tagnes et de celles des Babors, qui défient le peu de forces dont peuvent disposer les commandants romains, ils se réunissent aux Babares, se précipitent sur les confins de la Mauritanie et de la Numidie, en remontant la vallée de l'Oued-Deheb, et portent le pillage jusque dans la plaine des Eulma, pendant que les tribus fraxiniennes (qui semblent avoir légué leur nom aux Beni-Fraoucen du Jurjura), qui, pour diviser les forces des Romains, n'ont pas rejoint le gros de l'insurrection, se répandent dans les montagnes d'Aumale et dans la Medjana, se font battre par Gargilius et laissent Faraxen, leur chef, entre ses mains. Après avoir balayé les bandes fraxiniennes, Gargilius se remet en marche, à travers la Sitifienne, pour joindre ses troupes à celles du légat accouru de Lambèse avec la troisième légion Anguste et tous les corps auxiliaires disponibles. Les Babares tentent d'empêcher la jonction de Gargilius avec Macrinus; ils le font tomber dans une embuscade et lui ôtent la vie. Il ne put donc prendre part aux succès du légat contre les Quinquegentiens et les Babares. En l'année 292, la région sitifienne venait d'être détachée de la Mauritanie césarienne et constituée en province distincte. On avait voulu concentrer l'administration et la force presque au milieu du foyer de la sédition, afin d'en avoir raison plus promptement. Les Babares, surveillés de plus près, n'osèrent peutêtre pas éclater en révolte ouverte; mais les Quinquegentiens, fidèles à leurs habitudes d'insubordination, et qui avaient mieux conservé l'esprit de nationalité et d'indépendance, renouvelèrent, si toutefois ils les avaient interrompus, leurs actes de brigandage sur les terres des colons romains et parvinrent à pousser au loin le feu de l'insurrection. Cette fois, les gouverneurs et les forces dont ils disposaient furent impuissants pour dompter le mouvement. Maximilien Hercule fut obligé de venir, en 297, combattre en personne ces fiers montagnards. Les panégyristes et les chroniqueurs ne nous fournissent aucun détail sur ces événements, qui durent cependant agiter très-vivement la frontière occidentale de la Mauritanie sitifienne (1). En l'an 371, sous le règne de l'empereur Valentinien, une nouvelle révolte éclatait dans le pays compris entre Setif et Bougie. Firmus, chef puissant des tribus mauritaniennes, poussé par des motifs de haine personnelle contre le comte Romanus, qui avait cherché à le perdre dans l'esprit de l'empereur, se révolta et entraîna dans son parti de nombreuses tribus. D'après quelques écrivains, on soupçonne même que Firmus prit la pourpre et se fit proclamer empereur, après avoir livré au pillage la ville opulente de Césarée (Cherchel). Ces hardis commencements inspirèrent à Valentinien une vive inquiétude, et il envoya, pour châtier le rebelle, le meilleur de ses généraux, le comte Théodose. Théodose partit sans bruit de la ville d'Arles, avec une petite flotte, et vint aborder à Igilgili, où il trouval le comte Romanus. De là, il se porte sur Setif dont il fait son premier centre d'opérations. L'aspect du pays et de l'ennemi le préoccupe, et, l'esprit rempli d'incertitude, il (1) Voir le travail de M. Poulle: A travers la Mauritanie sitifienne (Recuell archéologique de Constantine, année 1863), s'efforce de trouver par quels moyens il pourra manœuvrer sur cette terre, que l'ardeur du soleil a brûlée, avec des soldats accoutumés aux frimas du Nord; comment il parviendra à surprendre un ennemi agile et insaisissable, combattant plutôt par surprises qu'en batailles rangées. Examinons la conduite de Théodose au milieu de tous ces obstacles. D'abord, Firmus s'efforce de suspendre les hostilités jusqu'aux pluies, en amusant Théodose par des propositions de paix. Mais c'est en vain. Le général romain ne perd pas de temps, et, sans chercher à déméler ce qu'il y a de sincère dans les tentatives de son adversaire, il pénètre vivement dans les montagnes kabiles, frappe des coups décisifs, ravage la contrée et sc décide à écouter alors les paroles de Firmus. Il avait compris du premier coup le génie de cette guerre, qui consiste å frapper de terreur les populations indigènes par la