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Said, on trouve les Berbera, peuple dont Emro-'l-Caïs fait mention dans ses vers 2. De nos jours, l'islamisme est très répandu chez eux. Ils possèdent Macdichou, ville située sur l'Océan indien et habitée par des commerçants musulmans. Au sud-ouest [des Berbera]se trouvent les Demdem, peuple sauvage qui va sans chaussures et sans habits. Ceux-ci, ajoute Ibn-Saîd, envahirent l'Abyssinie et la Nubie à l'époque où les Tartares pénétrèrent en Irac 3, et, après avoir dévasté ces contrées, ils rentrèrent dans leur pays. A côté d'eux, se tiennent les Abyssins, la plus puissante des nations nègres ; ils habitent le bord occidental de la mer Rouge], dans le voisinage du Yémen. Ce fut de leur pays que partit l'expédition qui, du temps de Dou-Nouas, traversa la mer pour s'emparer du Yémen. Kâber était autrefois la capitale de leur royaume. Ils professaient alors le christianisme, mais le Sahih nous apprend qu'à l'époque même de l'hégire, un de leurs [rois] embrassa l'islamisme. Ils sont retournés depuis à leur ancienne croyance et s'attendent à obtenir possession du Yémen lors de la consommation des siècles. Celui d'entre eux qui, du temps du prophète, se fit musulman, et qui, un peu avant l'hégire, accorda sa protection aux réfugiés qui profes

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fils d'Abou-Taleb et gendre de Mahomet. L'histoire de cette insurrection occupe une place marquante dans les annales de l'islamisme. Ibnel-Athîr en parle très longuement, ainsi que les autres historiens du khalifat.

1. Les extraits d'Ibn-Said qui se trouvent dans ce chapitre ont été revus et vérifiés sur le manuscrit de la Géographie de cet auteur, volume appartenant à la Bibliothèque impériale.

2. Ce poète n'en parle qu'une seule fois ; il dit dans un de ses poèmes : << Des chevaux aux queues écourtées, habitués aux marches de nuit, « chevaux des Berbera. » Voir le Diwan d'Amr'olkais, texte arabe, p. 27, l. 13.

3. L'invasion dont il s'agit fut celle de Gengiskan (Tchinguiz-Khan), en l'an 617 (1220).

4. Consultez sur cette expédition, l'Essai de M. C. de Perceval.

5. Le recueil dans lequel El-Bokhari a réuni les traditions relatives à Mahomet porte le titre de Sahîh (authentique).

saient la vraie religion, fut le même sur lequel le Prophète, ayant appris sa mort, invoqua la bénédiction divine. Il s'appelait Nedjachi, nom qui, dans leur langue, se prononce Angach et que les Arabes ont altéré selon leur habitude quand ils adoptent un mot étranger. Ce terme ne sert pas à désigner le souverain régnant, quoi qu'en disent certaines gens nullement familiarisées avec la matière; si la chose en était ainsi, l'usage en serait maintenu jusqu'à nos jours, puisque l'Abyssinie a toujours formé un royaume indépendant1. L'on désigne le roi qui le gouverne actuellement par le titre d'El-Hatti, mais j'ignore si c'est là son véritable nom où celui de la famille royale 2.

A l'occident des états de ce roi est située la ville de Damout. Un grand chef y régnait autrefois et possédait un puissant empire. Au nord des mêmes [états] se trouvait un autre roi appartenant à la même race et appelé Hack-ed-Dîn-Ibn-MohammedIbn-Ali-Ibn-Oulasmâ. Il habitait la ville d'Oufat 3 et tirait son origine d'une famille qui avait embrassé l'islamisme à une époque que nous ne saurions désigner. Comme son aïeul Oulasmâ avait reconnu l'autorité du roi de Damout, El-Hatti en fut offensé et lui enleva son royaume. La guerre ayant traîné en longueur, la puissance d'El-Hatti s'affaiblit, et les fils d'Oulasmâ parvinrent à recouvrer leurs états. Il s'emparèrent aussi d'Oufat et ruinèrent cette ville de fond en comble. Nous avons entendu dire qu'à la mort de Hack-ed-Dîn, son frère Sâd-ed-Dîn lui succéda. Cette famille professe la religion musulmane; tantôt elle reconnaît l'autorité d'El-Hatti et tantôt elle la repousse.

