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tylifère. Les Sanhadja occupent les cimes de cette chaîne de montagnes et la région qui s'étend, vers le sud-est, depuis le défilé dont nous venons de parler, jusqu'à Akircilouîn et qui se dirige, de là, vers l'occident, en traversant le Derâ et le Sous-elAcsa, province dont ils possèdent les campagnes et plusieurs villes telles que Taroudant et Ifrî-an-Founan.

Toute cette population porte le nom de Zanaga, mot que l'on peut retrouver dans Sanhadja, si l'on y supprime l'h et que l'on donne à l's une nuance du son du z et au dj le son du k guttural, ou, plutôt, de la lettre qui tient le milieu entre le k et le dj, lettre dont la prononciation est bien connue1.

Les Zanaga se distinguent des autres peuples du Maghreb par leur nombre, leur bravoure et leur esprit d'indépendance. Leur tribu la plus puissante habite la montagne qui domine Tedla et prend ses chefs dans la famille d'Amran-ez-Zanagui. Assez forte pour résister à l'autorité du sultan, elle sait se défendre contre l'oppression et éviter l'humiliation de payer l'impôt. A côté d'elle se trouvent quelques peuplades djanatiennes [zenatiennes] dont les unes s'adonnent à la vie nomade et habitent des chaumières construites de broussailles. Ces nomades fréquentent avec leurs troupeaux les endroits qui ont été arrosés par les pluies, et, dans ce but, ils parcourent la région qui s'étend depuis Tîghanîmîn, au sud de Miknaça [Mequinez], jusqu'à l'Omm-Rebiâ, fleuve qui coule dans la province de Temsna, au nord de l'Atlas. Ils choisissent leurs chefs parmi les Aulad-Hîri, une de leurs principales familles; et, étant obligés à payer l'impôt, ils ont à subir bien des humiliations.

Auprès d'eux, et dans la plaine située entre l'Omm-Rebiâ et la ville de Maroc, se trouvent les tribus dokkaliennes; puis, du côté de l'occident, sur le bord de l'Océan et auprès d'Azemmor, on rencontre une tribu remarquable par son nombre, que l'on compte parmi les peuples masmoudiens à cause de la localité. qu'elle occupe, des habitudes qui la distinguent, de la manière dont elle s'administre et de l'impôt qu'elle doit payer. Cette tribu

1. Cette lettre est le g dur, comme dans garant, garde.

obéit aux descendants d'Azîz-Ibn-Ibourk, chef qui la gouvernait dans les premiers temps de la dynastie mérinide et duquel nous parlerons ailleurs. Sa postérité est connue sous le nom de BeniBattan.

On trouve dans les montagnes de Tèza et dans la contrée qui se prolonge de là jusqu'aux montagnes de Lokaï, quelques autres tribus sanhadjiennes, telles que les Botouïa, les Madjaça 1, les Beni-Quartîn et les Lokaï, peuple dont ces montagnes ont pris le nom. Ils paient tous l'impôt, mais c'est plutôt par condescendance que par nécessité.

Les Botouïa se partagent en trois branches, savoir : les Bacouïa de Tèza, les Beni-Ourîagol d'El-Mezemma, et les AuladMahalli de Tafercît. Ceux-ci se sont alliés par un mariage à la famille royale mérinide. La mère de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack leur appartenait par la naissance et, pour cette raison, plusieurs de ses parents furent admis au service de l'état. On verra, dans l'histoire des Mérinides, que Talha et Omar, fils de Mohalli, remplirent les fonctions de vizir auprès de ce monarque.

Dans la partie du Maghreb qui sépare la chaîne de l'Atlas de celle du Rîf, pays qui borde la Méditerranée et qui est habité par les Ghomara, on trouve quelques tribus sanhadjiennes établies sur les collines, dans les vallées et dans les plaines. Elles habitent des maisons bâties avec des pierres et de la terre. Parmi elles, on remarque les Fichtala, les Mechta, les Beni-Ourîagol, les Beni-Hamîd, les Beni-Mezguelda, les Beni-Amran, les BeniDerkoul, les Beni-Ourtezzer, les Melouana et les Beni-ou-Amoud. Toutes ces peuplades habitent les territoires de Ouergha et d'Amergou. Elles s'appliquent à l'agriculture et à confectionner des habits, circonstance qui leur a mérité le nom des Sanhadja-tel-Bezz (les Sanhadja drapiers). On les compte au nombre des tribus soumises à l'impôt. Elles se tiennent dans le voisinage des montagnes occupées par les Ghomara, et, de nos jours, elles se servent généralement de la langue arabe.

1. Il faut peut-être lire Medjekeça.

2. Variante: Quaztin.

A côté d'elles et tout près des mêmes montagnes, s'élève le Djebel-Cerîf, demeure des Beni-Mân et des Beni-ou-Zeroual, autres populations sanhadjiennes. Ces deux tribus n'exercent aucun métier pour vivre, et, à cause des montagnes inaccessibles qu'elles occupent, on les appelle Sanhadja-t-el-Ezz (Sanhadja hautains). Quant à ceux que nous avons dit habiter près d'Azemmor, on leur a donné le sobriquet de Sanhadja-t-ez-Zezz (Sanhadja aux soufflets), à cause des humiliations et des avanies qu'ils ont à subir.

Parmi les prétentions émises par les Berbères, on peut remarquer celle des Beni-Ournîd qui se donnent pour des Sanhadjiens.

Les Beni-Iznacen sont frères des Botouïa. Iznacen est une altération d'adjenacen, mot qui signifie assieds-toi par terre1.

