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il s'arrêta chez son fils Temîm, qu'il y avait envoyé quelque temps auparavant. Les Arabes pénétrèrent alors dans la ville de Cairouan et la mirent au pillage.

Pendant le séjour d'El-Moëzz à El-Mehdïa, des insurrections éclatèrent dans les autres villes de son empire: en l'an 451 (1059), Hammou-Ibn-Melil-el-Berghouati se rendit maître de Sfax; les habitants de Souça se constituèrent en république ; Tunis subit la domination d'En-Nacer-Ibn-Alennas-Ibn-Hammad, seigneur de la Calâ, et Abd-el-Hack-Ibn-Khoraçan, le gouverneur qu'il y établit, se déclara indépendant et transmit à ses enfants l'autorité usurpée. El-Moëzz-Ibn-Mohammed-es-Sanhadji, gouverneur de Cabes, reconnut la souveraineté de Mounès-Ibn-Yahya, et Ibrahîm, son frère et successeur, suivit son exemple, ainsi qu'on le verra ci-après. Le royaume de la famille de Badîs s'étant ainsi démembré, plusieurs révoltés s'en partagèrent les débris. Dans une autre partie de cet ouvrage nous raconterons leur histoire.

El-Moëzz mourut [le 5 Châban] 454 (août 1062).

Règne de Temim, fils d'El-Moësz.- La mort d'El-Moëzz plaça son fils Temîm à la tête d'un empire dont il ne resta que les villes fermées de murailles, tout le pays ouvert étant tombé au pouvoir des Arabes. Ce prince employa la seule ressource qui lui restait: il suscita des guerres entre eux, et il aida très adroitement les uns contre les autres.

En l'an 455 (1063), il marcha à la rencontre de Hammou-IbnMelil,seigneur de Sfax, qui s'était mis en campagne pour l'attaquer, et il l'obligea à prendre la fuite. Dans cette guerre, une partie des Arabes seconda Hammou et le reste combattit pour Temîm. S'étant alors emparé de Souça, ce prince envoya son armée contre Tunis et en contraignit le seigneur, Ibn-Khoraçan, à faire sa soumission. [En l'an 460,] à la suite de ces

certains, paraît justifiée, dans le cas actuel, par un passage d'un ancien historien que l'auteur du Baïan cite à propos du même événement. On y lit El-Moëzz donna une de ses filles en mariage à un de ces chefs arabes et contracta ainsi une parenté avec eux.

succès, il dirigea ses troupes contre Cairouan. Cette ville avait
été placée par El-Moëzz sous le commandement de Caïd-Ibn-
Meimoun-es-Sanhadji,lequel se la laissa enlever, [trois années]
plus tard, par les Hoouara, et alla se réfugier dans El-Mehdïa.
Ayant été ensuite rétabli dans le siège de son commandement
par Temîm, il se révolta contre lui au bout de six [ans] et ouvrit
des négociations avec En-Nacer-Ibn-Alennas, seigneur de la
Calâ. Par cette conduite perfide il obligea Temîm à expédier une
armée contre lui, et se trouvant dans l'impossibilité de résister,
il abandonna la ville et se rendit auprès d'En-Nacer. Après avoir
laissé écouler encore six[années], Caïd alla trouver Hammou-Ibn-
Melil-el-Berghouati, seigneur de Sfax, auquel il décida Yabki- Sac
Ibn-Ali, émir des Zoghba, à vendre Cairouan; et, en récompense
de ce service, il reçut de Hammou] le commandement de cette
ville 1. Ce fut en l'an 470 (1077-8) qu'il y rentra et qu'il s'y

fortifia.

Pendant ces événements la guerre continua entre Temîm et EnNacer, seigneur de la Calâ. Les Arabes, ces fauteurs de troubles, entraînaient En-Nacer à faire des incursions dans l'Ifrîkïa et même à prendre des villes; puis il l'obligeaient à revenir sur ses pas et rentrer à la Calâ. Les hostilités durèrent jusqu'à l'an 470, quand En-Nacer fit la paix avec son adversaire et lui donna sa fille en mariage 2.

