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des plats d'or sur des plateaux d'argent1; chaque plateau, chargé de quatre plats, était porté par quatre jeunes esclaves. Quatre 2 convives se mirent à chaque table, et lorsqu'ils eurent fini de manger et qu'ils allaient s'en retourner chez eux, leur hôte envoya après eux la table, les plats et les esclaves qui les avaient servis. » — « Garçon, s'écria El-Haddjadj, égorge les chameaux et fais manger notre monde (à la manière arabe). » Il sentait bien que de pareilles magnificences étaient au-dessus de ses moyens. Mentionnons ici les cadeaux faits par les Oméiades; chaque cadeau consistait ordinairement en chameaux, selon l'usage des Arabes bédouins. Sous les dynasties des Abbacides, des Fatémides et de leurs successeurs, les dons étaient magnifiques, ainsi que chacun le sait. Ces princes envoyaient à leurs amis des bêtes de somme chargées d'or, des ballots renfermant des objets d'habillement; ils leur donnaient aussi des chevaux richement harnachés.

Les Ketama ignoraient les habitudes du luxe à l'époque où ils eurent affaire aux Aghlebides; en Égypte, les Beni Toghdj3 avaient des mœurs très-simples; les Lemtouna (Almoravides) n'étaient guère avancés dans la civilisation quand ils s'attaquèrent aux petites dynasties qui régnaient en Espagne; il en fut de même des Almohades (avec les Almoravides), ainsi que des Zenata (Mérinides) quand ils combattirent les Almohades, et c'est ainsi que cela se passe toujours *.

Les usages de la vie sédentaire se transmettent de la dynastie qui précède à celle qui la remplace. Les Perses communiquèrent les habitudes du luxe aux Oméiades et aux Abbacides. Les Oméiades espagnols transmirent les usages de la vie sédentaire aux souverains almohades et zenatiens du Maghreb, et ceux-ci les conservent jusqu'à P. 313. ce jour. Les habitudes de la vie à demeure fixe passèrent des

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Abbacides aux Déilémites, puis aux Turcs seldjoukides, puis aux Turcs mamlouks1 d'Égypte, puis aux Tartars dans l'Irac arabique et l'Irac persan. Plus une dynastie est puissante, plus se développent chez elle les usages de la vie sédentaire. En effet, ces usages naissent du luxe; le luxe suit la possession des richesses et du bien-être; ceux-ci s'acquièrent par la conquête d'un royaume et sont (toujours) en rapport avec l'étendue des pays soumis à l'autorité du gouvernement. Le luxe est donc en rapport direct avec la grandeur de l'empire. Examinez ce principe et comprenez-le bien; vous le trouverez exact en ce qui regarde les empires et la civilisation. Dieu est l'héritier de la terre et de tout ce qu'elle porte!

L'aisance du peuple ajoute d'abord à la force de l'empire.

Dans une tribu qui parvient à fonder un empire et à se procurer le bien-être, le nombre des naissances prend un grand accroissement, les liens de parenté se multiplient et le corps de ses guerriers devient plus considérable ainsi que le nombre des affranchis et des clients. La nouvelle génération, élevée au sein de l'opulence, contribue à grossir la force armée, vu qu'à cette époque le nombre des troupes s'accroît avec la population. Quand la première et la seconde génération viennent à s'éteindre, l'empire ressent les premières atteintes de la vieillesse; les clients et les affranchis sont incapables de le soutenir ou d'y maintenir l'ordre, parce qu'ils n'ont aucune part dans les affaires publiques. Au contraire, ils sont devenus une charge et un fardeau 2 pour la nation. D'ailleurs, quand la racine de l'arbre dépérit, les branches, ne pouvant plus se soutenir, tombent et se meurent. La puissance d'aucun empire ne reste invariable. Voyez, | par exemple, ce qui est arrivé au premier empire fondé par les Arabes musulmans. Ce peuple, ainsi que nous l'avons dit, formait, du temps P. 314. de Mohammed et des (premiers) khalifes, une population d'environ cent vingt mille hommes, les uns descendus de Moder et les autres

1

المماليك insérez, الترك Apres le mot

موالى بنى ايوب et supprimer les mots

مونه lisez معونة Pour

avec le manuscrit D, le seul qui donne cette leçon.

de Cahtan. Lorsque la prospérité de l'empire eut atteint son plus
haut degré, l'armée augmenta avec l'accroissement du bien-être gé-
néral; elle se doubla même par l'adjonction des clients et des affran-
chis que les khalifes avaient à leur service. On dit qu'à la prise d'Am-
mouriya' par
El-Motacem, ce prince avait dans son camp neuf cent
mille hommes. On n'est pas éloigné d'admettre l'exactitude de ce
chiffre, quand on pense au grand nombre de troupes que le gouver-
nement employait alors pour la garde de ses frontières les plus rap-
prochées et les plus éloignées, qui s'étendaient depuis l'orient jusqu'à
l'occident. Ajoutez à cela le corps des milices chargé de soutenir le
trône, et celui des affranchis et des clients. « Sous le règne d'El-Ma-
moun, dit Masoudi, on fit le dénombrement des membres d'une seule
famille, celle des Abbacides, afin de leur assigner des pensions, et
l'on trouva qu'elle se composait de trente mille individus, tant hommes
que
femmes. » Voilà comment une famille augmente en moins de deux
cents ans. Cela provient de la prospérité de l'empire et de l'aisance
dont on a joui pendant plusieurs générations; car les Arabes, lors
de leurs premières conquêtes, étaient loin d'être nombreux. Dieu, le
créateur, sait tout!