1. En langue éthiopienne nigouça signifie roi. Nigouça nagast, l'un des titres des rois abyssins, signifie roi des rois.

2. D'après la petite histoire des rois chrétiens de l'Abyssinie, composée par El-Makrizi et dont M. Noël des Vergers a donné plusieurs extraits dans sa notice sur l'Abyssinie (Univers pittoresque), le titre d'El-Hatti fut porté par les rois de ce pays. Ce mot signifie le souverain.

3. Ou Wefat. Voir la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, t. I, p. 457, et la Géographie d'Abou-'l-Feda, traduite par M. Reinaud, t. 1, p. 229.

Après eux, dit Ibn-Saîd, viennent les Bédja, peuple partie chrétien, partie musulman, qui possède l'île de Souaken dans la mer de Suez.

Ensuite on trouve les Nubiens, peuple frère des Zendj et des. Abyssins. Ils possèdent, sur la rive gauche du Nil, une ville appelée Dongola. La plupart des Nubiens professent le christianisme. Ils sont voisins de l'Egypte, et c'est de chez eux que ce tire ses esclaves.

royaume

« A côté d'eux sont les Zaghaoua [les Darfour], peuple musulman dont une des tribus se nomme Tadjera 1. Ensuite viennent les Kanem, population fort nombreuse chez qui l'islamisme prédomine. Leur ville principale s'appelle Djîmi 2 et leur domination s'étend sur les contrées du Désert jusqu'au Fezzan. Depuis l'établissement de la dynastie hafside, ils ont entretenu avec elle des relations amicales.

Immédiatement à l'occident des Kanem se trouvent les Kaokao; ensuite viennent les Nacara, les Tekrour, les Lemi, les Nemnem, les Djabi 3, les Kouri [ou Koura] et les Ankerar 4. Ces derniers sont tout à fait à l'Occident et habitent le pays situé entre l'Atlantique et Ghana 3. — Terminons ici nos extraits d'Ibn-Saîd.

Lors de la conquête de l'Afrique septentrionale [par les musulmans] 6, quelques marchands pénétrèrent dans la partie occidentale du pays des Noirs et ne trouvèrent chez eux aucun roi plus puissant que celui de Ghana. Ses états se prolongeaient vers l'Occident jusqu'au bord de l'Atlantique. Ghana, la capitale de

1. Ou Tadjoua. Voir l'ouvrage de M. Reinaud cité dans la note précédente, t. I, p. 224, note.

2. Variantes: Khebmi, Himi, Djebmi.

3. Variante: Hani.

4. Variante: Aiguezar.

5. Ghana paraît avoir occupé l'emplacement de Kabra, près de Tenboktou.

6. Dans le Negroland of the Arabs de M. Cooley se trouve une traduction anglaise de la suite de ce chapitre.

cette nation forte et nombreuse, se composait de deux villes séparées par le Nil [le Niger] et formait une des plus grandes cités du monde et des mieux peuplées. L'auteur du Livre de Roger1 en fait une mention spéciale ainsi que l'auteurdes Routes et Royaumes 2. L'on rapporte que, du côté de l'Orient, les Ghana avaient pour voisins les Sousou, ou Ceuceu.

Aprèseux, on trouve successivement les Melli, les Kaokao ou Kaghou, et les Tekrour. En l'an 796 (1393-4), le cheikh Othman, muftides habitants de Ghana et leur personnage le plus distingué par le savoir, la piété et la haute renommée, vint en Egypte avec sa famille dans l'intention de faire le pèlerinage. Ce savant docteur m'apprit alors qu'on donnait aux Tekrour le nom de Zeghaï et aux Melli le nom d'Ankarïa.

