-el-Djedd usurpa le pouvoir, déporta Abou-Fares à Ceuta, fit une alliance avec le roi chrétien et effaça des contrôles de l'armée les noms de tous ceux qui persistaient à faire des incursions[sur le territoire chrétien ]. Ces hommes l'assassinèrent bientôt après, à l'instigation de leur capitaine Chefaf' lequel prit aussitôt le commandement de Séville, rappela Abou-Fares et y rétablit l'autorité d'Abou-Zékérïa.

Le roi chrétien apprit cette nouvelle avec un vif mécontentement et, rompant la trève, il alla mettre le siège devant Séville, après s'être emparé de Carmona et de Marchéna. Les habitants de cette ville, sur son refus d'accorder la paix, en confièrent le commandement à une junte composée du caïd Chefaf, d'IbnChoaib,de [mon ancêtre] Yahya- Ibn-Khaldoun, de Masoud-IbnKhiar et d'Abou-Bekr-Choreih; mais, plus tard, ils reconnurent

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de nouveau l'autorité du cheikh Abou-Fares. Pendant deux années ils soutinrent avec fermeté les attaques de l'ennemi, bien qu'ils eussent la douleur de voir Ibn-el-Ahmer paraître [avec les siens au service du roi chrétien et l'aider à bloquer la ville. L'émir Abou-Zékérïa tenta de leur faire passer des secours et arma quelques navires pour cet objet. Abou-'r-Rebiâ-Ibn-elGhoreigher le tinmelélien, auquel il donna le commandement de cette escadre, se dirigea d'abord vers Ceuta, d'après les instructions de son maître, et, ayant fait équiper les vaissaux appartenant à cette ville, il les conduisit jusqu'au fleuve qui baigne les murs de Séville. Empêché par la flotte chrétienne de pénétrer jusqu'au port1 [de Saint-Lucar], il repartit [pour l'Afrique). L'ennemi auquel Ibn-el-Ahmer avait fourni des troupes et des munitions, contraignit, enfin, les habitants de Séville à signer une capitulation, et prit possession de sa nouvelle conquête en l'an 646 (1248). Le roi chrétien donna pour chef aux traitres qui voulaient y rester un membre de la famille d'Abd-el-Moumen appelé Abd-el-Hack-Ibn-Abi-Mohammed le baécien.

CEUTA, TANGER ET CASR-IBN-ABD-EL-KERÎM RECONNAISSENT
ABOU-ZÉKÉRÏA POUR SOUVERAIN,

Après qu'El-Mamoun eut levé le siège de Ceuta, son frère Mouça 2 céda cette ville à Ibn-Houd. Les habitants se révoltèrent quelque temps après, chassèrent El-Cachetîni, le gouverneur qu'Ibn-Houd y avait installé, et se mirent aux ordres d'Ahmedel-Yanechti-el-Mowaffec; puis, en l'an 635 (1237-8), ils suivirent l'exemple des habitants de Séville et reconnurent de nouveau l'autorité d'Er-Rechid. Ayant alors emprisonné ElYanechti et son fils, ils envoyèrent chercher le cid Abou-lAbbas, fils du cid Abou-Said et gouverneur des Ghomara, et lui

1. Dans le texte arabe, il faut lire el-merça ou merçaho.

2. A la page 237, ce prince est nommé Abou-Mouça, qui est probable.ment la bonne leçon.

remirent le commandement de la ville. Par suite de ce changement, Er-Rechîd confia l'administration douanière de Ceuta à un natif de Séville, nommé Abou-Ali-Ibn-Khalas, qu'il avait à son service depuis quelque temps et dans lequel il croyait remarquer de grands talents administratifs. Chargé de percevoir les revenus de Ceuta, Ibn-Khalas obtint, plus tard, de son maître, le gouvernement de cette ville; et cela vers l'époque où Youçof-Ibn-el-Amir1 reçutdu mêmesouverain le commandement de la citadelle de Tanger et des navires de transport qui entretenaient la communication entre l'Afrique et l'Espagne.

En l'an 640, lors de la mort d'Er-Rechîd, la plupart des villes espagnoles proclamèrent la souveraineté d'Abou-Zékérïa qui, devenu tout-puissant en Ifrîkïa, venait de soumettre Tlemcen. Ibn-Khalas, ayant alors gagné beaucoup d'argent et de partisans, se tourna aussi vers cet émir et en embrassa le parti. A la nouvelle que le gouverneur de Tanger avait fait porter ses hommages aux souverains de l'Ifrîkïa, les habitants du Casr-Ibn-Abdel-Kerîm s'empressèrent d'imiter son exemple. Alors AbouZékérïa déclara Ibn-Khalas gouverneur de la ville et province de Ceuta. Celui-ci équipa sur-le-champ un navire appelé El-Meimoun (le fortuné), y embarqua son fils El-Cacem, chargé de présents pour la cour de Tunis, et le fit accompagner par Ibrahim-Ibn-Sehl, littérateur distingué. Le Meimoun périt corps et biens en sortant du port. Ibn-Khalas, tout accablé par ce malheur, s'adressa à l'amiral Ibn-el-Ghoreigher et le pria de le prendre à bord, lui et sa famille, et de le transporter à Tunis. Cet officier venait de quitter les parages de Séville et de ramener, à Ceuta, la flotte d'Abou-Zékérïa. S'étant alors embarqué avec les gens de sa maison et ses trésors, Ibn-Khalas profita de la relâche du navire au port d'Oran pour descendre à terre afin de prendre quelque repos, et, après avoir mangé des figues qu'on lui présenta, il fut saisi d'une colique qui l'emporta sur-le-champ Ceci arriva en 646 (1248-9).

