Images de page
PDF
ePub

Jbn

Ghania

still

S.

Le gouvernement de l'Ifrîkïa passa alors au cîd Abou-'l-OlaIdrîs, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-el-Moumen ; mais quelques auteurs déclarent qu'Idrîs parvint à ce poste un peu avant la mort d'Abou-Mohammed. Quoi qu'il en soit, ce changement ralluma l'amour d'Ibn-Ghanîa pour le désordre et le porta à commencer une nouvelle carrière de révolte et de dévastation, quand Abou-l-Ola se mit en campagne pour le combattre.

Arrivé à Cabes, le cîd Abou-'l-Ola s'installa dans le Casr-elAroucïîn, d'où il envoya du côté de Derdj et de Ghadams un corps almohade sous les ordres de son fils, le cîd Abou-Zeid. Un autre corps partit en même temps pour Oueddan, afin d'y bloquer le chef almoravide. Pendant que le cîd Abou-'l-Ola songeait au moyen de châtier les Arabes qui s'étaient révoltés, AbouZeid chassa Ibn-Ghanîa depuis Oueddan jusqu'au Zab et le força à se réfugier dans Biskera. Il emporta même cette ville d'assaut, mais son adversaire parvint à lui échapper et à réunir un nouveau corps d'armée composé d'Arabes et de Berbères. Il continua, toutefois, la poursuite et, en l'an 621 (1224), les Almohades et les Hoouara, ses alliés, atteignirent les troupes d'Ibn-Ghanîa aux environs de Tunis. Des deux côtés l'on se mit en ordre de bataille, et le combat s'engagea vigoureusement; mais les Almohades mirent encore les partisans d'Ibn-Ghanîa en déroute, tuèrent un grand nombre d'Almoravides et firent un énorme butin. Dans cette bataille, les Hoouara, sous la conduite de leur chef Hannach-Ibn-Bâra-Ibn-Ounîfen, se couvrirent de gloire.

Le cîd Abou-Zeid, ayant appris, à la suite de cette victoire, que son père venait de mourir à Tunis, reprit le chemin de cette ville, et quelques temps après] les Hafsides obtinrent encore le gouvernement de l'Ifrîkïa. L'émir Abou-Zékérïa enleva ensuite l'autorité à son frère Abou-Mohammed-Abd-Allah et finit par détacher cette province de l'empire régi par les descendants d'Abd-el-Moumen. Ce chef fut l'ancêtre des khalifes hafsides et lefondateur de leur puissance en Ifrîkïa. Il défendit ce pays avec succès contre Ibn-Ghanîa, le poursuivant partout où il osa se présenter et délivrant peu à peu les habitants et les cultivateurs de l'oppression qui les accablait.

Quant à Ibn-Ghanîa, il s'enfonça dans le Désert avec ses Arabes et continua à y mener une vie vagabonde : tantôt il se dirigea vers l'occident, jusqu'aux environs de Sidjilmessa, et tantôt il poussa jusqu'à la grande Acaba 1, sur la frontière de l'Égypte. Dans une de ces courses, il enleva Soueica, lieu des environs de Barca, à Ibn-Metkoud 2, et, dans une autre, il attaqua les Maghraoua à Ouédjer, entre Metîdja et Milîana, tua leur émir Mendil-Ibn-Abd-er-Rahman, et mit son cadavre en croix sur les murs d'Alger. Il avait l'habitude de prendre des troupes à sa solde et de les laisser partir sans obstacle quand elles étaient fatiguées du service. Il mourut en 631 (1233-4) ou en 633, après avoir régné cinquante ans. On cacha le lieu de son tombeau que les uns disent être à Redjouan, vallée au midi de Laribus, et que les autres placent sur le bord du Chelif, dans le voisinage de Milîana. D'autres encore assurent qu'il fut enterré dans le Sahra de Badîs et de Tennouma, désert de la province du Zab. Avec lui succomba l'empire que les Messoufa et les Lemtouna, tribus almoravides, avaient fondé en Ifrîkïa, en Maghreb et en Espagne, et, avec la chute de sa puissance, la domination de la race sanhadjienne disparut de la terre..