soudaineté des marches et la terreur des attaques inopinées. Firmus, affaibli par deux combats, entame de sérieuses négociations et se sert de prêtres chrétiens pour amener Théodose à un accommodement. Celui-ci consent à une entrevue. Firmus, plein de défiance, parait sur un cheval sur la vitesse duquel il peut compter; mais, à la vue de Théodose, frappé de l'éclat de ses insignes et de la majesté de son visage, il est rassuré, met pied à terre, s'incline et reconnait sa faute en implorant son pardon. Théodose lui donne le baiser de paix à la condition qu'il restituera les prisonniers qu'il a faits, ses trésors et son butin; enfin, qu'il fournira des vivres à l'armée romaine. Deux jours après, Firmus exécute ces conditions; à ce prix, il arrête Théodose, obtient du temps et peut préparer de nouvelles perfidies. Bientôt, Théodose apprend que son ennemi a trahi sa foi et se dispose à le surprendre. Il entre de nouveau en campagne, pénètre, à plusieurs reprises, sur le territoire des Isafliens et pousse même jusque chez les Jubalènes, où était né Nubel, père de Firmus (1). Il dissipa successivement tous ses ennemis; mais, rebuté par l'âpreté du pays, la hauteur des montagnes, craignant d'être surpris dans ces gorges et ces défilés, il revint à Auzia (Aumale), et, de là, à Castellum Médianum, que l'analogie des noms a fait identifier à Bordj-Medjana. Igmazen, roi des Isafliens, apprenant que Théodose, toujours à la poursuite de Firmus, entrait de nouveau en campagne et pénétrait sur ses terres, vint à sa rencontre, et lui demanda, d'un air insultant, son nom et l'objet de sa venue. Je suis, lui dit le comte, d'un ton imposant et dédaigneux, je suis le général de Valentinien, monarque de l'univers; il m'envoie ici pour poursuivre et punir un brigand sans ressources. Remets-le à l'instant entre mes mains, et sois assuré que si tu n'obéis pas au commandement de mon invincible souverain, toi et ton peuple vous serez entièrement exterminés. » Igmazen ne répondit que par des injures, et se retira furieux. Le lendemain, les deux armées en venaient aux mains et combattaient toute la journée. Vers le soir, Firmus se montra, monté sur un puissant cheval, revêtu d'un éclatant manteau de pourpre, et on l'entendit appeler à grands cris les soldats romains à la défection et accabler Théodose d'outrages, lui reprochant sa cruauté (1) Ces tribus habitaient la région montagneuse du massif du Jurjura et la vallée de l'Oued-Sabe! de Bougie. envers les siens et les supplices qu'il avait inventés pour les punir. La nuit mit fin à cette journée, la plus sérieuse de toute la guerre, et Théodose rentra dans ses cantonnements à Setif. I signala sa présence dans cette ville par un acte de justice que les populations attendaient depuis longtemps, en faisant périr par les flammes Castor et Martinianus, deux complices des exactions de Ro manus. Peu de temps après, il envahit, pour la troisième fois, le territoire des Isafliens. Igmazen, épouvanté, eut une entrevue avec Théodose et lui parla de paix; celui-ci déclara qu'il n'y aurait de paix que du jour où Firmus, cause et prétexte de cette guerre, lui serait livré. Igmazen réfléchit longtemps sur la conduite qu'il devait tenir. Enfin il se décida à livrer Firmus, et il faut croire qu'une somme d'argent promise fut un puissant argument en faveur de Théodose. A cause de l'attachement que les indigènes ont pour Firmus, Igmazen a recours à un moyen rare et curieux pour le livrer. If engage à dessein avec Théodose plusieurs combats dans lesquels les Isafliens doivent être vaincus et se détacher par là de Firmus, qui commence à leur être à charge. Celui-ci n'ayant plus rien à espérer de ces peuples, veut s'enfuir dans des contrées plus éloignées; mais il s'aperçoit que, gardé à distance, il n'a plus la liberté de fuir. La prudence lui conseille la ruse; il feint d'avoir pris son parti, et, profitant du sommeil de ses gardiens, il s'éloigne avec précaution, rampant, dit Ammien, plutôt qu'il ne marchait, et, quand il fut arrivé dans un lieu retiré, il se pendit. Igmazen gémit en secret de n'avoir pu offrir à Théodose qu'un cadavre; telles n'étaient probablement pas |