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rale et il trouva le martyre sur le champ de bataille. Pour cette raison, ses descendants s'appellent encore aujourd'hui les fils du martyr (Beni-'s-Chehîd). Ils habitent maintenant la ville de Tunis.

En 601 (1204-5), En-Nacer entra en Ifrîkïa sur la nouvelle qu'Ibn-Ghanîa s'était emparé de Tunis, et après avoir repris cette ville, il alla mettre le siège devant El-Mehdïa. Voyant que les Arabes nomades avaient pris les armes pour le combattre et qu'ils s'étaient ralliés autour d'Ibn-Ghanîa afin de bloquer la ville de Cabes, il expédia contre ces brigands une armée almohade commandée par Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, fils du cheikh Abou-Hafs. En 602, ce général attaqua Ibn-Ghanîa à Tadjera, localité des environs de Cabes, et lui tua son frère Djobara et une foule de partisans. Il fit aussi un grand nombre de prisonniers et délivra de captivité le gouverneur de Tunis, le cîd Abou-Zeid, fils de Youçof, fils d'Abd-el-Moumen. Il rejoignit ensuite En-Nacer qui pressait le siège d'El-Mehdïa et contribua, par son arrivée, à la chute de cette place forte. Ce fut là un des services qui portèrent En-Nacer à lui confier le gouvernement de l'Ifrîkïa.

ABOU-MOHAMmed, fils du CHEIKH ABOU-HAFS, EST NOMMÉ GOUVER-
NEUR DE L'IFRÎKÏA.
ORIGINE DE LA DYNASTIE HAFSIDE.

Ibn-Ghanîa et ses partisans venaient d'envahir l'Ifrîkïa, de s'emparer des principales villes de ce pays, d'occuper Tunis à la suite d'un siège et d'en faire prisonnier le gouverneur, le cid Abou-Zeid, quand En-Nacer quitta le Maghreb en 601 (1204-5), comme nous l'avons déjà mentionné, et enleva au chef almoravide toutes ses conquêtes. Après avoir fait investir El-Mehdia, où Ibn-Ghania avait laissé ses fils et ses trésors, il plaça le cheikh Abou-Mohammed à la tête d'une armée et l'envoya contre ce chef qui était parti, avec ses bandes, pour ravager les environs de Cabes. L'officier hafside attaqua les insurgés à Tadjera, localité des environs de Cabes, et leur enleva tout, tentes,

bagages et troupeaux. Dans cette rencontre, il tua beaucoup de monde et fit de nombreux prisonniers. Il délivra alors de leurs mains le cîd Abou-Zeid et rentra triomphant au camp qu'En-Nacer avait établi sous les murs d'El-Mehdïa. La garnison de cette place fut atterrée en voyant arriver Abou-Mohammed avec tant de butin et de captifs, et cédant au désespoir, elle s'empressa de capituler. Cette conquête achevée, En-Nacer repartit pour Tunis où il passa une année entière. Ce fut vers le milieu de l'an 603 (commencement de 1207) qu'il se décida à quitter cette ville. Pendant le séjour qu'il y avait fait, son frère, le cîd Abou-Ishac, qu'il avait chargé de poursuivre les rebelles et de mettre un terme à leurs dévastations, soumit les pays situés derrière Tripoli, châtia les Beni-Demmer, les Matmata et les Nefouça, menaça les territoires de Sort et de Barca et s'avança jusqu'à Soueica-Ibn-Metkoud. Ibn-Ghanîa s'enfuit dans le désert de Barca et, pendant quelque temps, il ne fit plus parler de lui. Le cîd reprit alors la route de Tunis.