Le sultan donna alors le gouvernement de Ceuta à son propre

1. Variante: Amin, qui est probablement la bonne leçon.

cousin, Abou-Yahya, fils d'Abou-Yahya-Zékérïa-es-Chehîd, fils du cheikh Abou-Hafs, et l'y envoya avec Abou-Amr le Sévillien, fils d'Abou-Khaled, auquel il venait d'accorder l'administration des revenus de cette place. Abou-Amr avait était l'ami de Chefaf et l'ennemi d'Ibn-el-Djedd ; aussi, quand Chefaf perdit la vie, il chercha un refuge à Tunis, et ce fut là qu'il obtint d'AbouZékérïa cette charge importante. Depuis lors, aucun événement grave n'eut lieu à Ceuta jusqu'au moment où cette ville tomba au pouvoir d'Ibn-el-Azéfi, ainsi que nous le raconterons plus tard.

LA VILLE D'ALMERIA RECONNAIT LA SOUVERAINETÉ
D'ABOU-ZÉKÉRÏA.

En l'an 635 (1237-8), Mohammed-Ibn-Houd mourut à Almeria, et son vizir, Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-er-Remîmi, s'empara du commandement. Cinq années plus tard, l'usurpateur, se voyant étroitement bloqué par Ibn-el-Ahmer, reconnut Abou-Zékérïa pour son souverain et lui envoya un acte de fidélité. Ceci eut lieu vers l'époque où l'Espagne orientale se plaça sous l'autorité du même prince. Ibn-el-Ahmer continua le blocus d'Almeria jusqu'à l'an [643 (1245-6)], quand il s'en rendit maître, ainsi que nous l'avons dit dans l'histoire de ce chef 1. ErRemîmi quitta alors la ville, avec sa famille et ses trésors, et trouva auprès d'Ibn-Khalas,à Ceuta, l'accueil le plus empressé. Il reçut un logement en dehors de la ville, au milieu des jardins de Ben-Younoch; mais, en retour de l'hospitalité qu'on lui accorda, il complota la perte de son bienfaiteur2. Voyant, ensuite, ses trames découvertes et l'amitié d'Ibn-Khalas changée en méfiance, il profita de l'arrivée de la flotte qui rentrait des parages de Séville pour s'y embarquer. Arrivé à Tunis, il obtint d'Abou

1. La notice des souverains de l'Espagne se trouve dans la partie inédite de l'Histoire universelle d'Ibn-Khaldoun.

2. Ici, dans le texte arabe et les manuscrits, on lit Abi-Khalas ; il faut lire Ibn-Khalas.

Zékéria une position honorable et se fixa dans cette capitale. Il y mourut propriétaire de plusieurs terres et villages et d'un grand nombre de belles maisons qu'il y avait fait construire.

IBN-EL-AHMER RECONNAÎT LA SOUVERAINETÉ D'ABOU-
ZÉKÉRÏA.

Mohammed-Ibn-el-Ahmer se révolta dans Arjona, sa ville natale, contre l'autorité d'Ibn-Houd et parvint ensuite à s'emparer de Jaen, de Cordoue, de Séville et de l'Espagne [musulmane occidentale. Après une longue guerre, un racommodement s'effectua entre ces deux princes, et Ibn-el-Ahmer reconnut la souveraineté de son rival. Plus tard, il se révolta de nouveau et, en l'an 636 (1238-9), à l'époque où Séville et Ceuta se déclarèrent pour Er-Rechîd [l'almohade], il envoya aussi à ce prince un acte de foi et hommage. Tant qu'Er-Rhechîd vécut, Ibn-el-Ahmer lui demeura fidèle; mais, ensuite, voyant qu'Abou-Zékérïa [le hafside] était parvenu à fonder un empire en Ifrîkïa et espérait remporter de grands avantages [sur les Almohades], il fit célébrer la prière publique au nom de cet émir dans toutes les mosquées de ses états, et choisit AbouBekr-Ibn-Aïach, membre du corp des cheikhs à Malaga, pour porter cette nouvelle à Tunis. Abou-Zékérïa reçut cette députation avec un grand plaisir; en la congédiant, il lui remit une forte somme d'argent pour subvenir aux frais de la guerre sainte, et, jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en 647 (1249), il ne cessa d'expédier des subsides à ses sujets espagnols. Ibn-el-Ahmer brisa ensuite les liens qui le retenaient dans la dépendance et parvint à fonder un royaume.

SIDJILMESSA RECONNAÎT L'AUTORITÉ D'ABOU-ZÉKÉRÏA
ET LA RÉPUDIE ENSUITE.

En l'an 640 (1242), lors de la mort d'Er-Rechîd et l'avènement de son frère, Es-Said, un cheikh almohade, nommé Abd-Allah-Ibn-Zékérïa-el-Hezerdji, gouvernait Sidjilmessa

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