Depuis, sur les indications du capitaine Capdepont, chef de l'annexe de Takitount, M. l'Ingénieur de l'Épinay étudia le tracé d'une nouvelle route définitive qui est aujourd'hui à la veille d'être achevée. Celle-ci passe par te Chabet-el-Akhera dans une gorge granitique d'un effet pittoresque des plus curieux, et aboutit au littoral en longeant la vallée de l'Oued-Aguerioun, à travers une région ravissante couverte de bois et de forêts splendides. Elle offre, sur les anciennes routes, le double avantage d'être d'abord plus courte, puisque Setif ne sera plus qu'à soixante-douze kilomètres de la mer, et ensuite de se maintenir beaucoup moins longtemps dans la région où les neiges peuvent interrompre la circulation. Cette voie de communication intéresse Bougie et Setif au même degré; elle rendra son ancienne importance au port qui servira de débouché à toutes les denrées des plaines fertiles de Setif, de la Medjana et du Hodna. La grande artère qui doit relier Constantine à Alger, dont les travaux sont en cours d'exécution, traverse la ville de Setif (1); de là, elle se dirige sur Bordj-bou-Areridj, passe les Biban ou Portes de fer et arrive à Aumale dans la province d'Alger. La ville est aujourd'hui entourée d'un mur d'enceinte percé de trois portes d'Alger, de Biskra et de Constantine. De larges rues tracées régulièrement, avec leurs trottoirs bordés d'arbres, la coupent en damier. On compte quatre places du Marché, de l'Église, Barral ou (1) La distance de Constantine à Setif est de cent trente kilomètres. Sur son parcours, la route qui relie ces deux villes traverse les villages d'Aïn-Semara, Oued-Atmenia, Saint-Donat et Saint-Arnaud. du Tremble et du Théâtre (1). Cette dernière est encadrée de bâtiments construits à peu près uniformément, garnis de hautes arcades pour mettre le promeneur à l'abri du soleil ou de la pluie. Au centre, il y a une belle fontaine monumentale jaillissant sur quatre faces. Elle est, de plus, entourée par le bâtiment du bureau arabe, par des magasins, des cafés et des bazars, et enfin par la mosquée, coquet édifice orné d'arabesques, dont le mina1et domine toute la ville et les environs. De nombreux magasins, très-bien approvisionnés de tout ce qui est nécessaire à l'Européen, y rendent la vie aussi facile que dans une ville de France. Le quartier militaire, construit sur la partie la plus élevée du plateau, est séparé de la cité par un mur d'enceinte. Il renferme de grandes casernes pour l'infanterie et un quartier de cavalerie avec de belles et vastes écuries. L'hôpital est également ès-bien installé et peut contenir un millier de lits. Outre une garnison permanente de trois inille hommes environ, la ville est habitée par près de quatre mille ames, par plusieurs centaines d'israélites et par quelques indigènes musulmans. En dehors de la porte d'Alger, la grande route est bordée, de chaque côté, par un boulevard à double rangée de mûriers d'une très-belle venue. Sur la droite, il y a une promenade publique un peu plus élevée que l'allée et parallèle sur toute sa longueur. Elle est ombragée par plusieurs espèces d'arbres, telles que frênes, mûriers, acacias, etc. C'est là que l'on a placé toutes les antiquités romaines de quelque valeur, parmi lesquelles, au bout (1) Ce nom lui vient du théâtre que les soldats de la garnison avaient organisé il y a quelques années. d'une large allée, au milieu d'un rond-point, l'armée a érigé une haute colonne surmontée du buste en marbre du duc d'Orléans, en souvenir de son expédition aux Portes de fer. En prenant la gauche de la route d'Alger, on trouve des oasis délicieuses. Au bout de la promenade, est un établissement de bains. De là, on descend une longue allée de peupliers, de chaque côté de laquelle sont de vastes jardins potagers. On a ensuite, devant soi, la pépi nière; il serait superflu ici de citer toutes les plantes rares et les arbustes qui en font l'ornement. C'est l'Europe qui a fourni les plus beaux échantillons d'arbres; mais on peut dire que la terre qui les a reçus les a trai tés en enfants gâtés; elle en fait des géants en quelques années. Le territoire de