1. Voici la traduction littérale de ce passage: « Ensuite, après six, il revint auprès Hammou-Ibn-Melîl, et il (qui?) acheta pour lui (qui ?) Cairouan de Yabki-Ibn-Ali, émir des Zoghba, et, en conséquence, il (qui ?) lui en donna le commandement et il s'y fortifia en l'an 70. » Dans le Baïan, la vente de Cairouan est racontée différemment, on y lit: «En l'an 466, ou 467, les Zoghba furent expulsés de l'Ifrîkïa par les Riah et ils (qui ?) vendirent Cairouan à En-Nacer-Ibn-Alennas, le Sanhadjien, seigneur de la Calâ. »

2. Pendant la guerre entre ces deux princes, les Arabes prêtèrent leur appui à Temîm. En l'an 457, En-Nacer, soutenu par les Zenata, essuya une défaite qui lui coûta vingt-quatre mille hommes. Les dépouilles des vaincus servirent à enrichir les Arabes qui, jusqu'alors, avaient vécu misérablement, et Temîm eut le regret d'avoir contribué à fortifier la puissance de ce peuple en affaiblissant celle d'un membre de sa propre famille.

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En 474 (1081-2), Temîm marcha sur Cabes et y assiégea Cadi-Ibn-Mohammed-es-Sanhadji,qui avait succédé au gouvernement de la ville à la mort de son frère Ibrahîm. Ne pouvant réussir dans cette tentative, il décampa, et deux années plus tard, il se vit lui-même bloqué dans El-Mehdïa par les Arabes. Ayant forcé ces bandits à lever le siège,il les poursuivit jusqu'à Cairouan et les en expulsa au moment où ils venaient d'y entrer.

Ce fut sous le règne de Temîm, en l'an 480 (1087-8), que les chrétiens de Gênes envoyèrent trois cents navires et trente mille soldats contre El-Mehdïa. Ces troupes, étant débarquées, occupèrent la ville ainsi que [le faubourg de] Zouîla. Après y avoir tout saccagé, elles la remirent à Temîm moyennant la somme de cent mille pièces d'or.

En l'an 489 (1096), Temîm enleva Cabes à son frère OmarIbn-el-Moëzz auquel les habitants avaient déféré le commandement après la mort de Cadi-Ibn-Ibrahîm '. Quatre années plus tard, il se rendit maître de Sfax. Hammou-Ibn-Melil se rendit alors à Cabes, où il passa le reste de ses jours sous la protection de Megguen-Ibn-Kamel-ed-Dehmani 2.

Depuis l'année 467 (1074-5), les Arabes rîahides avaient chassé de l'Ifrîkïa les Arabes zoghbiens et s'y étaient installés à leur place.

Vers la fin de ce siècle, les Akhder, tribu rìahide, s'emparèrent de la ville de Bèdja.

Temîm mourut dans [le mois de Redjeb] 501 (février-mars 1108).

Règne de Yahya, fils de Temim. - Yahya, fils et successeur de Temîm-Ibn-el-Moëzz,signala son avènement par la réduction d'Iclîbia, forteresse dont le commandant, Ibn-el-Mahfouz, s'était

1. On a vu plus haut que ce personnage n'était pas le fils, mais le frère d'Ibrahîm.

2. A cette époque, Megguen avait obtenu possession de Cabes. Voir ci-après dans la notice des Beni-Djamê. En-Noweiri nous apprend qu'en l'an 491 Temîm s'empara de l'île de Djerba, de celle de Kerkinna et de la ville de Tunis.

déclaré indépendant. Ayant ensuite appris que les habitants de Sfax avaient déposé son fils Abou-'l-Fotouh [-Ali], il parvint à semer la division parmi eux [et les ramena ainsi à l'obéissance]. Il reconnut la souveraineté des Fatemides et reçut de leur khalife des lettres de félicitation et un riche cadeau.

Depuis quelque temps il s'était occupé de la construction d'une flotte afin de pouvoir attaquer les chrétiens; et ayant enfin réuni un grand nombre de navires, il envoya plusieurs expéditions contre les pays de l'ennemi et força les Français, les Génois et les Sardes, populations chrétiennes d'outre-mer, à lui payer tribut. Par ses courses maritimes Yahya s'acquit une grande renommée. Il mourut subitement dans son palais, l'an 509 [dans le mois de Dou-'l-Hiddja] (avril 1116).