En-Nacer, voyant enfin son autorité établie en Ifrîkïa, étendit sur les habitants de ce pays l'abri de sa protection et fit ses préparatifs pour rentrer en Maghreb. Convaincu qu'après son départ, Ibn-Ghanîa ne manquerait pas d'y faire irruption et que cette province ne pourrait jamais recevoir de prompts secours à cause de la distance qui la séparait de Maroc, il sentit la nécessité d'y laisser un homme habile en qualité de lieutenant et de viceroi. Son choix s'arrêta sur Abou-Mohammed, fils du cheikh AbouHafs, officier que la dynastie d'Abd-el-Moumen aurait difficilement négligé, vu la haute position qu'il occupait, ainsi que son père, dans l'empire des Almohades. Il s'était aussi rappelé que la cause de sa famille n'aurait jamais triomphé sans l'appui du cheikh Abou-Hafs, et que son propre père, El-Mansour, l'avait non seulement recommandé, lui et ses frères, à la protection d'Abou-Mohammed, mais qu'il avait toujours chargé ce cheikh de présider à la prière du matin quand il se voyait lui-même empêché de remplir ce devoir. Mu par ces considérations, auxquelles d'autres circonstances venaient d'ajouter un nouveau poids, il fit prévenir Abou-Mohammed de ses intentions et eut ensuite un

entretien avec lui afin de vaincre son hésitation et le décider à accepter la charge importante qu'il lui destinait. Dans cette conférence, Abou-Mohammed pria avec instance d'être dispensé d'une telle mission; mais ayant ensuite reçu la visite de Youçof, fils d'En-Nacer, qui vint le solliciter de la part de son père, il se considéra tellement honoré par cette marque de condescendance qu'il donna son consentement à ce qu'on lui demandait. Il y mit cependant les conditions suivantes : qu'au bout de trois ans, quand il aurait rétabli l'ordre dans l'Ifrîkïa, il lui serait permis de rentrer en Maghreb ; qu'il choisirait lui-même ses officiers parmi les chefs almohades, et qu'il devrait exercer sans contrôle le droit de nommer et de destituer les fonctionnaires publics. Ces conditions ayant été acceptées, on le proclama gouverneur de l'Ifrîkïa et l'on dressa, au milieu des Almohades, l'étendard de son autorité. En-Nacer partit alors pour le Maghreb, et Abou-Mohammed, qui l'avait accompagné jusqu'à Bedja, rentra à Tunis et y tint une séance solennelle en qualité de gouverneur. Cette cérémonie eut lieu dans la citadelle, le samedi 10 Choual 603 (mai 1207). Il prit ainsi en main le haut commandement et choisit pour secrétaire d'état Abou-Abd-Allah-MohammedIbn-Ahmed-Ibn-Nakhîl.

Peu de temps après ces événements, Ibn-Ghanîa reparut dans les environs de Tripoli, rassembla ses amis et partisans, les Arabes soleimides et hilaliens, ainsi que les Douaouida commandés par Mohammed, fils de Masoud-el-Bolt, et reprit le cours de ses brigandages. En l'an 604 (1207-8), Abou-Mohammed marcha contre lui à la tête des troupes almohades, et, soutenu par les Mirdas et les Allac, tribus soleimides de la branche des Beni-Auf qu'il avait attirés dans son parti, il s'avança jusqu'à Chebrou et livra bataille aux insurgés. Dans cette journée, les deux armées déployèrent une grande bravoure; mais, vers le soir, les troupes d'Ibn-Ghanîa reculèrent en désordre. Un riche butin devint la proie des Almohades et de leurs alliés arabes, qui s'étaient tous précipités à la poursuite des fuyards. Ibn-Ghania fut blessé dans ce conflit et courut se réfugier dans le fond du Désert, sa retraite ordinaire. Abou-Mohammed rapporta à Tunis le butin

qu'il venait d'enlever et, dans une dépêche qu'il écrivit à EnNacer pour lui annoncer cette victoire, il demanda la permission de quitter son commandement, ainsi que cela avait été convenu. Le prince lui répondit par des remercîments et lui déclara qu'étant préoccupé de la position des affaires dans le Maghreb, il ne pouvait pas lui donner un successeur, mais qu'il y penserait plus tard. Avec cet écrit, il lui envoya une somme d'argent, des chevaux et des robes pour être distribués aux plus dignes. Il y avait deux cent mille pièces d'or, mille huit cent robes, trois cents. épées, cent chevaux, et beaucoup d'autres objets qu'on lui avait expédiés de Ceuta et de Bougie. Ce don fut accompagné de la promesse d'un autre. La lettre d'envoi portait la date de 605 (1208-9).