Setif est situé à onze cents mètres audessus du niveau de la mer; cette altitude lui donne un climat qui a beaucoup d'analogie, quant à l'hivernage, avec celui de la partie moyenne de la France, quoique sensiblement plus chaud pendant l'été. Ce climat convient parfaitement aux arbres fruitiers à feuilles caduques, qui donnent sur ce point des fruits abondants et délicieux. Si nous consultons l'antiquité pour préjuger l'avenir réservé à Setif, nous serons complétement rassurés, nonseulement par le développement que cette ville avait pris sous les Romains, mais encore par le grand nombre de ruines importantes qui sont répandues à une grande distance et dans toutes les directions. L'influence qu'elle a dû exercer à cette époque ne s'est pas effacée; sa position géographique, au point de rencontre des communications de Constantine à Alger, et de Bousaâda, de la Me djana, du Hodna et de Bougie, et les richesses en céréales de la plaine dans laquelle elle est située, la lui ont main tenue. C'est encore à son marché, qui se tient régulièrement à la porte de la ville, l'un des plus considérables de l'Algérie, que les Berbères de la montagne et les Arabes de la plaine, depuis le littoral jusqu'aux Ziban, se donnent rendez-vous pour venir échanger leurs produits. On peut évaluer à huit ou dix mille âmes la population qui s'y rencontre chaque dimanche des mois d'août, septembre et octobre et qui y met en vente, en grande quantité, du blé, de l'orge, des fruits, de l'huile, du savon, du miel, de la cire, des cuirs, des laines, des matières tinctoriales, des caroubes, du sel, des bestiaux, des bêtes de somme. et des chevaux. Ajoutons à ce puissant élément de prospérité les avanlages d'un climat dont la salubrité est proverbiale; des eaux excellentes, on pourrait presque dire célèbres pour nous servir de l'expression arabe, et du voisinage d'une population indigène laborieuse. Nous devons tenir compte, en même temps, des ressources qui sont offertes par la forêt de cèdres du Bou-Taleb, distante, il est vrai, de seize à dix-sept lieues de la place, mais dont le trajet, constamment en plaine, est facile à parcourir pour les voitures, et des mines de plâtre, de plomb ou de fer qui sont en exploitation; dans la montagne du Magris sont de belles carrières de pierre; on y voit encore des monolithes ébauchés par les ouvriers romains. La création d'un centre de population civile à Setif date du 11 février 1847; un commissariat civil y fut installé en 1851; la constitution de la commune est du 17 juin 1856. Le commissariat civil devint sous-préfecture en 1858. Setif est enfin le siége d'un tribunal de première instance depuis 1860. Par décret du 26 avril 1853, une concession de vingt mille hectares de terres a été accordée à une compagnie genevoise en vue de hàter la colonisation européenne. autour de Setif. Cette compagnie a créé plusieurs villages, entre autres ceux d'Aïn-Arnat, d'El-Ouricia, de Bouhira, de Mahouan, de Messaoud, d'El-Harmelia et quelques fermes importantes. La population européenne qui exploite ce territoire s'élevait, au 31 décembre dernier, à quatre cent cinq âmes, et les indigènes installés comme locataires ou employés, au chiffre de deux mille sept. cents individus environ 1. En résumé, la colonisation occupe aujourd'hui, autour de Setif, une superficie territoriale d'environ quarantesix mille hectares, sur lesquels s'élèvent encore les villages de Fermatou, Khalfoun, Mesloug, Aïn-Sefia et ElAnasser. Sur la route de Constantine sont ceux de SaintArnaud et de Saint-Donat. Le cercle de Setif, qui confine aux cercles de Bougie et de Gigelli au nord, à l'est à ceux de Constantine et de Batna, au sud à celui de Batna et à l'ouest à celui de Bordj-bou-Areridj, forme un quadrilatère un peu allongé vers le nord-ouest, qui mesure environ trente lieues du nord au sud et à peu près la même longueur de l'est à l'ouest. Cette portion du pays a une constitution physique qui participe de celle de toute l'Algérie. (1) Les rapports annuels, publiés par les soins de la Compagnie genevoise, renferment des renseignements statistiques très-curieux a consulter. |