Règne d'Ali, fils de Yahya. — A la mort de Yahya, on rappela de Sfax son fils Ali pour lui succéder. Ce prince partit pour la capitale sous l'escorted'Abou-Bekr-Ibn-Djaber-Ibn-Asker et d'autres émirs arabes. Arrivé à El-Edjem, il rallia autour de lui la plus grande partie de l'armée sanhadjite qui faisait le siège de cette forteresse. Son inauguration accomplie, il alla [l'an 510] investir la ville de Tunis et contraignit ainsi le gouverneur, Ahmed-Ibn-Khoraçan, à rentrer dans l'obéissance. Un corps de troupes qu'il plaça sous les ordres de l'émir arabe, Meimoun-IbnZîad-es-Sakhri-el-Moadi, pénétra dans le mont Oucelat et massacra les habitants de cette région qui jusqu'alors avaient toujours résisté à l'autorité de l'empire.

En l'an 511 (1117-8), après avoir reçu l'envoyé du gouvernement égyptien qui lui apporta, de la part du khalife fatemide, les lettres de compliment et les cadeaux d'usage, il prépara une expédition contre Rafê-Ibn-Megguen [-Ibn-Kamel] qui se tenait

1. L'auteur du Baïan raconte que Yahya ful assassiné par deux ou trois de ses frères qu'il avait bannis et qui s'étaient ensuite présentés chez lui déguisés en alchimistes. Comme il désirait beaucoup voir faire la projection et apprendre le mystère du grand œuvre, il entra avec son vizir dans le cabinet où ces hommes travaillaient et leur donna ainsi l'occasion de le tuer à coups de poignard.

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dans la ville de Cabes. Il avait déjà enrôlé pour cet objet les Beni-Fadegh, fraction des Beni-Ali, tribu rîahide, quand une mésintelligence éclata entre lui et Roger, seigneur de la Sicile. Celui-ci avait encouragé Rafê dans sa révolte et lui avait même fourni des navires afin d'opérer des descentes sur le territoire d'Ali-Ibn-Yahya et de lui enlever ses vaisseaux. Ali fut done obligé à en louer d'autres, et il se préparait activement à soutenir la guerre quand la mort vint le surprendre. Il mourut [dans le mois de Rebîa second de] l'an 515 (juillet 1121) 1.

Règne d'El-Hacen, fils d'Ali. - El-Hacen, fils et successeur d'Ali, n'avait que douze ans quand il perdit son père. Sandal, I'[eunuque et ] affranchi,se chargea du poids des affaires et transmit, en mourant, la régence à l'affranchi Mouwaffac.

Ali, le père d'El-Hacen, s'était engagé dans une correspondance avec Roger, et, à l'époque de leur mésintelligence, il l'avait menacé de la colère des Almoravides, souverains du Maghreb, avec lesquels il entretenait aussi une correspondance régulière. Il arriva ensuite qu'en l'an 516 une escadre almoravide, commandée par l'amiral Mohammed-Ibn-Meimoun, opéra une descente sur la côte de la Sicile, et pilla un village dont elle massacra une partie des habitants et emmena le reste en esclavage. Roger fut tellement persuadé que cet acte d'hostilité avait été commis à l'instigation d'El-Hacen qu'il fit partir une flotte pour El-Mehdïa sous les ordres d'Abd-er-Rahman-Ibn-Abd-el-Azîz et de George d'Antioche, fils de Michel. George était un chrétien de l'Orient qui avait émigré [en Afrique] après avoir fait de bonnes études et acquis, à Antioche et dans quelques autres villes de la Syrie, une connaissance parfaite de l'arithmétique et de la langue arabe. Accueilli avec une grande bienveillance par Temim, il gagna toute sa confiance; mais, à la mort de ce prince, il trouva un prétexte

1. En-Noweiri rapporte qu'Ali-Ibn-Yahya fut surpris par la mort au moment où il venait d'équiper une flotte pour combatre le roi Roger. Cet armement se composa de dix vaisseaux de guerre (merakeb harbïa) et trente galères (ghorab) abondamment pourvus d'hommes, de vivres et de naphte (feu grégeois).

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