Abou-Mohammed resta donc à son poste et eut plusieurs rencontres avec Yahya[-Ibn-Ghanîa] le Maïorcain, ainsi que nous allons le raconter.

DÉFAITE DES ALMOHADES, A TÈHERT.

ABOU-MOHAMMED RÉPARE CET

ÉCHEC ET REPREND LE BUTIN SUR L'ENNEMI.

Échappé de Chebrou, Ibn-Ghanîa prit le parti de se rendre au milieu des tribus zenatiennes de la province de Tlemcen, et il s'y présenta au moment même où le cîd Abou-Amran-Mouça 1, fils de Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, était arrivé de Maroc pour y prendre le commandement. Le nouveau gouverneur venait de sortir de Tlemcen afin de rétablir l'ordre dans le pays des Zenata et faire rentrer leurs impôts et contributions, quand il reçut une dépêche par laquelle le cheikh Abou-Mohammed lui annonçait qu'il s'était mis à la poursuite du chef almoravide et lui recommandait de se tenir sur ses gardes, tout en évitant de risquer un combat. Abou-Amran méprisa ce conseil et se rendit à Tèhert où il fut attaqué à l'improviste par Ibn-Ghanîa. Ses Almohades prirent la fuite, ses alliés zenatiens coururent s'enfermer dans

1. Les manuscrits et le texte imprimé portent, à tort, Ibn-Mouça.

T. II.

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leurs forteresses et il succomba lui-même sur le champ de bataille. La ville de Tèhert fut mise au pillage, et depuis cette époque elle est restée sans habitants. Les vainqueurs reprirent alors la route de l'Ifrîkïa, chargés de butin et traînant à leur suite une foule de prisonniers; mais, ayant été attaqués à....1 par les troupes du cheikh Abou-Mohammed, ils perdirent tout ce qu'ils avaient enlevé. Beaucoup d'Almoravides périrent dans cette rencontre et le reste chercha un refuge dans la province de Tripoli. Nous dirons plus loin ce qui leur arriva.

DÉFAITE DES ARABES ET DES ALMORAVIDES A NEFOUÇA.

Après avoir essuyé une défaite à Chebrou et s'être laissé enlever Tèhert par Abou-Mohammed, Ibn-Ghanîa se réfugia dans la province de Tripoli où il parvint à rallier les débris de l'armée almoravide. L'arrivée de ses alliés arabes et la coopération des Douaouida et de leur chef, Mohammed-Ibn-Masoud, qui avaient toujours été au premier rang dans ses batailles 2, dissipèrent alors tous ses soucis. A la suite d'un conseil dans lequel on décida la reprise des hostilités, ses partisans firent serment de combattre les Almohades, sans fléchir ni reculer, et ses émissaires coururent de tous côtés pour rassembler les Arabes nomades. Une foule de guerriers appartenant à diverses tribus, telles que les Riah, les Zoghb, les Cherid, les Auf, les Debbabetles Nefath vinrent le rejoindre, afin d'envahir l'Ifrîkïa. Voulant prévenir leur dessein, Abou-Mohammed quitta Tunis, l'an 606 (1209-10), et marcha rapidement à leur rencontre. Les deux armées en vinrent aux mains près du Mont-Nefouça et engagèrent le combat avec un archarnement extrême. Pendant que la bataille s'échauffait, Abou-Mohammed fit dresser ses tentes et

1. L'auteur a laissé en blanc le nom de la localité.

2. Dans le texte arabe, il faut lire mewakifihi à la place de mowakefata. On effectue cette correction en supprimant les deux points qui couronnent la dernière lettre du mot.

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