Il mourut sans postérité masculine, et telle fut sa confiance dans la générosité de l'émir Abou-Zékérïa, qu`il recommanda, dit-on, ses filles aux soins de ce prince. Saber, son esclave européen, les conduisit auprès d'Abou-Zékérïa qui, en effet, leur accorda sa protection et bâtit, dans la capitale de son empire, un palais pour les loger. Cet édifice porte encore le nom de Casrel-Benat (château des filles). Elles passèrent le reste de leurs jours dans le célibat, pour se conformer à la dernière volonté de leur père, et elles jouirent d'une forte pension qu'Abou-Zékérïa leur avait accordée. L'on raconte qu'un de leurs cousins ayant exprimé le désir d'en avoir une pour femme, Abou-Zékérïa en

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

1. Voir t. I, 8, note.

2. Le texte arabe imprimé et les manuscrits portent ici Medkour. Soueica est situé près du cap Mesrata, tout à fait en dehors du territoire de Barca.

fit part à la jeune personne, en déclarant qu'il regardait une telle alliance comme fort convenable, puisqu'un cousin a plus de droits à la main de sa cousine que tout autre, et qu'elle lui répondit : «< S'il était réellement notre cousin, nous ne serions pas » réduites à vivre aux dépens d'autrui. » Elles moururent à un âge fort avancé, sans avoir jamais voulu se marier. Mon père m'a raconté que, dans sa jeunesse, vers l'an 710 (1310-11), il avait vu une de ces dames qui était alors dans sa quatre-vingtdixième année. « De toutes les femmes du monde, me dit-il, >> c'était la plus noble de caractère, la plus généreuse de cœur, » la plus vertueuse de conduite. »

Les tribus porteurs du litham existent encore de nos jours dans les contrées où elles s'adonnaient autrefois à la vie nomade. Leur territoire avoisine le pays des Noirs et le sépare de la région sablonneuse qui touche aux deux Maghrebs et à l'Ifrîkïa, pays qu'habitent les Berbères. On rencontre les peuples à litham depuis l'Océan atlantique jusqu'aux bords du Nil de l'Orient. La fraction de cette race qui fonda un empire en Espagne et en Afrique et qui se composa d'une faible portion des Messoufa et des Lemtouna, a péri de la manière que nous avons décrite : épuisée à force de dominer, consumée dans de lointaines expéditions et ruinée par le luxe, elle disparut enfin, exterminée par les Almohades.

Quant à ceux qui restèrent dans le Désert, rien ne se changea dans leur manière d'être et, jusqu'à ce jour, ils restent divisés et désunis à cause de la diversité de leurs sentiments et de leurs intérêts. Soumis à l'autorité du roi des Noirs (Mélek-es-Soudan), ils lui paient l'impôt (kharadj) et fournissent des contingents à ses armées.

Ils forment une espèce de cordon sur la frontière du pays des Noirs, cordon qui s'étend vers l'Orient parallèlement à celui que forment les Arabes sur la frontière des deux Maghrebs et de l'Ifrîkïa. Les Guedala, une de leurs tribus, se trouvent en face des Doui-Hassan,branche de la tribu arabe des Makil qui habite le Sous-el-Acsa ; les Lemtouna et les Ounzîga [ou Outrîga] ont devant eux les Doui-Mansour et les Doui-Obeid-Allah, Makiliens

du Maghreb-el-Acsa; les Messoufa sont vis-à-vis des Zoghba, tribu arabe du Maghreb central; les Lamta se trouvent en face des Rîah, tribu arabe qui occupe le Zab et [les campagnes de] Bougie et de Constantine, et, enfin, les Targa (Touareg) se tiennent vis-à-vis des Soleim, tribu arabe de l'Ifrîkïa.