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Les Masmouda, enfants de Masmoud, fils de Bernès, fils de Berr, forment la plus nombreuse des tribus berbères. Parmi les branches de cette grande famille, on remarque les Berghouata, les Ghomara et les peuples de l'Atlas. Pendant une longue série de siècles, les Masmouda ont habité le Maghreb-el-Acsa. Lors de l'introduction de l'islamisme et inême un peu auparavant, les Berghouata tenaient le premier rang parmi ces tribus ; mais, ensuite, la prééminence passa aux Masmouda de l'Atlas, lesquels la conservent encore. Les Berghouata fondèrent un empire lors de leur puissance, et les populations de l'Atlas en fondèrent un autre, ou, pour mieux dire, plusieurs empires, ainsi que cela se verra plus loin.

Maintenant nous allons indiquer les diverses branches dont se composent les Masmouda et traiter des dynasties qui s'élevèrent

1. Cette dérivation ne vaut rien. En berbère, assieds-toi se dit ghim. 2. Voir t. I, pp. 168-169.

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parmi eux. Dans ce récit, nous reproduirons les divers renseignements que nous sommes parvenu à rassembler.

HISTOIRE DES BERGHOUATA ET DE LEUR EMPIRE.

Les Berghouata [ou Béreghwata]', la plus ancienne nation de la race masmoudienne, se firent remarquer, dans les premiers temps de l'islamisme, par leur nombre et leur puissance. Ils étaient partagés en plusieurs fractions qui se distinguaient des autres tribus masmoudiennes par la localité où ils avaient pris leur séjour. En effet, ils habitaient les plaines du Temsna et cette partie du littoral qui s'étend depuis Salé et Azemmor jusqu'à Anfa et Asfi. Vers le commencement du second siècle de l'hégire, ils avaient pour chef un nommé Tarîf-Abou-Saleh qui, de même que Mâzouz-Ibn-Talout, avait occupé un haut commandement dans l'armée de Meicera-el-Hakîr le matgharien, célèbre partisan des doctrines sofrites. Lors de la chute de Meicera et la ruine de son parti, Tarîf resta dans le Temsna et y soutint encore la cause de ces sectaires. L'on rapporte même qu'il se donna pour prophète et qu'il promulgua un code de lois à l'usage de son peuple.

Après sa mort, le commandement passa à son fils Saleh lequel l'avait accompagné dans les expéditions de Meicera. Saleh s'était d'abord fait remarquer par son savoir et sa vertu; mais, ensuite, il rejeta le Coran, s'arrogea le caractère de prophète et enseigna à son peuple ce système religieux auquel, après sa mort, ils montrèrent tant d'attachement.

On connaît, par les écrits des historiens, la nature des doctrines qu'il essaya de propager. Ayant assuré ses compatriotes

1. Peut-être devons-nous regarder les Berghouata comme le même peuple qu'une inscription publiée par Orelli et une autre découverte à Ténès nomment Baquates. Voir p. 176 de la Description de l'Afrique ancienne par d'Avezac, dans l'Univers pittoresque.

2. Voir t. I, pp. 216, 237, 360.

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qu'il avait reçu un coran, il leur en récita quelques sourates (chapitres). Tel chapitre de ce livre s'appelait sourate du coq; tel autre, sourate du chameau; il y avait aussi les sourates de l'éléphant, d'Adam, de Noé et de plusieurs des prophètes, celle de Harout et Marout1, celle d'Iblis [Satan] et celle des merveilles du monde. Au dire de ces sectaires, leur coran renfermait la science par excellence. L'auteur y défendait certaines choses et en autorisait d'autres; il y parlait, tantôt en législateur et tantôt en historien. Son peuple lisait des portions de ce livre aux heures de la prière et en désignait l'auteur par le nom de Saleh-elMoumenîn 2.

Nous donnons ces renseignements sur l'autorité d'El-Bekri3 qui les tenait lui même de Zemmor-Ibn-Saleh-Ibn-Hachem-IbnOuerrad. Zemmor avait été envoyé en mission auprès d'ElHakem-el-Mostancer, khalife de Cordoue, en l'an 352 (963), par Abou-Eïça-Ibn-Abi-'l-Ansar, roi des Berghouata.

Voici [en abrégé] le récit qu'il fit de vive voix [en langue berbère et qui fut interprété, en entier, par Daouerd1Ibn-Omar-el-Mestaci. « Saleh se mit en avant pour la première » fois sous le khalifat de Hicham-Ibn-Abd-el-Melek, l'an 127 (744-5) de l'hégire. Quelques gens prétendent qu'il fit son

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1. Harout et Marout, anges déchus, furent enfermés dans un puits à Babel où ils sont encore et où ils enseignent la magie aux amateurs de cet art. Avant de commencer leurs leçons, ils adressent aux élèves ces paroles d'avertissement : Nous ne sommes que des tentateurs. - Voir le Coran, sourate 11, verset 96, et la note de la traduction anglaise.

2. Dans le Coran, sourate LXVI, verset 4, nous lisons que le Seigneur est le protecteur du Prophète auquel l'ange Gabriel et le vertueux parmi les croyants (saleh-el-moumenin) et les anges prêteront aussi leur appui. Les Berghouata, ne sachant l'arabe qu'imparfaitement, prirent les mots saleh-el-moumenin pour le nom d'un individu.

3. Voir Notices et Extraits, t. XII, p. 578 et suiv. Ibn-Khaldoun abrège les renseignements d'El-Bekri, mais il en ajoute d'autres.

4. Variantes Dawoud, Dzeloud.

5. Il y a ici une erreur de date: le khalife Hicham-Ibn-Abd-el-Melek mourut en l'an 125 (743). Merouan-Ibn-Mohammed, dernier khalife des Oméïades de l'Orient, monta sur le trône vers l'époque indiquée dans le récit qu'Ibn-Khaldoun reproduit ici.

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