Indication des phases par lesquelles tout empire doit passer, et des changements qu'elles produisent dans les habitudes contractées par le peuple pendant son séjour dans le désert 2.

Chaque empire passe par plusieurs phases et son état subit diverses altérations. Ces changements influent3 sur le caractère de ceux qui soutiennent l'empire et leur communiquent des sentiments qu'ils ne connaissaient pas auparavant. En effet, le caractère d'un peuple dépend naturellement de la nature de la position dans laquelle il se trouve. Les phases ou changements qui ont lieu dans l'état des emP. 315. pires peuvent ordinairement se réduire à cinq. Dans la première,

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1

Amorium, en Galatie; cette ville fut

2

liser. احوال أهلها في البداوة Pour :

أحوالها وبداوة اهلها 838) 223 prise par les musulmans, l'an

de J. C.).

. ويكتسب,Variante 3

la tribu a obtenu tout ce qu'elle souhaitait1, elle a résisté aux attaques, repoussé ses ennemis, conquis un royaume et enlevé le pouvoir à une dynastie qui l'exerçait avant elle. Pendant la durée de cette phase, le souverain partage l'autorité avec les membres de la tribu; il les associe à sa puissance et travaille avec eux pour faire rentrer les impôts et protéger le territoire de l'empire. Il ne s'attribue exclusivement aucun avantage, car l'esprit de corps, qui avait conduit le peuple à la victoire et qui se maintient encore, l'oblige à borner son ambition. Dans la seconde phase, le souverain usurpe toute l'autorité, il en prive le peuple et repousse les tentatives de ceux qui voudraient partager le pouvoir avec lui. Tant que dure cette phase, il s'occupe gagner par des bienfaits l'appui des hommes influents, à se faire des créatures, à s'attacher des clients et des partisans en grand nombre, afin de pouvoir réprimer l'esprit d'insubordination qui anime sa tribu et ses parents. Bien que tous ces gens soient descendus du même ancêtre que lui et qu'ils aient eu leur part de pouvoir, il finit par les exclure de toute autorité et à les en repousser, afin de se la réserver en entier pour lui-même. La haute position qu'il s'est faite donne à sa famille une influence exceptionnelle; aussi se trouve-t-il dans la nécessité de contenir l'ambition de ses parents, même par l'emploi de la force. Cette tâche est souvent plus difficile que celle de ses prédécesseurs, dont les efforts se bornèrent à conquérir un empire. Ceux-ci n'avaient à combattre qu'un peuple étranger et ils s'étaient. assuré l'aide de toute une population animée d'un même esprit de corps, tandis que maintenant le souverain doit combattre ses proches parents sans avoir d'autres auxiliaires qu'un petit nombre d'étrangers. Il a donc de grandes difficultés à vaincre pour réussir dans le dessein qu'il a formé. La troisième phase est une période de désœuvrement et de repos. Le souverain jouit maintenant des fruits de ses efforts; maître de l'empire, il peut se livrer à la passion qui entraîne les hommes vers la recherche des richesses, qui les porte à laisser des

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monuments durables de leur existence et à se faire une haute reP. 316. nommée. Il consacre ses efforts au soin de faire rentrer les impôts, de bien constater les revenus et les dépenses, de tenir compte de tous ses déboursés et d'employer son argent avec prévoyance. Il fait construire de vastes édifices, des bâtiments immenses, de grandes villes, des monuments énormes. Il comble de dons les chefs de tribu et les grands personnages étrangers qui viennent le complimenter, il enrichit ses parents et prodigue l'or et les honneurs à ses créatures et à ses serviteurs. Il a soin de faire la revue1 de ses troupes et de leur donner régulièrement, chaque mois lunaire, une solde convenable. Aussi voit-on, aux jours de fête, les bons résultats de cette conduite : l'habillement du soldat, son équipement et ses armes, tout est en excellent état. Par la beauté de ses troupes, il excite l'admiration des nations amies et impose à celles qui ont pour lui des sentiments hostiles. Pendant cette phase, le chef de l'état exerce une autorité absolue et agit d'après ses propres inspirations; jusqu'alors il n'avait travaillé que pour la gloire commune et pour tracer un chemin que ses successeurs devaient suivre. La quatrième phase est une période de contentement et de repos. Le souverain se montre satisfait de la gloire que ses prédécesseurs lui ont transmise 2; il vit en paix avec les princes capables de l'égaler ou de rivaliser avec lui en puissance; il imite avec une attention scrupuleuse la conduite de ses prédécesseurs, et, bien convaincu de la grande habileté qu'ils avaient déployée en travaillant pour la gloire de la nation, il croirait se perdre s'il cessait de suivre leur exemple. La cinquième phase amène le gaspillage et la prodigalité. Le souverain dépense en fêtes et en plaisirs les trésors amassés par ses prédécesseurs; il en distribue une partie à ses courtisans sous le titre d'honoraires, et il emploie le reste à maintenir l'éclat de ses réceptions et à s'entourer de faux amis et d'intrigants, auxquels il

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