Le royaume de Ghana était tombé dans le dernier affaiblissement vers l'époque où l'empire des porteurs du litham [les Almoravides] commençait à devenir puissant; aussi, ce dernier peuple, qui habitait immédiatement au nord des Ghana, du côté du pays des Berbères, étendit sa domination sur les Noirs, dévasta leur territoire et pilla leurs propriétés. Les ayant alors soumis à la capitation, il leur imposa un tribut et porta un grand nombre d'entre eux à embrasser l'islamisme. L'autorité des souverains de Ghana s'étant anéantie, leurs voisins, les Sousou, subjuguèrent ce pays et réduisirent les habitants en esclavage.

Plus tard la population de Melli prit un tel accroissement qu'elle se rendit maîtresse de toute cette région et subjugua les Noirs des contrées voisines. Ayant vaincu les Sousou, elle occupa tous les états qui formaient cet ancien royaume et étendit sa domination sur le royaume de Ghana jusqu'à l'Océan atlantique, du côté de l'Occident. Ils professaient l'islamisme, et l'on dit que le premier d'entre eux qui embrassa cette religion fut un roi appelé Bermendana. C'est ainsi que le cheikh Othman pro

1. Voir t. I, p. 186, note.

2. En arabe, El-Meçalek ou el-Memalek. C'est la Géographie d'AbouObeid-el-Bekri.

nonçait son nom. Bermendana fit le pèlerinage de la Mecque, et.
les rois ses successeurs imitèrent son exemple. Le plus puissant
de ces monarques fut celui qui soumit les Sousou, occupa leurs
villes et leur enleva l'autorité souveraine. Il se nommait Mari-
Djata. Chez eux, le mot mari veut dire émir descendu d'un
sultan; djata signifie lion, et teguen, petit-fils 1. Ce roi, dont
nous n'avons pas appris la généalogie, régna vingt-cinq ans,
à ce qu'on nous a rapporté. Son fils Mença-Ouéli lui succéda.
Mença, dans leur langage, veut dire sultan et Ouéli est l'équiva-
lent d'Ali. Mença-Ouéli était un de leurs plus grand rois. Il fit.
le pèlerinage pendant le règne d'Eb-Daher-Bibers [le sultan
mamlouk]. De son frère et successeur Ouati, l'autorité passa à
un troisième frère nommé Khalîfa, lequel était faible d'esprit
et ne s'occupait qu'à tirer de l'arc. Comme il avait l'habitude de
lancer des flèches sur les passants et de les tuer de gaité de
cœur, le peuple se souleva contre lui et le mit à mort. Abou-
Bekr, fils de la fille de Mari-Djata, succéda à l'empire. On le
choisit pour roi d'après le principe des nations barbares qui
mettent la sœur du [monarque décédé] ou le fils de sa sœur en
possession [du trône]. Nous n'avons pas appris la généalogie
paternelle de ce prince.

A sa mort, un affranchi de la famille royale, nommé Sakoura, s'empara du pouvoir. Le cheikh Othman nous apprit que, dans leur langue, ce nom se prononce Sebkera. L'usurpateur fit le pèlerinage sous le règne d'El-Mélek-en-Nacer et fut tué à Tadjora pendant qu'il était en route pour rentrer dans ses états. Le royaume de Melli prit un grand accroissement sous l'administration de ce souverain, et les peuples voisins furent subjugués par ses armées. Il s'empara aussi de la ville de Kaokao. Ses possessions s'étendaient depuis l'Atlantique et Ghana, du côté de l'Occident, jusqu'au pays de Tekrour, du côté de l'Orient. Le royaume de Melli devint alors redoutable aux autres peuples nègres et acquit une telle importance que les marchands du Maghreb et de l'Ifrîkïa allèrent y faire le commerce. El-Haddj-Younos, inter

1. « Ces mots appartiennent à la langue mandingue.

(Cooley).

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