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C'est en sa qualité d'homme, et non pas en celle d'animal, qu'il peut exercer le commandement et la souveraineté. Or les belles qualités qui existent dans l'homme ont1 un grand rapport à la faculté de gouverner et d'administrer, car il y a une relation intime entre le bien et le droit de commander. Nous avons déjà mentionné que la gloire et la puissance 2, pour être réelles, doivent avoir l'esprit de tribu et de famille pour racine et les nobles qualités pour branches, servant à les rendre parfaites. Or, puisque la souveraineté est le terme auquel aboutit l'esprit de corps3, elle est aussi le terme où s'arrêtent les influences secondaires, c'est-à-dire, les nobles qualités qui servent à le compléter. Sans ces qualités complémentaires, l'esprit de corps serait comme l'homme à qui on aurait coupé les bras et les jambes, ou qui paraîtrait au milieu du peuple dans un état de nudité complète. Une maison illustre qui conserverait son esprit de corps sans se distinguer par des qualités louables ne jouirait d'aucune considération; jugez donc ce qui en serait d'une famille semblable qui exercerait la souveraineté, but auquel la puissance et la renommée l'auraient conduite.

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D'ailleurs le commandement et la souveraineté ont été institués pour la protection des hommes, pour représenter sur la terre l'autorité de Dieu, et pour exécuter ses ordonnances. Or le Seigneur, dans toutes ses décisions, a en vue le bien de ses créatures et leur bonheur, fait dont la loi divine est une preuve suffisante. Les déci- P. 260. sions qui amènent le mal proviennent de l'ignorance et du démon, qui cherche toujours à contrarier la puissance et les desseins de la Providence. C'est Dieu qui est l'auteur, non-seulement du bien, mais du mal, et qui les répartit selon sa volonté; aucun agent n'existe, excepté lui. Un homme qui possède un parti assez fort pour lui assurer la puissance et qui déploie les vertus requises dans les individus.

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qui ont à gouverner les autres selon les lois de Dieu, cet homme
est tout à fait digne de représenter la Providence sur la terre et de
veiller au bonheur des mortels. L'argument que nous présentons ici
est meilleur
que le précédent et s'offre sous une forme plus claire.

De ce que nous venons d'exposer, il résulte que, si un homme a pour soutien un parti très-puissant, les nobles qualités dont il donnera des preuves témoigneront de son aptitude à fonder un empire. Si nous examinons l'histoire des chefs de parti qui ont subjugué des peuples et conquis des royaumes, nous trouverons toujours chez eux le désir de s'illustrer par les qualités les plus honorables. Ils se montrent généreux; pleins d'indulgence pour les fautes d'autrui; toujours prêts à soutenir les faibles, à bien accueillir leurs hôtes, à soulager les opprimés et à procurer (aux pauvres) ce qui (leur) manque 1; patients dans l'adversité; fidèles à leurs promesses; prodigues d'argent pour la défense de leur honneur et pour la gloire de la religion; pleins d'égards et de considération pour les savants (uléma), qui sont les soutiens de la foi; se réglant, dans leur conduite 2, d'après les prescriptions de ces docteurs; plaçant une grande confiance dans les hommes religieux et croyant que la présence des dévôts et leurs prières portent bonheur; pleins de modestie en la présence des vieillards, les traitant avec un profond respect; toujours prêts à satisfaire aux réclamations, à rendre justice aux faibles, même à ceux qui auraient à se plaindre d'eux; prodiguant leur argent pour le soulagement des malheureux; écoutant les supplications des opprimés; se conformant aux prescriptions de la loi divine; remplissant tous les devoirs de la religion, qu'ils soutiennent de toutes les manières; s'abstenant de la P. 261, fraude, des ruses, des perfidies et des actes de mauvaise foi. (A ce tableau) nous pourrions ajouter encore d'autres traits. On reconnaît à cette description des hommes faits pour commander, non-seulement à leur propre peuple, mais au monde. Cette disposition heureuse leur vient de la part de Dieu et se règle d'après la force de leur patrio

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fisme et l'étendue de leur ambition. La souveraineté ne leur arrive pas par hasard ou par un jeu de la fortune; de tous les biens et de toutes les dignités, elle seule convient le mieux à l'esprit qui les anime. Cela montre que Dieu leur avait destiné l'empire et les y avait conduits. D'un autre côté, lorsque Dieu veut renverser un empire, il porte les chefs à commettre des actes blâmables, à contracter des qualités ignobles et à suivre le sentier de l'erreur. Alors: la dynastie régnante perd toutes les vertus qui l'avaient rendue digne du commandement; elle tombe en décadence et finit par perdre l'empire. Une autre famille la remplace dans l'exercice du pouvoir et rappelle, par sa présence, que Dieu avait enlevé, à ceux qui gouvernaient auparavant, l'empire et les biens qu'il avait daigné leur accorder: « Et lorsque nous voulûmes détruire une cité, nous adressâmes nos ordres à ceux qui y vivaient dans le luxe, et ils s'empressèrent d'y commettre des abominations; ainsi se trouva justifiée notre sentence, et nous détruisîmes la ville de fond en comble. » (Coran, sour. XVII, vers. 17.) Si le lecteur veut en chercher des exemples dans l'histoire des peuples anciens, il trouvera de quoi démontrer l'exactitude de nos assertions. « Dieu crée ce qui lui plaît et il choisit (à son gré).» (Coran, sour. XXVIII, vers. 68.) Les qualités qui donnent la perfection (au caractère d'un homme), et que les tribus douées d'esprit de corps recherchent dans un chef, se laissent reconnaître aux égards dont il honore les savants, les hommes saints, les descendants du Prophète, les personnes respectables, les négociants des diverses classes et les étrangers, dont il traite chacun selon ses mérites. C'est donc par un sentiment naturel que les familles et les tribus animées de cet esprit s'empressent d'honorer les gens qui les égalent en noblesse ou qui rivalisent avec elles par la puissance de leur famille et par l'étendue de leur renommée. Ces té- P. 262. moignages de respect s'accordent, en général, par le désir de s'illustrer, ou par la crainte d'offenser la famille de la personne qu'on vient d'accueillir, ou bien dans l'espoir de recevoir d'elle un traitement aussi bienveillant dans une autre occasion.