L'éducation des chameaux forme leur principale occupation, ces animaux fournissant à leur subsistance et servant aussi à les porter, eux et leurs bagages. On ne trouve que très peu de chevaux chez eux, mais ils ont pour monture une espèce de chameau très actif qu'ils appellent nodjob 1. Quand une guerre éclate entre ces peuples, ils combattent montés sur des chameaux. L'allure des nodjob est un amble qui approche du galop. Les Arabes du Désert, et surtout les Beni-Saîd, peuplade t

nomade qui fait partie de la tribu des Rîah, envahissent de temps à autre les contrées appartenant aux porteurs du litham et s'en retournent au plus vite, après avoir pillé tout ce qui se trouve sur leur passage. Alors l'alarme se répand dans les campements, l'on monte ses chameaux, l'on court occuper les endroits où les ravisseurs doivent s'arrêter pour prendre de l'eau, et, presque toujours, on les atteint avant qu'ils puissent rentrer chez eux. Il s'ensuit un combat acharné, et les Arabes n'emportent leur butin qu'à grand'peine et après avoir perdu plusieurs de leurs camarades.

Puisque nous avons fait mention des rois des Noirs, nous parlerons maintenant de ceux dont les états touchent, de nos jours, au royaume du Maghreb.

HISTOIRE DES ROIS DES PEUPLES NÈGRES [SOUDAN].

Cette portion de l'espèce humaine qui se compose des peuples nègres a pour demeure les contrées du deuxième climat et du premier, ainsi que les régions qui s'étendent au delà du premier

1. Nodjob est le pluriel de nedjîb. Ce mot signifie un chameau de belle race, un chameau mehari. Voir ci-devant, p. 70, n. 2.

[ocr errors]

Avit

[ocr errors]

climat jusqu'à l'extrémité de la partie habitable du globe. Ils occupent ces territoires dans toute leur longueur, depuis l'Occident jusqu'à l'Orient, de sorte que leur pays avoisine successivement le Maghreb des Berbères, l'Ifrîkïa, le Yémen, le Hidjaz (province qui marque le milieu de cette ligne), Basra et les régions de l'Inde 1.

L'espèce nègre se partage en plusieurs races, tribus et ramifications dont les mieux connues, en Orient, sont les Zendj [natifs de Zanguebar, les Abyssins (El-Habacha) et les Nubiens (Nouba). Quant à celles qui habitent l'Occident, nous en parlerons plus loin. On fait remonter leur origine à Chain, fils de Noé, en donnant pour aïeul aux Abyssins un nommé Habach, fils de Kouch, (Chus), fils de Ham (Cham), et aux Nubiens un nommé Nouba, fils de Couch, fils de Canaan, fils de Ham. Telle est leur généalogie selon El-Masoudi, mais Ibn-Abd-el-Berr2 dit que les Nubiens descendent de Nouba, fils de Cout, fils de Yansor, fils de Ham. Quant aux Zendj, ils seraient les enfants de Zendji, fils de Couch. « Tous les autres noirs, dit Ibn-Abd-el-Berr, ont pour ancêtre >> Cout, fils de Ham. » Ce Cout est le même que d'autres généalogistes appellent Copte (Coft), fils de Ham.

Ibn-Saîd fait l'énumération de dix-neuf peuples ou tribus dont se compose la race noire; ainsi, du côté de l'Orient, surla mer Indienne, on trouve les Zendj, nation qui possède la ville de Monbeça (Mombaça) et pratique l'idolâtrie. Ce furent des esclaves tirés de cette contrée qui, sous la conduite d'un prétendant, vainquirent leurs maîtres à Basra, pendant qu'El-Motamed occupait le trône du khalifat 3. A côté des Zendj, dit Ibn

1. Les anciens géographes grecs et arabes s'imaginaient que le continent de l'Afrique se prolongeait vers l'est pour former la limite méridionale de la mer indienne et de la mer de la Chine.

2. Voir t. I, p. 174.

3. La révolte des Zendj éclata en 252 (866), quatre ans avant l'avènement d'El-Motamed; mais ce fut sous son règne qu'eut lieu la prise de Basra. Ces Zendj étaient établis dans le territoire des sibkha ou marais salés, vis-à-vis de Basra. Ils eurent pour but ostensible, en prenant les armes, de mettre sur le trône du khalifat un soi-disant descendant d'Ali,

« PrécédentContinuer »