Quant aux personnes qui n'ont pas une puissante famille pour se faire respecter, et desquelles on ne peut espérer aucun avantage pour soi, elles doivent évidemment tout traitement honorable à l'amourpropre de la famille qui les accueille : elle veut se faire une belle réputation, montrer qu'elle possède les qualités les plus parfaites et se rapprocher davantage (de son but), la domination universelle. Avoir des égards pour ses égaux et ses compétiteurs est un devoir pour celuiqui veut régler les rapports qui existent entre les autres tribus et la sienne1. Honorer les étrangers qu'on reçoit et qui se distinguent par leur mérite et par leurs talents indique qu'on possède tout ce qu'il faut pour régner sur une grande nation. Un chef puissant traite avec bonté les hommes distingués par la sainteté de leur vie, parce qu'il veut montrer son respect pour la religion; il reçoit avec honneur les savants docteurs, parce qu'il a besoin d'apprendre de leur bouche les prescriptions de la loi; il fait un bon accueil aux négociants pour les encourager et pour faire jouir le peuple des avantages que procure le commerce; il protége les étrangers par générosité, ou parce qu'il a des motifs pour les attirer; enfin il traite tous les hommes selon les règles de l'équité, c'est-à-dire, avec justice. La tribu qui, par esprit de corps, agit de la sorte, se montre digne d'exercer une domination étendue, c'est-à-dire, l'autorité souveraine. Dieu a permis que les nobles qualités des tribus se manifestassent par ces signes extérieurs; aussi, quand il veut enlever à un peuple la puissance et l'empire, il commence par lui faire perdre l'envie d'honorer les personnes appartenant aux classes que nous venons de signaler. Toutes les fois qu'on verra un peuple répudier cette noble habitude, on peut être assuré que ses bonnes qualités commencent à disparaître et l'on doit s'attendre à la chute de son empire. Quand Dieu veut du mal à un peuple, rien ne pourra l'empêcher.» (Coran, sour. XIII, vers. 12.)

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Les peuples les moins civilisés font les conquêtes les plus étendues.

P. 263.

Nous avons déjà dit que les nations à demi sauvages ont tout ce qu'il faut pour conquérir et pour dominer. Ces peuples parviennent à soumettre les autres, parce qu'ils sont assez forts pour leur faire la guerre et que le reste des hommes les regarde comme des bêtes féroces. Tels sont les Arabes, les Zénata et les gens qui mènent le même genre de vie, savoir, les Kurdes, les Turcomans et les tribus voilées (les Almoravides) de la grande famille sanhadjienne. Ces races peu civilisées, ne possédant pas un territoire où elles puissent vivre dans l'abondance, n'ont rien qui les attache à leur pays natal; aussi toutes les contrées, toutes les régions leur paraissent également bonnes. Ne se contentant pas de commander chez elles et de dominer sur les peuples voisins, elles franchissent les limites de leur territoire, afin d'envahir les pays lointains et d'en subjuguer les habitants. Que le lecteur se rappelle l'anecdote du khalife Omar. Aussitôt qu'il fut proclamé chef des musulmans, il se leva pour haranguer l'assemblée et les vrais croyants à entreprendre la conquête de l'Irac. « Le Hidjaz, leur disait-il, n'est pas un lieu d'habitation; il ne convient qu'à la nourriture des troupeaux; sans eux, on ne saurait y vivre. Allons, vous autres qui, les derniers, avez émigré de la Mecque, pourquoi restez-vous si loin de ce que Dieu vous a promis? Parcourez donc la terre; Dieu a déclaré, dans son livre, qu'elle serait votre héritage. Il a dit : « Je le ferai afin d'élever votre religion au-dessus de toutes les autres, et cela malgré les infidèles.» (Coran, sour. ix, vers. 33.) Voyez encore les anciens Arabes, tels que les Tobba (du Yémen) et les Himyérites; une fois, dit-on, ils passèrent du Yémen en Mauritanie et, une autre fois, en Irac et dans l'Inde. Hors de la race arabe, on ne trouve aucun peuple qui ait jamais fait de pareilles courses. Remarquez encore les peuples voilés (les Almoravides); P. 264. voulant fonder un grand empire, ils envahirent la Mauritanie et étendirent leur domination depuis le premier climat jusqu'au cinquième; d'un côté, ils voyaient leurs lieux de parcours toucher au

pousser

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